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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 20 juin 2024, 23/07764


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07764 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CITAY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2023 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 22/00623





APPELANT :



Monsieur [S] [O] exerçant la profession de « Chef de projet spécialisé digital »



[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Johann SULTAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R139

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, to...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07764 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CITAY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2023 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 22/00623

APPELANT :

Monsieur [S] [O] exerçant la profession de « Chef de projet spécialisé digital »

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Johann SULTAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R139

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉE :

S.A. DOMIA GROUP, prise en la personne de son représentant légal domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Amélie FAIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0650

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Domia Group connue sous le nom d'enseigne Acadomia est spécialisée dans l'enseignement et la formation pour enfants et adultes.

Elle comprend un effectif de moins de 50 salariés.

M. [S] [O] et la société Versumind ont signé le 11 juin 2019 un contrat de sous-traitance en qualité de chef de projet. Cette dernière et la société Domia Group étant liées par un contrat de prestation de services.

A compter du 04 juin 2019, la société Domia Group a eu recours aux services de M. [O] dans le cadre d'un contrat de prestation de services.

Les relations entre les parties ont pris fin le 05 février 2021 à l'initiative de la société Domia Group selon mail du 03 février 2021 rédigé dans les termes suivants :

«  [S], Comme nous vous l'avons annoncé hier, je vous confirme par la présente la résiliation du contrat de prestation de services avec effet au vendredi 5 février 2021.

Je reste à ta disposition.

[B] [D] ».

Le 28 janvier 2022, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, aux fins de voir constater l'existence d'un contrat de travail, de dire son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir différentes indemnités.

Par jugement en date du 21 novembre 2023, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formulées par le demandeur au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Selon déclaration du 12 décembre 2023, M. [O] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par requête du 12 décembre 2023, il a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 15 décembre 2023, le premier président de la cour d'appel de Paris l'a autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 22 mai 2024 à 9h30.

L'assignation a été déposée le 26 janvier 2024.

PRÉTENTIONS :

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 15 mai 2024, M. [O] demande à la cour de :

« REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 21 novembre 2023 en ce qu'il se déclare incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Paris et condamne Monsieur [O] au paiement des entiers dépens ;

EVOQUER l'affaire dans son intégralité.

Et statuant à nouveau,

CONSTATER l'existence d'un contrat de travail de fait entre Monsieur [O] et la Société DOMIA GROUP depuis le 17 juin 2019 ;

ADMETTRE la compétence du Conseil des prud'hommes et, désormais, de la Cour d'appel de PARIS pour connaître du recours ;

FIXER le salaire mensuel moyen de Monsieur [O] à 15 196 euros ;

JUGER que le licenciement de Monsieur [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la Société DOMIA GROUP au versement de la somme de 30 392 euros à ce titre ;

En conséquence,

CONDAMNER la Société DOMIA GROUP au versement de la somme de 6 964,89 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

CONDAMNER la Société DOMIA GROUP au versement de la somme de 45 588 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'au versement de la somme de 4 558,8 euros à titre de congés payés afférents ;

RELEVER la réalisation d'heures supplémentaires sur la période considérée par Monsieur [O] et faire droit aux demandes de rappel de salaire formulées à ce titre ;

CONDAMNER en conséquence la Société DOMIA GROUP au versement d'une indemnité de 98 988,91 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 9 898,89 euros brute au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER la Société DOMIA GROUP au versement d'une indemnité au titre du travail dissimulé de 91 176 euros correspondant à 6 mois de salaire ;

ORDONNER la remise des documents de fin de contrat (bulletin de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi) sous astreinte de 100 € par jour de retard, le Conseil de prud'hommes se réservant le droit de la liquider ;

DEBOUTER la Société DOMIA GROUP de l'ensemble de ses demandes amples et contraires

En conséquence,

CONDAMNER la Société DOMIA GROUP au versement d'une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ASSORTIR ces condamnations au paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, et de prononcer la capitalisation des intérêts.

CONDAMNER la Société DOMIA GROUP aux entiers dépens.

DIRE que ceux d'appel seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 3 mai 2024, la Société demande à la cour de :

« IN LIMINE LITIS :

- CONFIRMER le jugement rendu le 21 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a jugé qu'il est incompétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [O] à l'encontre de la Société DOMIA GROUP, lesdites parties étant liées par un contrat de prestations de service, et non un contrat de travail et SE DECLARER INCOMPETENT au profit du Tribunal Judiciaire de PARIS.

