REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 JUIN 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13051 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGE43
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2020 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 17/06946
APPELANT
Monsieur [V] [L]
Chez la Clinique [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Cyril RAVASSARD de la SELARL AVOCATS ASSOCIES RAVASSARD, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMEES
S.A.S. CM CIC SOLUTIONS
[Adresse 7]
[Localité 4]
N° SIRET : 352 862 346
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée par Me Mathias BOLLENGIER-STRAGIER avocat au barreau de PARIS, toque : C495
S.E.L.A.R.L. DOCTEUR [P] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 453 146 417
Représentée par Me Laurent AKANSEL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Xavier BLANC, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 23 novembre 2014, la société GE Capital Equipement Finance aujourd'hui dénommée CM-CIC Leasing Solutions a consenti au Docteur [V] [R] et au Docteur [P] [F], exerçant au sein de la clinique [5], un contrat de location de matériel, en colocation, portant sur un échographe de type Voluson VE 6 de marque GE Healthcare, moyennant le paiement de 60 loyers mensuels d'un montant de 1 300 euros TTC, soit comme indiqué dans les conditions particulières 650 euros à charge de chacun des locataires.
Le matériel a été livré le 16 décembre 2014 puis volé dans la nuit du 31 décembre 2014 alors qu'il n'était pas assuré.
Le contrat en date du 23 novembre 2014 a fait l'objet d'une résiliation anticipée.
Par contrat en date du 2 septembre 2015, le Docteur [V] [R] et la SELARL du Docteur [P] [F] ont pris à bail, en colocation, un nouvel échographe de type Volusion VE 6 de marque GE Healthcare, moyennant le paiement de 60 loyers mensuels d'un montant de 2 004,68 euros TTC, incluant le solde dû au titre du contrat précédent, soit la somme de 35 396,52 euros hors taxes, à majorer de la TVA applicable, selon le document intitulé " Avenant au contrat de location " conclu entre la société GE Capital Equipement Finance et le Docteur [R] le 2 septembre 2015.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juin 2016, la société CM-CIC Leasing Solutions a mis en demeure le Docteur [V] [R] de lui régler la somme de 6 252,34 euros au titre des loyers impayés entre le 21 janvier 2016 et le 21 mai 2016, outre la somme de 305 euros au titre de la clause pénale, la somme de 120 euros au titre des frais de procédure et celle de 228,79 euros au titre des intérêts de retard, sous peine de résiliation anticipée du contrat.
Le Docteur [F] aurait continué de payer les loyers jusqu'à la survenance d'incidents de paiement en février 2017.
Parallèlement, par requête aux fins d'appréhension sur injonction la société CM CIC Leasing Solutions a sollicité du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance d'Evry qu'il l'autorise à appréhender, si nécessaire avec le concours de la force publique, le matériel lui appartenant en quelque lieu qu'il se trouve.
Par ordonnance en date du 23 août 2016, le juge de l'exécution a fait droit aux demandes de la société CM-CI+C Leasing Solutions.
Cette ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire en l'absence d'opposition des colocataires et est donc devenue définitive le 14 octobre 2016.
Le matériel loué a finalement été remis volontairement par la SELARL du Docteur [F] à l'huissier en charge de l'exécution le 14 avril 2017.
Par exploit d'huissier du 17 octobre 2017, la société CM-CIC Leasing a fait assigner le Docteur [R] et la SELARL du Docteur [F] devant le tribunal judiciaire d'Evry.
