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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07020

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 20 juin 2024, 23/07020


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07020 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOMY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Octobre 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 22/00153





APPELANTE :



Madame [T] [L] ÉPOUSE [W]

[Adresse 1]

[Localité

2]



Représentée par Me Belkacem TIGRINE, avocat au barreau de PARIS, toque :C1729





INTIMÉE :



S.A.S. ENTREPRISE GUY CHALLANCIN, prise en la personne de son représentant l...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07020 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOMY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Octobre 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 22/00153

APPELANTE :

Madame [T] [L] ÉPOUSE [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Belkacem TIGRINE, avocat au barreau de PARIS, toque :C1729

INTIMÉE :

S.A.S. ENTREPRISE GUY CHALLANCIN, prise en la personne de son représentant légal domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me David RAYMONDJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0948

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Challancin (ci-après la 'Société') a pour activité le nettoyage industriel.

Madame [T] [W] est entrée le 7 septembre 2009 au service d'une tierce entreprise en qualité d'agent de service AS3A.

Elle travaillait à l'hôpital de la [5] dans différents services.

En application de l'article 7 de la convention collective de la propreté la Société est devenue l'employeur de Madame [W] à compter du 1er juin 2018.

Le 1er février 2021, Madame [W] a bénéficié d'une visite auprès du médecin du travail qui l'a déclarée «  apte avec une diminution de la charge de travail, pas de manutention supérieure à 5 kg et pas de tâche nécessitant de lever les bras au dessus de l'horizontale pendant 3 mois ».

Madame [W] a été en arrêt de travail pour maladie du 8 au 20 mars et une nouvelle visite s'est tenue à la demande de la salariée le 17 mars 2022 à l'issue de laquelle il était indiqué :

« peut reprendre son travail dans les mêmes conditions que celles définies le 1er février 2021

à savoir, pas de manutention supérieure à 5 kg. Pas de tache nécessitant de lever les bras au dessus de l'horizontale ».

Depuis cette date, Madame [W] n'est plus en situation de travail.

Madame [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 1er avril 2022, aux fins de contestation de cet avis médical.

Par jugement rendu selon procédure accélérée au fond en date du 29 juillet 2022, le conseil a ordonné la mise en 'uvre d'une mesure d'instruction auprès du médecin inspecteur du travail.

Le rapport a été déposé le 19 juin 2023 après examen de Madame [W] qui s'est tenu le 23 mai.

Par ordonnance de référé du 6 octobre 2023, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« PREND acte de l'avis du médecin inspecteur.

ENTERINE les conclusions du médecin inspecteur.

DIT le reclassement de Madame [T] [W] impossible compte tenu de son état de santé.

DÉBOUTE Madame [T] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Laisse les dépens à la charge de la partie défenderesse ».

Selon déclaration du 7 novembre 2023, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 avril 2024, Mme [W] demande à la cour :

« Confirmer l'ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes de Bobigny du 6 octobre 2023

(R.G. : R 22/00153) En ce qu'elle a :

- Annulé l'avis de la médecine du travail du 17 mars 2022 ;

- Pris acte de l'avis du Médecin Inspecteur ;

- Entériné les conclusions du Médecin Inspecteur en ce qu'il a dit : que l'état de santé de Madame [W] « contre indique le port de charge de plus de 5 kg et les mouvements répétitifs des deux épaules et dit que Madame [L] pourrait occuper un poste excluant ces contre-indications » ;

Infirmer partiellement l'ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes de Bobigny du 6 octobre 2023 (R.G. : R 22/00153) :

En ce qu'elle a :

- Dit le reclassement de Madame [T] [W] impossible compte tenu de son état de santé ;

- Débouté Madame [T] [W] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN à payer à Madame [L] épouse [W] [T] la somme de 1500, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de

procédure civile ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 avril 2024, la Société demande à la cour de « confirmer le jugement déféré ».

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la contestation de l'avis médical :

Madame [W] fait valoir que le médecin inspecteur a conclu à une inaptitude au poste et a défini une possibilité de reclassement et que le conseil de prud'hommes ne pouvait dire que son reclassement était impossible.

La Société oppose que :

- le conseil de prud'hommes peut prendre en compte d'autres éléments que le rapport d'expertise

pour aboutir à sa décision se substituant à l'avis du médecin du travail contesté ;

- le médecin expert n'est pas allé au bout de son raisonnement puisque s'il a rappelé les maladies professionnelles et la qualité de travailleur handicapé de la salariée, il a néanmoins considéré que la limitation au port de charge de 5 kg suffisait à permettre une aptitude résiduelle au sein de la Société alors que l'article L. 1226-12 du code du travail lui permet de mentionner soit que « tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », soit que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement » ;

- il a été reconnu pas plusieurs juridictions que les emplois en son sein sont nécessairement physiques puisque 99 % des effectifs est constitué de personnes affectées au nettoyage industriel, poste précisément auquel la salariée a été déclarée inapte, et dans ce contexte, il est habituel que les services de santé au travail rendent un avis d'inaptitude à tout poste compte tenu de la situation de danger que représenterait le maintien du salarié au sein de l'entreprise ;

- le poste a été étudié par le biais d'une fiche de poste cité in extenso par l'expert qui a de surcroît recueilli les observations de la salariée sur les modalités d'exercice de ses attributions, et à juste titre le conseil de prud'hommes a ajouté une des mentions prévues à l'article L. 226-12 du code du travail.

