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21/06/2024 | FRANCE | N°20/04049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 21 juin 2024, 20/04049


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 21 Juin 2024



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7V7



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Février 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02761



APPELANTE

CPAM 95 - VAL D'OISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée p

ar Mme [O] [E], en vertu d'un pouvoir



INTIMEE

Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0881





COMPOSITION DE LA COUR :
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 21 Juin 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04049 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7V7

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Février 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02761

APPELANTE

CPAM 95 - VAL D'OISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Mme [O] [E], en vertu d'un pouvoir

INTIMEE

Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0881

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Christophe LATIL, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise (la caisse) d'un jugement rendu le 13 février 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société [5] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ayant rejeté de sa demande de lui voir déclarer inopposable la décision prise le 4 mars 2019 de prendre en charge au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles l'affection « Rupture de la coiffe des rotateurs épaule gauches. Intervention chirurgicale prévue le 07/06/2018 » déclarée par M. [P] [U] (la victime).

Par jugement en date du 13 février 2020, le tribunal a :

déclaré recevable mais mal fondé (sic) le recours de la société [5] ;

déclaré inopposable à la société [5] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise du 4 mars 2019 de prise en charge de la maladie déclarée par M. [P] [U] au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles ;

débouté la société [5] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré que la caisse avait pris sa décision plus de trois mois après la date de réception de la déclaration de maladie professionnelle de la victime, mentionnée au courrier de transmission à l'employeur de la déclaration, soit le 10 octobre 2018. Il a retenu que la caisse ne produisait pas le courrier par lequel elle justifiait avoir informé l'employeur du recours à un délai complémentaire d'instruction. Il a jugé, par ce seul motif, que la caisse n'avait pas respecté ses obligations d'instruction.

Le jugement a été notifié à une date indéterminée à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise qui en a interjeté appel par lettre non datée et reçue au greffe le 6 juillet 2020.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 13 février 2020.

déclarer opposable à la société [5] la décision du 4 mars 2019 de la Caisse Primaire de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie déclarée par M. [P] [U] le 6 juillet 2018 ;

déclarer opposable à la société [5] l'ensemble des arrêts et soins prescrits à M. [P] [U] , au titre de sa maladie déclarée le 6 juillet 2018, et pris en charge par la Caisse Primaire au titre de la législation sur les risques professionnels ;

débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

débouter la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise de son appel et confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 13 février 2020 ;

sur le non-respect par la Caisse du caractère contradictoire de l'instruction d'une maladie professionnelle du 12 mai 2018

juger que la Caisse n'a pas informé la société [5] qu'elle instruisait une maladie professionnelle du 12 mai 2018, ni que la société pouvait consulter le dossier de maladie professionnelle du 12 mai 2018 constitué par la Caisse ;

juger que la Caisse n'a pas communiqué à la société [5] le certificat médical du 12 mai 2018 que M. [P] [U] devait transmettre à la Caisse pour faire reconnaître une maladie du 12 mai 2018, et non une maladie du 1er juin 2018, date du certificat médical initial ;

en conséquence,

juger que la Caisse n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure d'instruction d'une maladie professionnelle.

dire et juger inopposable à la société [5], la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [P] [U], ainsi que l'ensemble de ses conséquences ;

sur l'absence de preuve d'une maladie professionnelle du 12 mai 2018 :

juger que la Caisse n'a pas communiqué à la société [5] le certificat médical du 12 mai 2018 que M. [P] [U] devait transmettre à la Caisse pour faire reconnaître une maladie du 12 mai 2018, et non une maladie du 1er juin 2018, date du certificat médical initial ;

juger qu'en l'absence d'un tel document, la Caisse ne rapporte pas la preuve que la maladie déclarée par M. [P] [U], à savoir une « rupture de la coiffe des rotateurs épaule gauche », a effectivement fait l'objet d'une première constatation médicale le 12 mai 2018 ;

en conséquence,

juger que la Caisse ne rapporte pas la preuve de la date de la maladie du 12 mai 2018 ;

dire et juger inopposable à la société [5], la décision de la Caisse de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [P] [U], ainsi que l'ensemble de ses conséquences.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 6 mai 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur le respect du caractère contradictoire de la procédure :

Moyens des parties :

La Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise expose qu'elle a respecté l'ensemble de ses obligations et a associé de façon régulière l'employeur à toutes les étapes de la procédure ; qu'elle n'est pas tenue de communiquer le document par lequel le médecin conseil a qualifié la maladie ni la pièce permettant de fixer la date de première constatation.

