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20/06/2024 | FRANCE | N°22/19051

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 20 juin 2024, 22/19051


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



(n° , 26 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 22/19051 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVVK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020033227





APPELANT ET INTIMÉ INCIDENT



M. [O] [F]

Né le [Date nais

sance 6] 1987 à [Localité 14] (62)

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 2] - ESPAGNE



Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ass...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 26 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/19051 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVVK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020033227

APPELANT ET INTIMÉ INCIDENT

M. [O] [F]

Né le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 14] (62)

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 2] - ESPAGNE

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assisté de Me Anthony SARCIAUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS ET APPELANTS INCIDENTS

M. [R] [B]

Né le [Date naissance 11] 1996 à [Localité 18] (92),

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représenté par Me Laura DAVID de l'AARPI LDDA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

S.A.S. BLOCKPULSE

Prise en la personne de son président

Immatriculée au RCS de Lille sous le n° 838 885 820

Dont le siège social est au [Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Benjamin DORS, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

INTIMÉ

M. [G] [C]

Né le [Date naissance 8] 1988 à [Localité 13],

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, présidente

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère

Mme Isabelle ROHART, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

- contradictoire,

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Sophie MOLLAT, présidente et par M. Valentin HALLOT, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure

La société Blockpulse est une société par actions simplifiée, créée le 12 avril 2018 par M. [O] [F], M. [G] [C] et M. [U] [W], dont le siège social est à [Localité 17] et qui a pour activité le conseil aux sociétés souhaitant lever des fonds et recourir à la technologie blockchain. Elle développe et exploite notamment un logiciel permettant d'émettre et de gérer des titres financiers au format électronique.

Aux termes des statuts, M. [O] [F] a été nommé président et M. [U] [W] directeur général.

M. [U] [W] a toutefois rapidement quitté la société et cédé ses parts à MM. [F] et [C] qui sont devenus associés à parts égales.

Par assemblée générale du 3 avril 2019, M. [G] [C] a été nommé président aux lieu et place de M. [O] [F], ce dernier étant alors nommé directeur général.

À la même période, la société a cherché à recruter un nouvel associé en charge des aspects techniques de l'entreprise (Chief Technical Officer). Ainsi, à compter de mai 2019, la direction technique a été confiée à M. [R] [B], initialement dans le cadre d'une simple prestation de services.

Le 20 janvier 2020, MM. [F] et [C] ont associé leur directeur technique, M. [R] [B], à qui ils ont cédé une partie de leurs actions, afin de lui permettre de détenir 10% du capital.

Le même jour, un nouveau pacte d'associés a été signé par les trois associés « fondateurs », avec deux associés minoritaires, ce pacte prévoyant en son article 2.2 une promesse de cession des titres détenus par les associés « fondateurs », exerçable à un prix fixé selon une formule prédéterminée notamment en cas de révocation de leur mandat social.

Le 24 avril 2020, les associés réunis en assemblée générale ont décidé la révocation de M. [O] [F] de ses fonctions de directeur général.

Par lettres recommandées du 5 juin 2020, MM. [C] et [B], bénéficiaires de la promesse de cession de parts prévue au pacte d'associés, ont procédé à sa levée en exerçant leur option d'achat.

Considérant avoir été victime de man'uvres frauduleuses, que le pacte d'associés est entaché de nullité, que la cession de ses titres n'a pu valablement intervenir et que sa révocation est abusive, M. [O] [F], par actes des 22 et 28 juillet 2020, a fait assigner la SAS Blockpulse, ainsi que MM. [G] [C] et [R] [B], devant le tribunal de commerce de Paris, sollicitant, d'une part, la nullité du pacte d'associés et de la promesse de cession d'actions, ainsi que la nullité du transfert des titres intervenus au profit de M. [G] [C] et M. [R] [B], d'autre part, la condamnation de ces derniers au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la condamnation de la société Blockpulse au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement du caractère vexatoire de la révocation de ses fonctions de dirigeant.

La société Blockpulse, outre le rejet des demandes de M. [O] [F], a demandé reconventionnellement au tribunal de condamner avec exécution provisoire M. [O] [F] à lui verser 60 000 euros à titre de dommages-intérêts et à lui restituer les crypto-actifs dont il était dépositaire pour son compte, ou leur contrevaleur en euros au jour du jugement.

M. [R] [B] a sollicité du tribunal le rejet des demandes de M. [O] [F] et la condamnation reconventionnelle de ce dernier à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de la procédure abusive engagée à son encontre.

Par jugement du 21 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté les parties de toutes leurs demandes,

- Condamné M. [O] [F] aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 16 novembre 2022, M. [O] [F] a interjeté appel de ce jugement.

La société Blockpulse a formé un appel incident du jugement entrepris, en ce qu'il a « débouté les parties de toutes leurs demandes », mais uniquement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles tendant à la restitution de crypto-actifs remis à M. [O] [F] au nom de la société. M. [R] [B] a interjeté appel incident du jugement, en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive engagée à son encontre.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2023, M. [O] [F] demande à la cour, au visa des articles 1104, 1112-1, 1124, 1130, 1131, 1137, 1139, 1163, 1169, 1353, 1367, 1591, 1210, 1211, 1240 du code civil, des articles L. 211-3, L. 211-17-1 du code monétaire et financier, des articles 32-1 et 565 du code de procédure civile, des ordonnances n° 2016-131 du 10 février 2016 et n°2017-1674 du 8 décembre 2017, de :

Sur l'appel principal formé par M. [O] [F]

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 octobre 2022, en ce qu'il a :

' Débouté M. [O] [F] de toutes ses demandes, prétentions et fins,

' Condamné M. [O] [F] aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,25 euros dont 19,16 euros de TVA ;

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que la dissimulation intentionnelle des dispositions du pacte d'associés et de la promesse de cession, ainsi que les man'uvres de MM. [G] [C] et [R] [B] dans le cadre de la conclusion du pacte d'associés, sont constitutives de réticences dolosives ;

- Dire et juger que la formule de prix figurant au sein de la promesse de cession ne permet pas de déterminer un prix de cession réel et sérieux par des éléments objectifs indépendants de la volonté des contractants et que la cession est intervenue pour un prix vil et non sérieux ;

- Dire et juger que le pacte d'associés a été résilié par M. [O] [F] le 14 avril 2020 au plus tard, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée ;

- Dire et juger que tout transfert de titres, quand bien même il serait enregistré au sein d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé, nécessite un ordre de mouvement signé du cédant ;

- Dire et juger que les circonstances entourant la révocation de M. [O] [F] de son mandat de directeur général sont vexatoires, injurieuses et offensantes et constituent à ce titre des circonstances abusives ;

- Dire et juger fautifs les comportements de MM. [G] [C] et [R] [B] à l'encontre de M. [O] [F], associé et mandataire social de la société Blockpulse ;

- Dire et juger nul et inopposable à M. [O] [F] le transfert de ses 17 980 actions au profit de MM. [G] [C] et [R] [B] le 5 juin 2020 ;

En conséquence,

À titre principal,

- Prononcer la nullité du pacte d'associés et de la promesse de cession d'actions prévue à l'article 2.2. du pacte d'associés, pour réticences dolosives de la part de MM. [G] [C] et [R] [B] à l'encontre de M. [O] [F] ;

À titre subsidiaire,

- Déclarer recevable la demande de nullité de la promesse de cession prévue à l'article 2.2. du pacte d'associés, en l'absence de déterminabilité d'un prix de cession réel et sérieux par des éléments objectifs indépendants de la volonté des contractants, dans la mesure où elle ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel ;

- Prononcer la nullité de la promesse de cession prévue à l'article 2.2. du pacte d'associés, en l'absence de déterminabilité d'un prix de cession réel et sérieux par des éléments objectifs indépendants de la volonté des contractants, ou à tout le moins, la nullité de la cession de titres intervenue le 5 juin 2020 pour un prix non sérieux et vil ;

- Déclarer recevable la demande tendant à prononcer l'absence d'effet juridique du pacte d'associés, compte tenu de sa résiliation à compter du 14 avril 2020 au plus tard, dans la mesure où elle ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel ;

- Prononcer l'absence d'effet juridique du pacte d'associés, compte tenu de sa résiliation à compter du 14 avril 2020 au plus tard ;

À titre infiniment subsidiaire,

- Prononcer la nullité du transfert des 17 980 actions intervenu le 5 juin 2020 au profit de MM. [G] [C] et [R] [B], à défaut d'ordre de mouvement signé par M. [O] [F] ;

En tout état de cause,

- Prononcer la nullité du transfert des 17 980 actions de M. [O] [F] intervenu le 5 juin 2020 au profit de MM. [G] [C] et [R] [B] ;

- Ordonner la restitution des 17 980 actions au profit de M. [O] [F], et la restitution corrélative des 47 834,53 euros versés sur le compte Lemonway au profit de MM. [G] [C] et [R] [B] ;

- Condamner la société Blockpulse à verser à M. [O] [F] la somme de 40 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive ;

- Condamner solidairement MM. [G] [C] et [R] [B] à verser à M. [O] [F] la somme de 20 000 euros, à titre de dommages-intérêts au titre de leurs fautes personnelles ;

Sur l'appel incident formé par la société Blockpulse

- Déclarer les demandes de la société Blockpulse non fondées ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Blockpulse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter la société Blockpulse de l'intégralité de ses demandes ;

Sur l'appel incident formé par M. [R] [B]

- Déclarer les demandes de M. [R] [B] non fondées ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [R] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter M. [R] [B] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause

- Débouter la société Blockpulse, M. [G] [C] et M. [R] [B] de l'intégralité de leurs demandes ;

- Condamner solidairement la société Blockpulse, M. [G] [C] et M. [R] [B] à verser à M. [O] [F] la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la société Blockpulse, M. [G] [C] et M. [R] [B] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 février 2024, la société Blockpulse demande à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1137, 1217, 1221, 1240, 1353 et 1589 du code civil, des articles 144 et 564 du code de procédure civile, des articles L. 228-1 et suivants du code de commerce, des articles L. 211-17 et suivants du code monétaire et financier, de l'article 514-1 du code de procédure civile, de :

Sur l'appel principal formé par M. [O] [F]

À titre principal,

- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [O] [F] de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;

- Déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de M. [O] [F] tendant à prononcer la nullité de la promesse de cession prévue à l'article 2.2. du pacte d'associés, en l'absence de déterminabilité d'un prix de cession sérieux par des éléments objectifs indépendants de la volonté des contractants ;

- Déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de M. [O] [F] tendant à prononcer l'absence d'effet juridique du pacte d'associés, compte tenu de sa résiliation à compter du 14 avril 2020 au plus tard ;

- Débouter M. [O] [F] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer sur le caractère sérieux du prix effectivement payé à M. [O] [F] en contrepartie de ses titres,

- Ordonner la désignation d'un expert judiciaire chargé d'apprécier le caractère sérieux du prix effectivement payé au regard de la valorisation de la société Blockpulse au jour de la levée d'option ;

Sur l'appel incident formé par la société Blockpulse

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Blockpulse de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau,

- Condamner M. [O] [F] à restituer l'intégralité des crypto-actifs dont il était dépositaire pour le compte de la société Blockpulse, à savoir 15 unités Ethereum et 7950 unités Celsius Token ou, à défaut, leur contre-valeur en euros au jour du jugement à intervenir ;

- Condamner M. [O] [F] à payer à la société Blockpulse la somme de 30 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [O] [F] aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 05 février 2024, M. [G] [C], demande à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1137 alinéa 2, 1217, 1221, 1240 et 1589 du code civil, des articles L. 228-1 du code de commerce et L. 211-17 du code monétaire et financier, de :

- Déclarer recevable et bien-fondé M. [G] [C], en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a débouté M. [O] [F] de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;

- Prendre acte de ce que M. [G] [C] se joint et s'en rapporte, tant procéduralement que sur le fond, aux conclusions de la société Blockpulse, relativement aux points de discussion suivants :

' La durée du pacte d'associés,

' Le caractère déterminable, sérieux et non-vil du prix de cession des titres de M. [O] [F] après levée de la promesse de cession,

' Les conditions et les motifs de révocation du mandat social de M. [O] [F].

- Condamner M. [O] [F] à payer à M. [G] [C] la somme de 15 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble des frais engagés en première instance et en cause d'appel ;

- Condamner M. [O] [F] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 juillet 2023, M. [R] [B] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1128, 1137, 1138, 1240, 1833, 1851 1353 et 1589 du code civil, des articles L. 211-17 et suivants du code monétaire et financier, de l'article 514-1 du code de procédure civile, de :

Sur l'appel principal formé par M. [O] [F]

- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [O] [F] de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;

Sur l'appel incident formé par M. [R] [B]

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] [B] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau

- Condamner M. [O] [F] à payer à M. [R] [B] la somme de 6 000 euros au titre de la procédure abusive engagée à son encontre ;

- Condamner M. [O] [F] à payer à M. [R] [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [O] [F] aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du pacte d'associés et de la promesse de cession d'actions sur le fondement du dol, de l'obligation d'information, du devoir de conseil et du devoir de loyauté

M. [O] [F] énonce qu'il a signé la documentation juridique le 23 janvier 2020 à 20 heures, à la demande de M. [C] ; que cette documentation juridique ' rédigée intégralement par M. [C], avocat de formation ' avait été imprimée et signée au préalable par ce dernier, en ses qualités de président de la société et d'associé, et par M. [B] ; que cette documentation contenait un pacte d'associés et une promesse de cession de titres dont il n'avait pas eu connaissance et que ce document, dont l'enjeu était capital, ne lui avait pas été communiqué pour revue préalable, alors que certaines dispositions du pacte d'associés, notamment la promesse insérée à l'article 2.2, auraient pourtant été déterminantes de son consentement. Il indique en effet que s'il avait eu connaissance de ces dispositions lui imposant de céder l'intégralité de ses titres en cas de révocation de son mandat social pour une somme négative ou nulle, en aucun cas il n'aurait accepté de signer le pacte d'associés. Il estime que la bonne foi au stade précontractuel imposait à M. [C], président, associé fondateur et rédacteur des actes, de l'informer du contenu de ces actes, conformément à l'article 1112-1 du code civil. Il soutient que son consentement n'était pas éclairé et qu'il a été victime des réticences intentionnelles et dolosives de ses associés, en ce que M. [C] s'est employé, à compter du mois d'octobre 2019, à l'induire en erreur pour qu'il signe les actes ; que, par courriel du 17 octobre 2019, M. [C] lui a adressé les documents concernant la cession de titres au profit de M. [B] et qu'il ne mentionnait pas l'existence d'un nouveau pacte d'associés. Il précise qu'il a donc vérifié la répartition du capital, afin de tenir compte de la cession de titres envisagée au profit de M. [B], et a seulement donné son accord sur la répartition du capital post-cession ; qu'en tout état de cause, en aucun cas un tel accord de principe, au demeurant contesté, n'aurait dispensé M. [C] de son devoir d'information au stade précontractuel et de son devoir de loyauté à l'égard de son associé. Il ajoute qu'entre le 17 octobre 2019 et le 23 janvier 2020, M. [C] diffusait les documents concernant la « Cession [R] » par courriels séparés aux associés, pour éviter qu'ils aient tous le même niveau d'informations sur les documents et leur évolution. Il explique également que lors de la signature improvisée, M. [C] lui avait confirmé à l'oral la primauté du pacte bilatéral de non-destitution mutuelle signé par les associés Fondateurs le 4 avril 2019 dans l'hypothèse où un nouveau pacte d'associés serait conclu, ce qui l'avait rassuré sur les protections mises en 'uvre à son égard, ignorant que le nouveau pacte emportait anéantissement du pacte bilatéral ; et que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le projet de pacte d'associés joint le 17 octobre 2019 comportait une clause de Bad Leaver, sans rapport avec celle figurant au sein du pacte d'associés mis à sa signature. Il conclut que les manquements répétés de M. [C] à ses différents devoirs de conseil et de mise en garde établissent le caractère intentionnel, frauduleux et fautif de la dissimulation et l'absence de consentement éclairé de sa part.

La société Blockpulse réplique que l'accusation de dol, si elle concerne au premier chef M. [C] à qui elle est imputée personnellement, fait également grief à la société qui est partie au pacte dont l'annulation est demandée par M. [F] et donc, que la société est pleinement légitime à contester les allégations formulées par l'appelant. Elle énonce que la signature de ce pacte répondait à la volonté de MM. [F] et [C] d'associer M. [B] en lui cédant chacun une partie de leur participation respective et que, dans la mesure où, ce faisant, M. [B] deviendrait le troisième plus important associé, son entrée au capital devait s'accompagner d'une mise à jour du pacte d'associés. À cet égard, elle indique que la signature du pacte n'a jamais eu pour objet de nuire à M. [F] mais tendait, au contraire, à protéger les associés fondateurs, en faisant naître à leur profit et à leur charge des droits et des obligations propres, notamment en matière de détention/cession de titres. Elle expose en outre que le dol ne se présume pas, alors que l'appelant ne précise, ni ne démontre, quelles seraient les prétendues man'uvres frauduleuses de M. [C] ayant vicié son consentement ; qu'il ne saurait y avoir de dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information si cette information figurait de façon intelligible dans le contrat et qu'il suffisait à M. [F] de le lire pour constater l'existence et le contenu de cette clause figurant dans la section « Gouvernance de la société », dont l'intitulé aurait dû l'intéresser à double titre en tant que directeur général et associé fondateur, de sorte qu'il ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, la formation de juriste de M. [C] étant inopérante puisque le rédacteur d'un acte juridique n'est pas responsable de l'incurie du signataire, a fortiori lorsque ce dernier est directeur général d'une legaltech, spécialisée dans la production de documents juridiques encadrant la gestion de l'actionnariat. Elle ajoute que l'hypothèse de fin des fonctions d'un des fondateurs pour cause de révocation de son mandat social figurait bien dans la version validée par M. [F] le 17 octobre 2019 ; que les relations particulièrement tendues entre les associés devaient le conduire à la vigilance. Elle conclut que M. [C] n'a commis aucun manquement à une quelconque obligation d'information précontractuelle vis-à-vis de M. [F]. Elle ajoute, sur le devoir de mise en garde du rédacteur d'acte, que ce grief est inopérant, dès lors que ce devoir ne pèse que sur le professionnel rédacteur d'acte, au titre de la prestation de service qu'il délivre aux parties et que la formation juridique de M. [C] ne saurait lui conférer la qualité de professionnel rédacteur d'acte, de nature à faire peser sur lui une obligation contractuelle de conseil et de mise en garde vis-à-vis des autres parties au pacte d'actionnaires. Subsidiairement, elle énonce qu'à supposer qu'une telle obligation pesât sur M. [C], un hypothétique manquement à cette obligation ne saurait entraîner la résolution du pacte, mais uniquement la mise en cause de la responsabilité contractuelle dudit rédacteur. Elle conclut au rejet du grief formulé par M. [F].

