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21/06/2024 | FRANCE | N°20/08541

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 21 juin 2024, 20/08541


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 21 Juin 2024



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/08541 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2N5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Pole social du TJ d'AUXERRE RG n° 17/00196



APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'YONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représen

tée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEE

Madame [B] [M]

[Adresse 2]

[Localité 5]

dispensée de comparaître à l'audience, ayant pour conseil Me Gaëlle CH...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 21 Juin 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/08541 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2N5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Pole social du TJ d'AUXERRE RG n° 17/00196

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'YONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Madame [B] [M]

[Adresse 2]

[Localité 5]

dispensée de comparaître à l'audience, ayant pour conseil Me Gaëlle CHIMAY, avocat au barreau d'Auxerre

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller pour Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre , légitimement empêchée et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne (la caisse) d'un jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Auxerre, dans un litige l'opposant à Mme [B] [M] (l'assurée).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Il est rappelé que l'assurée, salariée auprès de la société [8] en qualité de vendeuse-caissière-secrétaire, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle, produisant un certificat médical initial du 20 février 2016 mentionnant : "épicondylite et épitrochléite à droite" ; que la demande de l'assurée a été instruite dans le cadre du tableau n°57 B des maladies professionnelles par la caisse ; qu'il résulte du colloque médico-administratif du 3 octobre 2016 que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'était pas remplie ; que la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région de Bourgogne Franche-Comté qui, dans son avis du 13 avril 2017, est défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, les activités professionnelles de l'assurée ne l'exposant pas de façon habituelle à des facteurs de contrainte ou de sollicitation mécanique pouvant expliquer l'apparition de la pathologie (épicondylite médiane (épitrochléite) du coude droit chez une droitière) ; qu'au regard de cet avis, la caisse a refusé, par courrier du 18 avril 2017, de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie; que l'assurée a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse, laquelle a, dans sa séance du 13 juin 2017, rejeté son recours ; que, le 11 août 2017, l'assurée a porté le litige devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Par jugement rendu le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire d'Auxerre a :

- dit que la maladie épitrochléite droite constatée par l'assurée le 8 février 2016 et déclarée le 24 mai 2016 sur la base d'un certificat médical initial rédigé le 20 février 2016 a été contractée dans les conditions du tableau n°57 B des maladies professionnelles,

- dit que cette maladie est présumée d'origine professionnelle et ordonné sa prise en charge en tant que telle par la caisse,

- infirmé en conséquence les décisions du 18 avril 2017 de la caisse ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel de cette maladie ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 13 juin 2017 ayant confirmé ce refus,

- condamné la caisse à payer à l'assurée la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse aux dépens.

Au soutien de cette décision, le tribunal a retenu que le travail de l'assurée, exercé depuis plus de 15 ans au moment de la déclaration de maladie professionnelle, la contraignait à effectuer des gestes répétitifs avec ses bras, l'exposant au risque tel que défini au tableau n°57 B des maladies professionnelles s'agissant d'une épitrochléite, de sorte que les conditions prévues par ce tableau étaient réunies.

Par déclaration électronique du lundi 14 décembre 2020, la caisse a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 13 novembre 2020.

Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience et auxquelles son conseil se réfère, la caisse demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- ordonner, en conséquence, avant dire droit, la saisine d'un second CRRMP.

La caisse fait valoir que le tribunal n'a relevé aucun élément pertinent pour justifier que la condition tenant à la liste limitative des travaux était remplie ; qu'il n'a pas déterminé les tâches réalisées par l'assurée qui impliqueraient la réalisation habituelle et répétée de mouvements d'adduction, de flexion du poignet, de pronation et de pronosupination ; que l'activité d'employée commerciale de l'assurée au sein d'un magasin de bricolage est très variée et comporte une semaine par mois des travaux de secrétariat consistant en l'établissement de factures et de lettres de rappel sur informatique ainsi que leur mise sous pli, une journée par semaine d'accueil et de renseignement des clients en rayons avec rangement, et le reste du temps des travaux de saisie informatique et encaissement en utilisant une douchette, un clavier d'ordinateur et un écran tactile ; qu'aucun de ces travaux n'impose des mouvements contraints du poignet par rapport à son axe au repos tels qu'exigés par le tableau n°57 B des maladies professionnelles ; que la caisse a donc à juste titre transmis le dossier à un CRRMP qui n'a pas remis en cause l'analyse de la caisse tenant au non-respect de la liste limitative des travaux; que le tribunal a violé les dispositions des articles L.461-1 et R.142-17-2 du code de la sécurité sociale en faisant droit d'emblée à la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de l'assurée, alors qu'une décision rendue après avis d'un CRRMP ne peut être remise en cause sans désigner préalablement un second comité.

