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20/06/2024 | FRANCE | N°22/20893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 20 juin 2024, 22/20893


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20893 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG3C7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bobigny - RG n° 20/06084





APPELANTE :



Etablissement Public PÔLE EMPLOI IDF

[Adresse 8]

[Localit

é 4]



Représentée par Me Vanina FELICI de la SELARL SELARL FELICI - COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985





INTIMÉE :



Madame [Z] [U] NÉE [L]

[Adresse 1]

...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20893 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG3C7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bobigny - RG n° 20/06084

APPELANTE :

Etablissement Public PÔLE EMPLOI IDF

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI de la SELARL SELARL FELICI - COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

INTIMÉE :

Madame [Z] [U] NÉE [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle SAMAMA-SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Z] [U] s'est inscrite, le 21 janvier 2016, auprès des services de Pôle emploi, en qualité de demandeur d'emploi et a parallèlement déposé une demande d'admission au bénéfice de l'allocation chômage, déclarant son licenciement par la société [5] de l'emploi qu'elle occupait en qualité de responsable administrative, sur la période du 1er juillet 2013 au 4 janvier 2016.

Une ouverture de droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) lui a été notifiée, à effet du 28 janvier 2016, pour une durée maximale de 730 jours calendaires, et un montant net journalier de 44,50 euros.

Elle a perçu des allocations chômage pour la période du 28 janvier 2016 au 26 janvier 2018, pour un montant de 32.545,90 euros.

Dans le cadre d'un contrôle aléatoire de sa situation, le 15 janvier 2018, Pôle emploi a adressé une demande de pièces complémentaires, relative à la relation de travail invoquée avec la société [5] et il lui était aussi demandé de justifier des revenus perçus « au titre de la gérance de la société [7], Siret [N° SIREN/SIRET 2], pour les années 2013 à 2017 ».

Le 6 avril 2018, Pôle emploi a adressé à Madame [U] une « notification de trop-perçu », pour le montant de 32.545,90 euros, qu'elle était invitée à rembourser.

Après échanges entre les parties, cette demande a été réitérée par courrier du 13 mai 2019.

par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 mai 2019, Pôle emploi a mis en demeure Madame [U] de rembourser sa dette avant le 28 juin 2019, à défaut de quoi il lui était indiqué que Pôle emploi disposerait de la faculté d'émettre à son encontre une contrainte.

Pôle emploi a émis une contrainte signifiée, à Madame [U] le 5 août 2019, par voie d'huissier pour le montant, en principal, de 32.545,90 euros correspondant à des allocations de retour à l'emploi qu'il estime lui avoir indûment versées du 28 janvier 2016 au 26 janvier 2018.

Madame [U] a formé opposition le 16 août 2019 devant le tribunal de grande instance de Bobigny. Elle demandait de juger recevable son opposition ainsi que nulle, irrecevable et mal fondée la contrainte.

Pôle emploi demandait au tribunal de condamner Madame [U] à lui à verser les sommes de 32.545,90 euros correspondant aux indemnités indûment perçues, sur la période du 28 janvier 2016 au 26 janvier 2018 et 3.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation des préjudices moraux et financiers subis.

Par jugement en date du 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- prononcé la nullité de la contrainte notifiée le 15 juillet 2019 à Mme [U] ;

- déclaré «  en conséquence irrégulière la saisine de la juridiction et irrecevables les demandes de Pôle emploi » ;

- rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles ;

- condamné Pôle emploi aux dépens.