La société [5] réplique que la date de la maladie est désormais la date de la première constatation médicale de la maladie depuis l'entrée en vigueur le 1er juillet 2018 de l'article 44 (V) de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ; qu'auparavant, la date de la maladie était la date à laquelle la victime était informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle ; que la Caisse doit transmettre à l'employeur la déclaration de maladie professionnelle mais également le certificat médical attestant de la maladie déclarée ; que la Caisse ne peut reconnaître une maladie professionnelle à une date antérieure à celle du certificat médical initial sans que l'assuré lui ait transmis un certificat médical de cette date constatant sa maladie ; que la preuve de la date du premier constat médical de la maladie incombe en effet à l'assuré ; que quel que soit le formalisme du certificat médical permettant d' attester du premier constat médical de la maladie, il incombe à l'assuré qui entend faire reconnaître la date de premier constat de sa maladie comme antérieure à la date du certificat médical initial de communiquer à la Caisse ce premier constat médical ; qu'à défaut, seule la date du certificat médical initial correspondant au certificat médical communiqué par l'assuré avec sa déclaration de maladie professionnelle peut être retenue par la Caisse pour fixer la date de la maladie ; que la date de la première constatation médicale de la maladie est donc un élément susceptible de faire grief tant pour l'assuré que pour l'employeur ; que la Caisse peut reconnaître une maladie professionnelle à une date antérieure au certificat médical initial ; que dans ces conditions, le salarié est susceptible de recevoir des prestations et notamment l'indemnisation de ses arrêts de travail avant la date du certificat médical initial connu par l'employeur ; que dès lors, si la Caisse a instruit une maladie datée du certificat médical initial joint à la déclaration de maladie professionnelle et finalement entend retenir une date antérieure, il lui incombe d'en informer au préalable l'employeur ; que le certificat médical permettant d'attester du premier constat médical de la maladie, n'est pas couvert par le secret médical puisqu'il détermine le point de départ des prestations susceptibles d'être versées à l'assuré ; que la charge de la preuve du premier constat médical de la maladie pèse sur la Caisse sur le dans ses rapports avec l'employeur ; que la Caisse n'a pas communiqué à la société le certificat médical du 12 mai 2018 que M. [P] [U] devait transmettre à la Caisse, conformément à l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, à l'appui de sa demande de faire reconnaître une maladie professionnelle du 12 mai 2018 ; que la Caisse ne peut reconnaître une maladie professionnelle du 12 mai 2018 sans que l'assuré lui ait transmis un document médical de cette date constatant sa maladie ; que ce certificat du 12 mai 2018 doit effectivement constater médicalement la maladie prise en charge par la Caisse à savoir une « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche », pathologie désignée par le tableau 57A des maladies professionnelles ; qu'ainsi en ne communiquant pas à l'employeur le certificat médical du 12 mai 2018, la Caisse n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure d'instruction d'une maladie professionnelle ; que la Caisse n'a pas informé la société qu'elle instruisait une maladie professionnelle du 12 mai 2018 ; qu'elle ne l'a pas plus informée qu'elle pouvait consulter le dossier de maladie professionnelle du 12 mai 2018 constitué par la Caisse ; que si la Caisse entend modifier la date de la maladie professionnelle, il lui appartient d'en informer l'employeur préalablement à sa décision de prise en charge et au plus tard lorsqu'elle clôture l'instruction de son dossier, et de communiquer le certificat médical de la nouvelle date de la maladie ; que si la Caisse se réfère à la date de première constatation médicale mentionnée sur le colloque médico-administratif, ce dernier, en dehors de tout élément médical extrinsèque, se trouve être dénué de force probante.

Réponse de la Cour :

L'article R441-10 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n 2009-938 du 29 juillet 2009 dispose que :

' La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

« Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

« Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu '.

L'article R441-14 du même code énonce que :

' Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

« En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

« La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

« Le médecin traitant est informé de cette décision '.

L'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dont seule la victime peut se prévaloir. La décision de refus de prise en charge n'est envoyée à l'employeur que ' pour information , ce dont il résulte qu'elle ne peut revêtir de caractère définitif à l'égard de celui-ci. Ainsi, une juridiction ne peut, sans violer les articles R. 441-10, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, déclarer inopposable à l'employeur la décision explicite de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie, peu important que la caisse ait négligé d'aviser le salarié et l'employeur de la nécessité de prolonger l' instruction, dès lors que ni cet organisme ni le salarié n'ont entendu se prévaloir d'une reconnaissance implicite.