Si par extraordinaire la Cour venait à infirmer ledit jugement, et statuant à nouveau, se déclarer compétent, elle ne pourrait que :

0 DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande de voir évoquer l'affaire qui priverait les parties de deux degrés de juridiction et par conséquent, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Si par extraordinaire, la Cour venait à infirmer ledit jugement, et statuant à nouveau, se déclare compétent et évoquer l'affaire, elle ne pourrait que :

A TITRE PRINCIPAL ;

-JUGER que la Société DOMIA GROUP et Monsieur [O] était lié par un contrat de prestations de service, et non un contrat de travail,

En conséquence :

0 DEBOUTER Monsieur [O] de l'intégralité ses demandes, fins et conclusions,

- Si par extraordinaire, la Cour venait a requalifier la relation de travail entre la Société DOMIA GROUP et Monsieur [O] en contrat de travail, elle ne pourrait que :

FIXER le salaire mensuel de Monsieur [O] a 3.500 € bruts correspondant au poste de Chef de Projet Informatique, statut cadre, au sein de la Société DOMIA GROUP ;

LIMITER l'indemnisation de Monsieur [O] aux sommes suivantes :

7.000 € bruts a titre (indemnité compensatrice de préavis, outre 700 € bruts à titre de congés payés afférents ;

388 € a titre d'indemnité légale de licenciement ;

3.500 € nets à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [O] ne comptant que 16 mois d'ancienneté et ne justifiant d'aucun préjudice.

CONDAMNER Monsieur [O] à verser à la Société DOMIA GROUP la somme de 151.974€ an titre d'un trop perçu correspondant à la différence entre ses honoraires perçus et le salaire d'un Chef de Projet Informatique salarié au sein de la Société DOMIA GROUP soumise au code du travail.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER Monsieur [O] a payer à la Société DOMIA GROUP la somme de 3.500 € par codéfendeur au titre de l'article 700 du CPC, outre celle de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

CONDAMNER Monsieur [O] aux entiers dépens ».

Lors de l'audience du 22 mai 2024, la cour a proposé aux parties de réfléchir à l'opportunité d'une médiation et de rencontrer un médiateur, présent à l'audience, aux fins de présentation de cette mesure, ce que les parties ont accepté.

La cour a été informée ultérieurement de l'absence d'accord des parties pour recourir effectivement à la médiation.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la compétence du conseil de prud'hommes :

M. [O] fait valoir que :

- le fait qu'il ait négocié son contrat ne vient en rien démontrer l'absence d'une relation salariée alors qu'il est très fréquent que les salariés occupant des postes à responsabilité échangent avec leur hiérarchie sur les termes apparaissant dans leur contrat en amont de leur prise de poste ;

- Il résulte de courriels de novembre et décembre 2019 qu'il était dans l'obligation de prévenir de ses absences ce qui confirme l'existence d'un lien de subordination ;

- il produit les attestations d'un prestataire de service au sein de la société et du coordinateur pédagogique sur le projet qui établissent sa position de salarié au sein de la société Domia Group ; il était dans la boucle des échanges de mails au sein de la société ;

- les éléments apportés par la société Domia Group ne viennent pas démontrer qu'il n'était pas placé dans un lien de subordination et aucun courriel produit par elle indique qu'il n'était soumis à aucun pouvoir de direction ou de sanction ;

- les attestations produites par la société Domia Group ont été dictées pour les besoins de la cause, la pression ayant été mise sur ses salariés cadres pour qu'ils témoignent à son encontre ;

- il apporte la preuve d'une relation exclusive avec la société Domia Group et il ne disposait pas de clientèle propre ;

- en pratique il était parfaitement intégré dans les équipes et assimilé à un salarié, il était en copie des mails, participait aux réunions, était soumis aux instructions péremptoires et devait se soumettre aux règles et procédures ressources humaines internes et il disposait d'une adresse mail professionnelle, de même qu'il figurait dans les plannings, percevait une rémunération fixe et constante de 700 euros par jour ;

- il était considéré et traité comme un salarié à part entière, devait se soumettre aux mêmes obligations que les autres et exerçait ses fonctions dans un lien de subordination.