M. [G] [C] expose que le 20 janvier 2020, M. [F], directeur général qui détenait 49,5 % du capital de la société Blockpulse, a signé le pacte d'associés dont le contenu lui avait été présenté préalablement et pour lequel il n'avait émis aucune objection ou réclamation particulière ; que M. [F] était parfaitement informé de la situation de la société, qu'il savait quel était l'objet de l'opération de cession de parts à M. [B], les raisons pour lesquelles un nouveau pacte était signé et qu'il était informé du contenu de pacte dès le mois d'octobre 2019 ; que le seul fait qu'il aurait été incompétent en matière juridique pour appréhender les termes et stipulations du pacte d'associés, est insuffisant à démontrer une man'uvre dolosive de la part de ses associés et que M. [F] ne pouvait ignorer que la signature du pacte formait un tout indissociable à la signature d'un acte de cession de titres au profit de M. [B], la portée des engagements étant clairement établie entre associés. Il sollicite le rejet des allégations de dol et d'erreur par man'uvres dolosives quant au contenu du contrat, notamment en ce qu'aux termes de l'article 1137 alinéa 2 du code civil, le silence n'est dolosif que s'il est gardé sur une information dont on sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Il ajoute que M. [F] ne nie pas avoir reçu l'ensemble de la documentation à signer par mail du 17 octobre 2019, laquelle prévoyait déjà en substance une clause de promesse de cession, avec application d'une clause de Good / Bad Leaver qui a seulement été étendue à d'autres hypothèses et événements dans la version finale du pacte, de manière favorable à son propre sort et équanime à l'égard de l'ensemble des associés fondateurs qui s'engageaient ; qu'enfin, il y a donné son assentiment. Il réfute en outre avoir manqué à son devoir de loyauté ou à un prétendu devoir de conseil en tant que rédacteur d'acte, alors qu'il n'a jamais agi en qualité d'avocat et s'il en est titulaire du titre, il n'exerce pas cette profession depuis sa sortie de l'école des avocats, de sorte que le devoir de mise en garde qui ne pèse que sur le professionnel rédacteur d'acte au titre de la prestation de service qu'il délivre aux parties à l'acte ne peut lui être opposé. Il indique également que le grief soutenu par M. [F], selon lequel il a manqué à un devoir d'information précontractuelle sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil, n'est pas davantage constitué puisque que M. [F] ne pouvait légitimement ignorer une information qui était parfaitement accessible et intelligible, la clause de Bad Leaver n'ayant pas été dissimulée, mais faisait au contraire l'objet d'une section spécifique intitulée « 2.2.1. Promesses de cession par les Fondateurs ». Il dénonce enfin toute relation de confiance entre les associés. Il conclut que, dans ces circonstances, aucune intention de tromper ne saurait être retenue à son égard, puisqu'il a agi sans aucune réticence ni man'uvre dolosive, ni aucun manquement au devoir de loyauté aux associés.

M. [R] [B] rappelle que, appliqué au droit des sociétés, le dol pourra être retenu lorsque des man'uvres positives ou négatives visent à induire en erreur les coassociés et qu'en l'espèce, M. [F] manque de rapporter la preuve tant de l'élément matériel du dol qu'il allègue, que de l'élément intentionnel. Concernant le devoir précontractuel d'information, il ne saurait être retenu aucun manquement à son égard, dans la mesure où les documents remis en amont de la signature du pacte du 20 janvier 2020 permettaient l'information complète de l'appelant ; que seuls M. [C] et M. [F] échangeaient par courriel quant au contenu du pacte dès octobre 2019, alors que lui-même n'intervenait pas dans la discussion, de sorte qu'il ne peut lui être imputé aucune man'uvre dolosive. Il ajoute que M. [F] est toujours resté libre de formuler toute question ou toute remarque au moment de la remise des documents s'il s'estimait insuffisamment informé ; qu'il a été négligent en signant les actes sans les lire alors que les indications essentielles à son engagement apparaissaient de manière lisible et compréhensible. Il conclut que la promesse de cession de titres, insérée à l'article 2.2 du pacte d'associés du 20 janvier 2020, doit recevoir force obligatoire et ne peut être annulée.

Sur ce,

Sur le dol

Dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 2016, l'article 1130 du code civil dispose que « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. ».

Il résulte en outre de l'article 1131 du même code que « Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.».

La preuve du vice ' apprécié au moment de la formation du contrat ' est d'abord nécessaire et incombe à celui qui s'en dit victime. Les sanctions sont en toute hypothèse subordonnées à la preuve directe et positive du dol ainsi que de son caractère déterminant.

Le dol dans la formation du contrat se définit comme une tromperie destinée à surprendre le consentement du cocontractant.

Enfin, selon l'article 1137 du code précité, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. ».

En l'espèce, il est constant que le 20 janvier 2020, M. [F], directeur général détenant 49,5 % du capital de la société Blockpulse, a signé le pacte d'associés dont le contenu, dans une version intermédiaire qui contenait déjà une clause de Bad Leaver, lui avait été présenté préalablement et pour lequel il n'avait émis aucune objection ou observation particulière.

En effet, M. [F] connaissait l'objet de l'opération de cession de parts à M. [B], les raisons pour lesquelles un nouveau pacte devait être signé et était informé du contenu de l'acte par la réception d'un courriel du 17 octobre 2019 auquel était joint une version du nouveau pacte d'actionnaires, laquelle prévoyait déjà en substance une clause de promesse de cession, avec application d'une clause de Good / Bad Leaver, qui a seulement été étendue à d'autres hypothèses et événements dans la version finale du pacte, et les conditions de détermination du prix de la cession, jamais été critiquées en amont, sont demeurées identiques entre le pacte à l'état de projet et sa version finale.

La circonstance selon laquelle il aurait été incompétent en matière juridique pour apprécier les termes et stipulations du pacte d'associés est insuffisante à démontrer une man'uvre dolosive de la part de ses associés, M. [F] ne pouvant ignorer que la signature du pacte formait un tout indissociable à la signature d'un acte de cession de titres au profit de M. [B], et la portée des obligations souscrites étant clairement et intelligiblement établie entre les associés. À cet égard, il est observé que M. [F] ne critique pas l'article 7.10 du pacte qui énonce que l'acte et ses annexes constituent l'intégralité de l'accord des parties quant à son objet et qu'il annule en conséquence et remplace toutes les conventions, correspondances ou documents antérieurement établis que les parties avaient conclus antérieurement.

M. [F] ne saurait reprocher à M. [C] d'avoir sciemment gardé le silence sur le contenu du pacte d'associés qu'il a paraphé et signé, dès lors qu'il n'est pas démontré un quelconque caractère fautif de ce silence, d'une part en ce qu'il n'ignorait pas l'importance des engagements pris aux termes d'un pacte d'associés, d'autre part en ce qu'il appartenait à chaque signataire de lire attentivement les nouvelles stipulations de l'acte, ce qui relève de la vigilance élémentaire de tout créateur d'entreprise, a fortiori d'un associé majoritaire de surcroît mandataire social. Il est au surplus relevé qu'une mésentente s'était installée entre les parties, de sorte que l'appelant ne peut invoquer la relation de confiance entre eux pour s'exonérer de vérifier les clauses le concernant avant de les signer.

La cour, constatant ainsi que ni l'élément matériel, ni l'élément intentionnel du dol n'étant rapporté, conclura qu'aucune man'uvre dolosive des associés n'a vicié le consentement de M. [F]. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le devoir d'information

Il résulte de l'article 1112-1 du code civil que « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. ».

En l'espèce, s'agissant du devoir d'information précontractuelle invoqué par l'appelant, il a été démontré supra que les documents contractuels lui ont été adressés par M. [C] par courriel le 17 octobre 2019, soit trois mois avant sa signature, lui laissant ainsi le temps nécessaire d'en prendre connaissance et de solliciter les conseils d'un spécialiste le cas échéant, de sorte qu'il était en possession des informations essentielles préalablement à la signature des actes.

Il est en outre établi que l'information relative à la clause litigieuse de Bad Leaver était accessible et intelligible, n'ayant pas été dissimulée, et faisait l'objet d'une section spécifique intitulée « 2.2.1. Promesses de cession par les Fondateurs », s'étendant sur deux pages, le principe de ce mécanisme ayant en tout état de cause été connu et approuvé par M. [F] dès le mois d'octobre 2019.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté tout manquement au devoir d'information.

Sur le devoir de conseil ou de mise en garde

Le devoir de conseil (ou de mise en garde), qui relève d'une obligation de moyens, auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque, dans ce dernier cas, le praticien du droit en a été informé.

Toutefois, ce devoir incombe aux rédacteurs d'actes dans leur exercice professionnel et en leur qualité de praticien du droit au titre de la prestation de service qu'il délivre aux parties à l'acte.

En l'espèce, si M. [C] est bien le rédacteur du pacte d'actionnaires, force est de constater qu'il n'a pas agi en qualité de conseil juridique à titre professionnel averti ou de sachant, mais en qualité d'associé de la société Blockpulse utilisant ses connaissances juridiques à bon escient et dans l'intérêt partagé de l'ensemble des parties prenantes, de sorte que ce devoir ne peut lui être opposé.

Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute demande fondée sur le devoir de conseil et de mise en garde.

