REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 21 JUIN 2024
(n° /2024, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22153 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3UU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Décembre 2021 - Tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 19/04237
APPELANT
Monsieur [N] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Thierry JOVE DEJAIFFE de la SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY-AVOCATS, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
Société QBE EUROPE représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siète
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Agnès LEBATTEUX SIMON de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0154
Ayant pour avocat plaidant Me Marie LEROY, avocat au barreau de Paris, toque : P154
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame Laura TARDY, conseillère
Madame Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Laura Tardy, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie Guillaudier, conseillère faisant fonction de présidente et par Céline Richard, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte du 1er décembre 2009, la société NCMI - Maisons Astral (la société NCMI) et Mme [Y] [O] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle, moyennant un prix de 147 167 euros.
Suivant acte sous seing privé du 14 janvier 2010, la société QBE Insurance Europe Limited est intervenue en tant que garant de la livraison des ouvrages à prix et délais convenus, garantie qui a été mise en 'uvre par Mme [O].
La société NCMI étant défaillante, la société QBE Insurance Europe Limited, représentée par son mandataire, la société Agemi, a mis la société NCMI en demeure de poursuivre les travaux par un courrier en date du 30 novembre 2011.
Suivant ordonnance du 3 février 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné une expertise. L'expert a déposé son rapport le 15 mai 2014.
Par jugement du 15 février 2018 rendu par le tribunal de commerce de Bobigny, la société NCMI a été placée en liquidation judiciaire.
Par acte sous seing privé du 8 décembre 2005, M. [N] [F], gérant de la société NCMI, s'était porté caution solidaire des engagements de celle-ci dans la limite de la somme de 80 000 euros, portée à 100 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.
Mme [Y] [O] a conclu le 6 mai 2019 avec la société QBE Europe, venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited, un protocole d'accord afin de l'indemniser.
Par acte d'huissier du 14 novembre 2019, la société QBE Europe a assigné M. [N] [F] aux fins de paiement de la somme de 100 000 euros au titre de l'engagement de caution solidaire de ce dernier.
Par jugement en date du 2 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a statué en ces termes :
- déclare irrecevables les conclusions et pièces notifiées par M. [N] [F] le 15 octobre 2021, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture,
- rejette l'ensemble des demandes de M. [N] [F],
- rejette la demande de la société QBE Europe tendant à lui donner acte de son intervention volontaire,
- condamne M. [N] [F] à payer à la société QBE Europe la somme de 100 000 euros (cent mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019, et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
- rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [N] [F] aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct par la SCP Zurfluh-Lebatteaux-Sizaire et associés au titre de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration en date du 16 décembre 2021, M. [N] [F] a interjeté appel du jugement, intimant la société QBE Europe devant la cour d'appel de Paris.
Par ordonnance en date du 13 mars 2023, la juge de la mise en état a constaté le caractère parfait du désistement de l'incident de radiation introduit par la société QBE Europe, l'extinction de l'instance d'incident de radiation, et le dessaisissement du conseiller de la mise en état pour cette instance.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024, M. [N] [F] demande à la cour de :
- recevoir M. [N] [F] en son appel et l'y dire bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux en date du 2 décembre 2021,
Et statuant de nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de la société QBE Europe,
- constater la péremption de l'acte de caution signé le 8 décembre 2005,
- déclarer le cautionnement souscrit par M. [N] [F] irrégulier,
- ordonner la nullité de l'acte de cautionnement souscrit par M. [N] [F],
- débouter en conséquence la société QBE Europe de l'ensemble de ses demandes plus amples et contraires,
- condamner la société QBE Europe à verser à M. [N] [F] la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre susbsidiaire :
- constater le défaut d'information annuelle prescrit à l'article L. 341-6 du code de la consommation,
- dire que M. [F] ne saurait être tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus,
- constater la déchéance du droit à intérêts de la société QBE Europe,
- accorder à M. [F] les plus larges délais de paiement à hauteur de 24 mois,