Sur ce,

L'article L. 4624-7 du code du travail dispose :

« I.-Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L.4624-2, L.4624-3 et L.4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. (...) ».

En l'espèce, le médecin inspecteur du travail, diligenté par le conseil des prud'hommes a rendu la conclusion suivante :

«Après avoir reçu et examiné Madame [L]-[W] [T] ;

Après avoir étudié son dossier médical de santé au travail et les documents médicaux transmis;

Après avoir consulté l'ensemble des pièces communiquées par les deux parties ;

Je considère qu'à la date de l'expertise Madame [L]-[W] [T] est inapte à son poste d'agent de service, mise à disposition à l'hôpital de la [5].

Son état de santé contre indique le port de charges de plus de 5 Kgs et les mouvements répétitifs

des 2 épaules.

Madame [L]-[W] [T] pourrait occuper un poste excluant ces contre-indications ».

L'expert avait notamment eu communication de la copie du dossier de santé au travail, comprenant les copies des fiches de visites et les documents médicaux annexes ainsi que d'une fiche de poste d'agent de service non datée.

Il énumère au paragraphe « Poste de travail », les trois types d'activités du groupe Challancin :

- une activité de propreté multisectorielle : en milieu hospitalier (le bio nettoyage), en milieu industriel, en milieu tertiaire, dans les copropriétés, dans les transports et les espaces muséographiques ;

- une activité de sécurité: sécurité incendie en IGH, sûreté et filtrage en milieu tertiaire et industriel, lutte contre la démarque inconnue, télésurveillance ;

- une activité d'accueil-multiservices : accueil physique et téléphonique, services aux occupants

et conciergerie, assistance aux services généraux, service de traitement de courrier et logistique, entretien des espaces verts, désinfection et dératisation, multiservices en espaces publics.

Il précise que l'entreprise Guy Challancin emploie environ 6 000 salariés.

Il mentionne que Madame [W] occupe le poste d'agent de service, sur le site de la Pitié Salpêtrière, dans le cadre d'une sous traitance par l'entreprise Guy Challancin, qu'au sein du service hospitalier, elle est en charge de l'entretien et du nettoyage des chambres des patients, des parties communes et éventuellement des salles d'opération ou d'examens. Elle assure la désinfection et la décontamination.

Il précise que les tâches devant être effectuées par l'agent prévues dans  la fiche de poste « agent de service » sont : la vidange des poubelles, le nettoyage et désinfection des éléments meublants, le balayage humide et le lavage et la désinfection du sol.

A cet égard, il mentionne que l'état de santé de Mme [W] « contre-indique les mouvements

répétés des membres supérieurs exigés lors du nettoyage et le port de charge lourde » et que l'« on peut estimer que les tâches précisés dans la fiche de poste telles que le balayage et la vidange des poubelles sont également contre indiqués ».

Il note qu'en octobre 2022, Madame [W] bénéficie d'une reconnaissance :

- de deux maladies professionnelles (MP) figurant dans le tableau N°57 des maladies professionnelles du régime général : la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite ;

- de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) attribuée de le 18 octobre 2022 et sans limitation de durée.

Si ces éléments l'ont amené à conclure à une incompatibilité entre l'état de santé de Madame [W] et son poste actuel d'agent de service sur le site de l'hôpital de la [5], et s'il précise que son état de santé contre indique le port de charges de plus de 5 Kgs et les mouvements répétitifs des 2 épaules, force est cependant de relever qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, (examen de Madame [W], étude du dossier médical de santé au travail et des documents médicaux transmis et de la consultation de l'ensemble des pièces communiquées), le médecin expert a conclu qu'elle pourrait occuper un poste excluant ces contre-indications, ce qui établit que si Madame [W] est inapte à son poste, son état de santé ne fait toutefois pas obstacle à tout reclassement au sein de la Société.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de reprendre dans le dispositif les préconisations du médecin inspecteur du travail qui se substituent à l'avis du médecin du travail contesté.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La Société qui succombe, doit être condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait application de cet article au profit de Madame [W].

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit le reclassement de Madame [T] [W] impossible compte tenu de son état de santé ;

Statuant à nouveau du seul chef de la disposition infirmée ;

SUBSTITUE à l'avis contesté du 17 mai 2022 la décision suivante :

JUGE que Madame [T] [W] est inapte à son poste d'agent de service, mise à disposition à l'hôpital de la [5] ;

JUGE que Madame [T] [W] peut occuper un poste excluant le port de charges de plus de 5 Kgs et les mouvements répétitifs des deux épaules ;

CONDAMNE la société Challancin aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société Challancin à payer à Madame [T] [W] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/07020
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.07020 ?
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