Sur le devoir de loyauté

Le devoir de loyauté du dirigeant envers ses associés est la traduction de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles qui résulte de l'article 1104 du code civil selon lequel les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

La loyauté est en outre étroitement liée aux principes sociétaires, en ce qu'elle relève de l'essence même du contrat de société qui exige le respect de la communauté d'intérêt des associés. Le respect de l'intérêt commun des associés, comme celui de l'affectio societatis, constituent dès lors des bases d'un devoir de loyauté en droit des sociétés, nonobstant l'absence de texte.

La loyauté constitue ainsi un devoir dont le non-respect engage la responsabilité de son auteur et peut, le cas échéant, conduire à la nullité du contrat.

En l'espèce, dès lors qu'aucune man'uvre dolosive n'est caractérisée et que les informations précontractuelles nécessaires et déterminantes au consentement éclairé de M. [F] ont été transmises, il n'est pas établi que M. [C] a eu un comportement déloyal engageant sa responsabilité de ce chef envers l'appelant.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur le manquement au devoir de loyauté.

Sur le prix de cession

M. [O] [F] énonce que MM. [C] et [B] ont exercé leur option d'achat en dépit des règles prévues pour la détermination du prix de cession des actions à la date de leur levée de la promesse ; que compte tenu de l'inapplicabilité de la clause de prix, ils ont décidé unilatéralement, sans le consulter, de fixer le prix de cession des titres par référence au montant des capitaux propres figurant au sein des derniers comptes approuvés après sa révocation de dirigeant et que, ce faisant, ils ont appliqué des dispositions de la promesse non applicables à la date considérée et interprétaient la clause à leur guise et selon leur seule volonté ; que c'est à juste titre que le tribunal a constaté que le prix de cession des titres n'a pas été établi conformément aux dispositions de la promesse, mais qu'il n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. Il indique que le prix de cession n'était pas déterminable avec certitude, la formule de prix étant viciée. Il ajoute que le prix payé, correspondant à moins de 3% de la valeur de marché de ses titres, est un montant dérisoire, vil et dépourvu de sérieux. En l'absence de déterminabilité d'un prix de cession réel et sérieux par des éléments objectifs indépendants de la volonté des contractants, il conclut à la nullité de la promesse de cession.

La société Blockpulse soulève, à titre liminaire, le caractère irrecevable ' pour être formée pour la première fois en cause d'appel, par application de l'article 564 du code de procédure civile ' de cette nouvelle prétention fondée sur la nullité de la promesse de cession en tant qu'elle serait dépourvue de prix de cession sérieux déterminable indépendamment de la volonté des contractants. Elle soutient, à titre surabondant, que cette prétention est mal fondée, en droit comme en fait, au motif que, pour qu'un prix soit considéré comme déterminable au sens des articles 1163 et 1591 du code civil, il suffit que les parties aient arrêté la méthode de sa détermination objective, reposant sur des éléments indépendants de la volonté de l'une d'elle et ne supposant pas un accord ultérieur, et que si le prix effectivement payé par l'acquéreur peut être inférieur à la valeur réelle des titres, il ne doit pas pour autant être dérisoire ou vil, sous peine de ne pas être sérieux. Elle estime que la promesse prévoyait un prix objectivement déterminable puisque l'article 2.2.1.1.5 du pacte d'associé envisage une méthode de détermination du prix des parts sociales objective et indépendante de la volonté des parties, puisque son montant est adossé à celui des capitaux propres de la société, sans qu'il soit besoin d'un quelconque nouvel accord de volonté des parties ; que le fait que l'application de cette formule ait pu conduire à un prix négatif est sans incidence sur le caractère objectivement déterminable du prix. A titre infiniment subsidiaire, elle demande, en application de l'article 144 du code de procédure civile, d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire chargé d'apprécier le caractère sérieux du prix effectivement payé par MM. [C] et [B], au regard de la valorisation de la société Blockpulse au jour de la levée d'option. Enfin, elle indique que sont inopérants les griefs tirés de la circonstance que les bénéficiaires de la promesse n'auraient pas respecté la méthode définie à l'acte ; que l'irrégularité alléguée, qui n'affecte que la manière dont a été déterminé le prix versé n'est, en tout état de cause, relative qu'à une éventuelle mauvaise exécution de la convention et ne concerne donc pas la régularité de sa formation, de sorte que la nullité ne peut être invoquée à ce titre.

M. [G] [C] indique que les conditions de détermination du prix de la cession n'ont jamais été critiquées en amont et qu'elles sont demeurées identiques et inchangées entre le pacte à l'état de projet et sa version finale. Sur le caractère indéterminé ou indéterminable du prix, il s'en rapporte aux conclusions développées par la société Blockpulse.

M. [R] [B] reprend en substance les moyens soutenus par la société Blackpulse. Il ajoute que la nullité n'est encourue qu'en cas de violation d'une règle de formation du contrat et que, ce faisant, M. [F] est mal fondé à invoquer la nullité de la vente, aux motifs que celle-ci aurait pu l'exposer au risque de recevoir un vil prix, grief nécessairement lié à l'exécution du contrat et non à sa formation. Il soutient au surplus que si effectivement le pacte déterminait un prix de vente en fonction des capitaux propres de la société figurant dans les comptes sociaux du dernier exercice clos, les capitaux propres de la société étaient négatifs jusqu'à la décision des actionnaires du 4 juin 2020 de reconstituer les fonds propres ; que la détermination du prix sur la base des comptes approuvés pour l'année 2019, au lieu de 2018, a permis à M. [F] de percevoir un prix en contrepartie de ses actions, alors que l'application stricte de la clause l'aurait conduit à l'inverse. Il conclut que M. [F] ne peut obtenir ni nullité ni réparation de ce chef.

Sur ce,

Sur la recevabilité de la demande de nullité de la clause au regard de son caractère nouveau

Il résulte de l'article 564 du code de procédure civile que « À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. ».

L'article 565 du même code dispose toutefois que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. ».

En l'espèce, il est observé que la demande de nullité de la promesse de cession pour vice du consentement en vertu du dol ou pour manquement à l'obligation d'information, au devoir de conseil et au devoir de loyauté tend à la même fin que la demande de nullité de ladite promesse au titre du prix indéterminable ou vil, de sorte que la cour dira que cette prétention formée pour la première fois en cause d'appel n'est pas nouvelle au sens des dispositions précitées du code de procédure civile.

Sur le bienfondé de de la demande de nullité de la promesse de cession au regard du prix indéterminable ou vil

En application de l'article 1124 du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre partie, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Par ailleurs, par application combinée des articles 1163 alinéa 2 et 1591 du code civil, le prix doit être déterminé ou déterminable.

Il en résulte que, pour qu'un prix soit considéré comme déterminable au sens de ces dispositions, il suffit que les parties aient arrêté la méthode de sa détermination objective, reposant sur des éléments indépendants de la volonté de l'une d'elles et ne supposant pas un accord ultérieur.

Enfin, en vertu de l'article 1169 du code civil, « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. ».

Ainsi, si le prix effectivement payé par l'acquéreur peut être inférieur à la valeur réelle des titres, il ne doit pas pour autant être dérisoire ou vil. La vente à vil prix est nulle d'une nullité relative.

Il s'ensuit qu'est valable le prix d'une promesse de cession d'actions stipulant que le prix serait fonction du montant des capitaux propres de la société sur la base du dernier bilan arrêté à la date de la levée d'option. Plus généralement, est valable le contrat de vente de droits sociaux qui se réfère, pour en déterminer le prix, à la valeur exacte fixée par le bilan de la société non encore établi au jour de la signature de l'acte.

En l'espèce, l'article 2.2.1.1.5 du pacte d'associé (p.11) prévoit une méthode de détermination du prix de cession des parts sociales comme suit :

« En cas de départ d'un Fondateur (pour les besoins du présent article, les cas exposés au 2.2.3.1.1 (a) et (b) ci-dessus constituent des cas de « Départ ») avant le premier anniversaire de Ia signature du Pacte, le prix de cession pour l'ensemble des Titres (ci-après le « Prix de cession ») sera calculé par référence à la valorisation de cent pour cent (100 %) du capital de la Société (ci-après la « Valorisation ») en fonction du montant des capitaux propres de la Société figurant dans les comptes sociaux au dernier exercice clos ; (par dernier exercice clos, on entend dernier exercice clos dont les comptes ont été approuvés par les associés de la Société avant la fin des fonctions du Fondateur concerné). ».

Il résulte de cette clause que la méthode de détermination du prix, fixée par référence à la valorisation du capital de la société en fonction du montant des capitaux propres, est objective, échappe à la volonté ou à l'accord ultérieur des parties, et conduit ainsi à la détermination d'un prix de cession conformément à la lettre de l'article 1163 du code civil.

Le moyen tiré de l'indéterminabilité du prix sera donc rejeté.

M. [F] excipe, en outre, de la nullité du pacte litigieux aux motifs que l'application de la précédente clause aurait été susceptible de le conduire à un prix de cession vil ou dérisoire et que le prix n'aurait pas été établi conformément aux dispositions du pacte.

Il n'est contesté par aucune des parties que le prix n'a pas été établi conformément aux dispositions du pacte et qu'à la date de levée d'option le 5 juin 2020, la formule applicable pour déterminer le prix de cession des actions en fonction des capitaux propres de la société figurant dans les comptes sociaux du dernier exercice clos (pour lequel les comptes ont été approuvés par les associés avant la fin des fonctions du fondateur concerné, soit 2018) aboutissait à un prix négatif, puisque les capitaux propres de la société étaient négatifs jusqu'à la décision des actionnaires du 4 juin 2020 de reconstituer les fonds propres.