- condamner la société QBE Europe aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Thierry Jove Dejaiffe, membre de la SELARL Jove-Langagne-Boissavy, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2022, la société QBE Europe demande à la cour de :
- déclarer M. [N] [F] tant irrecevable que mal fondé en son appel,
Et notamment,
In limine litis,
- déclarer irrecevable la prétention nouvelle soulevée par M. [N] [F] en cause d'appel tendant à faire constater par la cour d'appel de céans la péremption de l'acte de caution signé le 8 décembre 2005,
Subsidiairement,
- rejeter le moyen comme étant mal fondé,
- recevoir la société QBE Europe en son appel incident,
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société QBE Europe de sa demande de condamnation de M. [F] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- condamner M. [N] [F] à payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour le surplus,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a débouté la société QBE Europe de sa demande de condamnation de M. [F] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux le 2 décembre 2021, notamment en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables les conclusions et pièces notifiées par M. [N] [F] le 15 octobre 2021, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture,
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [N] [F],
- condamné M. [N] [F] à payer à la société QBE Europe la somme de 100 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019, et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
- condamné M. [N] [F] aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct par la SCP Zurfluh Lebatteux Sizaire et associés au titre de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
En tout état de cause,
- condamner M. [N] [F] à payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Christophe Sizaire, membre de la SCP Zurfluth-Lebatteux-Sizaire, admis à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 7 mars 2024.
MOTIVATION
Sur la demande nouvelle en appel
Moyens des parties :
La société QBE Europe soutient que la demande de M. [F] tendant à ce que la cour constate la péremption de l'acte de cautionnement est une demande nouvelle en appel, irrecevable de ce chef sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
M. [F] réplique qu'il s'agit d'un moyen nouveau à l'appui de sa demande d'annulation du cautionnement et de rejet de la demande en paiement formée par la société QBE Europe, qui est donc recevable. Il ajoute que si sa demande de constat de péremption était considérée comme une demande nouvelle, au visa de l'article 565 du code de procédure civile elle serait recevable comme tendant aux mêmes fins que la demande d'annulation de l'acte de cautionnement.
Réponse de la cour :
Les articles 564 et 565 du code de procédure civile disposent qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office,les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, M. [F] a saisi la cour, dans son dispositif, d'une demande de 'constater la péremption de l'acte de cautionnement signé le 8 décembre 2005.' Il ne résulte pas des termes du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Meaux qu'il avait soutenu cette demande dans ses dernières conclusions devant cette juridiction.
Il apparaît des termes de ses conclusions que l'argumentation tirée de la péremption de l'acte de cautionnement est en réalité un moyen à l'appui de sa demande de rejet des prétentions de la société QBE Europe, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande et qu'il n'y a pas lieu de la déclarer irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de la société QBE Europe
Moyens des parties :
M. [F] soutient, au visa de l'article L. 622-24 du code de commerce, que la demande en paiement formée par la société QBE Europe est irrecevable faute de déclaration puis d'admission préalable au passif de la société NCMI, en liquidation judiciaire.
La société QBE Europe réplique qu'elle justifie de la déclaration de la créance le 9 avril 2018 auprès du liquidateur de la société NCMI, la liquidation judiciaire ayant été ouverte par jugement du 15 février 2018 publié au BODACC le 25 février 2018. Elle ajoute que l'absence de déclaration de créance ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être opposée par la caution.
Réponse de la cour :
L'article L. 622-26 du code de commerce, dans sa version antérieure au 1er octobre 2021, applicable à la présente instance, énonce qu'à défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L'article R. 622-24 du même code précise que le délai de déclaration est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC.
En l'espèce, il est justifié de la publication au BODACC des samedi 24 et dimanche 25 février 2018 du jugement rendu le 15 février 2018 par le tribunal de commerce de Bobigny, prononçant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société NCMI et désignant Maître [J] [G] en qualité de liquidateur, et de la déclaration par la société Agemi, mandataire de la société QBE Insurance Europe Limited, de la créance de sa mandante auprès de Maître [G] le 9 avril 2018 et reçue le 16 février 2018, pour la somme de 532 084,44 euros au titre du contentieux avec Mme [O] (pièces 10 et 11 de la société QBE Europe).
