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25/06/2024 | FRANCE | N°21/08535

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 25 juin 2024, 21/08535


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 25 JUIN 2024



(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08535 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEP4H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08738



APPELANT



Monsieur [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

né le 21 Avril 1981 à [Lo

calité 8]



Représenté par Me Marianne AUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1025



INTIMEE



S.A.S. REDPILL

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 25 JUIN 2024

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08535 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEP4H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08738

APPELANT

Monsieur [B] [U]

[Adresse 3]

[Localité 4]

né le 21 Avril 1981 à [Localité 8]

Représenté par Me Marianne AUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1025

INTIMEE

S.A.S. REDPILL

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Madame Isabelle LECOQ CARON Présidente de chambre

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES 

M. [B] [U], après avoir travaillé en free-lance pour la S.A.S. RedPill depuis le 24 juillet 2017 a été engagé par la même société, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2017 en qualité de directeur stratégie, statut cadre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale SYNTEC.

Début octobre 2017, un avenant au contrat de travail ainsi qu'une convention de transfert tripartite entre M. [U], la société RedPill et la société RelevanC ont été signés.

Par courrier du 6 février 2018, M. [U] a demandé sa réintégration anticipée au sein de la société RedPill et une nouvelle convention de transfert tripartite a été, après acceptation des dirigeants de la société RedPill, signée le 26 février 2018, avec effet au 1er mars 2018.

Par lettre datée du 19 septembre 2018, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 septembre 2018.

M. [U] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 2 octobre 2018 motifs pris d'un « échec de son intégration au sein de la société Relevanc / échec du projet Verspieren / manque d'implication et d'engagement / absences injustifiées / absence de consultation des fichiers clients / présentation au bureau sur un mauvais site / manque d'implication et légèreté de comportement dans le projet Azimut ».

 

A la date du licenciement, M. [U] avait une ancienneté d'un an, et la société RedPill occupait à titre habituel moins de onze salariés.

 

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, notamment pour heures supplémentaires, M. [U] a saisi le 1er octobre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 20 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- fait droit à la demande d'incompétence sur le rappel de salaire pour la période du 20 juillet 2017 au 4 septembre 2017,

en conséquence,

- se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris seulement sur ce chef de demande,

- fixe le salaire moyen de M. [U] à la somme de 16 666,67 euros bruts,

- requalifie le licenciement de M. [U] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 16 666,67 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 166,67 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 1000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- 12 405,46 euros à titre de rappel de salaire fixe,

- 1240,55 euros de congés payés afférents,

- 47 642,28 euros à titre de rappel de salaire variable,

- 4764,23 euros de congés payés afférents,

- 50 000 euros d'indemnité de préavis,

- 5000 euros de congés payés afférents,

- 4500 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 4909,88 euros de congés payés non pris, non indemnisés dans le solde de tout compte,

- 2160 euros de rappel de primes de vacances,

- 216 euros de congés payés afférents,

- 589,65 euros au titre des notes de frais non remboursés,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- condamne la société RedPill à verser à M. [U] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne à la société RedPill de remettre à M. [U] des documents légaux conformes au jugement,

- ordonne l'exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- ordonne la capitalisation des intérêts,

- déboute M. [U] du surplus de ses demandes,

- déboute la société RedPill de ses demandes et la condamne aux dépens.

 

Par déclarations du 12 octobre 2021 et 27 octobre 2021, la société RedPill et M. [B] [U] ont interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 29 septembre 2021.

 

Par une ordonnance du 21 juillet 2023, la jonction des affaires 21/08918 et 25/08535 a été prononcée.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 mars 2024, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 20 septembre 2021,

sur la demande de rejet des pièces formulées par la société RedPill,

- juger que la demande n'est pas fondée, débouter la société RedPill,

sur la baisse de rémunération imposée par l'employeur pour la période 01/03/2018 ' 3/10/2018,

- juger que la société RedPill ne pouvait pas baisser la rémunération de manière unilatérale,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 12 405,46 euros, correspondant à des rappels de salaires sur la période,

- 1 240,55 euros, à titre de rappel d'indemnité de congés payés afférents,

sur le rappel de rémunération variable due pour la période 01/03/2018 ' 3/10/2018,

- juger que l'employeur n'a pas fixé d'objectifs, contrairement aux stipulations du contrat de travail,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 47 642,28 euros, correspondant à la rémunération variable pour la période mars 2018 ' 3 octobre 2018,

- 4 764,23 euros, à titre de rappel d'indemnité de congés payés afférents,

sur le non-respect de la procédure de licenciement,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 4 166,67 euros,

sur les congés payés non pris, non indemnisés dans le solde de tout compte,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 4 909,88 euros,

sur les frais irrépétibles exposés dans le cadre de la première instance,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 1000 euros,

- infirmer le jugement du 20 septembre 2021, statuant à nouveau :

sur le rappel d'heures supplémentaires effectuées entre le 4/09/2017 et le 30/09/2018,

- juger que M. [U] ne remplit pas les conditions du statut de cadre dirigeant,

à titre principal,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 46 794,98 euros, correspondant au rappel d'heures supplémentaires,

- 4 679,50 euros, à titre de rappel d'indemnité de congés payés afférents,

à titre subsidiaire,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 26 569,79 euros, correspondant au rappel d'heures supplémentaires,

- 2 656,98 euros, à titre de rappel d'indemnité de congés payés afférents,

sur le non-respect du repos compensateur,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 9 148,15 euros, à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos compensateur,

sur la prime de vacances,

à titre principal,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 2 535,55 euros de rappel de prime de vacances,

- 253,56 euros d'indemnité de congés payés afférents,

à titre subsidiaire,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 2 547,47 euros de rappel de prime de vacances,

- 254,74 euros d'indemnité de congés payés afférents,

sur le salaire mensuel moyen,

à titre principal : fixer le salaire moyen à 19 504,24 euros,

à titre subsidiaire, fixer le salaire moyen à 19 595,91 euros,

sur l'indemnité de travail dissimulé,

à titre principal,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 117 025,45 euros,