La société Domia Group oppose que :

- M. [O] était lié avec elle par un contrat de prestation de services qu'elle a rompu et a été sous-traitant d'un prestataire au bénéfice d'Acadomia avant d'être son prestataire direct de sorte qu'il avait parfaitement connaissance des conditions d'exercice de ses missions qu'il avait d'ailleurs négociées ;

- il n'était pas soumis aux horaires de travail et aux règles applicables en matière de prise de congés au sein de la société ;

- la réalisation de prestations sur site et le fait de devoir rendre des comptes aux clients sont des obligations contractuelles ;

- aucune pièce versée aux débats ne démontre l'existence d'un lien de subordination ; L'appelant disposait de son propre outil de travail à savoir son ordinateur même s'il le conteste dans ses écritures et il ne lui a jamais été notifié de sanction et il n'était pas soumis à son pouvoir de direction ;

- il n'était soumis à aucune clause d'exclusivité et le fait de ne travailler que pour un client ne suffit pas à caractériser un lien de subordination ;

- sa facturation était en moyenne de 15.330,00 euros hors taxes par mois ce qui est bien supérieur à un salaire de chef de projet informatique.

Sur ce,

M. [O] est immatriculée en tant qu'entrepreneur individuel.

Il est donc soumis aux dispositions de l'article L. 8221-6 du code du travail qui dispose :

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

(')

II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. »

La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M. [O] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

« Monsieur [S] [O] entrepreneur individuel » et la société Domia Group ont signé un contrat de prestations service le 27 novembre 2019, à effet du 4 novembre 2019, moyennant un honoraire journalier de 700 euros.

Il est préalablement exposé que la Société, à travers son enseigne Acadomia, a développé le produit Alive, une classe virtuelle de cours collectifs et interactifs portée par une plate-forme dédiée.

Il était prévu que le contrat prenne fin le 3 novembre 2020.

Ses missions étaient les suivantes :

« - Gestion fonctionnelle et maintenance de la plate-forme Alive

- Mise en place et suivi des plannings des différents collaborateurs du pôle Live/alive et du prestataire NEWROW

- Coordination avec l'ensemble des services internes du client pour assurer la réussite du projet

- Expression des besoins pour le 1er /12/19

- Chiffrage et la rédaction du cahier des charges technique avec un développeur pour une mise en au 29/02/20 ».

Il ressort des pièces produites aux débats que le contrat de prestation de services a été établi dans le cadre de discussions entre les parties, ce qui résulte d'un échanges de mails, dont l'objet renseigné est « contrat de prestation de services [O] », conduisant à la rédaction de trois versions, la « V3 » ayant été signée par M. [O].

M. [O] proposait des modifications, posait des questions qui concernaient l'intitulé de la mission et le fait qu'il proposait de reconduire tacitement le contrat.

Ces échanges établissent que les parties ne s'engageaient pas dans une relation de salariat.

Le règlement des prestations de M. [O] s'effectuait par le biais de factures adressées en début de mois à la Société, mentionnant la quantité (jours), le PU Vente (700 euros ), la TVA à 20% et le total TTC.

Pour ce faire, M. [O] adressait à la Société son compte-rendu d'activité qui devait être approuvé et signé, ce qui correspond aux modalités de facturations, s'agissant notamment du volume de journées à renseigner qui peuvent varier d'un mois sur l'autre.

Effectivement, le contrat de prestation de services stipule en son article1.2 : « Prix et Paiement. Le Prestataire remettra un état du travail accompli et du temps passé à la fourniture des prestations. Cet état devra être approuvé et signé par le représentant du Client ».

La cour relève d'ailleurs, que si dans son attestation, la mère de M. [O], médecin retraitée, indique que la Société réglait avec retard les « factures » de son fils, il n'est aucunement mentionné de relation salariée, ou de « paye », le mot facture étant employé à quatre reprises.

S'agissant de l'intégration à un service organisé, il doit être rappelé que cette intégration constitue simplement un indice mais, est insuffisante , à elle seule, à caractériser une relation salariale.

En effet, le fait d'effectuer sa mission au sein d'un service organisé ne constitue pas en soi un indice de l'existence d'un lien de subordination si le prestataire a la liberté d'organiser son activité, n'est astreint à aucune contrainte horaire ni à aucune directive autre qu'organisationnelle au regard de la mission qui lui est dévolue.