Ainsi, la société QBE Europe justifie de la déclaration de sa créance envers la société NCMI dans les délais impartis par l'article L. 622-26 susvisé, et de la recevabilité de son action, celle-ci étant subordonnée à la déclaration de la créance et non à son admission au passif du débiteur.
Sur la demande en paiement de la société QBE Europe
Moyens des parties :
La société QBE Europe soutient que l'acte de cautionnement dont elle se prévaut pour fonder sa demande en paiement n'est pas celui de 2005 mais celui du 15 novembre 2012 qui a renouvelé celui de 2005, porté l'engagement de M. [F] à la somme de 100 000 euros et prévu une période de couverture de sept ans. Elle indique que l'acte de cautionnement de M. [F] des engagements de la société NCMI dont il était le gérant est valide car sa date est lisible, et en tout état de cause le défaut de date portée de façon manuscrite complète n'est pas un motif d'annulation du cautionnement. Elle ajoute que l'article L. 341-4 du code de la consommation, relatif à la disproportion du cautionnement, n'est applicable qu'aux créanciers professionnels et elle fait valoir que cet acte n'a pas été consenti pour garantir un emprunt mais dans le cadre de la délivrance d'une garantie à prix et délais convenus. Elle précise qu'il appartient à la caution de démontrer la disproportion et que M. [F] ne rapporte pas cette preuve. Enfin, elle soutient que l'article L. 341-3 du code de la consommation, relatif à l'obligation annuelle d'information de la caution, n'est applicable qu'aux établissements et qu'elle n'y était donc pas tenue, ajoutant qu'elle ne sollicite ni pénalité ni intérêts conventionnels et de retard.
Au visa des dispositions de l'article 2292 du code civil, M. [F] conclut au rejet de la demande de condamnation formée par la société QBE Europe car l'engagement de caution est nul dès lors que la date portée en lettres, exigence contractuelle, ne mentionne pas l'année, ce qui rend cet engagement incertain et donc irrégulier. Il ajoute que la société QBE Europe ne justifie pas avoir, préalablement à l'acte de cautionnement, sollicité la déclaration de ses revenus et charges et de son patrimoine, ce qui entraîne le rejet de la demande de paiement. Il indique que l'acte de cautionnement aurait été conclu le 15 novembre 2011 et que l'obligation de couverture s'est achevée le 15 novembre 2018, avant la naissance de la créance qui résulte de la transaction survenue entre la société QBE Europe et Mme [O] le 25 avril 2019. Il précise que cet accord lui est inopposable et ne permet pas au juge de vérifier que la transaction relève du champ de la caution, dès lors qu'il porte sur un montant de 350 000 euros supérieur à la créance que Mme [O] pouvait détenir. Il indique que la garantie de la société QBE Europe ne peut être associée à l'objet du cautionnement car celui-ci ne vise pas la garantie, et lui est postérieur. À titre subsidiaire, il se prévaut des dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation et soutient ne pas avoir été rendu destinataire de l'information annuelle qui lui était due par la société QBE Europe.
Réponse de la cour :
1) Sur la nullité du cautionnement
L'article 2292 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
En l'espèce, par acte du 14 janvier 2010, la société Agemi, mandataire de la société QBE Insurance Europe Limited, a déclaré garantir la livraison à prix et délai convenu de la construction objet du contrat de construction conclu le 1er décembre 2009 entre la société NCMI et Mme [O] aux fins de construction de la maison individuelle de cette dernière, au prix de 147 167 euros. À cette date, il est justifié d'un acte de cautionnement solidaire, sans bénéfice de discussion ni de division, des engagements de la société NCMI envers la société QBE Insurance Europe Limited par M. [F], gérant de la société NCMI, engagements résultant de la convention de cautionnement constructeur de maisons individuelles conclue entre les deux sociétés. L'acte de cautionnement est daté du 8 décembre 2005, couvre une période de dix ans et limite le cautionnement de M. [F] à la somme de 80 000 euros 'que le cautionné peut ou pourra devoir au titre des garanties délivrées en application de la convention ci-dessus signée.'