à titre subsidiaire,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 117 575,46 euros,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société RedPill à verser 5 000,05 euros de dommages-intérêts,

sur le non-respect des durées maximales de travail et de temps de repos,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire,

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale journalière,

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect du droit à la déconnexion,

sur le licenciement,

à titre principal (salaire moyen : 19 504,24 euros),

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 58 512,72 euros de rappel d'indemnité de préavis,

- 5 851,27 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 5 263,47 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 350 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 58 787,73 euros de rappel d'indemnité de préavis,

- 5 878,77 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 5 290,90 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 39 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sur la perte de chance de bénéficier de l'année blanche,

- condamner la société RedPill à payer à M. [U] 35 000 euros de dommages-intérêts,

sur les notes de frais non remboursés,

- condamner la société RedPill à payer à M. [U] 4 621,01 euros,

sur la remise tardive des documents de fin de contrats

- condamner la société RedPill à verser à M. [U] 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de percevoir des indemnités chômage,

sur les autres demandes,

- condamner la société RedPill à délivrer des bulletins de paie corrigés, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard, à compter de la date de signification de la présente décision plus huit jours calendaires,

- condamner la société RedPill à une astreinte de 1000 euros par jour de retard de paiement de l'intégralité des condamnations, à compter de la signification de la présente décision plus huit jours calendaires,

- se réserver la liquidation des astreintes,

- juger que les sommes correspondant à du salaire produiront intérêts à compter du 15 octobre 2019,

date de réception de la convocation à l'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation, les autres sommes de dommages-intérêts produiront intérêts à compter de la date de la présente décision,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société RedPill au paiement d'une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

- condamner la société RedPill aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution forcée.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mars 2024, la société RedPill demande à la cour de :

- déclarer M. [U] non fondé en son appel,

- déclarer la société RedPill recevable et bien fondée en son appel incident,

et statuant à nouveau :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de paris en ce qu'il a :

- fixé le salaire moyen de M. [U] à la somme de 16 666, 67 euros bruts,

- requalifié le licenciement de M. [U] en licenciement sans cause réelle, et sérieuse,

- condamné la société RedPill à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 16 666,67 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 166,67 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 1 000,00 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- 12 405,46 euros à titre de rappel de salaire fixe,

- 1 240,55 euros de congés payés afférents,

- 47 642,28 euros à titre de rappel de salaire variable,

- 4 764,23 euros de congés payés afférents,

- 50 000,00 euros de rappel d'indemnité de préavis,

- 5 000,00 euros de congés payés afférents,

- 4 500,00 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 4 909,88 euros de congés payés non pris, non indemnisés dans le solde de tout compte,

- 2 160,00 euros de rappel de primes de vacances,

- 216,00 euros de congés payés afférents,

- 589,65 euros au titre des notes de frais non remboursés,

- avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- condamné la société RedPill à verser à M. [U] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société RedPill de remettre à M. [U] des documents légaux conforme au jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation des intérêts et en ce qu'il a débouté la société RedPill de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux dépens,

rejugeant à nouveau,

- écarter des débats les pièces adverses numérotées en 1ère instance 18, 19, 21, 22, 46 et 47,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

- fixer à la somme de :

- 8.333,33 euros le salaire mensuel brut de M. [U],

- 8.049,51 euros salaire moyen des 6 derniers mois (avril-septembre 2018) de M. [U],

- 7.487,92 euros le salaire moyen des 3 derniers mois de M. [U],

- condamner M. [U] à payer à la société RedPill la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- confirmer le jugement pour le surplus,

en tout état de cause,

- condamner M. [U] à payer à la société RedPill la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner M. [U] en tous les dépens. 

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mai 2024.

 

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE , LA COUR :

 

Sur la demande de rejet de pièces formée par la société RedPill

Pour ajout du jugement déféré, les premiers juges ayant omis de statuer sur cette demande, la société RedPill demande à la cour d'écarter les pièces 18,19,21,22,46 et 47 produites en première instance par M. [U] constituées de courriels qu'il ne peut raisonnablement prétendre avoir obtenu à l'occasion de ses fonctions puisqu'il n'en était pas destinataire ni même informé en copie.

Pour s'opposer à cette demande, M. [U] fait valoir que ces pièces sont essentielles à sa défense afin de démontrer que son licenciement a été monté de toutes pièces en précisant que l'atteinte est proportionnée puisque ces pièces démontrent la parfaite mauvaise foi de l'employeur.

Il est constant que les pièces litigieuses dont il est demandé le retrait sont des courriels échangés entre les principaux dirigeants de la société RedPill, M. [O], PDG, Mme [K], Directrice générale, M. [X], directeur financier et Mme [N], chief executive officer dont M. [U] n'a pas été destinataire ni directement ni en copie. Il n'est pas contesté qu'il n'en a pas eu connaissance à l'occasion de ses fonctions.

Il résulte de la lecture de ces courriels que ceux-ci concernent les conditions du licenciement à envisager de M. [U].

Il est de droit que l'illicéité d'un moyen de preuve, n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect des intérêts de la société et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte aux intérêts de la société à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, c'est à juste titre que le salarié fait valoir que la production de ces pièces, dont il n'était en effet pas destinataire, est essentielle à sa défense notamment pour contester son licenciement qu'il estime monté de toutes pièces et que l'atteinte est proportionnée au but poursuivi.

La cour en déduit qu'il n'y a pas lieu d'écarter les pièces litigieuses et rejette la demande de la société RedPill à ce titre.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de rappel de salaire

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill fait valoir que si elle a accepté à titre exceptionnel de reprendre M. [U], il a été convenu qu'en raison des difficultés économiques qu'elle rencontrait, sa rémunération serait réduite à 100 000 euros par an soit 8 333 euros par mois sans que ce dernier ne s'en étonne ou ne le conteste.