C'est dans ces conditions que MM. [C] et [B], bénéficiaires de Ia promesse de cession de parts prévue au pacte d'associés, ont fait le choix, de leur propre initiative, lors de la levée d'option du 5 juin 2020, d'appliquer la formule de prix aux comptes annuels de 2019 au lieu des comptes annuels de 2018, fixant ainsi un prix de cession total de 47 834,53 euros, au titre des 17 980 actions cédées, soit un prix de 2,66 euros par action. Cette initiative a permis à M. [F] de percevoir un prix, alors que l'application stricte de la clause l'aurait conduit à l'inverse.

En agissant ainsi, les parties reconnaissent que la clause n'est pas applicable à la lettre et que leur volonté n'était pas d'aboutir à un prix de cession vil ou dérisoire. En présence d'une telle incohérence au regard de la réelle intention des parties, la cour considère qu'une mesure de médiation judiciaire, plus que la désignation d'un expert judiciaire comme le sollicite à titre subsidiaire la société Blockpulse, est de nature à faciliter le règlement du litige, en ce qu'il est de l'intérêt des parties de recourir à cette mesure qui leur offre la possibilité de parvenir à une solution rapide et adaptée aux faits d'espèce.

Par conséquent, aux fins de rééquilibrer les rapports entre les parties dans l'esprit de l'accord qu'elles avaient conclu, la cour fera application de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995 modifié par la loi du 23 mars 2019, qui lui permet en tout état de la procédure, lorsqu'elle estime qu'une résolution amiable du litige est possible, d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui sera désigné comme il est dit au dispositif, étant précisé que dans l'hypothèse où toutes les parties donneraient au médiateur un accord écrit à la médiation, celui-ci, désigné par provision, pourra commencer, dès la consignation de la provision, ses opérations de médiation.

La cour sursoit par conséquent à statuer sur le caractère vil du prix dans l'attente de l'issue de la médiation et renvoie l'affaire devant le conseiller de la mise en état, aux fins de suivre la mesure de médiation.

Sur la résiliation du pacte d'associés

M. [O] [F] soutient que, compte tenu de l'absence d'effet juridique du pacte d'associés à compter du 14 avril 2020 au plus tard et s'agissant d'un contrat à durée indéterminée en ce qu'il ne comporte aucune mention quant à sa durée de sorte que chaque partie pouvait y mettre un terme unilatéralement dans un délai raisonnable, il était en droit de le résilier, ce qu'il a fait par courriel du 7 février 2020. Il explique que cette prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend à obtenir l'anéantissement du pacte d'associés et de la promesse dont la nullité a été sollicitée devant le tribunal de commerce et que l'irrecevabilité qui lui est opposée de ce chef doit être rejetée.

La société Blockpulse soulève l'irrecevabilité de la demande de M. [F] tendant à la résiliation du pacte d'associés pour être présentée pour la première fois en cause d'appel. Elle ajoute que, irrecevable, cette prétention nouvelle s'avère en tout état de cause mal fondée, en ce que les courriers qui sont invoqués ne portent nullement l'expression de la volonté de leur auteur de mettre en 'uvre sa faculté de résiliation unilatérale, puisqu'ils réclament au contraire la tenue de pourparlers en vue d'une modification amiable ; qu'au surplus, le postulat factuel ' selon lequel le pacte ne comporterait aucune mention quant à sa durée ' apparaît erroné dès lors que le pacte d'associés a été conclu pour une durée de quinze ans, ainsi que le prévoit expressément son article 6. Elle expose enfin que la faculté de résiliation unilatérale est exclusivement réservée aux contrats à durée indéterminée, et donc exclue pour les contrats conclus pour une durée déterminée, ainsi que le précise le premier alinéa de l'article 1212 du code civil. Elle conclut que ledit pacte s'impose donc à M. [F] jusqu'à son terme.

M. [G] [C] indique que, le pacte ayant été conclu pour une durée déterminée, M. [F] ne pouvait faire valoir sa résiliation que dans un cadre défini contractuellement.

M. [R] [B] énonce qu'il est constant que le pacte d'associés litigieux a été conclu pour une durée déterminée de quinze ans ; et que la nature déterminée de cet engagement annihile ainsi toute faculté de résiliation unilatérale. Il ajoute enfin que cette prétention, élevée pour la première fois à hauteur d'appel, apparaît irrecevable faute de respecter les prescriptions de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la recevabilité de la demande de résiliation du pacte d'associés au regard de son caractère nouveau

Sur le fondement de l'application combinée des articles 564 et 565 du code de procédure civile précités, il y a lieu de considérer que la demande de résiliation du pacte d'associés tend à la même fin que la demande de nullité de ladite promesse, de sorte que la cour dira que cette prétention formée pour la première fois en cause d'appel n'est pas nouvelle au sens de ces dispositions.

Sur le bienfondé de la demande de résiliation du pacte d'associés

Selon l'article 1210 du code civil, dans un contrat à durée indéterminée, « chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. ».

Il résulte en outre de l'article 1211 du même code que « Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. ».

En l'espèce, les différents échanges qui sont invoqués ne portent pas l'expression de la volonté de M. [F], leur auteur, de mettre en 'uvre sa faculté de résiliation unilatérale, puisqu'ils se bornent au contraire à solliciter la tenue de pourparlers en vue d'une modification amiable et consentie des termes de ladite convention.

En tout état de cause, la faculté de résiliation unilatérale est exclusivement réservée aux contrats à durée indéterminée, et donc exclue pour le présent contrat conclu pour une durée déterminée de quinze ans, ainsi qu'il résulte de l'article 6 du pacte d'associés.

Il s'ensuit que cette durée initiale s'impose à M. [F] jusqu'à son terme, sans que ce dernier puisse unilatéralement revenir sur son engagement, de sorte que sa demande tendant à ce que soit prononcée l'absence d'effet juridique du pacte d'associés compte tenu de sa résiliation à compter du 14 avril 2020 au plus tard, sera rejetée pour être mal fondée.

Sur la nullité du transfert des titres de M. [O] [F]

M. [O] [F] critique l'analyse du tribunal qui a fait une application erronée des dispositions du code monétaire et financier et l'ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 et expose que, en l'absence de signature d'ordre de mouvement par lui, en tant que cédant, puisqu'il n'a jamais souhaité céder les 17 980 actions qu'il détient au sein de la société ni procéder à leur délivrance, le transfert de titres entrepris le 5 juin 2020 doit être jugé nul. Il énonce qu'à défaut d'accord des parties sur leur prix de cession, le transfert de propriété des titres ne pouvait intervenir valablement, quand bien même il a été inscrit en comptes d'associés. Il ajoute qu'aucun texte de loi n'étant venu supprimer l'exigence d'un ordre de mouvement signé du cédant afin de matérialiser sa volonté de céder ses actions, son intervention reste requise pour toute cession, que les actions soient inscrites au sein d'un registre papier ou bien au sein d'un DEEP et que, dès lors, tout transfert de titres, quand bien même il serait enregistré sur une blockchain, nécessite un ordre de mouvement signé par le cédant. Il précise en outre que la promesse figurant à l'article 2.2 du pacte d'associés ne comportait aucune clause dispensant les parties d'établir les ordres des mouvements requis par la loi. Il conclut à la nullité du transfert de titres opéré le 5 juin 2020, devant conduire à la restitution des 17 980 actions à son profit et des 47 834,53 euros versés sur le compte Lemonway au bénéfice de MM. [C] et [B]

La société Blockpulse réplique que la levée d'option étant intervenue conformément aux dispositions du pacte d'associés, elle est opposable à la société, qui ne saurait s'y opposer ; que le transfert de propriété des titres est intervenu par l'inscription de ces titres au bénéfice des acquéreurs dans le dispositif d'enregistrement électronique partagé (DEEP) mis en place par la société Blockpulse, conformément aux termes de l'article L. 211-3 du code monétaire et financier ; que les textes prévoient une alternative binaire et ce n'est qu'en cas de cession hors marché d'actions inscrites en compte dans les livres de la société que le virement s'effectue au moyen d'un « ordre de mouvement » (ou « bordereau de cession »), revêtu de la signature du cédant ; qu'à l'inverse, comme en l'espèce, lorsque le transfert est opéré par voie d'inscription modificative dans un DEEP, l'émission d'un ordre de mouvement n'est pas nécessaire. Elle précise que si le transfert par voie de DEEP s'accompagne encore parfois de l'émission d'un ordre de mouvement, cette pratique, qui n'est fondée sur aucun texte, ne constitue pas pour autant une condition légale. Elle conclut que, en signant le pacte, M. [F] a, de manière anticipée, irrévocablement donné son consentement sur la chose et sur le prix et que l'accord des volontés étant survenu lors de la levée de l'option par MM. [C] et [B], la vente est donc parfaite.

M. [G] [C] indique que l'enregistrement de la cession ayant eu lieu au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé, l'opération de mouvement est opposable au cédant, d'autant plus que le développement de ces outils est l'objet même de l'activité de la société Blockpulse. Il explique que depuis novembre 2019, la société Blockpulse a reçu l'agrément de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en tant que prestataire de paiement et peut exécuter des opérations de paiement associées à un compte, y compris les transferts de fonds sur un compte auprès du prestataire de services de paiement. À l'instar de la société Blockpulse, il se fonde sur l'article L. 211-3 alinéa 2 du code monétaire et financier pour conclure que, une fois la levée de promesse acquise, ses bénéficiaires pouvaient procéder à l'inscription du transfert d'actions au moyen du dispositif d'enregistrement électronique partagé, sans avoir recours à un ordre de mouvement devenu facultatif.

