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20/06/2024 | FRANCE | N°23/18776

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 20 juin 2024, 23/18776


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



(n° 313, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/18776 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISFJ



Décision déférée à la cour :

Jugement du 18 octobre 2023-Juge de l'exécution de Paris-RG n° 23/81043



APPELANT



Monsieur [I] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Bénéficiaire de

l'aide juridictionnelle totale par décision du 06 novembre 2023 BAJn°75056-2023-508035

Représenté par Me Agathe BOISSAVY, avocat au barreau de MELUN, toque : M41



INTIMEE



S.A. [6]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° 313, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/18776 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISFJ

Décision déférée à la cour :

Jugement du 18 octobre 2023-Juge de l'exécution de Paris-RG n° 23/81043

APPELANT

Monsieur [I] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale par décision du 06 novembre 2023 BAJn°75056-2023-508035

Représenté par Me Agathe BOISSAVY, avocat au barreau de MELUN, toque : M41

INTIMEE

S.A. [6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarah KRYS de l'AARPI KOSMA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0517

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire,

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance de référé du 26 novembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 14 octobre 1997 entre la société [6] et Mme [X] [A] concernant l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] à [Localité 2] étaient réunies à la date du 28 octobre 2009,

- condamné Mme [A] à payer à la société [6] à titre provisionnel la somme de 11.823,48 euros, arrêtée au 13 octobre 2020,

- accordé à Mme [A] des délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire.

Par jugement du 30 septembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, saisi par M. [I] [A], fils de la locataire, a notamment annulé le commandement de quitter les lieux du 31 mars 2021 et le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 16 août 2021 signifiés à Mme [X] [A], décédée le 8 mars 2019, au motif que l'ordonnance de référé et ces actes d'exécution n'avaient pas été signifiés à celui-ci.

Après sommations de payer et de quitter les lieux signifiées à M. [A] et restées sans effet, la société [6] a saisi de nouveau le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en juin 2022. Par jugement réputé contradictoire du 25 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection a notamment :

- constaté que le contrat de bail conclu le 14 octobre 1997 entre la société [6] et Mme [X] [A] portant sur un logement à usage d'habitation situé [Adresse 1] à [Localité 2] s'est trouvé résilié de plein droit à la date du 8 mars 2019 du fait du décès de la locataire,

- constaté que M. [I] [A] se trouvait en conséquence occupant sans droit ni titre depuis le 8 mars 2019,

- autorisé l'expulsion de M. [A], faute pour lui de quitter les lieux et de restituer les clés au plus tard deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux,

- condamné M. [A] au paiement d'une indemnité d'occupation,

- condamné M. [A] à payer à la société [6] la somme de 12.599,78 euros au titre des indemnités d'occupation impayées au 25 mai 2022.

M. [A] a reçu signification du jugement le 20 février 2023. Puis, le 17 avril 2023, un commandement de quitter les lieux lui a été délivré.

Par requête reçue le 16 juin 2023, M. [A] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris d'une demande d'annulation du commandement de quitter les lieux en raison d'une liquidation judiciaire prononcée à son égard le 6 septembre 2022.

Par jugement du 18 octobre 2023, le juge de l'exécution a :

rejeté la demande tendant à l'annulation du commandement de quitter les lieux,

rejeté également la demande de délai pour quitter les lieux,

débouté en conséquence le demandeur de l'intégralité de ses prétentions,

condamné M. [A] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que l'engagement d'une procédure d'expulsion, laquelle n'est pas une voie d'exécution forcée, ne rentrait pas dans les prévisions de l'article L.622-21 du code de commerce, de sorte que le commandement de quitter les lieux, tout comme le jugement d'expulsion, n'avait pas à être signifié au liquidateur de M. [A].

Par déclaration du 27 novembre 2023, M. [A] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions du 7 mars 2024, M. [I] [A] demande à la cour d'appel de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

constater la nullité du commandement de quitter les lieux du 17 avril 2023 adressé à lui-même et non pas à Me [F] [H] en sa qualité de mandataire liquidateur,

constater l'inopposabilité du jugement rendu le 25 janvier 2023 à son encontre,

rejeter l'intégralité de l'argumentation présentée par [Y] [K],

A titre subsidiaire,

constater le transfert du contrat de location à son profit en sa qualité de descendant de la locataire décédée,

lui accorder les plus larges délais pour se reloger,

Dans tous les cas,

débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes.

Par conclusions du 22 décembre 2023, la société [6] demande à la cour de :

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En conséquence,

débouter M. [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Et notamment,

débouter M. [A] de sa demande tendant à l'annulation du commandement de quitter les lieux,

débouter M. [A] de sa demande de délai pour quitter les lieux,

condamner M. [A] aux entiers dépens de première instance,

Y ajoutant,

condamner M. [A] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris le coût des sommations et commandement de quitter les lieux.

L'affaire, fixée à l'audience du 26 avril 2024, a été mise en délibéré au 30 mai 2024. Par message RPVA du 27 mai 2024, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des articles 369 et 372 du code de procédure civile et sur la question de savoir si la demande de l'appelant tendant à lui voir déclarer le jugement inopposable s'analysait en réalité comme une demande tendant à voir réputer le jugement non avenu en application de l'article 372, et a prorogé la date du délibéré au 20 juin 2024.