Pour confirmation de la décision, M. [U] réplique que la société a appliqué une baisse de rémunération qu'il n'a jamais acceptée puisqu'il a réclamé l'intégralité de son salaire dès le mois d'avril 2018 et qu'il a refusé de signer l'avenant n°3 qui a été préparé à cette fin, soulignant que dans un courriel du 18 juillet 2018 M. [X] lui-même évoque une baisse de rémunération qui n'a pas été formalisée. (pièce 18)

Il est constant que la rémunération est un élément essentiel du contrat de travail que l'employeur ne peut modifier sans l'accord du salarié.

Il n'est pas discuté qu'aux termes de l'article 5 du contrat de travail ayant lié les parties, il était convenu d'une rémunération fixe de M. [U] de 120 000 euros bruts par an soit 10 0000 euros bruts par mois, qui lui a été réglée jusqu'au mois de février 2018 inclus.

C'est de façon pertinente que M. [U] oppose qu'il n'a jamais signé l'avenant avalisant la diminution de sa rémunération, qu'il a signalé dès le mois d'avril 2018 que la fiche de paye du mois de mars 2018 ne correspondait pas à son salaire, peu importe qu'il n'ait pas protesté à l'occasion de la régularisation incomplète réalisée sur la fiche de paye d'avril 2018 étant observé que l'attestation de M. [X] soutenant avoir accepté le retour de M. [U] sous réserve de la réduction de son salaire que ce dernier aurait acceptée, n'est en l'état du dossier pas probante ni convaincante.

C'est à juste titre que le jugement déféré a fait droit à la demande de rappel de salaire de M. [U] de 12405,46 euros majorée de 1240,55 euros de congés payés non contestée dans son quantum, pour la période allant du 1er mars 2018 au 3 octobre 2018, qui est par conséquent confirmé.

Sur les heures supplémentaires

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] fait valoir qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant qui lui a été imposé par l'employeur pour s'exonérer de l'application de la législation sur la durée du travail et qu'il était soumis à la durée légale de travail de 35 heures de sorte qu'il est en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires qu'il a réalisées.

Pour confirmation du jugement déféré, la société RedPill réplique que M. [U] a accepté au moins à trois reprises son statut de cadre dirigeant sans contestation de sa part. (dans les contrats de travail avec la société RedPill comme avec la société RelvanC ainsi que dans la convention de transfert vers la société RedPill de février 2018 mais aussi dans son CV sur Linkedln). (pièces 2,7,5 19 et 20 société)

Aux termes de l'article L. 3111-2 du code du travail sont considérés comme cadres dirigeants qui ne sont pas soumis à la réglementation relative à la durée du travail, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il est de droit que pour apprécier le statut de cadre dirigeant, il faut caractériser que dans l'exercice de ses fonctions, le salarié était effectivement habilité à prendre des décisions de façon largement autonome.

C'est en vain que la société RedPill invoque que la qualité de cadre dirigeant était prévue dans les documents contractuels ou encore la liberté d'organisation de M. [U] de son emploi du temps auquel il sera néanmoins reproché des absences dans la lettre de licenciement.

S'il résulte du contrat de travail qu'il occupait les fonctions de directeur de stratégie, qu'il relevait de la position la plus haute de la convention collective des bureaux d'études techniques et percevait selon la société une rémunération de 8333,33 euros soit un des plus hauts salaires de la société à l'équivalence de la directrice générale Mme [N], il n'est cependant pas établi qu'il était habilité à prendre des décisions autonomes et qu'il a été amené à le faire (alors qu'il justifie qu'un devis avait été signé par M. [X]), ou qu'il participait à la direction de l'entreprise alors qu'il n'est ni prouvé ni même allégué qu'il était membre du CODIR ou qu'il disposait d'une délégation de signature.

La cour en déduit qu'il n'est donc pas caractérisé que dans l'exercice de ses fonctions, le salarié était effectivement habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu'il ne peut donc être retenu qu'il avait le statut de cadre dirigeant. Par infirmation du jugement déféré, il est en droit de revendiquer l'application du droit commun de la durée du travail et de solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées.

L'article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L'article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, le salarié présente les éléments suivants :

- des tableaux des heures effectuées par semaine reconstitués d'après ses agenda et les courriels envoyés qui tiennent compte des temps de pause et des périodes de congés, détaillant les heures majorées à 25% et à 50%, soit un total entre le 4 septembre 2017 et le 2 octobre 2018 de 537,50 heures supplémentaires (pièce 33),

- des courriels qu'il a envoyés (pièce 49)

-les compte-rendus de réunion qu'il a rédigés qui attestent qu'il a en janvier et février 2018 travaillé pour le compte de RedPill malgré son transfert au sein de la société RelevanC.(pièce 70).

Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société RedPill qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.

A cet effet, la société fait valoir que les courriels produits ne peuvent permettre de reconstituer les journées de travail du salarié étant précisé qu'ils n'ont pas été sollicités par l'employeur. Elle ajoute que sur la période du 1er octobre 2017 au 28 février 2018, M. [U] était salarié de la société RelevanC qui seule est redevable d'éventuels rappels de salaire sur cette période. Elle produit des attestations de dirigeants de la société RelevanC et Quidol qui affirment que M. [U] était peu actif, peu impliqué et peu présent. (pièces 11a et 11b, société). Elle produit en pièce 21 un décompte des horaires de travail de M. [U] qu'elle a reconstitués sur la base des reportings et des travaux rendus par ce dernier et une amplitude de travail de 10 heures 30 à 17 heures sous déduction d'une pause déjeuner d'1 heure 30, pour en déduire que l'intéressé n'a effectué aucune heure supplémentaire.