Par déclaration du 26 septembre 2023, Pôle emploi a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions, transmises par voie électronique le 1er septembre 2023, Pôle emploi demande à la cour de :

« Vu l'article L. 5426-8-2 du code du travail et les articles R. 5426-18 et suivants du même code,

Vu les articles L. 5421-1 et suivants du code du travail,

Vu les articles L. 5411-1 et suivants du code du travail, R. 5411-1 et suivants du code du travail, et notamment les articles R.5411-6, R.5411-7, R.5411-8,

Vu les articles 1302 et 1302-1 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 1352-6 et suivants du code civil,

Vu la convention relative à l'indemnisation du chômage du 14 mai 2014, et le règlement général y étant annexé,

- A titre liminaire :

Déclarer irrecevables les conclusions d'appel de Mme [U] en ce qu'elles ont été remises au greffe au-delà du délai de trois mois qui lui était imparti,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Annulé la contrainte émise le 15 juillet 2019 par Pôle emploi à l'encontre de Mme [Z] [U],

Déclaré en conséquence irrégulière la saisine de la juridiction et irrecevables les demandes Pôle emploi,

Condamné Pôle emploi aux dépens,

-Et, statuant à nouveau :

Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme y étant mal fondé,

Adjuger à Pôle Emploi le bénéfice de ses écritures,

Juger que la contrainte décernée le 5 août 2019 doit produire ses entiers effets,

Juger que Mme [U] doit payer à Pôle emploi la somme de 32 820,83 € au titre de la contrainte,

Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme y étant mal fondée,

En tout état de cause, si la Cour jugeait nulle la contrainte,

Déclarer régulière la saisine de la juridiction et recevables les demandes de Pôle emploi,

Condamner Mme [U] à rembourser, à Pôle emploi, la somme de 32 545,90 € correspondant aux indemnités indument perçues, sur la période du 28 janvier 2016 au 26 janvier 2018,

Dire que cette somme portera intérêts, avec anatocisme, à compter des dates de paiement de ses échéances successives,

Condamner Mme [U] à verser, à Pôle emploi, à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation des préjudices moraux et financiers subis, le montant de 3 000 €,

N'accorder aucun délai de paiement supplémentaire dans le paiement de la dette,

Condamner Mme [U] à acquitter, à Pôle emploi, la somme de 4 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner au paiement des entiers dépens, y compris les frais de signification et d'exécution de la contrainte.».

Par ordonnance du 11 septembre 2023, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimée le 14 août 2023, décision déférée confirmée par la cour d'appel par arrêt du 2 novembre 2023.

La clôture a été prononcée le 26 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions de l'appelant, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des conclusions d'appel de Mme [U] :

Cette demande est devenue sans objet vu l'arrêt rendu le 2 novembre 2023 tel que mentionné ci-dessus.

Sur la validité de la contrainte et sur les effets de la nullité de la contrainte :

Pôle emploi fait valoir que :

- la contrainte du 15 juillet 2019 signifiée le 5 août suivant a été valablement délivrée, conformément aux articles L. 5426-8-2 et R. 5426-20 et suivants du code du travail, après mise en demeure préalable, effectuée par courrier RAR du 28 mai 2019 et restée sans effet ;

- la contrainte est motivée et respecte les exigences de l'article R. 5426-21 du code du travail et l'ensemble des mentions exigées par les textes y figurent.

Madame [U] faisait valoir devant le premier juge que la contrainte est entachée de nullité faute de mise en demeure régulière.

Sur ce,

L''article L. 5426-8-2 du code du travail dispose :

« Pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi pour son propre compte, pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, pour le compte de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne en son sein peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire».

L'article R. 5426-20 du code du travail précise :

« La contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 est délivrée après que le débiteur a été mis en demeure de rembourser l'allocation, l'aide ou toute autre prestation indue mentionnée à l'article L. 5426-8-1.

Le directeur général de Pôle emploi lui adresse, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une mise en demeure qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement ainsi que, le cas échéant, le motif ayant conduit à rejeter totalement ou partiellement le recours formé par le débiteur.

Si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur général de Pôle emploi peut décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 ».

En l'espèce, Pôle emploi qui fait état d'une mise en demeure du 28 juillet 2019 ne produit pas l'accusé de réception de sorte qu'en l'absence de mise en demeure régulière, la contrainte est nulle.