M. [R] [B] développe les mêmes moyens que la société Blockpulse et M. [C] pour solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de nullité du transfert de titres.

Sur ce,

Le transfert des valeurs mobilières émises par les sociétés par actions intervient dans les conditions prévues par les articles L. 211-14 et suivants du code monétaire et financier, par virement de compte à compte ou, depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018, par inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, autrement connu sous le terme de « blockchain ».

En outre, l'article R. 228-10 du code de commerce dispose que « l'inscription au compte de l'acheteur ou dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé est faite à la date fixée par l'accord des parties et notifiée à la société émettrice. ».

Toutefois, si la pratique s'est adaptée à cette évolution en faisant de l'ordre de mouvement l'instrumentum par lequel le cédant et le cessionnaire déterminent et notifient à la société émettrice la date qu'ils ont choisie en application de l'article R. 228-10 susvisé pour l'inscription en compte du transfert des titres, le recours à l'ordre de mouvement ' dépourvu de cadre légal et réglementaire ' demeure facultatif.

Il est ainsi de principe que, sauf disposition statutaire exigeant ce formalisme, l'ordre de mouvement n'est pas indispensable à la validité d'un transfert de titre, dès lors qu'est par ailleurs établi le consentement réciproque des parties sur l'opération et que le transfert a donné lieu à l'inscription en compte ou dans la blockchain.

Il résulte en effet de l'article L. 211-3 alinéa 2 du code monétaire et financier que « l'inscription dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé tient lieu d'inscription en compte.». Il s'en déduit un principe d'équivalence entre l'inscription en compte des titres financiers et leur inscription sur un DEEP (dispositif d'enregistrement électronique partagé).

En l'espèce, il est constant qu'aucun ordre de mouvement n'a été établi. Toutefois, dès lors que le recours à ce document ne constitue pas une condition de validité du transfert, la cour écartera la nullité du transfert invoquée de ce chef.

En outre, dès lors qu'il a été constaté supra la validité de la promesse de vente, M. [F] n'est plus fondé à soutenir qu'il n'aurait pas donné son consentement à l'opération, puisque c'est l'objet même de la promesse unilatérale de vente stipulée aux termes de la clause de Bad Leaver du pacte d'associés que de formaliser ce consentement à l'avance lors de la survenance de certains événements prédéfinis.

Ainsi, par la signature du pacte, M. [F] a, de manière anticipée et irrévocable, donné son consentement sur la chose et sur le prix, l'accord des volontés étant survenu lors de la levée de l'option d'achat par MM. [C] et [B]. Il s'ensuit que la vente était parfaite à cette date, nonobstant l'absence de signature d'un ordre de mouvement, dont il a été démontré qu'il n'était pas nécessaire au transfert de propriété.

Aussi, convient-il de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté l'ensemble des griefs formulés par M. [F] tirés de la nullité du transfert des titres.

Sur la révocation abusive de M. [O] [F] de son mandat de directeur général

M. [O] [F] indique que le 6 avril 2020, le président de la société Blockpulse a convoqué pour le 24 avril 2020 une assemblée générale, ayant pour objet la révocation de son mandat de directeur général, et lui a coupé immédiatement tout accès à son espace numérique de travail ; que six jours plus tard, le président a annoncé la convocation de ladite assemblée, son objet, et en a précisé les motifs tirés de différends avec lui auprès des investisseurs privés. Il estime que le président a ainsi diffusé auprès de personnes non associées des informations confidentielles sur la gouvernance de la société, a anticipé le vote des associés prévu 18 jours plus tard et a manqué à l'obligation de loyauté à son égard. Il explique qu'il a été contraint, avant même que la décision de révocation n'ait été prise, de cesser brutalement toute fonction au sein de la société, sans même pouvoir prévenir ses collaborateurs et interlocuteurs externes avec qui il travaillait quotidiennement depuis deux ans. Il estime que les circonstances de sa révocation, s'assimilant à une véritable mise à pied, sont vexatoires et injurieuses pour lui. Il énonce que les porteurs de BSA Air n'étaient pas associés de sorte qu'il n'y avait pas de motif de leur communiquer les mêmes informations qu'aux associés, sauf à vouloir faire la publicité de la mesure envisagée. Il explique qu'il a eu libre accès aux documents confidentiels de M. [H] [T] qui avait communiqué aux associés fondateurs les codes d'accès à la version de démonstration du nouveau site internet de la société Equify afin que ces derniers puissent la tester, de sorte qu'il ne peut lui être opposé un piratage d'ordinateur exposant la société à un risque réputationnel, voire pénal. Il ajoute qu'il ne présentait aucun risque concret pour l'intérêt social, puisque les quelques disputes entre les associés ne paralysaient pas l'activité de la société, et indique, en outre, qu'aucune faute de gestion ne lui était reprochée. Il estime qu'aucun péril imminent ne justifiait la prise de mesures conservatoires urgentes à son encontre le 6 avril 2020, qu'il ne représentait aucun risque avéré pour l'intérêt social ; et que ces circonstances sont offensantes et ont gagé son avenir professionnel. Il conclut que la révocation de son mandat est abusive, lui ayant causé un lourd préjudice moral, comme l'atteste le certificat du médecin psychiatre et sollicite à ce titre des dommages-intérêts à hauteur de 40 000 euros.

La société Blockpulse réplique que la révocation de M. [F] est intervenue de manière parfaitement loyale, contradictoire, aucunement vexatoire en parfaite conformité avec les statuts, qui prévoient une révocation ad nutum ; que M. [F] a été informé le 6 avril 2020, soit 18 jours avant la réunion de l'assemblée générale (10 jours de plus que le délai statutaire), que la question de sa révocation serait le seul point à l'ordre du jour de l'assemblée du 24 avril 2020 ; que les motifs justifiant la motion de révocation ont été exposés de manière détaillée et étayée dans un document annexé à la convocation ; que M. [F] a pu, en amont de l'assemblée générale, discuter de cette proposition de révocation avec son conseil ; qu'il a pu faire valoir ses observations, avant et pendant l'assemblée générale ; qu'à cet effet, il a notamment adressé, en amont de l'assemblée, une lettre circonstanciée à l'ensemble des associés, dans laquelle il développait sa position. Elle explique en outre que la mesure conservatoire ayant consisté à lui couper l'accès à son espace numérique a été prise par le président de la société dans le cadre de son pouvoir de direction, à la suite de menaces répétées de la part du directeur général, pour empêcher un péril imminent contre la société, ne saurait alors constituer une circonstance vexatoire. S'agissant de l'information aux investisseurs, elle explique que, dans les jours qui ont suivi l'envoi de la convocation à l'assemblée générale, le président s'est vu contraint d'informer ses investisseurs de l'objet de cette assemblée et des mesures conservatoires prises afin de protéger la société et que cette information a été limitée aux investisseurs existants (c'est-à-dire ceux qui avaient souscrit des bons de souscription d'action, faisant d'eux des actionnaires potentiels) ; que cette information s'imposait par les accords contractuels conclus avec ces derniers et qu'elle n'avait pas pour objet de porter atteinte à la réputation ou à l'honneur de M. [F], mais de préserver l'intérêt social, dans un contexte troublé, trouvant sa cause exclusive dans les menaces répétées de l'intéressé. Elle conclut que les circonstances entourant la révocation de M. [F] n'étant ni vexatoires ni injurieuses, la révocation de son mandat ne saurait donner lieu à une quelconque indemnisation.

M. [G] [C] s'associe aux conclusions de la société Blockpulse sur la régularité de la procédure de révocation. Il réfute en outre l'application du pacte bilatéral signé le 4 avril 2019 avec M. [F], aux termes duquel l'un et l'autre s'interdisaient de voter en faveur de leur destitution, dès lors que ce pacte avait été rendu caduc par la signature du nouveau pacte d'associés le 20 janvier 2020 et qu'en tout état de cause, une telle stipulation est illicite en ce qu'elle porte atteinte à la libre révocabilité des dirigeants. Il précise que les menaces de M. [F] étant particulièrement impropres et inqualifiables, il a pris les mesures conservatoires afin de l'empêcher de mettre à exécution ce qu'il exprimait à l'écrit. Il soutient qu'à cet égard, aucune faute personnelle ne saurait être retenue à son encontre, puisqu'il a agi en conformité avec l'objet social et en qualité de président de la société, et que les conditions dans lesquelles est intervenue la révocation ne sont pas, par ailleurs, vexatoires, injurieuses ou déloyales ; que la coupure des accès de M. [F] ne doit pas être jugée comme constitutive d'une révocation abusive ni même constitutive d'une faute personnelle commise par lui ; qu'en prévenant les investisseurs de la société ' envers lesquels il était tenu à une obligation contractuelle de loyauté ' des motifs de convocation de l'assemblée générale, il n'a pas porté atteinte à la réputation et à l'honneur de M. [F], mais n'a fait que devancer une man'uvre qui aurait nuit à la société.