Par jugement rendu le 14 décembre 2020, le tribunal judicaire d'Evry a statué comme suit :
- Déclare valable le contrat de location conclu entre les parties le 2 septembre 2015 ;
- Constate la résiliation de plein droit du contrat de location conclu entre les parties le 2 septembre 2015 ;
- Condamne le Docteur [R] à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions les sommes de :
. 16 947,36 euros au titre des loyers impayés,
. 40 euros au titre des frais de recouvrement,
. 35 686 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
. . un euro au titre de la clause pénale,
outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2016, date de la mise en demeure ;
- Condamne la SELARL du Docteur [F] à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions les sommes de :
. 2 118,42 euros au titre des loyers impayés,
. 40 euros au titre des frais de recouvrement,
. 35 686 euros au titre de l'indemnité de résiliation,
. un euro au titre de la clause pénale,
. outre les intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017, date de la mise en demeure ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière,
- Condamne le Docteur [R] et la SELARL du Docteur [F] aux dépens qui seront recouvrés directement par la SELARL Egide Avocats ;
- Déboute la société CM-CIC Leasing Solutions de toutes ses autres demandes, plus amples ou contraires ;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 15 avril 2021, M. [R] a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 10 Janvier 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l'affaire et condamné M. [V] [R] [W] aux dépens et à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2021, M. [R] demande à la cour de :
Vu les contrats successivement signés les 26 novembre 2014 et 2 septembre 2015, vu l'avenant au contrat de location signé le 2 septembre 2015, vu les autres pièces du dossier, vu les tentatives de résolution amiable du litige, vu les articles 1134 et 1156 anciens du code civil, vu l'article 1271 du code civil, de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes le 14 décembre 2020 dans les termes de la déclaration d'appel du 15 avril 2021, en ce qu'il a accueilli les demandes de la société CM-CIC Leasing Solutions et condamné Monsieur [V] [R] [W] à lui verser diverses sommes.
Statuant à nouveau,
- Rejeter toutes les demandes de la CM-CIC Leasing Solutions,
- Dire que la CM-CIC Leasing Solutions a engagé sa responsabilité contractuelle en raison de l'absence de bonne foi et de défaut de conseil dans la signature et l'exécution du contrat du 26 novembre 2014, notamment en ne souscrivant pas d'assurance pour le matériel donné en location, ainsi que dans la signature du contrat du 2 septembre 2015,
- Constater que le Docteur [R] n'a pas reçu copie du contrat et des conditions générales de vente relatives, le jour de la signature des documents, ni postérieurement, le bailleur ne justifiant pas de l'envoi du document à son cocontractant, et ce pour les deux contrats signés, en date du 26 novembre 2014 et du 2 septembre 2015,
- Dire que les contrats de crédit-bail se sont trouvés résiliés du fait de la faute exclusive de la SAS CM-CIC Leasing Solutions et en conséquence, rejeter toutes les demandes financières de la SAS CM-CIC Leasing Solutions relatives aux conséquences financières du contrat du 26 novembre 2014, lesquelles représentant 50% de ses demandes totales fondées sur le contrat du 2 septembre 2015,
- Dire que la SAS CM-CIC Leasing Solutions a soustrait volontairement l'appareil au Docteur [R], modifiant ainsi les conditions d'exécution du contrat, ce qui a entraîné une novation en libérant le Docteur [R] de l'ensemble des obligations découlant du contrat et en conséquence, rejeter toutes les demandes financières de la SAS CM-CIC Leasing Solutions relatives aux conséquences financières du contrat du 2 septembre 2015,
- Subsidiairement, dire abusif le montant de l'indemnité de résiliation visé par le contrat du 2 septembre 2015 et non justifié le préjudice prétendument supporté par le bailleur et en conséquence, rejeter la demande financière de la SAS CM-CIC Leasing Solutions relative à l'indemnité de résiliation, à hauteur de 35 686 euros, subsidiairement, ramener ce poste à la somme de 1 euro en confirmant le jugement,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS CM-CIC Leasing Solutions au titre des pénalités contractuelles sur les loyers impayés,
- Condamner la SELARL du Docteur [P] [F] à garantir Monsieur [R] [W] de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge,
Condamner la société CM-CIC Leasing Solutions à verser à Monsieur [V] [R] [W] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- Condamner la CM-CIC Leasing Solutions aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'à ceux de première instance.
Par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2023, la société CM-CIC Leasing Solutions demande à la Cour de :
Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, vu les conditions générales de location, vu les pièces versées aux débats.