Le jugement mérite confirmation sur ce point.

Pour autant, le premier juge ne pouvait en conclure que « la saisine de la juridiction est irrégulière » et il sera infirmé sur ce point.

En effet, l'irrégularité de la procédure de contrainte n'ôte pas le caractère indu des allocations versées par Pôle emploi et oblige donc celui qui les a perçues à tort à les rembourser sur le fondement de l'article 1302 et suivants du code civil qui dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

Ainsi, l'annulation d'une procédure de contrainte en raison de l'absence de preuve de l'envoi d'une mise en demeure préalable ou de toute autre irrégularité n'a pas d'incidence sur l'obligation, pour l'allocataire, de rembourser des allocations ARE indument perçues dès lors que la demande de Pôle emploi à ce titre est recevable et que sa créance est fondée dans son principe et son quantum.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Le premier juge ne pouvait davantage, après avoir annulé la contrainte, déclarer que les demandes de Pôle emploi sont irrecevables, et ce sans statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Madame [U].

Il sera aussi infirmé sur ce point.

Madame [U] soutenait devant le premier juge que :

- Pôle emploi ne l'a mise en demeure de rembourser que le 28 mai 2016 si bien que sont prescrites les demandes relatives aux allocations servies avant le 28 mai 2013 ;

- Pôle emploi ne conteste pas les éléments constitutifs du contrat de travail que sont la prestation de travail, la rémunération et le lien de subordination, mais les conditions d exécution de ce contrat ;

- Pôle emploi argue de faux les bulletins de salaire en raison des erreurs qui les entachent, sans toutefois avoir porté plainte et alors que l'établissement de ces documents incombe à l'employeur et non au salarié ;

- ne peuvent être reprochées à un salarié les indélicatesses de son employeur dont il a été victime, comme notamment le défaut de paiement régulier des salaires ou un solde de tout compte erroné ;

- le cumul d'une activité non salariée et des allocations chômage n'est pas prohibé et le défaut de déclaration de son activité d auto entrepreneur ne la prive pas de son droit à indemnisation, la seule sanction étant la diminution de celle ci à charge pour Pôle emploi de prouver que le cumul du revenu de cette activité et des allocations est supérieur au salaire moyen antérieur au licenciement, ce qu il ne fait pas ;

- le simple défaut de déclaration de l activité non salariée n établit pas une fraude.

Pôle emploi oppose que :

- Madame [U] a fait, aux services de Pôle emploi, de fausses déclarations, étayées par la production de faux documents, et a obtenu frauduleusement le versement indu d'allocations chômage de sorte que la prescription en la matière est décennale ;

- les investigations ont fait apparaître des anomalies, qui ne permettent pas de prendre en considération « la prétendue » relation salariale avec la société [5] ;

- l'allégation de la prise d'un congé sans solde pour faire « gonfler » les rémunérations de base au calcul de l'indemnité journalière a été employée par M. [W] bénéficiant aussi d'une attestation employeur auprès de la société [5] ou d'autres personnes physiques ayant eu recours à des attestations employeur de sociétés figurant à la même adresse que celle de la société [5] ;

- Madame [U] a exercé une activité professionnelle non salariée, sans l'avoir déclarée aux services de Pôle emploi, alors même qu'elle était pourtant indemnisée et n'a pas évoqué cette situation à l'occasion des entretiens de recherche d'emploi dont elle a bénéficié les 2 février et 8 juin 2016.

Sur ce,

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

L'article L. 5422-5 du code du travail dispose :

« L'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans.

Ces délais courent à compter du jour de versement de ces sommes ».

L'article 27 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2014 sur l'indemnisation du chômage applicable au litige prévoit :

« § 1er - Les personnes qui ont indûment perçu des allocations ou des aides prévues par le présent règlement doivent les rembourser, sans préjudice des sanctions pénales résultant de l'application de la législation en vigueur pour celles d'entre elles ayant fait sciemment des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue d'obtenir le bénéfice de ces allocations ou aides.