Au vu des explications et pièces produites de part et d'autre, la cour retenant que la société RedPill n'est pas redevable d'un paiement pour la période du 1er octobre 2017 au 28 février 2018 pendant laquelle, il est établi que M. [U] était salarié de la société RelevanC, peu importe qu'il ait travaillé sur des sujets communs aux deux sociétés, considère que M. [U] a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées entre le 4 et le 30 septembre 2017 et le 1er mars au 3 octobre 2018, mais pas dans la proportion qu'il réclame, à hauteur de 12 856,66 euros majorés de 1 285,66 euros de congés payés. Le jugement est infirmé dans cette limite.

Le volume d'heures supplémentaires accordées en ce qu'il ne dépasse pas le contingent annuel n'ouvre pas droit à une contrepartie obligatoire en repos. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes de ce chef.

Sur le non-respect des durées maximales de temps de travail et de temps de repos

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] réclame quatre indemnités de 5000 euros pour les non-respects suivants : du repos hebdomadaire, du repos quotidien, de la durée maximale du temps de travail hebdomadaire et de la durée maximale du temps de travail journalière. Il précise avoir souffert de la situation qui a contribué à son épuisement et à perturber tant son sommeil que sa santé .

Il s'appuie sur les tableaux de ses temps de travail qu'il produit dont il ressort qu'à 8 reprises, il a été contraint de travailler les samedi et dimanche, qu'il n'a pas bénéficié de 11 heures de repos quotidien de nombreuses fois et qu'il lui est arrivé de travailler plus de 48 heures par semaine et plus de 10 heures par jour.

Pour confirmation de la décision, la société RedPill réplique que le salarié ne justifie aucunement d'un non-respect des temps de repos ou durées maximales de travail ni du préjudice invoqué.

Il est de droit que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus en matière de temps de repos et de durées maximales de travail incombe à l'employeur.

Au regard du quantum d'heures supplémentaires accordées et des tableaux fournis, la cour évalue le préjudice subi par M. [U] à 500 euros pour chaque poste réclamé. Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire lié au non versement du bonus contractuel

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill expose que le salarié ne peut raisonnablement prétendre à un quelconque bonus tant son échec dans l'accomplissement de ses missions est patent, peu importe qu'aucun objectif ne lui ait été fixé.

Pour confirmation de la décision, M. [U] réplique qu'il n'a perçu aucune rémunération variable entre le 1er mars et le 3 octobre 2018 alors qu'il était éligible à une prime annuelle conditionnée à des objectifs qualitatifs et quantitatifs mais qu'aucun objectif ne lui a jamais été fixé.

L'article 5 du contrat de travail ayant lié les parties stipulait «  M. [B] [U] sera en outre éligible au bénéfice d'une prime annuelle pouvant atteindre 80000 euros. Ce variable sera conditionné à 75% à des objectifs quantitatifs et à 25% sur des objectifs qualitatifs.(...) Ces objectifs feront l'objet d'une discussion et seront fixés annuellement avec le Président ».

Il est de droit que lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.

Il n'est pas discuté que l'employeur n'a pas fixé d'objectifs à M. [U] et il n'est dès lors pas fondé à affirmer que ce dernier ne pouvait prétendre à aucun bonus ce qu'il n'établit pas alors que la charge de la preuve lui incombe.

C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes lui a alloué, pour la période allant de mars 2018 au 3 octobre 2018, un rappel de rémunération variable, non contesté dans son quantum à raison de 47 642,28 euros majoré de 4764,23 euros de congés payés. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour non-respect du droit à la déconnexion

Pour infirmation du jugement déféré M. [U] explique qu'il devait être disponible au travers de ses outils numériques tard le soir, les week end, les jours fériés et durant ses congés sans que l'employeur ait pris de dispositions afin qu'il ait la possibilité de se déconnecter des outils de communication à distance mis à sa disposition ce qui a perturbé son sommeil et sa santé. Il réclame à ce titre une indemnité de 10 000 euros.

Pour confirmation de la décision, l'employeur réplique qu'il n'a jamais donné instruction au salarié de prendre connaissance des courriels reçus en dehors des horaires de bureau et encore moins d'agir immédiatement soulignant que ce dernier ne justifie pas du préjudice dont il demande réparation.

Il est admis que le droit à la déconnexion qui a été consacré au sein du code du travail à compter de 2016 dans le cadre de la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail (QVT) a comme objectifs d' « assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ». Il peut s'entendre ainsi comme le droit pour tout salarié de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel (smartphone, ordinateur, tablette, messagerie, logiciels etc.) en dehors de son temps de travail, et concerne tous les salariés amenés à utiliser ces nouvelles technologies dans leurs activités professionnelles (travailleurs sédentaires, télétravailleurs, travailleurs dits « nomades » ').

Il est établi que la convention collective SYNTEC prévoit dans son avenant du 1er avril 2014 que l'employeur doit veiller à l'effectivité du respect par le salarié du droit au repos en prenant des dispositions nécessaires afin de lui permettre de se déconnecter des outils de communication à distance mis à sa disposition.

S'il est constant que l'employeur ne justifie pas avoir pris de telles dispositions, la cour relève que le salarié qui invoque une perturbation de son sommeil et de sa santé, ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé au titre du non respect par l'employeur des temps de repos et des durées maximales de travail. M. [U] par confirmation du jugement déféré est débouté de sa demande de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill fait valoir que le licenciement pour faute grave de M. [U] était parfaitement justifié au vu des griefs reprochés que les premiers juges n'ont pas examinés puisqu'ils ont statué au vu des pièces qui devaient nécessairement être écartées des débats.

Pour confirmation de la décision, M. [U] expose que la décision de le licencier était prise depuis juillet 2018, selon les échanges de courriels produits aux débats (pièces18,19,21,22), évoquant tout à la fois un licenciement pour insuffisance professionnelle voire « une faute grave qu'il faudrait imaginer », selon les propos de M. [X] (pièce 18) et le projet de lettre de licenciement rédigé avant même la tenue de l'entretien préalable. Il souligne au fond que certains griefs outre qu'ils sont prescrits, sont de surcroît mensongers ou subjectifs et ne peuvent être qualifiés de faute grave, comme le manque d'implication ou la légèreté du comportement. Il indique que la société souhaitait se débarrasser de lui en raison de son salaire trop élevé.