M. [R] [B] rappelle que, conformément à l'article 1851 du code civil, le gérant d'une société par actions simplifiée peut être révoqué pour juste motif ou sans cause légitime et que, au visa de cet article, la jurisprudence retient qu'une simple mésentente peut constituer un juste motif à la révocation d'un mandataire social, dès lors que l'intérêt social est compromis. Il soutient que divers motifs étaient retenus à l'encontre de M. [F], quant à la révocation de son mandat de directeur général, et que parmi ces griefs figuraient notamment des dépenses effectuées à des fins de voyage privé, pourtant couvertes par les fonds de la société à l'aide de la carte bancaire qu'il détenait, lesquelles sont constitutives d'abus de biens sociaux ; que M. [F] s'attachait à ternir l'image de la société Blockpulse par des dénigrements intempestifs ; qu'en outre, au regard du climat conflictuel, sa révocation devenait nécessaire à la préservation de l'intérêt social et au bon fonctionnement de la société. Il conclut que la seule coupure d'accès à M. [F] à son espace numérique ne saurait être vue comme vexatoire au regard de l'ampleur de son comportement fautif et du courriel préjudiciable à la société que ce dernier entendait envoyer aux investisseurs.

Sur ce,

Les statuts déterminent librement les causes de la révocation du président et, le cas échéant, des autres dirigeants. Leur révocation peut être soumise à un juste motif (ou à toute autre condition) ou, au contraire, il peut être prévu que la révocation des dirigeants interviendra ad nutum, c'est-à-dire sans juste motif, ni préavis et indemnité.

Toutefois, est abusive la révocation décidée sans que le dirigeant ait pu présenter ses observations au mépris du principe de la contradiction, avec brutalité, de manière humiliante ou vexatoire, ou encore avec une publicité dans le milieu professionnel ayant porté atteinte à l'honneur et à l'image professionnelle de l'intéressé.

La révocation d'un gérant est considérée vexatoire lorsqu'il est porté atteinte à la réputation du dirigeant démis de ses fonctions, ou lorsque la révocation est intervenue avec dénigrement ou dans des circonstances humiliantes ou injurieuses.

En l'espèce, il résulte des statuts que le directeur général est révocable à tout moment, sans juste motif.

En outre, il est constant que le 6 avril 2020, en plein confinement dû à la crise sanitaire, le président de la société Blockpulse a convoqué pour le 24 avril 2020 une assemblée générale ayant pour objet la révocation de M. [F] de son mandat de directeur général, et lui a coupé immédiatement tout accès à son espace numérique de travail. Six jours plus tard, le président a annoncé la convocation de ladite assemblée, son objet, les motifs invoqués contre M. [F] (notamment « des irrégularités de dépenses ») et faisait état de différends avec lui auprès des investisseurs privés.

Ce faisant, le président de la société Blockpulse a diffusé auprès de personnes non associées des informations confidentielles sur la gouvernance de la société, a anticipé le vote des associés prévu 18 jours plus tard et a manqué à l'obligation de loyauté due par la société à son dirigeant social.

À cet égard, il est observé que les porteurs de bons de souscription d'actions (BSA Air) n'avaient pas la qualité d'associés à ce stade de sorte qu'il ne leur appartenait pas de statuer sur la révocation envisagée et qu'il n'y avait donc pas lieu de leur communiquer les mêmes informations qu'aux associés, sauf à entourer la révocation de circonstances humiliantes et vexatoires par une publicité inappropriée de la mesure envisagée. La cour constatera ainsi que la révocation s'est accompagnée de circonstances offensantes à l'encontre de M. [F].

Si l'accord Air prévoyait un devoir d'information des investisseurs en cas de risque pour l'activité ou les perspectives de la société, tel n'était pas le cas s'agissant d'un risque lié à la gouvernance de la société ou au management des équipes, dont il n'est pas démontré qu'il engendrerait un risque sur la pérennité de l'entreprise.

L'argument de la société Blockpulse tiré d'un risque réputationnel, voire pénal, généré par M. [F] en ce qu'il aurait piraté l'ordinateur du dirigeant d'une société concurrente et aurait eu accès illégalement à des documents personnels et confidentiels de M. [H] [T] n'est pas caractérisé, dès lors que M. [F] établit que cette personne avait communiqué aux associés fondateurs les codes d'accès à la version de démonstration du nouveau site internet de la société Equify afin que ces derniers puissent la tester.

En outre, s'agissant du différend entre les associés, la preuve d'un risque concret et actuel pour l'intérêt social n'est pas rapportée puisque les disputes entre les associés ne paralysaient pas l'activité de la société. Ainsi, aucun péril imminent ne justifiait la prise de mesures conservatoires urgentes à son encontre le 6 avril 2020.

Force est ainsi de constater que la révocation de son mandat de directeur général est abusive, lui ayant causé un préjudice moral, comme l'atteste le certificat du médecin psychiatre du mois de juin 2020 justifiant que lui soit octroyé, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, des dommages-intérêts à hauteur de 20 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur le comportement fautif des associés majoritaires à l'encontre de M. [O] [F] et l'indemnisation de ses préjudices

M. [O] [F] indique que M. [G] [C] est à l'origine de la mise en place du pacte d'associés et de la promesse, pour les avoir lui-même rédigés, et dont la validité est contestée ; que compte tenu des man'uvres employées par MM. [C] et [B] afin qu'il signe le pacte d'associés, la cour doit constater que ces derniers ont commis des fautes personnelles à son encontre, puisqu'ils ont personnellement et activement 'uvré à la révocation de son mandat ayant pour objectif avéré de s'approprier ses actions pour une somme dérisoire. Il estime que le caractère intentionnel de leur démarche est établi, en mettant en place une stratégie de harcèlement et de dénigrement tendant à l'isoler et à l'exclure de la société, traduisant leur réelle intention de lui nuire et manquant ainsi à leur l'obligation de loyauté. Il réfute en outre tout abus de biens sociaux que M. [B] persiste à lui opposer, sans aucune pièce probante. Il sollicite à ce titre la condamnation solidaire de MM. [C] et [B] à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de ses préjudices sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

M. [G] [C] réplique que ce grief revient à critiquer les conditions dans lesquelles M. [F] a été révoqué de son mandat social, dont la régularité a déjà été démontrée, et ajoute que ni le harcèlement, ni le dénigrement ne sont établis, étant observé que le harcèlement moral, en tant que délit pénal, supposerait une relation salariée qui n'existe pas en l'espèce. Il conclut qu'aucune faute personnelle de sa part n'est démontrée et ne saurait être caractérisée en pareilles circonstances.

M. [R] [B] soutient que la révocation de M. [F] ne pouvant être considérée comme abusive dès lors qu'elle avait pour but la protection de l'intérêt social en mettant fin à ses agissements délictueux, et qu'elle est intervenue de manière contradictoire et respectueuse des statuts, M. [F] ne peut s'appuyer sur sa révocation pour fonder l'existence d'une faute personnelle de sa part. Il ajoute que les circonstances de dénigrement, constitutives de harcèlement moral, au demeurant non démontré, ne sauraient davantage fonder sa demande indemnitaire.

Sur ce,

S'il a été vu supra que la révocation de M. [F] était abusive justifiant que lui soit accordé des dommages-intérêts, il appartient à ce dernier de caractériser l'existence d'un préjudice distinct résultant d'un dénigrement et de man'uvres de harcèlement moral de la part de MM. [C] et [B].

Or, il apparaît que M. [F] qui se borne à faire état de la dégradation des relations et de l'atmosphère de travail, née du seul fait des agissements fautifs de ses associés, ne démontre pas un préjudice supplémentaire et différent de celui que la cour a d'ores et déjà réparé au titre de sa révocation abusive, de sorte que sa demande indemnitaire n'est pas fondée.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté cette prétention. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'appel incident de la société Blockpulse et la demande de restitution de cryptoactifs

La société Blockpulse indique que lorsqu'il était encore dirigeant de la société Blockpulse, M. [F] a perçu sur son portefeuille de crypto-monnaies personnel divers paiements en crypto-actifs, effectués par certains clients, en règlement de factures émises par la société dans le cadre de ses activités ; que ces paiements en crypto-actifs (Celsius Token et Ethereum) avaient été spécifiquement autorisés par elle et convenus avec son client Celsius Network (plateforme de négoce de crypto-actifs), dans une optique de spéculation et d'investissement ; que ces divers crypto-actifs, initialement versés par les clients de la société sur le portefeuille personnel de M. [F] en tant que dépositaire, mentionné sur les factures correspondantes (à une époque où la société ne disposait pas encore d'un portefeuille propre), avaient naturellement vocation à être transférés sur le portefeuille de la société, une fois celui-ci constitué ; qu'en refusant de restituer ces unités, M. [F] se rend coupable d'un manquement à ses obligations de dépositaire issues de l'article 1915 du code civil et d'un abus de confiance caractérisé. Elle conclut que M. [F] s'étant montré incapable de justifier s'être valablement libéré de son obligation de restitution desdits crypto-actifs reçus en dépôt au nom et pour le compte de la société, il doit être condamné à les lui restituer ou, à défaut, leur contre-valeur en euros au jour de l'arrêt à intervenir.

M. [O] [F] réplique que cette demande est intervenue brusquement trois ans après l'encaissement des crypto-actifs et qu'auparavant, il n'a jamais été fait état d'une quelconque demande de remboursement à la société, y compris lors de l'assemblée générale ayant prononcé sa révocation, caractérisant le manque de sérieux de la demande de la société. Il explique qu'il a utilisé ces crypto-actifs pour régler des dépenses effectuées dans l'intérêt social et, partant, qu'il justifie qu'aucune obligation de restitution ne pèse sur lui, en application de l'article 1353 du code civil. Il explique que, s'agissant d'une start-up en plein développement et sans liquidités, les crypto-actifs n'avaient pas vocation à être capitalisés dans une optique de spéculation et d'investissement, mais qu'ils constituaient, au contraire, un « trésor de guerre » versé sur son compte et faisaient l'objet d'une gestion transparente ; que les documents produits, ainsi que le relevé détaillé de son portefeuille de crypto-monnaies personnel, attestent que les 15 Ethereum ont été dépensés pour le compte de la société au mois de mars 2018. Il explique en outre que le 28 juin 2018, il a perçu sur son portefeuille personnel 7 950 unités Celsius Token et que ces Celsius Token ont été, d'une part, utilisés pour régler un prestataire de la société, d'autre part, répartis entre les associés. Soutenant ainsi qu'il ne s'est pas enrichi personnellement aux dépens de la société Blockpulse, qu'il n'a pas manqué à ses obligations de dépositaire et qu'il n'a pas commis un abus de confiance caractérisée, il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de restitution de la société.