Par acte du 15 novembre 2012, M. [F] s'est porté caution solidaire des engagements de la société NCMI envers la société QBE Insurance Europe Limited dans les mêmes termes que ceux du cautionnement de 2005, mais pour un montant garanti de 100 000 euros.
Il s'ensuit que le cautionnement de M. [F], en 2005 comme en 2012, a un objet, à savoir les garanties octroyées par la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe, et qui seraient mises en jeu du fait de la défaillance de la société NCMI. Il n'y a donc pas lieu à annulation du cautionnement encouru de ce chef.
L'acte de cautionnement de 2012 mentionne la date en chiffres, mais la date indiquée en lettres est 'quinze novembre' sans mention manuscrite de l'année.
Il est constant que l'absence de date sur l'acte de cautionnement ou dans la mention manuscrite n'est pas une cause de nullité de cet acte (Cass., Com., 15 mai 2019, n° 17-28.875 ; 15 février 2023, n° 21-18.644).
Par conséquent, il n'y a pas lieu à annulation de l'acte de cautionnement de 2012 du fait du défaut de mention manuscrite de l'année de l'engagement. En outre, la date portée en chiffres, lisible, est 2012 et non 2011 comme soutenu par M. [F].
La décision des premiers juges de rejeter la demande d'annulation de l'acte de cautionnement sera confirmée.
2) Sur la proportion du cautionnement
L'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion de l'acte de cautionnement, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il est constant qu'il appartient à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus d'en rapporter la preuve (Cass., Com., 13 septembre 2017, n° 15-20.294), c'est-à-dire la preuve de ce qu'elle se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus (Cass., Com., 28 février 2018, n° 16-24.841).
Si ce texte n'impose pas au créancier, sauf anomalies apparentes, de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement. Le créancier professionnel qui a omis de vérifier la situation financière et patrimoniale de la caution lors de la souscription du cautionnement ne peut donc opposer l'acte de cautionnement à la caution qui rapporte la preuve de la disproportion de celui-ci avec ses biens et revenus.
En l'espèce, M. [F] oppose à la société QBE Europe la disproportion de son engagement lors de la souscription de l'acte de cautionnement le 15 novembre 2012. Cependant, il ne verse aux débats aucun élément afférent à sa situation patrimoniale ou financière contemporaine de cette date. Par conséquent, la société QBE Europe peut lui opposer le cautionnement et le jugement sera confirmé de ce chef.
3) Sur la mise en jeu de la caution
L'acte de cautionnement de M. [F] a une durée de couverture de sept ans à compter du 15 novembre 2012, de sorte que M. [F] est tenu de garantir la société QBE Europe, dans la limite de 100 000 euros, pour toutes les garanties qu'elle devrait mettre en oeuvre pendant la période de couverture au titre de la défaillance de la société NCMI dans l'exécution des contrats de construction de maison individuelle.
a) Sur l'existence de la dette de la société NCMI
Les premiers juges ont pertinemment rappelé que la mise en oeuvre de l'obligation de cautionnement suppose que le débiteur principal n'ait pas satisfait à son obligation envers le créancier, c'est-à-dire que la société NCMI soit défaillante dans l'exécution de son obligation envers la société QBE Europe.
La société QBE Europe justifie avoir versé 350 000 euros à Mme [O] au titre des préjudices subis du fait des désordres affectant sa maison en construction et du retard pris dans l'édification de celle-ci, dont la société NCMI était chargée, et ce en exécution d'un protocole transactionnel conclu entre elles le 6 mai 2019 (sa pièce 2). Elle soutient que ce versement constitue l'exécution de sa garantie de livraison à prix et délais convenus et qu'elle est ainsi subrogée dans les droits de Mme [O], bénéficiant ainsi d'un recours contre le constructeur, la société NCMI, et de la garantie des engagements de celle-ci souscrite par M. [F], caution solidaire, à son égard.