La cour relève que si les courriels datés du 18 juillet 2018 (pièce 18 salarié) émanant de M. [X] (directeur financier de la société RedPill) et de M. [C] [O] PDG de la société RedPill, dont la teneur n'est pas contestée, doivent être considérés comme étant des actes préparatoires à une rupture de la relation de travail avec M. [U] ([B]), il en va de même du courriel de Mme [K] du 21 septembre 2018 adressé à MM [O] et [X] ainsi que Mme [N] (CEO chief executive officer de la société RedPill) dans lequel elle envoie le projet de lettre de licenciement d'ores et déjà daté du 2 octobre 2018, avant même la tenue de l'entretien préalable fixé le 27 septembre 2018, et dont le contenu est quasi identique à la lettre définitive qui a été adressée à M. [U], suite au courriel de remarque de M. [X] du 21 septembre 2018.

En effet, si la décision de licenciement apparait acquise dès le 21 septembre 2018, il est constant que celle-ci n'a pas été diffusée au-delà des destinataires du courriel litigieux et surtout pas au principal intéressé ni avant l'entretien préalable ni avant même sa notification par lettre recommandée, de sorte qu'il ne peut en être déduit pour autant un licenciement verbal qui serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi essentiellement libellée :

« Suite à notre entretien au cours duquel vous êtes venu assisté d'un conseiller du salarié et qui s'est tenu le 27 septembre 2018 dans les locaux de RedPill, [Adresse 1], nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants.

Vous avez été engagé le 4 septembre 2017 en qualité de Directeur de la Stratégie. Vous avez été transféré le 1er octobre 2017 dans la société relevanC après signature d°une convention tripartite incluant une clause de réintégration chez RedPill activable à compter d'avril 2018. Après un constat d'échec de votre intégration à la société RelevanC et de plaintes sur votre performance qui nous ont été adressées par la direction de cette dernière, vous avez souhaité activer cette clause de façon anticipée, ce qui a été accepté par RedPill et a donné lieu à votre réintégration dès le 1er mars 2018. En contrepartie, il a été décidé que votre rémunération serait ramenée à 100.000 euros bruts par an en diminution de 20.000 euros par rapport à votre contrat précédent. Votre bonus était également modifié pour être mis en relation directe avec le succès des startups au développement desquelles vous seriez éventuellement associé.

Depuis cette date, vous avez été affecté à un projet de création de startup avec le Groupe Verspieren. A la suite du développement sous votre supervision du « proof of concept » de cette nouvelle activité, nous ne pouvons que constater que le Groupe Verspieren a refusé de continuer à coopérer avec notre société.

Vous avez donc été par la suite affecté à d'autres activités diverses relatives å votre niveau de séniorité.

Ce faisant, nous avons eu des premiers échanges début juillet sur votre manque d'implication et d'engagement pourtant attendus compte tenu de votre séniorité et de votre rôle dans le groupe RedPill.

Force est de constater que depuis votre retour de congés, les choses n'ont fait qu'empirer.

- Durant le mois de septembre, à maintes reprises, [A] [N], Directrice Générale de RedPill, vous a demandé de produire des travaux précis sans aucun succès. Peuvent être listés à titre d'exemple :

* Le 6 septembre, il vous a été demandé de travailler avec [A] [N], Directrice Générale de RedPill, sur le développement commercial de la grille des programmes de Quidol, filiale de RedPill.

Une première réunion de travail était prévue le 7 septembre avec [A] [N]. Vous ne vous y-êtes pas rendu ayant oublié cette réunion. La réunion a dû être reprogrammée à la date du 10 septembre 2018 après une relance par email.

*Lors de cette dernière réunion, il vous avait été demandé de préparer et renvoyer la présentation définitive. Le 14 septembre, [A] [N] vous a relancé par mail, ayant besoin rapidement de cette présentation pour un rendez-vous de prospection. Vous avez répondu à ce mail le 17 septembre, prétextant que vous n'aviez pas eu le temps. Compte tenu de l'urgence et du temps que vous aviez pris (6 jours ouvrés) pour ne rien délivrer, il a été demandé à quelqu'un d'autre de faire cette présentation dans l'urgence, présentation qui a finalement été réalisée en deux heures de temps.

- Depuis votre retour de congés le 28 août, vous ne vous présentez que de façon sporadique dans les locaux de RedPill [Adresse 6]. Ni la Direction de RedPill, ni les collaborateurs avec qui vous devez travailler ne sont informés de votre planning et de votre présence... lorsque vous êtes là. Il n'est donc pas possible d'organiser le travail dans une période charnière de prospection intensive, que ce soit pour RedPill ou ses 'liales telles que Quidol qui est en plein essor.

- Le suivi des accès du 'chier « Bizstartup RedPill '', dont les accès sont partagés sur le drive et qui permet d'assurer le suivi des actions commerciales menées par les équipes révèle que vous n'avez pas accédé à ce fichier depuis votre retour de congés le 28 août 2018.

- De la même façon, le suivi des accès du fichier partagé Quidol KPI qui contient l'ensemble des chiffres de suivi des audiences et performances de l'application Quidol révèle lui aussi que vous n'avez jamais ouvert ce fichier. Faut-il rappeler que les indicateurs contenus dans ce fichier sont indispensables à la réalisation de présentations commerciales pertinentes et à la réflexion stratégique autour du développement de cette application. Ces mêmes accès permettent de constater que l'ensemble des équipes, travaillant sur ces sujets y accède régulièrement, y compris les stagiaires.