- Dire la Société CM-CIC Leasing Solutions recevable et bien fondée dans ses conclusions d'intimée ;
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evry du 14 décembre 2020, sauf sur le quantum des sommes allouées à la concluante,
- Infirmer le jugement dont appel sur le quantum des sommes alloués à la société CM-CIC Leasing Solutions,
En conséquence et statuant à nouveau,
- Débouter le Docteur [R] [W] et la SELARL du Docteur [P] [F] de leurs demandes reconventionnelles,
- Voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs du Docteur [R] [W] et de la SELARL du Docteur [P] [F],
- Condamner le Docteur [R] [W] et la SELARL du Docteur [P] [F] à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions, les sommes suivantes :
Concernant le Docteur [R] [W] :
. loyers impayés : 16 947,36 € TTC,
. pénalités contractuelles (art.4.4) : 1 694,73 € TTC,
. loyers à échoir : 35 686,00 € HT,
. clause pénale : 3 568,60 € HT,
soit un total de 57.896,69 €,
Concernant la SELARL du Docteur [P] [F] :
. loyers impayés : 2118,42 € TTC,
. pénalités contractuelles (art.4.4) : 211,84 € TTC,
. loyers à échoir : 35 686,00 € HT,
. clause pénale : 3 568,00 € HT,,
soit un total de 41 584,26 €
avec intérêts de droit à compter de la présentation de la mise en demeure soit le 23 mai 2017,
- Condamner le Docteur [R] [W] et la SELARL du Docteur [P] [F] à régler chacun à la Société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 3 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- Condamner le Docteur [R] [W] et la SELARL du Docteur [P] [F] aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SCP Grapppotte-Benetreau.
La SELARL du Docteur [P] [F] a constitué avocat mais n'a pas conclu. Elle est dès lors réputée, en application de l'article 954 du code civil, s'approprier les motifs du jugement entrepris.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2023.
SUR CE,
A titre liminaire, la société CM-CIC souligne que la société GE Capital Equipement Finance est à présent dénommée CM-CIC Leasing Solutions et qu'elle a donc qualité et intérêt à agir dans le cadre de la présente instance.
Cette demande est sans objet dès lors que la qualité à agir de la société CM-CIC Leasing Solutions n'est pas remise en cause et qu'elle intervenait déjà en première instance.
Sur les inexécutions contractuelles du bailleur
- Sur l'absence de remise de copie du contrat aux locataires le jour de la signature et la faute du bailleur
M. [R] fait valoir que les exemplaires des contrats de 2014 et de 2015intéressant trois parties, à savoir le fournisseur et les deux locataires qui n'intervenaient pas de façon solidaire et indivisible ainsi que les conditions générales ne lui ont pas été remis et qu'il n'a pas été prévenu, avant qu'il signe, qu'il serait privé de toute copie du contrat. Il ajoute que l'avenant du 2 septembre 2015 comporte des irrégularités qui démontrent la carence de la société CM-CIC à établir des contrats avec sérieux. Il soutient que la société CM-CIC Leasing Solutions, tenue d'une obligation de bonne foi et de loyauté avant et pendant l'exécution du contrat, a donc commis une faute contractuelle en soustrayant ces informations essentielles dès la signature du contrat et qu'il ne saurait être fait droit à la demande du bailleur de voir constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs des locataires.
La société CM-CIC Leasing Solutions soutient que les conditions générales du contrat de 2014, paraphées par chacun des colocataires, leur ont bien été remises, ainsi que le précise le paragraphe figurant en page 8 du contrat. De plus, les praticiens étaient parfaitement conscients de leur engagement dans le cadre du second contrat et de son avenant de septembre 2015 qu'ils ont régularisés en y apposant leurs signatures et leurs cachets. Ils ne sauraient valablement affirmer que les conditions générales de location ne leur sont pas opposables. Elle ajoute qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir attiré l'attention des locataires sur les conséquences de la conclusion d'un contrat de location financière et/ou de la nécessité d'assurer le matériel.
Ceci étant exposé, les conditions générales et spéciales des deux contrats de 2014 et 2015 portent le paraphe de deux locataires sur chaque page et la signature des deux praticiens ainsi que leur cachet professionnel.
Les conditions particulières du contrat du 26 novembre 2014 stipulent que " Le contrat est soumis aux conditions particulières et spéciales ci-dessus et aux conditions générales référencées location opérationnelle Marché médical (colocation) - 06/2010 ci annexées, dont les colocataires déclarent avoir reçu copie et pris connaissance. La signature des conditions particulières emporte acceptation des conditions générales par les locataires. "
Les conditions particulières du contrat du 2 septembre 2015 stipulent que " Le contrat est soumis aux conditions particulières et spéciales ci-dessus et aux conditions générales référencées location opérationnelle Marché médical (colocation) - 05/2014 ci annexées, dont les colocataires déclarent avoir reçu copie et pris connaissance. La signature des conditions particulières emporte acceptation des conditions générales par les locataires. "
Il s'en déduit qu'un exemplaire des contrats a été remis aux locataires. Le fait que la bailleresse ait communiqué les deux contrats en première instance, suite à une sommation de communiquer, ne saurait rapporter la preuve contraire dès lors qu'en sa qualité de demanderesse, il lui appartenait de produire les documents contractuels constituant la base de ses demandes en paiement.