(')

§ 4 -L'action en répétition des sommes indûment versées se prescrit, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration, par 3 ans et, en cas de fraude ou de fausse déclaration, par 10 ans à compter du jour du versement de ces sommes. La prescription de l'action éteint la créance ».

L'article 2 de la convention du 14 mai 2014 prévoit s'agissant des conditions permettant de bénéficier des prestations :

« § 1er - Le dispositif national interprofessionnel d'assurance chômage est destiné à assurer un revenu de remplacement pendant une durée déterminée aux salariés involontairement privés d'emploi remplissant les conditions d'éligibilité au dispositif. »

Le règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 détaille l'ensemble des conditions. :

« Art. 1er - Le régime d'assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d'aide au retour à l'emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d'emploi qui remplissent des conditions d'activité désignées période d'affiliation, ainsi que des conditions d'âge, d'aptitude physique, de chômage, d'inscription comme demandeur d'emploi, de recherche d'emploi. »

« Art.2 - Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte :

' d'un licenciement ;

' d'une rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail ;

' d'une fin de contrat de travail à durée déterminée dont notamment le contrat à objet défini, ou de contrat de mission ;

' d'une rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, dont notamment le contrat à objet défini, ou d'un contrat de mission, à l'initiative de l'employeur ;

' d'une démission considérée comme légitime, dans les conditions fixées par un accord d'application ;

' d'une rupture de contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées à l'article L. 1233-3 du code du travail ».

« Art.3 - Les salariés privés d'emploi doivent justifier d'une période d'affiliation correspondant à des périodes d'emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage.

Pour les salariés âgés de moins de 50 ans à la date de la fin de leur contrat de travail, la période d'affiliation doit être au moins égale à 122 jours, ou 610 heures de travail, au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis), sous réserve des dispositions de l'article 28 ».

L'annexe 10 à ce règlement reprend ces conditions en précisant les modalités spécifiques pour les intermittents du spectacle et précise :

« Art.2 - Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat résulte :

- d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ;

- d'une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à l'initiative de l'employeur ;

- d'une démission considérée comme légitime, dans les conditions fixées par un accord d'application. »

« Art. 3. - L' article 3 est modifié comme suit :

§ 1er - Les salariés privés d'emploi doivent justifier d'une période d'affiliation d'au moins 507 heures de travail au cours des 319 jours qui précèdent la fin du contrat de travail, sous réserve de l' article 10 § 1er.

Lorsque l'activité des artistes est déclarée sous la forme de cachets, chaque cachet est converti en heures sur la base de 1 cachet égale 8 heures ou 12 heures, selon qu'il s'agit de cachets groupés ou isolés. Le nombre maximum de cachets pris en compte pour la recherche de la durée d'affiliation requise est de 28 par mois.

Constituent des cachets groupés, ceux qui couvrent une période d'emploi d'au moins 5 jours continus chez le même employeur.

Pour la justification des 507 heures, seul le temps de travail effectif exercé dans le champ d'application de la présente annexe ou de l'annexe VIII au règlement est retenu, sous réserve de l' article 7 ».

Suite aux demandes de Pôle emploi, il appartient en conséquence à Madame [U] de démontrer remplir les conditions lui permettant de bénéficier des prestations.

En effet, Pôle emploi peut légitimement contrôler la situation des allocataires, alors que les allocations sont allouées en fonction d'éléments déclaratifs.

Si Madame [U] bénéficie de la présomption de contrat de travail en produisant des contrat de travail, des fiches de paye et des documents rédigés par la Société à destination de Pôle emploi notamment, la preuve peut cependant être rapportée que cette dernière n'exerçait pas d'activité salariée au sein de la Société, alors que le mode déclaratif ne dispense pas l'allocataire de justifier de la réalité de ses activités exercées sous un mode salarié.