A cet égard, l'article 1.5 du contrat définit les « Obligations du client ».

« Pendant toute la durée du contrat, le Client devra permettre au Prestataire d'accéder aux locaux du Client et d'avoir accès aux dossiers et autres documents du Client nécessaires aux Prestations, dont le Prestataire pourra raisonnablement solliciter la communication afin de fournir les Prestations, étant précisé que le Client ne sera tenu d'autoriser cet accès que durant les périodes d'intervention.

En outre le Client devra :

Informer le Prestataire des règles et réglementation en vigueur qu'il sera tenu de respecter pendant la durée de sa présence dans les locaux du Client ;

° Mettre à disposition du Prestataire sur le site et à sa demande raisonnable tous les espaces de travail et commodités nécessaires à la fourniture des Prestations;

° Fournir au Prestataire tous les documents ou autres matériels et toutes les données ou informations nécessaires à la fourniture des Prestations, à ses propres frais et dans des délais suffisants pour permettre au Prestataire d'exécuter les Prestations conformément au présent contrat.

Toutes les Prestations réalisées par le Prestataire devront faire l'objet d'une réception par le Client ».

En exécution de ses obligations, la Société a permis à M. [O] « d'accéder aux locaux » pendant ses périodes d'intervention et « aux dossiers et autres documents nécessaires aux Prestations » et a « (mis) à sa disposition(...) tous les espaces de travail et commodités nécessaires à la fourniture des Prestations ».

Ainsi, M. [O] exerçait son activité au sein des locaux de la Société, étant relevé qu'il disposait de son ordinateur personnel pour exécuter sa mission, ce qui ressort de l'attestation de M. [P] autre prestataire de services , qui précise que les prestataires de service, dont M. [O] devaient travailler dans les locaux de l'entreprise avec le matériel de cette dernière, à l'exclusion de leur ordinateur qui n'était pas fourni.

La présence de M. [O] dans les locaux de la Société pour lui permettre de livrer ses prestations est conforme aux stipulations contractuelles et aux obligations pesant sur la Société.

Contrairement à ce que soutient M.[P], il ressort des différents éléments produits aux débats, messageries et mails, que M. [O] n'était pas soumis aux horaires de travail, ni aux règles applicables en matière de prise de congés au sein de la Société.

En effet, les échanges de messagerie produits confirment que M. [O] n'était soumis à aucune contrainte s'agissant de la gestion de son emploi du temps en faisant état de ses départs, « oui je suis parti depuis longtemps », ou du fait qu'il est déjà parti, ou qu'il part de chez lui ou de ce qu'il va bientôt arriver, ces messages et le contexte dans lequel ils apparaissent relevant de l'ordre de la communication directe avec les autres intervenants.

En tout état de cause, il n'est pas démontré que M. [O] a présenté une demande d'autorisation d'absence ou de demande de validation de congés.

Dans son attestation, M.[P], précise aussi que lui même et d'autres prestataires de services dont M. [O] utilisaient la « même porte d'entrée pour accéder aux locaux », qu'ils mangeaient le midi avec les autres salariés, qu'ils ne pouvaient pas gérer leur emploi du temps comme ils le voulaient et devaient demander validation des jours de congés.

Un mail adressé par la Société aux personnes qui oeuvraient à développer le produit A.live en indiquant « hello tous les quatre, pourriez vous me dire à quelles dates vous êtes absents en août' Merci beaucoup! »  et la réponse de M. [O] « pour moi pas de congés en août » démontre au contraire une simple demande d'information, sans faire état d'autorisations à solliciter et de validations à obtenir.

Il ressort aussi des échanges de mails soumis à l'analyse de la cour que M. [O] informe la Société qu'il (est) en congé à certains moments, sans qu'il ne soit justifié de demandes d'autorisation ou de validation comme indiqué dans l'attestation de M. [P].

Il est établi que M. [O] avait une adresse [S].lagente@acadomia.fr.

Pour autant, aucun des mails communiqués n'exprime des directives données à M. [O] sur les modalités d'exécution de sa prestation.