Par note en délibéré du 30 mai 2024, le conseil de M. [A] a fait valoir que le jugement du 25 janvier 2023 devait être réputé non avenu au regard des dispositions des articles 369 et 372 du code de procédure civile, puisque son mandataire liquidateur n'avait pas été attrait à cette procédure, et conclut que c'est à tort que le juge de l'exécution a rejeté sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux qui ne pouvait donc pas être délivré.

Par note en délibéré du 4 juin 2024, le conseil de la société [6] fait valoir en premier lieu qu'aucune demande tendant à voir le jugement du 25 janvier 2023 réputé non avenu n'a été présentée en première instance, de sorte que s'agissant d'une demande nouvelle en appel, elle est irrecevable en vertu de l'article 563 [564] du code de procédure civile. En deuxième lieu, elle soutient que le débiteur placé en liquidation judiciaire est l'entreprise individuelle de M. [I] [A], laquelle n'est pas concernée par la procédure engagée, puisqu'elle n'est ni débitrice de l'obligation de quitter le logement social appartenant à la société [6], ni débitrice de l'obligation de payer les indemnités d'occupation, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de mettre en cause les organes de la procédure collective dans la procédure d'expulsion. Enfin, elle estime que l'expulsion, qui n'est pas fondée sur le non-paiement des loyers, ne constitue pas une cause où le jugement d'ouverture emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du commandement de quitter les lieux

S'il résulte de l'article 564 du code de procédure civile que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, elles peuvent en revanche invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs demandes. La cour peut également soulever d'office des moyens de droit, dans le respect du principe de la contradiction, afin de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, et ce particulièrement quand le demandeur n'a pas précisé le fondement juridique de sa demande.

Dans ses conclusions d'appelant, M. [A] demande à la cour d'annuler le commandement de quitter les lieux en ce qu'il n'a pas été adressé à son liquidateur judiciaire et de juger inopposable le jugement du 25 janvier 2023 en ce que ce dernier n'avait pas été attrait à la procédure. La société [6] n'apporte pas la preuve de ce que M. [A] n'avait pas déjà formulé de tels prétentions et moyens devant le juge de l'exécution, les conclusions de première instance n'étant pas produites. Il ressort au contraire du jugement dont appel et des conclusions d'appelant que les prétentions et moyens de M. [A] n'ont pas évolué sur ce point.

Il résulte de l'article L.622-21 I. du code de commerce que le jugement d'ouverture interrompt les actions en justice tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Par jugement en date du 6 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [I] [A] et a désigné la SAS [5], prise en la personne de Me [F] [H], en qualité de liquidateur. Ce jugement est intervenu pendant l'instance en cours devant le juge des contentieux de la protection tendant non seulement à la constatation de la résiliation de plein droit du bail du fait du décès de la locataire et l'expulsion de M. [A], occupant sans droit ni titre, mais également à la condamnation de ce dernier au paiement de sommes d'argent. Manifestement, le juge des contentieux de la protection n'a pas été informé de ce jugement d'ouverture et a rendu sa décision sans mise en cause du liquidateur judiciaire et en prononçant une condamnation à paiement à l'encontre de M. [A].

Comme l'a retenu à bon droit le juge de l'exécution, l'article L.622-21 du code de commerce n'exige pas de signifier le commandement de quitter les lieux se rapportant au local d'habitation du débiteur au liquidateur judiciaire de celui-ci. Aucune nullité du commandement n'est donc encourue pour ce motif.

M. [A] sollicite également que le jugement lui soit déclaré inopposable en ce que le mandataire liquidateur n'a pas été attrait à la procédure devant le juge des contentieux de la protection. Le premier juge n'a pas répondu sur cette question qui lui était soumise.

Il résulte des articles 369 et 370 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, et que les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus, à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

En application de l'article L.641-9 du code de commerce, la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur pendant toute la durée de la procédure de liquidation judiciaire.

En outre, comme le souligne l'appelant, le jugement du juge des contentieux de la protection du 25 janvier 2023 l'a bel et bien condamné au paiement de sommes d'argent, alors qu'il était dessaisi de ses droits par le jugement d'ouverture, contrairement à ce que la société [6] prétend.

Enfin, c'est à tort que l'intimée fait valoir que la procédure de liquidation judiciaire ne concerne que l'entreprise individuelle de M. [A] et non M. [A] lui-même. Dans la mesure où M. [A] exerçait sa profession d'avocat en son nom personnel et non en société, c'est bien lui qui est placé en liquidation judiciaire, étant rappelé qu'une entreprise, contrairement à une société, n'a pas de personnalité juridique.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement du juge des contentieux de la protection du 25 janvier 2023 n'est, non pas inopposable, mais non avenu, du fait de l'absence de mise en cause du mandataire liquidateur de M. [A].

Par conséquent, le commandement de quitter les lieux sera annulé pour défaut de titre exécutoire.

Il convient donc d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

La société [6] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement rendu le 18 octobre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

ANNULE le commandement de quitter les lieux du 17 avril 2023,

DEBOUTE la société [6] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA [6] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/18776
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.18776 ?
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