Il ressort des pièces produites aux débats, que Madame [U] et la Société ont signé un contrat de travail à durée indéterminée le 1er juillet 2013, statut cadre, en qualité de responsable administrative pour un salaire brut de 4 260 euros, prévoyant une période d'essai d'un mois.

Par courrier remis en main propre le 1er juillet 2013, la Société a mis fin à la période d'essai « nous sommes au regret de devoir mettre fin à cet essai ».

Un contrat de travail à durée indéterminée a été signé le 2 juillet 2013 entre Madame [U] et la Société en qualité d'employée administrative non cadre, pour une rémunération de 1.430,24 euros.

Un avenant a été signé entre les parties le 30 décembre 2014 élevant la rémunération à 2.500 euros.

Les fiches de paye produites mentionnent toutes un paiement par chèque, alors que Madame [U] fait état de virements perçus sur les relevés de compte commun de M. et Madame [U] .

Pour un début d'activité au sein de la Société en juillet 2013, il est justifié d'un premier virement au mois de décembre 2013 dont le montant renseigné à la main par Madame [U] sur le relevé correspond à trois mois de salaire (3.361,20 euros) juillet, août et septembre.

Le 30 décembre, un autre virement du même montant est mentionné, correspond, toujours de façon manuscrite, aux mois d'octobre à décembre 2013.

Il en est de même pour le virement du 10 février 2014 correspondant aux mois de janvier à mars 2014.

A compter de mai 2014, et jusqu'en décembre 2015, le montant renseigné comme étant un salaire mensuel est 1.136,03 euros, observation faite que la rémunération aurait due être élevée à 2.500 euros en exécution de l'avenant mentionné ci-dessus.

De façon manuscrite, Madame [U] précise sur ces relevés que certaines sommes cumulées correspondent à des acomptes sur des mois futurs, or, aucune mention de cette nature ne figure sur les bulletins de paie.

Le motif renseigné sur les relevés de compte est libellé de façon différente :

-salaire Madame [U]

- [U] [Z] salaire

- Salaire [U] [Z]

- Salaire Madame [U] [Z]

- Salaire

- Salaire [U]

- Salaire Wygod(la suite de la mention étant occultée).

L'émetteur du virement est renseigné, SARL [5], [5] ou [5].

Les bulletins de paye mentionnent la convention collective de la « Pharmacie : Fabrication et commerce de produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire », alors que la Société a pour objet la « construction d'autres bâtiments », plus spécifiquement selon les statuts les « rénovation, aménagement, réhabilitation immobilière et travaux tous corps d'état, marchand de bien » ce qui ressort de la pièce 31 de Pôle emploi intitulée « éléments concernant [5] SARL », soit, selon la source [6], et le rapport personnalisé de la Société, les éléments recueillis dans le cadre de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif par jugement du 31 octobre 2019.

Les bulletins de paye mentionnent une ancienneté au 1er juillet 2013, et à compter du mois d'avril 2014, une ancienneté au 1er juillet 2003.

Figurent aussi des incohérences s'agissant des jours de congés renseignés comme étant acquis au regard de la date d'ancienneté de Madame [U], de l'absence de mention sur les bulletins de salaire des jours de congés pris par rapport aux indications figurant dans le solde de tout compte.

Il est justifié aussi, ainsi que le relève Pôle emploi, par interrogation de l'instance Ficoba, que la Société, qui a débuté son activité le 1er juillet 2013 selon ses statuts, n'a eu de compte bancaire qu'à compter du 8 octobre 2013, élément effectivement peu compatible avec les missions figurant dans le contrat de travail de Madame [U], à savoir :

«- Traiter les tâches techniques et administratives générées par l'activité de la société soit entre autres : le traitement informatique des commandes ; le recouvrement des créances clients, la création des fiches clients ; les correspondances avec les fournisseurs, la gestion des plannings ».