Les articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale organisent le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance d'une maladie professionnelle. A cet égard, l'article R. 441-11 alinéa 1er, dans sa version applicable au litige précise l'obligation pour la caisse, hors cas de décision implicite, d'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief. En application de ce texte, il a été précisé que la caisse devait informer l'employeur de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision. Le délai imparti doit être suffisant pour permettre la consultation du dossier et la présentation d'observation sur les éléments faisant grief.

Ainsi, le dossier doit inclure toutes les pièces permettant à l'employeur de vérifier les éléments nécessaires à la réunion des conditions du tableau visé des maladies professionnelles et qui échappent dès lors au secret médical. L'exercice effectif du droit de consultation est sans incidence sur la solution dégagée.

Il résulte de la combinaison des articles L. 461-1 et L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.

La pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à disposition de la victime ou de ses ayants-droits ou de l'employeur en application de l'article R. 441-13.

En application de ces principes, la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil peut correspondre à une date indiquée dans une pièce non communiquée à l'employeur car couverte par le secret médical, mais que les colloques médico-administratifs qui ont été communiqués à ce dernier mentionnent avec la nature de l'événement ayant permis de la retenir.

En l'espèce, la victime a déclaré le 6 juillet 2018 une maladie professionnelle en joignant un certificat médical du 1er juin 2018 mentionnant une « Rupture de la coiffe des Rotateurs épaule gauche ' Intervention chirurgicale prévue le 7 juin 2018 ».

Le certificat médical précise une date de première constatation au 30 mai 2018.

La date de maladie professionnelle prise en compte par la caisse dans le cadre de l'instruction du dossier est celle du certificat médical initial. Elle a notifié la déclaration, ce que ne conteste pas la société, le délai complémentaire d'instruction et la fin d'instruction par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 13 février 2019 et remise le 18 février 2019 à son destinataire mentionnant une date de prise de décision au 4 mars 2019.

La caisse a donc respecté à ce stade les obligations de la procédure d'instruction.

Si la société avait consulté le dossier, elle aurait pris connaissance du colloque-médico-administratif du 5 février 2019 mentionnant que la date de première constatation était fixée au 12 mai 2018, date de la réalisation d'une échographie.

Le médecin conseil a visé une pièce objective, extrinsèque au dossier, qui fonde le diagnostic initial d'apparition des symptômes et qui lui permet de fixer la date d'apparition de la maladie.

Contrairement à ce que cherche à faire accroire la société, la date de première constatation médicale, ne se confond pas avec la date de l'établissement du certificat médical initial qui établit le lien entre la maladie et l'activité professionnelle habituelle de l'assuré. Dès lors, elle ne saurait exiger de la caisse de déposer une pièce extérieure au dossier de maladie professionnelle, dont le contenu est prévu par l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, couverte par le secret médical.

Dès lors qu'elle était tenue par l'avis de son médecin-conseil et que l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale énonce qu'  « est assimilée à la date de l'accident,

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ; », la caisse se devait de notifier dans le cadre de sa décision de prise en charge la date de première constatation qu'elle devait retenir comme date de la maladie et de modifier par voie de conséquence la référence du dossier.

Il en résulte que la caisse n'avait nullement l'obligation d'informer la société du fait qu'elle entendait modifier la date de première constatation médicale de la maladie dans le cadre d'une notification préalable non prévue par la procédure d'instruction en vigueur à l'époque. Cette nouvelle date de première constatation n'étant pas un élément constitutif d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, la société n'avait pas à exiger que soit produit un nouveau certificat médical initial de cette date, qui par définition n'avait pas été établi.

Ce changement de référence et de date ne constitue pas une violation des obligations de la caisse en ce que :

la date de la décision est bien le 4 mars 2019 et fait suite à la notification de la date de l'instruction indiquant une date de prise de décision ce jour-là ;

informée de la possibilité de consulter le dossier, la société aurait eu connaissance des pièces justifiant de la modification de la date de première constatation de la maladie ;

la maladie déclarée est bien celle qui a été instruite et prise en charge par la caisse ;

la société ne saurait faire grief à la caisse de sa propre abstention, alors que la procédure a été respectée, et de l'application par la caisse des obligations de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale qui en résulte.

Le moyen d'inopposabilité sera rejeté.