Les premiers juges ont retenu qu'en considération des stipulations du contrat de construction de maison individuelle, notamment afférentes aux pénalités pour retard de livraison excédant trente jours, des courriers échangés entre les parties et de l'expertise judiciaire faisant état de quatorze désordres dus selon l'expert au non-respect par la société NCMI des documents normatifs et des règles de l'art, à une absence d'études, à une absence de coordination entre les titulaires de plusieurs lots, la créance de Mme [O], maître d'ouvrage, envers la société NCMI excédait largement la somme de 100 000 euros correspondant au cautionnement de M. [F]. Ils ont en effet considéré le coût des travaux de réfection à dire d'expert pour un montant de 60 600 euros et le montant des pénalités de retard courant de la date de livraison prévue (25 décembre 2010) jusqu'à la date de la transaction, évalué à la somme de 148 798 euros.
Les pièces versées par les parties conduisent à confirmer le raisonnement des premiers juges, M. [F] n'apportant en appel aucun élément de nature à venir contredire celui-ci, que la cour fait sien par conséquent.
b) Sur la mise en oeuvre de l'engagement de caution
La créance de la société QBE Europe, garante de livraison à prix et délais convenus, est née de la défaillance de la société NCMI.
Il résulte des éléments versés aux débats que la société Agemi, mandataire de la société QBE Insurance Europe Limited a, par courrier du 30 novembre 2011, mis la société NCMI en demeure d'exécuter les travaux nécessaires à la livraison de la maison de Mme [O] dans les délais contractuels, qu'une procédure judiciaire a été initiée par Mme [O], que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 mai 2014, que par courrier du 21 mars 2015 la société NCMI a confirmé à son conseil la reprise du chantier de la maison de Mme [O] mais qu'un procès-verbal de constat en date du 13 mai 2015 a établi l'inachèvement des travaux. La société NCMI a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 15 février 2018. Sa défaillance doit donc être constatée à cette date, de sorte que l'acte de cautionnement dont la société QBE Europe est bien fondée à se prévaloir est celui de 2012, pour un montant de couverture de 100 000 euros. Le moyen tiré de la péremption de l'acte de cautionnement de 2005 est donc inopérant.
En exécution du protocole d'accord convenu avec Mme [O], la société QBE Europe lui a versé la somme de 350 000 euros. Elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 100 000 euros, celui-ci s'étant porté caution solidaire en renonçant aux bénéfices de discussion et de division. La décision des premiers juges sera confirmée, en ce compris le cours des intérêts moratoires à compter du 14 novembre 2019, date de l'assignation, et la capitalisation des intérêts, non discutés par M. [F].
4) Sur l'obligation d'information due à la caution
L'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré du manquement à l'obligation annuelle d'information de la caution, obligation applicable à la société QBE Europe, était sans incidence sur le quantum de la créance de M. [F] dès lors que la société QBE Europe ne sollicitait pas, et pas davantage en appel, sa condamnation au paiement de pénalités ou intérêts de retard venant majorer le montant de la créance en principal.
Sur la demande de délais de paiement de M. [F]
Moyens des parties :
M. [F] sollicite des délais de paiement sur vingt-quatre mois au regard de sa situation personnelle et professionnelle.
La société QBE Europe conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté sa demande de délais de paiement en raison de l'absence d'élément relatif à la situation financière de M. [F].
Réponse de la cour :
L'article 1343-5 du code civil énonce que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La cour indique que cette demande est dorénavant sans objet, dès lors qu'il a été confirmé la condamnation de M. [F] à verser à la société QBE Europe la somme de 100 000 euros et qu'il s'est acquitté de ce paiement dans le cadre de la procédure d'appel, amenant la société QBE Europe à se désister de son incident de radiation pour inexécution des causes du jugement soutenu devant le conseiller de la mise en état.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, M. [F], partie succombante, sera condamné aux dépens et à payer à la société QBE Europe la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles. Sa demande à ce titre sera rejetée.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
REJETTE l'exception d'irrecevabilité tirée de la nouveauté de la demande en appel soulevée par la société QBE Europe,
DIT recevable l'action de la société QBE Europe,
CONDAMNE M. [N] [F] aux dépens d'appel,
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [F] à payer à la société QBE Europe la somme de mille cinq cent euros (1 500 euros) au titre des frais irrépétibles,
REJETTE la demande de M. [N] [F] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,