Pour pouvoir prétendre au versement des allocations servies par Pôle emploi, Madame [U] doit justifier de périodes de travail effectif préalable à l'ouverture de ses droits, le contrat de travail se définissant comme la relation selon laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération.

Il ressort de l'ensemble des éléments rapportés ci-dessus que Pôle emploi apporte tout un faisceau d'indices émergeant de nombreuses incohérences entre les déclarations de Madame [U] et les pièces communiquées dans le cadre du contrôle, de nature à établir que cette dernière n'avait pas exercé d'activité salariée au sein de la Société, ce qui en tout état de cause est de nature à renverser la présomption de salariat, Madame [U] ne produisant d'ailleurs aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse et ne fournissant aucun élément sur l'activité qu'elle aurait pu avoir au sein de la Société.

Ainsi, Pôle emploi apporte la démonstration de déclarations insincères de Madame [U] non conformes à la réalité quant à l'exercice d'une activité salariée rémunérée au sein de la Société qu'elle avait renseignée comme ayant été son employeur, et ce sans qu'il soit nécessaire de suivre encore davantage Pôle emploi dans le détail de son argumentation ni de relever, qu'effectivement Madame [U] n'a pas déclaré son activité d'auto entrepreneur sur la période litigieuse.

Dès lors, en présence de déclarations insincères, la fraude étant caractérisée, la prescription décennale s'applique, de sorte que Pôle emploi est recevable en ses demandes sur l'ensemble de la période.

Sur la demande en restitution de l'indu :

Sur ce,

L'article 1302 du code civil dispose que « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ».

L'article 1303 du même code indique que « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ».

L'article 1235 du code civil dispose que « « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition ».

Aux termes de l'article L. 5426-2, alinéa 2 du code du travail dispose que « les sommes indûment perçues donnent lieu à remboursement ».

Il est rappelé que l'annulation d'une procédure de contrainte en raison de l'absence de preuve de l'envoi d'une mise en demeure préalable ou de toute autre irrégularité n'a pas d'incidence sur l'obligation, pour l'allocataire, de rembourser des allocations ARE indument perçues dès lors que la créance de Pôle emploi est fondée dans son principe et son quantum.

Il résulte directement de ce qui précède que la demande de remboursement de Pôle emploi était fondée alors que Madame [U] ne justifie pas remplir les conditions d'octroi des prestations, de sorte que cette dernière sera condamnée à rembourser les sommes indûment versées, Madame [U] ne démontrant pas remplir les conditions ouvrant droit à indemnités, les sommes sollicitées par Pôle emploi étant en outre justifiées par l'historique des paiements et le montant d'ailleurs non contesté devant le premier juge.

Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019, date de signification de la contrainte constituant une interpellation suffisante au débiteur.

La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code de procédure civile est de droit lorsqu'elle est demandée ; elle court à compter de la demande qui en est faite, soit dans l'assignation, soit dans les conclusions ultérieures.

La capitalisation sera en conséquence ordonnée à compter du 15 septembre 2022, date du jugement qui mentionne cette demande de Pôle emploi dont appel, en l'absence d'indication plus précise sur la date à laquelle cette demande a été formulée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Madame [U] qui succombe doit être condamnée aux dépens de l'appel et de première instance et à payer à Pôle emploi une indemnité au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DIT que la demande relative à l'irrecevabilité des conclusions d'appel de Madame [Z] [U] est devenue sans objet ;

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a annulé la contrainte ;

Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés et ajoutant,

JUGE que la demande de Pôle emploi est recevable ;

CONDAMNE Madame [Z] [U] à payer à Pôle emploi la somme de 32.545,90 euros correspondant aux indemnités indument perçues, sur la période du 28 janvier 2016 au 26 janvier 2018 ;

DIT que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019 ;

ORDONNE 1a capitalisation des intérêts dus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 15 septembre 2022 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [Z] [U], aux dépens de la procédure d'appel et de première instance ;

CONDAMNE Madame [U] à payer à Pôle emploi, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/20893
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.20893 ?
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