- Sur la responsabilité de la société CM-CIC dans l'absence d'assurance et de prise à garantie du vol du premier appareil
M. [R] fait valoir qu'il est être resté dans l'ignorance de l'étendue précise de ses obligations et de celles de son cocontractant puisqu'il n'a pas reçu d'exemplaire. Dès lors, il n'a pu être informé de la clause qui prévoyait que dans le cas où le locataire n'a pas fait parvenir dans les 7 jours de la livraison une attestation d'assurance, le bailleur y supplée. Le vol ayant eu lieu plus de 7 jours après la livraison, la société CM-CIC était donc tenue d'en souscrire une assurance. Ne l'ayant pas fait, elle a violé les termes de son engagement contractuel, et au surplus, agi avec mauvaise foi en s'abstenant de retourner le contrat aux médecins, ce qui leur a généré un préjudice financier (souscription d'un nouvel échographe). Il soutient que la bailleresse est mal fondée à solliciter le paiement d'une quelconque somme en exécution de ce premier contrat.
La société CM-CIC soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir souscrit de contrat d'assurance couvrant le matériel alors qu'aux termes de l'art. 9.2 du contrat de location, les locataires se sont précisément engagés à souscrire une telle police d'assurance. Ils ne peuvent donc invoquer les dispositions de l'art. 9.3 du contrat, lequel prévoit que le bailleur a la possibilité et non l'obligation, à sa propre convenance, de souscrire une police d'assurance, en l'absence d'attestation d'assurance adressée par le locataire. L'art. 9.5 indiquant que le locataire demeure responsable en toute circonstances des obligations d'assurance.
Ceci étant exposé, aux termes de l'article 9.2 du contrat, " Le locataire s'engage à souscrire à ses frais toute police d'assurances normalement requise dans son domaine d'activité, en ce incluse une police garantissant d'une part sa responsabilité civile en tant que détenteur et gardien utilisateur du matériel, couvrant le risque personnes transportées le cas échéant. Le bailleur devant bénéficier de la qualité d'assuré additionnel avec renonciation à recours, d'autre part sans que cette liste soit limitative les risque de bris de machine, vol, incendie, explosion, dégâts des eaux, marchandises transportées ' "
L'article 9. 3 dispose que " S'il ne lui a pas fait parvenir, dans les 7 jours de la livraison du matériel une attestation d'assurance dudit matériel telle qu'indiqué à l'article 9.2, le locataire donne mandat irrévocable au bailleur qui l'accepte à titre gratuit d'adhérer, s'il en a convenance, pour le compte du locataire au contrat d'assurance collectif par lui souscrit, dont les conditions ont été mises à la disposition du locataire ou peuvent lui être adressées sur simple demande. Le bailleur confirmera au locataire cette adhésion par tout moyen notamment par l'envoi d'un échéancier des primes, le locataire à défaut, ne pouvant présumer de celle-ci (') Il est laissé à l'initiative du locataire de souscrire à ses frais toute police complémentaire qu'il jugerait utile. "
Il n'est pas contesté que les locataires n'ont pas assuré le matériel et qu'ils n'ont donc pas adressé au bailleur une attestation d'assurance.
La disposition de l''article 9.3 du contrat prévoit, dans cette hypothèse, la souscription par le bailleur " s'il en a la convenance " au contrat d'assurance collective, ce qui implique pour ce dernier une possibilité et non une obligation de faire. Le mandat donné au bailleur pour ce faire est " irrévocable " et le locataire peut souscrire une assurance " complémentaire ".
Les termes des articles 9.2 et 9.3 du contrat sont ambigus. Elles doivent être interprétées en ce sens qu'en dépit des termes " à sa convenance ", le bailleur avait l'obligation de souscrire une assurance, conformément au mandat irrévocablement donné par le locataire ; la seule possibilité offerte à ce dernier étant de ne pouvoir souscrire qu'une assurance complémentaire.
Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la société bailleresse a donc commis une faute contractuelle qui a entrainé pour Monsieur [R] un préjudice financier constitué par le paiement du solde de 35 396,52 euros au titre du premier contrat auquel il conviendra d'ajouter la TVA et qui sera déduit des sommes dues par M. [R] à la société CM-CIC Leasing Solutions.