Le fait qu'il soit dans la boucle de messages, vise à informer l'ensemble des intervenants au projet de l'avancée des travaux, un des mails, celui en date du 24 mars 2020, faisant d'ailleurs mention du fait « je parle sous couvert de [S] [O] chez nous qui porte le besoin, et qui connaît mieux que moi l'état du projet », ce qui confirme sa qualité de prestataire dont la mission a été définie, dans le contrat de prestation de services .

Les mails adressés à M. [O] rappelant les mesures gouvernementales générales et les précautions dans le cadre du contexte sanitaire lié au Covid-19 (port du masque, activité partielle, mesures préventives), ou des offres de sport ou encore des propositions de participer à des événements festifs ne saurait s'analyser en des directives dont la Société pouvait contrôler l'exécution et le sanctionner en cas de manquement alors que les mesures sanitaires s'imposaient à toute personne se présentant dans l'entreprise, quelque soit son statut.

M. [K], dans son attestation, précise que M. [O] était « traité comme un salarié à part entière : nous nous retrouvions au bureau aux mêmes horaires, participions aux apéritifs organisés par la direction, avions accès au cours de yoga payés à 50% par l'entreprise ou en regardant le football tous ensemble autour d'une pizza après le travail. M. [O] arrivait généralement vers 9h30, repartait tard le soir ». Il précise « qu'à sa connaissance », il avait des réunions avec les dirigeants de la Société « pour échanger sur la stratégie de l'entreprise et était convié aux réunions d'entreprise ».

Cette attestation, confirme que des offres de participer à des moments conviviaux ou sportifs étaient proposées à M. [O], mais force est de constater que ces offres ne sauraient s'analyser en des directives qu'il appartenait à M. [O] d'exécuter, ni davantage à démontrer que des horaires de travail étaient imposés à ce dernier.

La participation à des réunions ou le fait de faire des « points téléphoniques » est conforme aux dispositions contractuelles convenues entre les parties, étant relevé que ces réunions permettaient à l'évidence de communiquer sur la mise en place du projet et son avancée, et ce alors même que les missions qui consistaient en la gestion fonctionnelle et maintenance de la plateforme Alive », de « la mise en place et du suivi des plannings des différents collaborateurs du pôle Live/alive et du prestataire NEWROW », ainsi que la «  Coordination avec l'ensemble des services internes du client pour assurer la réussite du projet » imposaient nécessairement un travail collaboratif avec d'autres personnes, prestataires ou salariés de la Société et ne saurait s'analyser en l'exercice d'un pouvoir de direction, et il en est de même d'ailleurs s'agissant de la proposition de participer à « une session foot ».

La cour relève aussi que M. [O] n'était pas lié à la Société par une obligation de non-concurrence ou d'exclusivité de sorte qu'il n'était pas privé de la liberté d'effectuer d'autres missions auprès d'un autre client, et l'absence de production des avis d'imposition ne permet pas de confirmer que la Société était le seul et unique client de l'appelant.

Les développements ci dessus n'établissent pas de lien de subordination, ce qui est corroboré, s'agissant de l'absence de directive dans le cadre de l'exercice de sa mission par la teneur d'un mail adressé par M. [O] le 02 février 2021 se définit comme « business process owner », dont l'objet est « résumé situation Alive » :(...) Sur l'aspect chef de projet, de par l'essence de sa fonction, ce n'est pas un managment en étoile mais plutôt un managment transversal car il n'y a pas de hiérarchie. S'ajoute à cela mon rôle de business process owner pour la validation des évolutions. Et de fait, ce rôle est la seule interface avec les devs, ce qui garantit la cohérence des livraisons. (...) ».

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [O] échoue à renverser la présomption de non salariat édictée par l'article L. 8221-6 du code du travail et donc à établir l'existence d'un contrat de travail qui le lierait à la société intimée.

Le jugement est donc confirmé en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Sur la demande de dommages et intérêts :

La Société sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive en précisant qu'elle est injustifiée.

Il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue un droit et ne dégénère en abus de droit qu'en cas de mauvaise foi ou d'erreur grossière.

Or, non seulement la Société échoue à rapporter cette preuve, mais surtout elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance devant la cour d'appel, lequel sera réparé par la prise en charge des dépens et l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles.

Elle sera déboutée de sa demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [O], qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de cet article au profit de l'intimée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Domia Group de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE M. [S] [O] aux dépens ;

CONDAMNE M. [S] [O] à payer à la société Domia Group la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/07764
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.07764 ?
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