Sur ce,

Par application de l'article 1915 du code civil, « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. ».

L'article 1932 du même code dispose que « Le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue. Ainsi, le dépôt des sommes monnayées doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait, soit dans le cas d'augmentation, soit dans le cas de diminution de leur valeur. ».

Enfin, l'article 1944 précise que « Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame, alors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ; à moins qu'il n'existe, entre les mains du dépositaire, une saisie ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée. ».

En l'espèce, la société Blockpulse réclame la restitution de 15 unités Ethereum et de 7950 unités Celsius Token versées par des clients, respectivement les 8 mars et 28 juin 2018, sur son portefeuille de crypto-monnaies personnel au titre de prestations réalisées par la société.

M. [F] n'a jamais contesté avoir perçu les crypto-actifs en cause pour le compte de la société.

Dès lors, celui-ci, simple détenteur et dépositaire précaire pour le compte d'autrui, est nécessairement tenu à une obligation de restitution de ces actifs à leur véritable propriétaire.

Toutefois, et en application de l'article 1353 du code civil qui dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation », M. [F] rapporte valablement la preuve que les 15 unités Ethereum ont été dépensées dans les jours qui ont suivi leur versement pour régler des dépenses courantes de la société, en toute connaissance du président et des associés, à savoir :

- 3 [Localité 16] pour des frais de marketing réglés à des prestataires en cryptomonnaies le 8 mars 2018, débités le 11 mars 2018 ;

- 2 [Localité 16] pour des frais de marketing réglés à des prestataires en cryptomonnaies le 8 mars 2018, débités le 11 mars 2018 ;

- 3,586 [Localité 16] pour des frais réglés à des prestataires en cryptomonnaies le 8 mars 2018, débités le 11 mars 2018 ;

- 5 [Localité 16] pour des dépenses de marketing réglés à des prestataires en cryptomonnaies le 11 mars 2018 ;

- 1,17 [Localité 16] pour des frais d'inscription de MM. [C] et [F] à une conférence en Lituanie le 24 mars 2018 ;

- 4,25 [Localité 16] pour des frais d'inscription de MM. [C] et [F] à une conférence à Liberland (Serbie) le 27 mars 2018.

Les documents produits ainsi que le relevé détaillé du portefeuille de crypto-monnaies personnel de l'appelant attestent que les 15 Ethereum ont été dépensés pour le compte de la société au mois de mars 2018. Il en résulte que ces crypto-actifs ont tous été dépensés dans l'intérêt social et avec l'accord de chacun des associés de la société sans enrichissement personnel aux dépens de la société.

En outre, il est établi que le 28 juin 2018, l'appelant a perçu sur son portefeuille personnel 7 950 unités Celsius Token (d'une valeur, à l'époque, de $300) par la même cliente et que ces Celsius Token ont été, d'une part, utilisés pour régler un prestataire de la société et, d'autre part, répartis entre les associés, dans les conditions suivantes :

- 2 000 unités Celsius Token versés à un investisseur le 3 juillet 2018 ;

- le solde, soit 5 950 unités Celsius Token, réparti entre les associés sur instructions du président lui-même lors de la cession des titres de M. [U] [W] et de la clôture des comptes entre associés au mois de septembre 2018, ainsi qu'il résulte notamment d'un message du 11 juin 2018 sur le logiciel telegram.

Par conséquent, il est démontré que l'appelant n'a pas procédé à une appropriation frauduleuse de crypto-actifs appartenant à la société, n'a pas manqué à ses obligations de dépositaire précaire et n'a pas commis un abus de confiance caractérisée. En contrepoint, M. [F] qui prétend s'être libéré de son obligation justifie les faits qui ont produit son extinction.

Il y a par conséquent lieu de rejeter la prétention de la société Blockpulse et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l'appel incident de M. [R] [B] et la demande pour procédure abusive

M. [R] [B] indique que les seuls griefs que M. [F] invoque n'apparaissent être que les conséquences de sa propre négligence et de son comportement indéniablement empreint d'une intention de nuire tant à la société qu'à ses intérêts et que l'appelant manque à caractériser l'imputabilité, à son encontre, des griefs qu'il invoque, si bien qu'il se trouve abusivement être attrait à la cause, et ce d'autant plus que les fonctions exercées par lui au sein de la société ont, d'un commun accord, pris fin au 28 septembre 2022. Il conclut que M. [F] doit être reconnu comme fautif, à son égard, d'un exercice abusif du droit d'agir, motivé par une intention de nuire, et doit ainsi être tenu du paiement de dommages et intérêts à hauteur de 6 000 euros.

M. [O] [F] réplique que M. [B] a participé aux réticences dolosives de M. [C] ainsi qu'aux différentes démarches tendant à l'exclure de la société Blockpulse, qu'il a participé activement à la mise en 'uvre de sa révocation, que lors de la signature du pacte d'associés, il a couvert le mensonge de M. [C], et qu'il a ensuite mis en 'uvre la prétendue promesse afin d'acquérir ses titres pour un prix non sérieux et vil ; que ces faits caractérisent son intention de lui nuire à plusieurs reprises à compter du mois de janvier 2020 ; qu'il est donc mal venu aujourd'hui de prétendre que son comportement à lui serait empreint d'une intention de lui nuire et qu'il est abusivement attrait dans la cause. Il expose que la procédure engagée à l'encontre de M. [B] est justifiée, compte tenu des préjudices qu'il a subis.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, l'appréciation inexacte qu'une partie se faisant de ses droits n'étant pas constitutive en soi d'une faute dès lors que le droit d'agir en justice est un principe fondamental.

En l'espèce, M. [B] ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de M. [F] aurait dégénéré en abus. Il doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Les frais et dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conviendra de surseoir à statuer sur les dépens et frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code précité engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de la révocation abusive ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable la demande de nullité de la promesse de vente au titre du prix indéterminable ou vil ;

Rejette la demande de nullité de la promesse de vente fondée sur l'indéterminabilité du prix ;

Sursoit à statuer sur la demande de nullité de la promesse de vente fondée sur la vileté du prix de cession ;

Enjoint à M. [O] [F], M. [G] [C] et M. [R] [B] ainsi que la société Blockpulse de rencontrer un médiateur s'agissant de la détermination du prix de cession des actions ;

Désigne à cet effet M. [D] [E] demeurant au [Adresse 5] - email : [Courriel 15] - téléphone : [XXXXXXXX01] ;

Donne mission au médiateur ainsi désigné d'expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d'une mesure de médiation ; de recueillir par écrit leur consentement ou leur refus de cette mesure ;

Fait injonction aux parties de se joindre à leurs représentants en vue de rencontrer le médiateur désigné ;

Dit que dans l'hypothèse où, au moins l'une des parties refuserait le principe de la médiation, le médiateur transmettra à la cour les décisions écrites prises par chacune d'elles sur la proposition de médiation et cessera ses opérations, sans défraiement ;

Dit que dans l'hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur aura pour mission d'entendre les parties et confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose et pourra commencer, dès la consignation de la provision ci-après fixée, les opérations de médiation ;

Dit que la médiation devra alors être réalisée dans un délai de trois mois à compter de la première réunion plénière de médiation, et qu'elle pourra, le cas échéant, être renouvelée pour une période de trois mois à la demande du médiateur ;

Fixe à la somme de 2 000 euros HT, le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur qui devra être consignée entre les mains du médiateur ; la somme de 1 000 euros HT sera versée par l'appelant, M. [O] [F], et celle de 1 000 euros HT par les intimés, M. [G] [C], M. [R] [B] et la société Blockpulse ;

Dit que le médiateur devra informer le tribunal, dès sa fixation, du versement de la provision ;

Dit que dans le cas d'une médiation longue ou de l'engagement de frais élevés (déplacements, location de salle ou de matériel par exemple) le médiateur pourra soumettre, aussitôt qu'elle apparaîtra justifiée, au conseiller de la mise en état, avec l'accord des parties, une demande tendant à la fixation d'un complément de rémunération ;

Dit que le complément de rémunération ainsi fixé sera consigné entre les mains du médiateur ;

Dit que le médiateur informera le conseiller de la mise en état de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière ;

Dit qu'au terme de la médiation, le médiateur informera le conseiller de la mise en état, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu'elles n'y sont pas parvenues ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 12 octobre 2024 ;

Dit que la présente décision sera notifiée aux parties et au médiateur ci-dessus désigné, par les soins du greffe ;

Déclarer recevable la demande de résiliation du pacte d'associés ;

Rejette la demande de résiliation du pacte d'associés ;

Condamne la société Blockpulse à payer à M. [O] [F] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive ;

Sursoit à statuer sur les dépens et frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile engagés en cause d'appel.

LE GREFFIER,

Valentin HALLOT

LA PRÉSIDENTE,

Sophie MOLLAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/19051
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.19051 ?
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