Sur la novation du contrat de 2015
M. [R] soutient, sur le fondement de l'article 1271 du code civil, qu'en procédant au déménagement du matériel au profit du seul Docteur [F] au sein de la clinique de l'Essonne, la société CM-CIC a ainsi démontré sa volonté de procéder à la novation du contrat, de libérer le Docteur [R] de ses obligations contractuelles et de conserver le Docteur [F] comme unique débiteur. Au surplus, le contrat de location est un contrat synallagmatique et dans la mesure où la société CM-CIC a procédé au déplacement de la machine, l'empêchant de pouvoir l'utiliser, elle ne pouvait lui demander de payer le loyer, qui était la contrepartie de la jouissance de l'échographe.
La société CM-CIC, tout en soulignant qu'aucune des conditions de l'article.1271 du code civil ne sont réunies en l'espèce, soutient que le Docteur [R] ne saurait soutenir que le déménagement de l'appareil à la clinique de l'[6] au sein de laquelle le Docteur [F] exerce désormais son activité professionnelle vaut novation à son profit et a définitivement mis fin à ses obligations contractuelles alors qu'il a paraphé, signé et revêtu de son cachet le contrat conclu le 2 septembre 2015 de sorte que celui-ci demeure parfaitement valable. D'autant plus, que l'art. 4.3 des conditions générales de location prévoit que dans l'hypothèse où le matériel est loué à plusieurs colocataires, ceux-ci font leur affaire personnelle de l'usage du matériel et resteront personnellement et solidairement tenus de toutes les obligations résultant du contrat et notamment du paiement des loyers convenus.
Ceci étant exposé, l'article 1271 du code civil dispose que : " La novation s'opère de trois manières :
1° Lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte ;
2° Lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier ;
3° Lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé. "
La volonté de nover ne se présume pas. Elle doit être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties.
Les 4 décembre 2015, le Docteur [R] a informé la société bailleresse de son accord pour transférer le matériel à la clinique de l'[6], cette dernière devant prendre en charge l'intégralité des loyers à compter du 31 décembre 2015
Par attestation établie sur une ordonnance à son nom, en date du 23 novembre 2015, le Docteur [F] certifie qu'en accord avec le Docteur [R] et la clinique de l'[6], l'appareil d'échographie sera utilisé pour son usage dans cette clinique et que le crédit sera pris en charge par la clinique comme prévu avec son directeur.
L'acte de cession produit aux débats a été établi le 8 janvier 2016 mais n'a été signé que par le Docteur [R].
La société bailleresse n'a a donc jamais donné son accord pour voir un nouveau débiteur substitué au Docteur [R].
Ainsi, en l'absence d'actes positifs et non équivoques des parties au contrat (M. [R], M. [F] et la bailleresse) établissant que la bailleresse ait libéré le Docteur [R] de ses obligations contractuelles et conservé le Docteur [F] ou la clinique de l'[6] comme unique débiteur, il n'y a pas eu novation du contrat de 2015 à la suite de la séparation des deux praticiens et le déménagement de l'appareil au sein de la clinique de la clinique où était installé le Docteur [F], peu importe dès lors que le déménagement de l'appareil ait été fait par la bailleresse.
Sur la résiliation du contrat
Il est établi par les pièces produites aux débats que la société bailleresse a respecté les dispositions contractuelles relativement au prononcé de la résiliation du contrat suite au courrier recommandé avec accusé de réception adressé par la bailleresse à M. [R] en date du 23 mai 2017, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du contrat et débouté M. [R] de sa demande de résiliation du contrat aux torts de la bailleresse.
Il n'est pas contesté que le matériel a été restitué à la société CM-CIC Leasing Solutions le 14 avril 2017.
Sur les sommes réclamées par la société CM-CIC Leasing Solutions
M. [R] soutient, au vu de l'ensemble des arguments susmentionnés, que la société n'a pas fait preuve de bonne foi tout au long du contrat et antérieurement. Dès lors, elle ne peut ni réclamer une indemnité de 10% sur les loyers arriérés (car non prévue contractuellement), ni l'application d'une clause pénale car elle apparait excessive au regard des circonstances de l'espèce (la société percevant déjà une indemnité de résiliation pour laquelle il rappelle qu'elle vise à compenser le préjudice du bailleur du fait de la résiliation du contrat de crédit-bail. Il fait valoir qu'en l'espèce, la société a repris possession du matériel litigieux dès 2017 et qu'il est donc anormal que la société récupère à la fois le matériel et l'indemnité de résiliation anticipée correspondant aux loyers à courir jusqu'à la fin du contrat. Cela reviendrait à lui payer deux fois la machine, qu'elle a pu soit vendre, soit remettre en location, tout en percevant l'indemnité contestée.