- Par ailleurs, comme vous le savez parfaitement les bureaux sont repartis sur 2 sites distants de 150 mètres. L'ensemble des équipes de la société Quidol pour laquelle vous êtes supposé faire de la prospection ainsi que le Direction de RedPill sont au [Adresse 2], bureaux dans lesquels vous ne vous rendez jamais. Vos rares passages au bureau depuis début septembre se font systématiquement sur l'autre site qui est aujourd'hui quasiment vide. Il vous est donc impossible de travailler avec les équipes sur la stratégie de développement et de prospection des sociétés du groupe.

- Il vous a également été demandé de participer à la conduite d'un projet avec la société Azimut du Groupe CNP Assurances. Votre manque d'implication a été suffisamment flagrant pour que le Président de la société Azimut se plaigne de la légèreté de votre comportement et qu'il devienne donc impossible de vous maintenir dans l'équipe projet.

Ces différents points illustrent votre attitude et démontrent clairement le manque d'implication et d'engagement dont vous faites preuve alors même que votre séniorité et votre rôle dans l'entreprise sont cruciaux pour une jeune start-up en développement. Ce manque de professionnalisme et le manque d'exemplarité qu'un manager de votre niveau transmet au reste de l'équipe n'est pas acceptable et ne peut perdurer dans notre jeune société dont la pérennité dépend du professionnalisme de chacun.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, sans indemnité de

préavis ni de licenciement.

A l'expiration de votre contrat de travail, nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi. Enfin, nous vous précisons que nous vous délions de toute clause de non concurrence qui pourrait exister entre nous. Vous êtes donc libre de tout engagement.(...) »

Aux termes de l'article L.1232-1 du Code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions des article L.1234-6 et L.1234-9 du code du travail que le salarié licencié pour faute grave n'a pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

La preuve des griefs reprochés au salarié doit être rapportée par l'employeur.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il résulte de ces dispositions que l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connait depuis plus de 2 mois dans la mesure ou le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.

Au soutien de la réalité des griefs reprochés au salarié, dont la preuve lui incombe, l'employeur s'appuie s'agissant de l'échec de son intégration au sein de la société RelvanC sur des attestations de personnes qui font partie du groupe RedPill, lesquelles ne sont dès lors pas convaincantes. (pièce 11a et 11b, société). Il sera en outre observé d'une part que l'hypothèse d'un retour au sein de la société RedPill, expressément prévue par une clause contractuelle, remontait au 1er mars 2018 et d'autre part que les plaintes de la société RelevanC qui sont évoquées ne sont pas caractérisées.

Concernant l'échec du dossier Vespieren dont l'employeur rend M. [U] responsable, il produit le courriel du 30 avril 2018 par lequel M. [M] [Y] de la société Vespieren a informé M. [O] de la décision d'arrêt de leur collaboration avec la société RedPill dans le projet Shift R. (pièce 10 société) Outre le fait que cette décision est datée de fin avril 2018 soit bien au-delà du délai de 2 mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement, la cour relève que le courriel produit n'incrimine pas M. [U]. Or ce dernier produit un courriel du même [M] [Y] daté du 15 mai 2018, dans lequel ce dernier lui précise que la décision d'arrêter le projet ShiftR était motivée par une décision d'arbitrage financier interne totalement exogène au projet tel qu'il avait été mené jusque là, accompagné d'un remerciement pour l'implication de l'équipe RedPill dans ce projet et leur grand professionnalisme. (pièce 15, salarié). Il en résulte que ce grief ne peut être retenu.

S'agissant des reproches liés à un manque d'implication et d'engagement, l'employeur s'appuie sur un échange de courriel entre Mme [N] et M. [U] du 7 septembre 2018, la première évoquant un rendez-vous manqué entre eux, la veille et auquel le second a répondu avoir été occupé par un meeting qui s'est prolongé puis par le dossier CNP. Outre qu'il n'est pas justifié qu'un rendez-vous était effectivement fixé de façon impérative, la cour retient que cet événement, pas plus le fait que la présentation commerciale de la chaine de voyage Thomas Cook initialement confiée à M. [U] et ait été confiée à un tiers qui l'a réalisée en deux heures, ne peuvent caractériser ni un manque d'implication et encore moins une faute de la part du salarié.

S'agissant en outre des absences de M. [U] à compter du 28 août 2018 sur le site [Adresse 7], l'employeur verse aux débats une attestation d'une salariée, Mme [S] qui affirme que M. [U] n'était jamais présent dans les locaux de Quidol et qu'il était difficile d'avoir de la visibilité sur les avancées de ses projets. (pièce 11b, société).Cette attestation est à elle seule insuffisante à établir les absences injustifiées de M. [U] qui les conteste au demeurant en souligant, sans être contredit, que la témoin ne travaillait pas pour la société RedPill mais pour la société Quidol. Ce grief sera donc écarté.

Concernant l'absence de consultation des fichiers professionnels partagés, la cour relève que celle-ci ne peut être considérée comme fautive en soi d'autant que le salarié explique sans être contredit avoir mis en place d'autres instruments de classement.

S'agissant enfin du manque d'implication et de la légèreté de comportement dans le dossier CNP, la société s'appuie sur un courriel du président de la société Azimut du groupe CNP (pièce 17 société) qui est en réalité M. [X] faisant lui-même partie de la société RedPill et qui en juillet 2018 est devenu le 'lead' du projet (pièce 55 salarié).Ce grief ne peut donc être retenu.

La cour déduit de l'ensemble de ce qui précède que la réalité des griefs reprochés à M. [U] n'est pas rapportée et que le licenciement par confirmation du jugement déféré est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires

M. [U] est par conséquent en droit de prétendre aux indemnités de rupture.

Sur l'indemnité légale de licenciement

L'article L.1234-9 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable puisque l'indemnité conventionnelle exige une ancienneté de deux année, précise que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

En application de l'article R.1234-2 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, l'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à ¿ de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans.

Après réintégration des heures supplémentaires, du rappel de rémunération et de la rémunération variable accordés, la cour retient un salaire moyen sur les trois derniers mois de 18 748,82 euros, M. [U] peut prétendre par infirmation du jugement déféré à une indemnité légale d'un montant de 5062,18 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article L.1234-5 du code du travail, eu égard aux bulletins de paye produits aux débats et à l'ancienneté du salarié, par infirmation de la décision entreprise, la société RedPill sera condamnée à verser à M. [U] la somme de 56 246,46 euros correspondant aux salaires qu'il aurait perçus s'il avait exécuté les trois mois de préavis, outre la somme de 5624,64 euros de congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixées en fonction de l'ancienneté selon un barème légal, soit en l'espèce pour une ancienneté d'une année complète entre 1 et 2 mois de salaire.

La cour rappelle qu'il est de droit que les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et sont donc compatibles avec ce texte.

Il en résulte qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter le barème fixé par l'article L.1235-3 même pour des considérations d'équité.

A la date de la rupture, M. [U] était âgé de 38 ans et bénéficiait d'une ancienneté d'une année complète. Il précise avoir perçu moins d'indemnité chômage que ce à quoi il avait droit puisque la société avait arbitrairement réduit son salaire et qu'il a du accepter un emploi moins bien rémunéré à compter du 3 octobre 2018, de sorte qu'il chiffre son préjudice à un montant de 316 043 euros en décembre 2020.

Dès lors et au vu des bulletins de salaire produits, il convient d'allouer à M. [U], par infirmation du jugement déféré, une somme de 30 000 d'indemnité en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément aux dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, il y a lieu, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B] [U] dans la limite de six mois d'indemnités.

En application de l'article L1235-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [U] est mal fondé à solliciter des dommages-intérêts pour procédure irrégulière et sera par infirmation du jugement critiqué, débouté de sa demande à ce titre.

Sur les congés payés

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill soutient que M. [U] a été rempli de ses droits au titre des congés payés non pris à raison de 11,50 jours et qu'elle n'est pas redevable, selon la convention de transfert signée, des jours de congés acquis au sein de la société RelevanC dans laquelle il a été transféré entre octobre 2017 et février 2018.

Pour confirmation de la décision, M. [U] réplique que le transfert de la société RelevanC à la société RedPill s'est fait avec reprise d'ancienneté de sorte que cette dernière est redevable des congés payés acquis.

La cour retient qu'aux termes de la convention de transfert signée entre les sociétés RedPill, RelevanC et M. [U] le 26 février 2018, il était expressément stipulé que la société RelevanC réglera au salarié le solde de congés payés acquis à la date du transfert du contrat de travail, peu importe dès lors que la société RedPill ait repris l'ancienneté de ce dernier.

Par conséquent au regard des congés payés acquis auprès de la société RedPill, des congés pris durant la même période et déduction faite de la somme de 961,39 euros payée à ce titre sur la fiche de paye d'octobre 2018, il reste dû à M. [U] à ce titre une somme de 2016,82 euros. Le jugement sera infirmé dans cette limite.

Sur le solde de la prime de vacances

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] réclame une prime de vacances conventionnelle d'un montant de 2547,47 euros calculé sur le salaire revendiqué de 19 504,24 euros.

Pour infirmation de la décision la société soutient que la prime de vacances serait égale à 1 000 euros sans expliciter son mode de calcul.

Selon l'article 31 alinéa 1 de la convention collective SYNTEC'L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés'

La cour par infirmation du jugement déféré alloue, en l'état des pièces versées aux débats, à M. [U] une somme de 1862,11 euros à titre de rappel de prime de vacances.

Sur l'indemnité pour perte de chance de bénéficier de l'année blanche

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] réclame une indemnité de 35 000 euros en réparation de son préjudice qui lui a été causé puisqu'il a été empêché de bénéficier de l'exonération d'impôt mise en place par l'administration fiscale pour les revenus de 2018 qu'il n'a pas perçus puisque l'employeur a refusé d'appliquer le contrat de travail. Il souligne qu'il devra donc payer des impôts sur les sommes dont il va bénéficier à un taux de 23,9%.

Pour confirmation de la décision, la société réplique que la demande n'est pas fondée et que l'on peine à discerner en quoi elle aurait refusé d'appliquer le contrat de travail.

La cour retient qu'il est alloué aux termes de la présente décision des sommes qui n'auront pas bénéficié de l'exonération d'impôts concernant les revenus de 2018. Il a donc perdu une chance de bénéficier de cette exonération pour des sommes qui lui étaient dues pour 2018.

Il est constant que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, le préjudice de M. [U] doit être indemnisé par la somme de 5 000 euros, au paiement de laquelle la société RedPill sera condamnée, par infirmation du jugement déféré.

Sur les notes de frais non remboursées

Pour infirmation du jugement déféré quant au quantum,M. [U] réclame une somme de 4621,01 euros à titre de remboursement de frais professionnels engagés à l'occasion de son activité professionnelle y compris les frais d'acquisition d'un ordinateur portable qu'il est prêt à restituer à l'employeur.

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill réplique que le salarié ne justifie pas du caractère professionnel des sommes engagées et souligne que l'ordinateur a été acheté alors qu'il était salarié de la société RelevanC en novembre 2017.

Il est constant que les frais professionnels sont les dépenses exposées par le salarié et inhérentes à son emploi, c'est-à-dire découlant des conditions d'exécution de son travail et lui imposant donc une charge supérieure à celle liée à la vie courante.

Il s'agit donc des frais que le salarié a engagés pour accomplir sa mission dans l'entreprise.

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur sa rémunération.

La cour retient que M. [U] fournit des relevés Rydoo (application internet qui est un outil de suivi des notes de frais non discutés par la société RedPill, qui recensent des dépenses de téléphones et internet, de restauration et de taxi faisant apparaître un solde dû de 4621,01 euros.

A l'exception du coût d'achat de l'ordinateur dont il n'est pas contesté qu'il a été acquis en novembre 2017 alors que M. [U] était transféré auprès de la société RelevanC, qu'il n'a pas été restitué à la société RedPill et dont la facture a été libellée au nom de Teva Choisi Teiti sans qu'il soit justifié que c'est M. [U] qui s'en est acquitté, la cour fait droit à la demande à raison d'une somme de 2535,41 euros, au paiement de laquelle par infirmation du jugement déféré la société RedPill sera condamnée.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] fait valoir que c'est pour contourner la législation sur les 35 heures et ne pas payer les charges sociales afférentes que le titre de cadre dirigeant qui lui a été reconnu, ce qui caractérise l'intention de travail dissimulé tout comme la baisse de rémunération qui lui a été imposée lors de son retour au sein de la société RedPill.

Pour confirmation de la décision, la société rappelle de première part que le salarié n'a démontré l'existence d'aucune heure supplémentaire, que l'intention de travail dissimulé ne peut résulter de la simple application du statut de cadre dirigeant ni de l'attestation d'une salariée dont la partialité est évidente suite à son propre licenciement.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 2° du code du travail précise qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

La cour retient que de première part le témoignage de Mme [K] elle-même licenciée par la société RedPill, produit par M. [U], est partial, quand elle affirme qu'il a été reconnu à ce dernier le statut de cadre dirigeant afin de ne pas lui accorder de RTT. De seconde part, le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à un statut de cadre dirigeant invalidé ou même la baisse de rémunération appliquée ne suffisent pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié.

En effet, s'il apparaît que l'employeur s'est mépris sur les conditions de validité et d'exécution du statut de cadre dirigeant, rien ne permet d'établir qu'il a effectivement cherché à dissimuler les heures supplémentaires dont l'obligation au paiement ne résulte que de l'inapplication de ce statut alors que celui-ci n'était pas contesté durant le relation de travail. La demande d'indemnité pour travail dissimulé sera donc rejetée.

Sur la demande d'indemnité pour « documents de fin de contrat incorrects et remis avec retard »

Pour infirmation sur le quantum, M. [U] réclame une indemnité de 10 000 euros pour le préjudice qui lui a été causé par sa prise en charge par Pôle emploi retardée par le fait de l'employeur. Il précise que par trois fois des attestations erronées destinées à Pôle emploi lui ont été transmises de sorte qu'entre le 3 octobre 2018 et le 7 décembre 2018 il a été privé de tout revenu et contraint de solliciter des prêts au sein de sa famille après avoir épuisé ses économies. Il soutient avoir perdu une chance de percevoir des indemnités chômage en octobre, novembre et pour partie en décembre.

Pour infirmation du jugement déféré, la société RedPill s'oppose à toute demande de ce chef en soulignant que c'est Mme [K] qui a été licenciée pour insuffisance professionnelle (et atteste désormais en faveur du salarié) qui avait rédigé les attestations Pôle emploi erronées et que ce dernier ne justifie pas de son préjudice.

Il n'est pas contesté que l'attestation Pôle emploi adressée à M. [U] a du être rectifiée, qu'il n'a été pris en charge qu'à compter du 7 décembre 2018 et qu'il est resté deux mois sans ressources du fait de l'établissement du document de fin de contrat inexact, dont il importe peu de savoir, à qui au sein de l'entreprise, il appartenait de l'établir.

M. [U] reconnaît lui-même que la situation a été régularisée par Pôle emploi, dès lors la cour retient que les premiers juges ont justement évalué son préjudice à la somme de 1000 euros de dommages et intérêts, ils seront confirmés.

Sur les autres dispositions

Il est ordonné à la société RedPill la délivrance d'une fiche de paye récapitulative des sommes salariales accordées par le présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification sans qu'il soit opportun de fixer une astreinte.

Il n'y a pas plus lieu d'assortir d'une astreinte les sommes au paiement duquel la société RedPill a été condamnée et dont le retard de règlement sera sanctionné par le cours des intérêts.

La cour rappelle à cet égard que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Partie perdante la société RedPill est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point et à verser à M. [U] une somme de 4000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme accordée à ce titre par les premiers juges qui seront confirmés.

PAR CES MOTIFS

REJETTE la demande de la SAS RedPill tendant à ce que les pièces 18,19,21,22,46 et 47 produites par M. [B] [U] soient écartées des débats.

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS RedPill à payer à M. [B] [U] les sommes suivantes :

- 12 405,46 euros à titre de rappel de salaire fixe,

- 1 240,55 euros de congés payés afférents,

- 47 642,28 euros à titre de rappel de salaire variable,

- 4 764,23 euros de congés payés afférents,

- 1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile

en ce qu'il a rejeté les indemnités pour travail dissimulé, pour non-respect du droit à la déconnexion, au titre des repos compensateurs,

et en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'INFIRME quant au surplus et statuant à nouveau :

CONDAMNE la SAS Redpill à payer à M. [B] [U] les sommes suivantes :

- 12 856,66 euros majorés de 1285,66 euros de congés payés à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées entre le 4 et le 30 septembre 2017 et le 1er mars au 3 octobre 2018.

- 2016,82 euros à titre d'indemnité pour congés payés non pris.

- 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

- 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

- 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire,

- 500 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale journalière,

- 1862,11 euros à titre de rappel de prime de vacances,

- 5 000 euros d'indemnité pour perte de chance de bénéficier de l'année fiscale blanche en 2018,

- 56 246,46 euros outre la somme de 5624,64 euros de congés payés afférents à titre de rappel d'indemnité de préavis,

- 5062,18 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 30 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2535,41 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- 4000 euros par application de l'article 700 du code de procéduer civile à hauteur de cour,

DEBOUTE M. [B] [U] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Et y ajoutant :

ORDONNE à la SAS RedPill la délivrance à M. [B] [U] d'une fiche de paye récapitulative des sommes salariales accordées par le présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification.

ORDONNE d'office le remboursement par la SAS RedPill à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B] [U] suite à son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités.

DEBOUTE M. [B] [U] du surplus de ses prétentions.

CONDAMNE la SAS RedPill aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/08535
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.08535 ?
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