Le conseil de l'assurée a sollicité une demande de dispense de comparution à laquelle il a été fait droit.

Aux termes des conclusions adressées à la cour par son conseil, l'assurée demande à la cour de :

- déclarer la caisse mal fondée en son appel,

- confirmer en conséquence le jugement,

- à titre subsidiaire, annuler la décision du 18 avril 2017 de la caisse, ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 13 juin 2017 ayant confirmé cette décision,

- à titre infiniment subsidiaire,

- désigner pour avis un CRRMP autre que celui de [Localité 7] qui s'est prononcé sur la reconnaissance de l'origine professionnelle de la pathologie,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de ce second CRRMP,

- réserver les droits de l'assurée de solliciter la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie,

en tout état de cause,

- condamner la caisse à verser à l'assurée la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la caisse aux entiers dépens.

L'assurée fait valoir que les tâches qui lui étaient assignées lui imposaient de multiples manipulations de produits souvent lourds ainsi que des gestes répétitifs impliquant nécessairement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet ou des mouvements de pronosupination du coude droit, d'autant plus importantes qu'elle est droitière ; que la réalité de ces mouvements découle des attestations établies par des clients et anciens collègues de travail, des constatations de son médecin traitant et des conclusions de la médecine du travail ; que c'est donc à tort que la caisse a considéré que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'était pas remplie; que le CRRMP initialement désigné a fait une appréciation partielle des tâches accomplies par l'assurée.

En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties déposées à l'audience du 10 mai 2024 pour plus ample exposé de leurs moyens.

SUR CE,

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, alinéas 2 à 5, dans sa rédaction applicable, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

En vertu de l'article R.142-24-2 ancien du code de la sécurité sociale, recodifié à l'article R.142-17-2 dudit code par le décret 2018-928 du 29 octobre 2018, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1.

L'assurée ne peut contester le bien fondé de la décision de la caisse qui a transmis le dossier à un CRRMP au motif que la condition tenant à la liste limitative des travaux n'était pas remplie.

Elle ne peut que discuter les constatations faites par le CRRMP qui a apprécié, pour établir l'absence d'un lien direct entre la pathologie et le travail habituel de la victime, si l'assurée a bien réalisé habituellement les mouvements prévus par le tableau n°57 B des maladies professionnelles et qui a conclu par la négative.

Or, en vertu des dispositions susvisées, le tribunal ne pouvait statuer sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de l'assurée sans avoir au préalable désigné un second CRRMP pour qu'il donne son avis motivé sur le point de savoir si la maladie déclarée par l'assurée a été ou non directement causée par son travail habituel.

Le jugement sera donc infirmé et il sera procédé à la désignation d'un second CRRMP.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Auxerre,

Avant Dire Droit,

SURSOIT à statuer sur les demandes de Mme [B] [M],

DÉSIGNE le

CRRMP AQUITAINE, [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

, pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie déclarée par Mme [B] [M] au titre de l'épitrochléite du coude droit a été ou non directement causée par son travail habituel,

DIT que la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne le saisira dans les meilleurs délais,

INVITE les parties à communiquer les documents médicaux en leur possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale,

DIT que le CRRMP devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne,

RENVOIE l'affaire à l'audience 6-12 du :

Lundi 09 décembre 2024 à 09h00

Salle HUOT-FORTIN, 1H09, Secteur Pôle Social, Escalier H, Etage 1

pour les débats au fond après avis du comité et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation d'avoir à comparaître ou s'y faire représenter.

La greffière Pour la présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 20/08541
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.08541 ?
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