Il affirme que le calcul des nouvelles mensualités de loyer, qui intègrent celles du matériel volé, n'a pas été explicité dans le deuxième contrat conclu en 2015 ; que les quotes-parts de loyer sont passées de 650 € HT (premier contrat) à 1 002,34 € HT (deuxième contrat), pour la location d'un appareil de même type ; que la bailleresse ne fournit aucune explication sur cette discordance.
Il ajoute que la société ne peut valablement soutenir que les difficultés liées au départ du Docteur [F] de la clinique du [5] ne lui sont pas opposables, alors qu'elle a elle-même transmis un projet d'acte de cession ayant pour objet d'acter du transfert du contrat de location au bénéfice de la clinique de l'[6]. Ce faisant, il s'est écarté de la solution prévue à ses CGV qui consistaient à désigner un mandataire. Par la suite, il souligne le manque de clarté quant au prix du loyer à transférer. La société n'a jamais établi, qu'une fois la difficulté née et portée à sa connaissance, elle a transmis les éléments financiers nécessaires pour faire le compte entre les colocataires. Dans ces conditions, la clause d'inopposabilité en cas de colocation prévue aux CGV du bailleur est écartée et M. [R] peut lui opposer les difficultés nées du départ de son colocataire et son inertie à leur donner les moyens de les régler.
La société CM-CIC fait valoir qu'elle n'a pas à pâtir des relations professionnelles dégradées entres les colocataires et que c'est avec mauvaise foi et en se prévalant de sa propre turpitude que M. [R] tente de transférer le poids des obligations qui lui incombe, sur elle.
Elle expose que le vol du matériel a provoqué la résiliation du contrat de 2014 et que le solde restant dû a été intégré au nouveau contrat de 2015 à la demande des colocataires, lesquels ont régularisé un avenant de reprise de l'encours en date du 2 septembre 2015.
Elle sollicite le paiement des sommes suivantes :
Concernant le Docteur [R] [W] :
. loyers impayés : 16 947,36 € TTC,
. pénalités contractuelles (art.4.4) : 1 694,73 € TTC,
. loyers à échoir : 35 686,00 € HT,
. clause pénale : 3 568,60 € HT,
soit un total de 57.896,69 €,
Concernant la SELARL du Docteur [P] [F] :
. loyers impayés : 2118,42 € TTC,
. pénalités contractuelles (art.4.4) : 211,84 € TTC,
. loyers à échoir : 35 686,00 € HT,
. clause pénale : 3 568,00 € HT,,
soit un total de 41 584,26 €
avec intérêts de droit à compter de la présentation de la mise en demeure soit le 23 mai 2017,
Elle fait valoir que le Docteur [R] a cessé de procéder au règlement de ses loyers au motif qu'il n'était plus en possession de l'appareil loué et qu'il restait devoir, au mois d'avril 2017, 16 loyers impayés et échus d'un montant de 16 947,36 € TTC, outre une pénalité contractuelle de 1 694,73 €. Le Docteur [F] restait devoir 2 loyers impayés et échus d'un montant de 2.118,42 € TTC, outre une pénalité contractuelle de 211,84 €. Suite à une mise en demeure de régulariser leur situation, restée infructueuse, la société a constaté la résiliation de plein droit dudit contrat.
Elle soutient que l'interruption du paiement des loyers lui cause un préjudice en ce qu'elle ne peut pas recouvrer les sommes qu'elle a investies pour le compte de ses locataires à hauteur de la somme de 113 747,53 €. Elle estime que la clause pénale de 10% est usuelle dans ce type de contrat, puisqu'elle est destinée à réparer le préjudice subi par le bailleur résultant de la résiliation anticipée du contrat qui est égal au gain manqué et à la perte éprouvée.
Ceci étant exposé, ainsi que le rappelle l'article 4.3, les co-locataires sont solidairement tenus des obligations du contrat et notamment du paiement des loyers convenus. Il ne saurait être reproché à la société bailleresse, averti de la séparation des colocataires, de n'avoir pas désigné de mandataire, cette possibilité pour un locataire de donner mandat à un autre locataire aux fins d'exécution du contrat pour leur compte commun n'était qu'une possibilité réservée auxdits locataires.