- sur les conditions du tableau :

Moyens des parties :

La Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise expose que la dénomination de la maladie n'est pas contestée ; que les services administratifs de la Caisse ne sont pas en possession des pièces médicales soumis au secret médical et il convient donc de se référer aux informations fournies par le médecin conseil dans le cadre du colloque médico-administratif quant à la date de première constatation médicale fixée par le médecin conseil ; qu'au vu du tableau 57 A des maladies professionnelles, la maladie de M. [P] [U] nécessitait une prise en charge dans un délai d'un an suivant la fin de l'exposition au risque ; que la société indique que la victime a cessé d'être exposée au risque à compter du 13 mai 2018 ; que la date de première constatation médicale de sa pathologie devait intervenir avant le 13 mai 2019 ; que, peu importe que la date de première constatation soit fixée au 12 mai 2018, au vu du colloque médico-administratif, ou au 30 mai 2018 au vu du certificat médical initial, le délai de prise en charge d'un an est respecté ; qu'au terme de l'enquête diligentée par la Caisse, le médecin conseil a considéré que les tâches effectuées quotidiennement par la victime dans le cadre de son activité professionnelle correspondaient à la liste limitative des travaux énumérés par le tableau n° 57A.

La société ne discute plus ce point-là.

Réponse de la cour :

Il sera juste rappelé pour mémoire que le colloque médico-administratif justifie du diagnostic initial posé par une IRM du 25 mai 2018 et que le médecin-conseil rappelle le code maladie 057 AAM 96 F et son libellé, rupture de la coiffe des rotateurs gauche. La maladie est datée du 12 mai 2018 par application de l'article L 461-1 1° du code de la sécurité sociale et a été déclarée le 6 juillet 2018 avec comme pièce justificative un certificat médical du 1er juin 2018 faisant référence à une date de première constatation du 31 mai 2018.

Les autres conditions ne sont pas discutées, à savoir le délai de prise en charge d'un an et la liste limitative des travaux.

La caisse rapporte donc la preuve qui lui incombe.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [P] [U] sera déclarée opposable à la société [5].

- sur la présomption d'imputabilité des arrêts et soins :

Moyens des parties :

La Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise expose établir cette présomption par la production, de l'ensemble des certificats médicaux délivrés à l'assuré, lesquels mettent en évidence la continuité des symptômes et des soins ; que la victime est consolidée au 14 janvier 2021 et son taux d'incapacité permanente est fixé à 8% pour « séquelles d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, traitée chirurgicalement, consistant en une limitation légère de la rotation externe et une limitation moyenne de la rotation interne de l'épaule gauche dominante, associé à la persistance de phénomènes douloureux » ; que la société requérante ne rapporte pas la preuve de l'absence de lien entre le sinistre et les lésions ayant justifié les arrêts de travail ainsi que les soins ni l'incidence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte dans la prescription des arrêts de travail et soins ; que les soins et arrêts de travail prescrits à l'assuré consécutifs à son affection bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail et il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise médicale judiciaire ; que l'expertise médicale judiciaire n'a pas pour objet de pallier les carences de l'employeur qui ne dispose d'aucun élément pour prouver ses affirmations ; que lors de l'audience de première instance, la société a renoncé à ses demandes relatives à l'absence de justification de la prise en charge de la maladie au titre du tableau 57 A des maladies professionnelles et à l'absence de lien entre les arrêts et soins prescrits à la victime et la maladie déclarée le 06 juillet 2018.

La société ne discute plus la présomption en cause.

Réponse de la cour :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n 20-20.655 ). La cour ne peut, sans inverser la charge de la preuve demander à la caisse de produire les motifs médicaux ayant justifié de la continuité des soins et arrêts prescrits sur l'ensemble de la période. (2e Civ., 10 novembre 2022, pourvoi n 21-14.508). Il en résulte que l'employeur ne peut reprocher à la Caisse d'avoir pris en charge sur toute la période couverte par la présomption d'imputabilité les conséquences de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle s'il n'apporte pas lui-même la démonstration de l'absence de lien.

Ainsi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n 19-24.945) et à l'ensemble des arrêts de travail, qu'ils soient continus ou non.

En outre, les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial. (Civ.2: 24 juin 2021 n 19-25.850).

La société ne discutant plus l'application de la présomption courant du certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail, jusqu'à la date de consolidation, l'ensemble des arrêts et soins prescrits à M. [P] [U] , au titre de sa maladie déclarée le 6 juillet 2018, et pris en charge par la Caisse Primaire au titre de la législation sur les risques professionnels seront déclarés opposables à la société.

La société [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise ;

INFIRME jugement rendu le 13 février 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la Cour ;

STATUANT À NOUVEAU ;

DÉCLARE opposable à la société [5] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise en date du 4 mars 2019 de prise en charge de la maladie « rupture de la coiffe des rotateurs gauche » du 12 mai 2018, déclarée le 6 juillet 2018 par M. [P] [U] et des soins et arrêts subséquents ;

DÉBOUTE la société [5] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04049
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.04049 ?
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