Contrairement à ce que soutient M. [R], cette clause lui est opposable.
Les pénalités contractuelles réclamés sur le fondement de l'article 4.4 du contrat, sur les loyers impayés à hauteur des sommes de 1 694,73 € TTC et 211,84 € TTC représentent 10 % des sommes dues. Or, l'article 4.4 du contrat ne prévoit pas de pénalité contractuelle dans l'hypothèse de loyers impayés mais seulement un intérêt contractuel de retard de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
Les Docteurs [R] et [F] sont solidairement tenus au paiement des sommes dues en exécution du contrat. Or la société intimée réclame à chaque locataire des sommes différentes au titre des loyers impayés.
En outre, elle sollicite le paiement d'une indemnité de résiliation augmentée de 10 % au titre de la clause pénale. Elle considère que l'indemnité de résiliation compense son préjudice né de la résiliation anticipée du contrat au regard des sommes qu'elle a investies pour l'acquisition du matériel pour le compte des locataires (selon facture GE Helthcare du 08.04.2015 d'un montant de 94 789,60 euros TH).
Or, constitue une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil applicable aux faits de l'espèce, la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donne lieu l'inexécution de l'obligation contractée.
En l'espèce, le contrat dispose en son article 10.3 qu'en cas de résiliation, " Le bailleur se réserve la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dus jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement :
a) en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation H.T. égale au montant total des loyers H.T. postérieurs à la résiliation ; et
b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation. "
La majoration de la charge financière pesant sur le locataire résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers prévus jusqu'au terme du contrat augmentée de 10 % a été stipulée à la fois comme un moyen de contraindre le débiteur à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le loueur du fait de la résiliation de sorte qu'elle constitue une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès manifeste.
La société bailleresse a récupéré le matériel qu'elle a peut-être vendu ou loué à nouveau ce qui a nécessairement des conséquences sur l'étendue du préjudice qu'elle a subi au regard de la rupture anticipée du contrat et de la somme investie par l'acquisition du matériel.
C'est pourquoi la cour ordonne la réouverture des débats en invitant d'une part la société CM-CIC Leasing Solution à fournir toutes explications d'abord sur le montant des loyers réclamés au Docteur [V] [R] [W] et à la SELARL du Docteur [P] [F], ensuite sur la destination qu'elle a réservée au matériel qu'elle a récupéré, puis sur le montant du prix revente éventuel ou des loyers perçus au titre d'un éventuel nouveau contrat et d'autre part, les parties à conclure sur ces points.
Sur la demande en garantie contre le Docteur [F]
M. [R] fait valoir que le Docteur [F] avait attesté que l'appareil était utilisé pour son usage exclusif de sorte que ce dernier doit être condamné à lui garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre lui au titre des loyers dus pour le matériel de remplacement qu'il a emporté, à compter du mois de janvier 2016.
Compte tenu de la réouverture des débats, il sera sursis à statuer sur ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [V] [R] [W] au titre de l'absence de souscription d'une assurance du matériel loué ;
Statuant à nouveau,
Dit que la société CM-CIC Leasing Solutions a engagé sa responsabilité contractuelle en raison de l'absence de souscription d'une assurance du matériel loué à hauteur de la somme de 35 396,52 euros à laquelle il sera ajoutée la TVA applicable ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable le contrat de location conclu entre les parties le 2 septembre 2015 et constaté la résiliation de plein droit du contrat de location conclu entre les parties le 2 septembre 2015 ;
Sur les sommes réclamées par la société CM-CIC Leasing Solutions, ordonne la réouverture des débats,
Invite d'une part la société CM-CIC Leasing Solution à fournir toutes explications sur le montant des loyers réclamés au Docteur [V] [R] [W] et à la SELARL du Docteur [P] [F], sur la destination qu'elle a réservée au matériel qu'elle a récupéré et sur le montant du prix revente éventuel ou des loyers perçus au titre d'un éventuel nouveau contrat et d'autre part, les parties à conclure sur ces points ;
Renvoie la cause et les parties à l'audience de mise en état du
Sursoit à statuer sur la demande en garantie formée par Monsieur [V] [R] [W], sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL