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20/06/2024 | FRANCE | N°22/11532

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 20 juin 2024, 22/11532


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 27 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF732



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL - RG n° 21/00076







APPELANT

EPFIF - ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE

[Adresse 18]

[Localité 22]

représent

é par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185







INTIMÉES

S.A.S. SMAC

[Adresse 8]

[Localité 24]

représentée par Me Benoît JORION, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

(n° , 27 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11532 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF732

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL - RG n° 21/00076

APPELANT

EPFIF - ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE DE FRANCE

[Adresse 18]

[Localité 22]

représenté par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185

INTIMÉES

S.A.S. SMAC

[Adresse 8]

[Localité 24]

représentée par Me Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, toque : E1758

non comparant

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 25]

représentée M. [Y] [D], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Marie MONGIN, Conseillère

Madame Nathalie BRET, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La SAS SMAC a adressé à la commune de [Localité 35], qui l'aurait réceptionnée le 25 mai 2021, une déclaration d'intention d'aliéner le bien sis [Adresse 11] à [Localité 35], sur la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] d'une superficie de 13.521 m², au prix de 9.840.000 euros, outre une commission d'agence de 246.000 euros HT à la charge de l'acquéreur.

L'Établissement Public Foncier d'Île-de-France (EPFIF) a exercé son droit de préemption, par une décision du 29 juillet 2021, au prix de 3.490.000 euros, sans la commission d'agence d'un montant de 246.000 euros.

Le bien préempté se situe dans le périmètre de veille dit « Sud Ardoines Veille » de la convention d'intervention foncière conclue le 28 mars 2019 entre la commune de [Localité 35], l'EPA ORSA, l'EPT Grand [Localité 28] Seine Bièvre, et l'EPFIF.

La SAS SMAC a déféré cette décision au tribunal administratif de Melun.

Le 17 août 2021, par lettre recommandée avec accusé de réception, la SAS SMAC a informé l'EPFIF qu'elle maintenait le prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Par un mémoire du 02 septembre 2021, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Créteil, en vue de la fixation du prix du bien préempté.

Par un jugement du 19 avril 2022, après transport sur les lieux le 16 octobre 2021, le juge de l'expropriation de Créteil a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 16 novembre 2021 ;

Fixé à la somme de 7.800.000 euros le prix d'acquisition du bien appartenant à la SAS SMAC, situé [Adresse 11] [Localité 35] correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10], d'une superficie de 13.521 m² ;

Dit que les frais de commission d'agence dus par l'EPFIF sont d'un montant de 246.000 euros dans l'hypothèse d'une réalisation de l'opération de préemption et en cas de besoin, la condamne au paiement ;

Condamné l'EPFIF à payer à la SAS SMAC la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'EPFIF aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Rejeté toutes les autres demandes des parties ;

Rappelé qu'il appartient à la partie la plus diligente de faire signifier la présente décision par huissier de justice ;

Rappelé que la décision sera susceptible d'appel dans le mois de la signification par voie d'huissier, et ce, auprès du greffe de la cour d'appel de Paris.

L'EPFIF a interjeté appel du jugement le 30 juin 2022 en ce que le premier juge a :

Rejeté la méthode de la récupération foncière et appliqué la méthode analytique (terrain + constructions) ;

Rejeté les termes de comparaison de l'EPFIF ;

Retenu l'expertise non contradictoire établie unilatéralement par la SAS SMAC et M. [F] [H], expert immobilier ;

Retenu une « surface utile de 13.521 m² » commettant une confusion avec la superficie totale du terrain ;

Fixé un prix d'aliénation sans aucune motivation quant aux choix des termes de comparaison retenus ;

Fondé sa décision sur l'existence de trois offres d'achat ;

Fixé à 7.800.000 euros le prix d'aliénation du bien immobilier à évaluer, en n'apportant aucune précision sur les modalités concrètes et précises de cette évaluation ;

Dit que la commission d'agence d'un montant de 246.000 euros était à la charge de l'EPFIF, et condamné « au besoin » l'EPFIF au paiement de cette somme ;

Fixé à 4.000 euros l'indemnité allouée à la SAS SMAC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet appel a été enregistré sous le n° RG 22/11532.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe le 26 septembre 2022 par l'EPFIF, notifiées le 10 octobre 2022 (AR intimé le 10 octobre 2022, AR CG le 10 octobre 2022), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il fixe la date de référence au 22 décembre 2020 ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'exécution provisoire ;

Infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant des chefs infirmés,

Fixer le prix d'aliénation de l'immeuble sis [Adresse 11] à [Localité 35], correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] pour une superficie de 13.521 m², comme suit :

Méthode d'évaluation : récupération foncière

Superficie de la parcelle : 13.521 m²

Surface utile retenue (déclarée DIA) : 1.648 m²,

Valeur de terrain retenue : 300 euros/m² libre

Coût de démolition : 40 euros/m² SU

Abattement pour pollution : 500.000 euros

Soit : (13.521 m² × 300 euros/m²) - (1.648 m² × 40 euros/m²) - 500.000 euros = 3.490.000 euros (VA) ;

Juger que la commission d'agence mentionnée à la déclaration d'intention d'aliéner sera à la charge de l'acquéreur effectif de l'immeuble ;

Condamner la SAS SMAC à payer à l'EPFIF une indemnité de procédure de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS SMAC aux dépens de l'appel.

2/ adressées par l'EPFIF et réceptionnées par le greffe le 03 avril 2023, notifiées le 05 avril 2023 (AR intimé le 07 avril 2023, AR CG le 07 avril 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Déclarer que la SAS SMAC ne l'a saisie d'aucune prétention dans les délais pour ce faire à défaut d'avoir notifié des conclusions par lesquelles, au sein du dispositif, elle sollicite l'infirmation ou l'annulation du jugement au soutien de son appel incident ;

Confirmer le jugement en ce qu'il fixe la date de référence au 22 décembre 2020 ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'exécution provisoire ;

Infirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant des chefs infirmés,

Fixer le prix d'aliénation de l'immeuble sis [Adresse 11] à [Localité 35], correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] pour une superficie de 13.521 m², comme suit :

Méthode d'évaluation : récupération foncière

Superficie de la parcelle : 13.521 m²

Surface utile retenue (déclarée DIA) : 1.648 m²,

Valeur de terrain retenue : 300 euros/m² libre

Coût de démolition : 40 euros/m² SU

Abattement pour pollution : 500.000 euros

Soit : (13.521 m² × 300 euros/m²) - (1.648 m² × 40 euros/m²) - 500.000 euros = 3.490.000 euros (VA) ;

Juger que la commission d'agence mentionnée à la déclaration d'intention d'aliéner sera à la charge de l'acquéreur effectif de l'immeuble ;

Condamner la SAS SMAC à payer à l'EPFIF une indemnité de procédure de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS SMAC aux dépens de l'appel.

3/ adressées au greffe en deux exemplaires et aux parties le 05 janvier 2023 par la SAS SMAC, intimée, formant appel incident, adressées en un exemplaire supplémentaire le 13 janvier 2023, notifiées le 13 mars 2023 (AR appelant le 15 mars 2023 et AR CG le 16 mars 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Fixer le prix du bien appartenant à la SAS SMAC sis parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10], [Adresse 11] à [Localité 35], à la somme de 9.840.000 euros toutes taxes comprises, soit 8.200.000 euros hors taxe et hors droits, en ce non compris une commission d'agence de 246.000 euros à la charge de l'acquéreur ;

Condamner l'EPFIF à verser à la SAS SMAC la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4/ adressées au greffe le 23 mai 2023 par la SAS SMAC, intimée, formant appel incident, notifiées le 24 mai 2023 (AR appelant le 25 mai 2023 et AR CG le 30 mai 2023), communiquant une pièce nouvelle (Pièce 17I).

5/ adressées le 20 juin 2023 par la SAS SMAC, intimée, formant appel incident, notifiées le 21 juin 2023 (AR appelant le 23 juin 2023 et AR CG le 26 juin 2023), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil, juge de l'expropriation, en date du 19 avril 2022, rectifié à la suite d'une erreur matérielle le 17 mai 2022, en ce qu'il a fixé à la somme de 7.800.000 euros hors droits et hors taxes le prix d'acquisition du bien appartenant à la SAS SMAC, situé [Adresse 11] à [Localité 35], parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] ;

Fixer le prix du bien appartenant à la SAS SMAC parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10], [Adresse 11] à [Localité 35], à la somme de 9.840.000 euros toutes taxes comprises, soit 8.200.000 euros hors taxe et hors droits, en ce non compris une commission d'agence de 246.000 euros à la charge de l'acquéreur ;

Condamner l'EPFIF à verser à la SAS SMAC la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

6/ adressées au greffe le 28 décembre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 09 janvier 2023 (AR appelant le 11 janvier 2023, AR intimé le 11 janvier 2023), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer le prix de la préemption à la somme de 4.652.000 euros, avec la commission d'agence prévue dans la déclaration d'intention d'aliéner à la charge de l'acquéreur définitif.

Par un jugement rectificatif du 17 mai 2022, le juge de l'expropriation de Créteil a :

Dit que le jugement rendu le 19 avril 2022 est rectifié de la manière suivante :

Dit qu'aux lieu et place des mentions erronées :

Page 7 : « FIXE à la somme de 7.800.000 euros (SEPT MILLIONS HUIT CENT MILLE EUROS) le prix d'acquisition du bien appartenant à la SAS SMAC, situé [Adresse 11] [Localité 35] correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] d'une superficie de 13.521 m² »

Est substitué le libellé exact, à savoir :

« Page 7 : FIXE à la somme de 7.800.000 euros hors droits et hors taxes (SEPT MILLIONS HUIT CENT MILLE EUROS hors droits et hors taxes) le prix d'acquisition du bien appartenant à la SAS SMAC, situé [Adresse 11] [Localité 35] correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10] d'une superficie de 13 521 m² » ;

Dit que le reste de la décision est inchangé ;

Ordonne la mention de la rectification sur la minute du jugement rectifié dont il ne pourra être délivrée de copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire ou copie certifiée conforme qui ne soit suivie du présent jugement rectificatif ;

Laissé les dépens à la charge du Trésor.

L'EPFIF a interjeté appel du jugement le 08 juillet 2022 en ce que le premier juge a fait droit à la requête en rectification d'erreur matérielle déposée par la SAS SMAC et modifié le dispositif du jugement rendu le 19 avril 2022 pour y ajouter que le prix d'acquisition du bien préempté s'entendait hors droits et hors taxes. Cet appel a été enregistré sous le n° RG 22/11982.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ adressées au greffe le 06 octobre 2022 par l'EPFIF, notifiées le 10 octobre 2022 (AR intimé le 12 octobre 2022, AR CG le 12 octobre 2022), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

À titre principal,

Annuler le jugement pour irrégularité de la procédure de rectification ;

À titre subsidiaire,

Infirmer le jugement ;

En tout état de cause,

Condamner la SAS SMAC à payer à l'EPFIF une indemnité de procédure de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS SMAC aux dépens de l'appel.

2/ adressées au greffe le 15 janvier 2024 par l'EPFIF, notifiées le 19 janvier 2024 (AR intimé et AR CG le 22 janvier 2024), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

À titre principal,

Annuler le jugement pour irrégularité de la procédure de rectification ;

À titre subsidiaire,

Infirmer le jugement ;

En tout état de cause,

Condamner la SAS SMAC à payer à l'EPFIF une indemnité de procédure de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS SMAC aux dépens de l'appel.

3/ adressées le 23 novembre 2023 par la SAS SMAC, intimée, notifiées le 04 décembre 2023 (AR appelant le 06 décembre 2023 et AR CG le 07 décembre 2023), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :

Rejeter l'appel interjeté par l'EPFIF à l'encontre du jugement rectificatif du tribunal judiciaire de Créteil en date du 17 mai 2022 ;

Condamner l'EPFIF à verser à la SAS SMAC la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions dans le dossier RG 22/11982.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

Dans le dossier RG 22/11532, l'EPFIF fait valoir dans un premier jeu de conclusions que :

Concernant la description du bien, le bien exproprié se situe au [Adresse 11] à [Localité 35]. Il est composé de deux bâtiments à usage de bureaux et d'entrepôt sur un terrain de configuration rectangulaire, correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10], d'une superficie totale de 13.521 m². Le premier bâtiment correspond à un atelier attenant à un entrepôt avec mezzanine, d'une surface utile de 540 m². Le bien est en très mauvais état, avec notamment une toiture percée en plusieurs endroits. Le second bâtiment correspond à un bâtiment à usage de bureaux sur deux étages, d'une surface utile de 1.108 m². Le bien est très dégradé à l'intérieur, ce qui a été constaté lors du transport sur les lieux, ce bâtiment ayant fait l'objet de squats et d'actes de vandalisme. Le surplus de la parcelle est constitué d'une grande partie de terrain inutilisée dont une petite partie seulement était à usage de stationnement. S'agissant de la situation d'occupation, le bien est libre mais régulièrement squatté.

Concernant la date de référence et la situation d'urbanisme, conformément aux dispositions des articles L.213-4 a) du code de l'urbanisme et L.322-2 du code de l'expropriation, la date de référence à retenir en matière de préemption est « la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant ['] le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ». La date de référence doit en conséquence être fixée au 22 décembre 2020, date d'opposabilité de la dernière révision du plan local d'urbanisme. Le jugement doit être confirmé sur ce point. À cette date, le bien est situé en zone UFi correspondant aux espaces soumis à des risques d'inondation et dédiés aux activités économiques. Il s'agit de zones d'activités économiques destinées à muter pour devenir de nouveaux quartiers mixtes. L'emprise au sol y est limitée à 80% et la hauteur à 25 m. Par ailleurs, l'immeuble préempté est inclus dans le périmètre des Ardoines, ainsi que dans le périmètre de la ZAC [Adresse 34] et dans le territoire de l'opération d'intérêt national [Localité 28] [Localité 33] Seine Amont. Les constructions doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation.

Concernant la prise en compte de l'état de pollution avéré du site, l'annexe à la déclaration d'intention d'aliéner révèle que l'immeuble préempté a fait l'objet d'exploitations d'installations classées pour la protection de l'environnement par une filiale de la SAS SMAC, jusqu'en 2017 (Pièce 1A). Les mesures de dépollution à prendre afin d'assurer « un usage tertiaire de bureaux » ont été identifiées, mais non évaluées. La SAS SMAC a imposé à son acquéreur, et à tout acquéreur éventuel, des restrictions d'usage de l'immeuble au sein de la promesse de vente (Pièce 4A). De son côté, l'acquéreur pressenti de l'immeuble préempté a fait réaliser une étude environnementale sur les mesures de dépollution à engager (Pièce 1A). Ce même document fait apparaître l'existence de cuves enfouies sur le site, dont le nombre et la localisation n'ont pas pu être déterminés avec précision par la SAS SMAC, mais qui n'est pas contestée. Au regard des termes de comparaison cités dans les conclusions, l'existence avérée et reconnue de risques liés à la pollution des sols et des eaux souterraines, à des restrictions d'usages, à la présence d'amiante sur la toiture et à la présence de cuves enfouies, constitue nécessairement un facteur important de moins-value, dont il doit être tenu compte dans le cadre de l'évaluation de la valeur du bien préempté. Une demande était présentée au premier juge en ce sens. En l'absence d'évaluation de ces mesures par la SAS SMAC, l'EPFIF demandait au premier juge de retenir un abattement forfaitaire de 500.000 euros. Le premier juge n'ayant pas répondu à cette demande, l'infirmation s'impose.

Concernant l'évaluation par la récupération foncière, il était proposé de retenir cette méthode d'évaluation au regard de l'état très dégradé des biens à valoriser, qui sont laissés à l'abandon et vandalisés depuis plusieurs années, et de la superficie notable de leur terrain d'assiette. En effet, la remise en état des locaux, représenterait un coût démesuré au regard d'une opération de reconstruction de ces mêmes locaux. Le procès-verbal de transport confirme l'état de dégradation avancée des biens en indiquant que « l'extérieur est défraichi et laissé à l'abandon ['] l'intérieur du bâtiment étant jonché de vêtements et divers objets, et très dégradé ». Dans ces conditions, la méthode de la récupération foncière, également sollicitée par le commissaire du gouvernement, était tout à fait justifiée. C'est donc à tort que le premier juge l'a écartée pour retenir la méthode analytique d'évaluation (constructions + terrain reliquataire), écartant par là-même les évaluations proposées par l'EPFIF et par le commissaire du gouvernement, ainsi que leurs termes de comparaison portant sur des terrains similaires. Sur ce dernier point, la contradiction du premier juge est flagrante, puisque celui-ci écarte les références de cessions de terrains citées par l'EPFIF et le commissaire du gouvernement, mais évalue une grande partie de la parcelle DF n°[Cadastre 10], pour 9.000 m². Le jugement doit être infirmé et la méthode de la récupération foncière doit être retenue.

Concernant l'irrecevabilité des prétentions de la SAS SMAC et de leur mal-fondé, la SAS SMAC n'a versé aux débats aucun terme de comparaison et s'est contenté de produire un rapport qu'elle a fait unilatéralement établir par M. [H], expert immobilier. Le premier juge n'aurait pas dû se fonder sur un tel rapport, étant au surplus souligné que le premier juge a retenu des valeurs unitaires supérieures à celles contenues dans ledit rapport. L'infirmation s'impose. En effet, il est de jurisprudence constante qu'un rapport d'expertise non judiciaire non contradictoire et non supplémenté par des éléments extérieurs complémentaires n'est pas recevable (16-24.305). En tout état de cause, le rapport ne contient pas le moindre terme de comparaison recevable. En effet, la Cour de cassation a confirmé le rejet par les juridictions du fond des références issues de la base notariale BIEN (19-11.463). Le rapport ne contient aucune référence de publication des mutations évoquées, et aucune copie d'actes n'est communiquée aux débats. Ni le premier juge, ni les parties n'étaient donc en mesure d'apprécier leur réalité, leur véracité, ainsi que leur pertinence, de sorte que ce rapport n'aurait pas d'être retenu. Le premier juge a commis une erreur manifeste en se fondant sur ce seul rapport, qui est par ailleurs jonché d'erreurs.

Concernant l'évaluation et les termes de comparaison de l'EPFIF, il ressort des termes de comparaison produits une valeur dominante comprise entre 200 euros et 250 euros/m², confortée par une moyenne et une médiane s'élevant à 220 euros/m². Par ailleurs, dans le cadre d'une préemption portant sur un bien similaire dans un état dégradé, la cour d'appel de Paris avait appliqué la méthode de la récupération foncière pour retenir une valeur unitaire du terrain de 250 euros/m². L'EPFIF sollicite l'infirmation du jugement et la fixation de la valeur unitaire du terrain à 300 euros/m² hors coûts de démolition.

Concernant la condamnation de l'EPFIF au paiement d'une commission d'agence, la déclaration d'intention d'aliéner notifiée par la SAS SMAC mentionnait l'existence d'une commission d'agence à la charge du vendeur d'un montant de 246.000 euros HT. Or, il est de jurisprudence constante que l'autorité qui exerce son droit de préemption n'est tenue de prendre en charge la rémunération des intermédiaires immobiliers que lorsque celle-ci incombe à l'acquéreur et que l'autorité préemptrice s'y substitue effectivement (16-20.150 ; 06-17.337). L'article L.213-7 du code de l'urbanisme dispose qu' « en cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation. Le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l'issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption. » Ainsi, en exerçant son droit de préemption délégué, l'EPFIF ne devient pas de facto et de jure l'acquéreur de l'immeuble préempté, cette étape n'intervenant qu'après l'expiration des délais prévus par le code de l'urbanisme. En conséquence, le premier juge ne pouvait, à la date du jugement, « dire et juger » que la commission d'agence est due par l'autorité préemptrice. Il ne pouvait que « dire et juger » que la commission d'agence prévue contractuellement sera à la charge de l'acquéreur effectif de l'immeuble. En outre, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que le juge de l'expropriation n'a pas compétence pour prononcer une « condamnation » au paiement d'une telle commission (19-19.310), tant au profit des propriétaires préemptés qui ne peuvent y prétendre qu'au profit de l'agence immobilière qui n'est pas partie à l'instance. En conséquence, en condamnant l'EPFIF à payer la commission d'agence de 246.000 euros, le premier juge a commis une erreur de droit manifeste. Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Dans le dossier RG 22/11532, l'EPFIF fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant l'absence de demande d'infirmation du jugement par la SAS SMAC et l'irrecevabilité de son appel incident, il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement » (18-23.626). Cette jurisprudence a reçu plusieurs applications récentes par la Cour de cassation (20-19.753 ; 20-22.588 ; 21-14.903 ; 21-14681). Ces arrêts ont tous confirmé la jurisprudence susvisée, en précisant qu'elle n'était applicable que pour les appels formés postérieurement au 17 septembre 2020. En l'espèce, tant l'appel principal de l'EPFIF que l'appel incident de la SAS SMAC ont été formés postérieurement à cette date. C'est ce que la cour d'appel de Paris a jugé récemment par un arrêt du 15 décembre 2022 (21/18165). Le dispositif des conclusions notifiées par la SAS SMAC ne sollicitant ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, alors qu'elles contiennent un appel incident, la cour n'est donc pas saisie par la SAS SMAC dans les conditions imposées par les articles 542 et 954 du code de procédure tels qu'interprétés par la Cour de cassation. La SAS SMAC ne soumet donc aucune prétention à la Cour et ne forme aucune contestation à l'encontre du jugement.

Dans le dossier RG 22/11532, la SAS SMAC rétorque dans un premier jeu de conclusions que :

Concernant la description du bien préempté, il se situe sur la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 7] sise [Adresse 31] à [Localité 35], d'une superficie de 13.521 m². Cette parcelle supporte un bâtiment à usage de bureaux d'une superficie de 1.108 m², édifié d'un rez-de-chaussée et d'un étage partiel et situé à l'extrémité Ouest de l'emprise foncière, ainsi qu'un bâtiment à usage d'atelier et d'entrepôt d'une superficie de 540 m², construit en parpaing surmonté d'une toiture en tôle ondulée sur charpente métallique et situé derrière le bâtiment à usage de bureau. Ces bâtiments occupent environ 8,5% de la superficie du terrain. L'EPFIF indique dans ses écritures que les bâtiments seraient à l'abandon, très dégradés et voués à la démolition. De ce fait, seule la valeur des terrains nus après déduction du coût de la démolition devrait faire l'objet d'une évaluation. Lors du transport sur les lieux, il a pu être constaté que les bâtiments étaient effectivement inoccupés. Toutefois, ces bâtiments ne sont pas à l'abandon. Le site est sécurisé et gardé. Depuis le mois de juin 2022, les parcelles font l'objet d'une convention d'occupation signée entre la SAS SMAC et la Préfecture de Police (Pièce 15I). Par ailleurs, le bâtiment de bureau dispose toujours d'aménagements utiles à l'activité de bureau (système de branchement numérique, climatisation, cloisons, revêtements, armoires, salle de serveur informatique, chauffage, blocs sanitaires) qui peuvent faire l'objet d'une rénovation et non nécessairement d'une démolition. L'atelier et l'entrepôt disposent également d'aménagement de maintenance et d'outillage. Les bâtiments sont alimentés en électricité.

L'état des bâtiments ressort également du rapport établi le 10 mars 2021 par M. [F] [H] (Pièce 10I). Ces bâtiments doivent donc nécessairement être valorisés. Environ 4.500 m² de la parcelle sont bâtis et bitumés, avec 25 places de stationnement. Environ 9.000 m² constituent un terrain autrefois bâti, dépollué et aujourd'hui à bâtir. Cette parcelle était utilisée pour les besoins de la SAS SMAC ainsi que pour ceux de la société SCA qui y avait installé une usine d'asphalte (Pièces 1I, 2I). La parcelle est aujourd'hui désaffectée et gardiennée. Un rapport de l'inspection des installations classées du 27 mai 2021 conclut à la réhabilitation du site concernant la partie occupée par la société SCA qui a été démolie (Pièce 3I). Un courrier du 1er juillet 2021 du service Risques et installations classées de la préfecture du Val-de-Marne pose que les risques sanitaires individuels demeurent compatibles avec l'état du site (Pièce 4I). Il s'agit de la partie de parcelle qui constitue désormais un terrain à bâtir. Par ailleurs, la partie qui était occupée par la SAS SMAC ne nécessite pas de réhabilitation particulière. C'est ce qui ressort du rapport établi par Ginger Burgeap le 23 mars 2021 qui indique que « l'état environnemental du milieu souterrain est comptable avec un usage industriel » (Pièce 9I). Contrairement aux allégations de l'EPFIF, le terrain ne nécessite donc pas de dépollution. La parcelle est classée en zone UFi du plan local d'urbanisme de la ville révisé le 15 décembre 2020. La zone UFi correspond aux zones destinées aux activités économiques en dehors des activités commerciales en dehors des activités commerciales. Dans cette zone la superficie minimale des terrains constructibles n'est pas réglementée. L'emprise au sol maximale est de 80% de l'unité foncière. Cette emprise représente 10.816,80 m² de bâti. La hauteur des constructions ne doit pas excéder une hauteur maximale de 25 m, soit environ neuf étages. Le coefficient d'occupation des sols n'est pas réglementé. La parcelle se situe au sein de la zone industrielle de [Localité 35]. Elle bénéficie d'une bonne accessibilité routière grâce à sa proximité avec l'avenue Jean Jaurès, d'une desserte par les transports en commun et des futurs projets d'infrastructures du Grand Paris. La SAS SMAC a fait expertiser son bien par M. [F] [H], expert près la cour d'appel de Paris en évaluation immobilière spécialiste en propriété commerciale (Pièce 10I). Pour l'ensemble de ces caractéristiques, elle a trouvé en 2021 un acquéreur au prix de 9.840.000 euros TTC.

Concernant l'évaluation du bien préempté, l'EPFIF soutient que le premier juge ne pouvait pas fonder sa décision uniquement sur le rapport d'expertise produit par la SAS SMAC. Le premier juge a retenu la méthode d'évaluation par la récupération foncière pour la partie des parcelles constituée de terrain à bâtir et a considéré que les bâtiments présents sur le terrain devaient également faire l'objet d'une valorisation au regard de leur état. Seul le rapport produit par la SAS SMAC présente des termes de référence pertinents, nécessaires à la valorisation tant du terrain à bâtir que des bâtiments existants. Par ailleurs, l'EPFIF et le commissaire du gouvernement ont été en mesure de présenter leurs observations sur ce rapport dont le contenu a été débattu contradictoirement en première instance. Un rapport d'expertise établi et produit par l'exproprié peut servir de référence, dans la mesure où la juridiction retient souverainement parmi les termes de comparaison qui lui sont proposés par les parties et après analyse, les éléments qui lui sont apparus les mieux appropriés à l'évaluation de la parcelle expropriée (20-23.497).

L'EPFIF réitère sa demande minimale de 500.000 euros pour la dépollution du terrain. Outre que cette somme est arbitrairement fixée par l'EPFIF sans aucuns justificatifs, l'ensemble de la parcelle ne nécessite pas de dépollution. Un rapport de l'inspection des installations classées du 27 mai 2021 conclut à la réhabilitation du site concernant la partie occupée par la société SCA qui a été démolie (Pièce 3I). Un courrier du 1er juillet 2021 du service Risques et installations classées de la préfecture du Val-de-Marne pose que les risques sanitaires individuels demeurent compatibles avec l'état du site (Pièce 4I). Il s'agit de la partie de parcelle qui constitue désormais un terrain à bâtir. Par ailleurs, la partie qui était occupée par la SAS SMAC, constituée des bâtiments à usage de bureaux et ceux à usage d'atelier, ne nécessite pas de réhabilitation particulière. C'est ce qui ressort du rapport établi par Ginger Burgeap le 23 mars 2021 qui indique que « l'état environnemental du milieu souterrain est compatible avec un usage industriel » (Pièce 9I). Contrairement aux allégations de l'EPFIF, les restrictions d'usage déterminées dans la promesse de vente ne sont pas très contraignantes, l'acquéreur les a d'ailleurs acceptées sans difficulté et sans négociation de baisse de prix de vente. Aucun abattement ne saurait donc affecter l'évaluation du bien de la société SMAC.

L'EPFIF vise plusieurs termes de comparaison, déjà cités devant le premier juge, afin de justifier son évaluation. Ces sept termes de comparaison ne sauraient être retenus dans la mesure où leurs caractéristiques diffèrent du bien préempté, tant s'agissant de leur nature, de leur superficie, de leur situation géographique ou de leur ancienneté. Par ailleurs, le coût de la démolition sollicité par l'EPFIF, à savoir 40 euros/m² est fixé arbitrairement et surévalué par rapport au coût unitaire de 33 euros/m² utilisé pour valoriser le dernier terme de comparaison produit par l'EPFIF lui-même.

La SAS SMAC a trouvé un acquéreur, après appel d'offres et réception de plusieurs propositions, pour la somme de 9.340.000 euros TTC, soit 8.200.000 euros HT, en ce non compris une commission d'agence de 246.000 euros à la charge de l'acquéreur. Elle a fait expertiser son terrain, et, a lancé un appel d'offres pour le vendre. Il ressort de l'expertise réalisée par M. [F] [H] que la valeur vénale du bien préempté était estimable à 7.800.000 euros hors taxe et hors droits (Pièce 10I). Il ressort de cette expertise les prix unitaires suivants. La moyenne des cinq termes de comparaison pour les bureaux s'établit à 3.543,50 euros/m², soit 3.926.198 euros (3.543,50 euros/m² × 1.108 m²). La moyenne des quatre termes de comparaison pour les locaux d'activités s'établit à 1.593 euros/m², soit 860.220 euros (1.593 euros/m² × 540 m²). La moyenne des quatre termes de comparaison pour les terrains à bâtir s'établit à 438 euros/m², soit 3.942.000 euros (438 euros/m² × 9.000 m²). En réponse à l'appel d'offre lancé par la SAS SMAC, trois offres déterminées hors taxe et hors droits ont été reçues au prix de 8.000.000 euros hors taxes net vendeur (Pièce 11I), 8.000.000 euros hors droits (Pièce 12I), et 8.200.000 euros hors droit (Pièce 13I). C'est cette dernière offre qui a été acceptée par la SAS SMAC. Le projet de l'acquéreur est destiné à développer une surface plancher totale d'environ 8.400 m² dont 1.700 m² de bureaux créant ainsi entre 150 et 180 emplois industriels et qualifiés (Pièce 14I). L'attractivité du bien de la SAS SMAC et son évaluation à une somme bien supérieure au prix proposé par l'EPFIF ne fait donc aucun doute. En conséquence, il convient de fixer le prix de la préemption à la somme de 9.840.000 euros TTC, soit 8.200.000 euros HD HT, en ce non compris une commission d'agence de 246.000 euros à la charge de l'acquéreur, valeur mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Concernant les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il serait manifestement inéquitable de laisser à la charge de la SAS SMAC les frais qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts, par l'intermédiaire d'un avocat à la cour. De ce chef, elle sollicite la condamnation de l'EPFIF à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dossier RG 22/11532, la SAS SMAC rétorque dans un second jeu de conclusions que :

Concernant la description du bien préempté, en réponse à l'appel d'offre lancé par la SAS SMAC, trois offres déterminées hors taxe et hors droits ont été reçues au prix de 8.000.000 euros hors taxes net vendeur (Pièce 11I), 8.000.000 euros hors droits (Pièce 12I), et 8.200.000 euros hors droit (Pièce 13I).

Concernant l'évaluation du bien préempté, alors qu'en première instance le commissaire du gouvernement avait retenu la méthode de la récupération foncière sur la base d'une valeur unitaire de terrain de 350 euros/m², il rallie la position de la SAS SMAC en appel en évaluant le bien préempté selon la méthode « construction terrain intégré ». En revanche, la valeur unitaire retenue en appel n'est pas correcte. Sur les deux nouveaux termes de référence produits par le commissaire du gouvernement en appel, seul le second est pertinent, car le premier ne concerne par un terrain nu.

Concernant l'évaluation du bien préempté, en réponse à l'appel d'offre lancé par la SAS SMAC, trois offres déterminées hors taxe et hors droits ont été reçues au prix de 8.000.000 euros hors taxes net vendeur (Pièce 11I), 8.000.000 euros hors droits (Pièce 12I), et 8.200.000 euros hors droit (Pièce 13I). Par ailleurs, le rapport de M. [F] [H] évalue la valeur vénale du bien préempté à 7.800.000 euros hors droits (Pièce 10I). Le 24 avril 2023, cette valeur a été actualisée à la somme de 8.180.000 euros HD HT (Pièce 17I). Il ressort de ce rapport qu'un terrain nu d'une superficie de 544 m² a été vendu en 2021 pour un prix unitaire de 849 euros/m² en valeur libre. La moyenne des six termes de comparaison pour les terrains à bâtir (avec deux termes de comparaison supplémentaires) s'établit à 519 euros/m², soit 4.671.000 euros.

L'EPFIF soutient que l'appel incident de la SAS SMAC est irrecevable, faute de demande d'infirmation du jugement. Sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, la SAS SMAC entend critiquer le même chef de jugement que l'EPFIF, à savoir le montant du prix de la préemption. Ce chef a donc déjà été déféré à la cour. En conséquence, la prétention de la SAS SMAC tendant à la fixation du prix de son bien à la somme de 9.840.000 euros TTC, soit 8.200 000 euros HD HT, en ce non compris une commission d'agence de 246.000 euros à la charge de l'acquéreur, est parfaitement recevable.

Dans le dossier RG 22/11532, le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien préempté, il se compose de deux bâtiments sis [Adresse 11] à [Localité 35], implantés sur la parcelle DF n°[Cadastre 10] pour une superficie de 13.521 m². Le commissaire du gouvernement reprend les descriptions telles qu'elles sont retenues dans le procès-verbal de transport sur les lieux. S'agissant de la situation locative, le bien est libre d'occupation.

Concernant la date de référence, le bien préempté est soumis au droit de préemption urbain. En application des dispositions de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme « la date de référence prévue à l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est, pour les biens non compris dans le périmètre d'une zone d'aménagée différé, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le plan local d'urbanisme ou l'approuvant, le révisant ou le modifiant et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain ». Le plan local d'urbanisme de [Localité 35] a été approuvé le 15 décembre 2020 et affiché en préfecture le 22 décembre 2020. En conséquence, la date de référence est le 22 décembre 2020.

Concernant la situation au regard de la réglementation d'urbanisme, la parcelle cadastrée DF n°[Cadastre 10] est située en zone UFi à la date de référence. La zone UF est une zone d'activités économique avec de nombreuses restrictions, telles les activités commerciales qui sont exclues. Les secteurs indicés « i », situés en bord de Seine, correspondent aux espaces soumis à des risques d'inondation.

Concernant la méthode d'évaluation à retenir, là où l'EPFIF et le commissaire du gouvernement avaient préconisé la méthode de la récupération foncière, la SAS SMAC et le premier juge ont considéré comme la mieux adaptée la méthode « construction, terrain intégré », pour la partie bâtie de la propriété. Or, le juge de l'expropriation ne peut appliquer la méthode de récupération foncière que si les constructions édifiées sur le terrain n'ont aucune valeur par elles-mêmes ou si l'immeuble bâti a une valeur inférieure à celle du terrain considéré nu, diminué des frais de démolition des constructions et, éventuellement, d'éviction et de relogement des occupants (19-21.872). Il convient donc de retenir ici la méthode d'estimation la plus favorable à la partie venderesse.

Concernant la valorisation du bâti existant, d'une part, le commissaire du gouvernement produit trois termes de comparaison portant sur des immeubles de bureaux. La valeur unitaire moyenne des deux derniers termes de comparaison, qui portent sur des locaux libres d'occupation, situés dans un immeuble proche de la parcelle préemptée, entièrement vitré, en sensiblement meilleur état que le bien préempté, s'établit à 1.003 euros/m². Cependant, les locaux concernés sont à usage d'activité. Les mutations récentes portant sur de grandes superficies de bureaux étant absentes sur la commune, trois annonces sont produites, même si seuls les prix découlant de mutations effectives sont exploitables. Il convient de relever une homogénéité dans les valeurs unitaires demandées, soit autour de 1.600 euros/m² pour de vastes bureaux en bon à très bon état, libres d'occupation. En l'espèce, la surface est sensiblement plus importante et le bâtiment est en état dégradé, de sorte qu'il est proposé de retenir 70% de la valeur unitaire homogène, soit 1.120 euros/m². D'autre part, le commissaire du gouvernement produit quatre termes de comparaison portant sur des ateliers. La valeur unitaire moyenne des trois termes de comparaison qui portent sur des ateliers libres avec bureau, en bon état d'entretien, situés dans des secteurs mixtes habitat/activité de la commune, s'établit à 1.300 euros/m². En l'espèce, la préemption concerne un atelier en mauvais état (toiture percée par endroits), dépourvu de partie bureau, situé dans un secteur plus excentré de la commune, à vocation uniquement d'activité, de sorte qu'il est proposé de retenir 50% de la valeur unitaire moyenne, soit 650 euros/m². Une annonce immobilière est produite à titre indicatif, pour une valeur unitaire de 850 euros/m².

Concernant la valorisation du surplus du terrain, le commissaire du gouvernement reprend à son compte deux termes de comparaison produits par l'EPFIF et rejette les cinq autres. La moyenne des huit termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement s'établit à 272 euros/m². En se limitant aux mutations postérieures au 1er janvier 2018, la valeur unitaire moyenne s'établit à 337 euros/m². Au regard de ces moyenne et médiane, la proposition formulée par l'appelant à hauteur de 300 euros/m² apparaît comme un peu faible. Le commissaire du gouvernement propose pour sa part en appel un montant unitaire de 340 euros/m² pour les 9.000 m² non bâtis de la propriété, terrain en zone UFi de configuration régulière, aisément accessible par la [Adresse 31]. La valeur totale pour l'ensemble s'élève donc à la somme arrondie de 4.652.000 euros (1.240.960 euros + 351.000 euros + 3.060.000 euros).

Concernant la pollution du terrain, il ressort du projet de cession que l'acquéreur s'engage « compte tenu de la situation environnementale actuelle des biens résultant des études et rapports » à recouvrir notamment de manière pérenne les sols, au moyen de terre végétale, enrobé, dalle. S'ajoute la présence de cuves en sous-sol. Ces contraintes d'usage pourraient justifier que soit appliqué un abattement sur la valeur du foncier. Cependant, plusieurs termes de comparaison font également mention de pollution du sol. Il n'est donc pas prévu d'abattement pour frais de dépollution sur la valeur du surplus de terrain.

En appliquant la méthode « construction, terrain intégré », le prix de la préemption s'élève à la somme arrondie de 4.652.000 euros (1.108 m² × 1.120 euros/m² + 540 m² × 650 euros/m² + 9.000 m² × 340 euros/m²). En appliquant la méthode de la récupération foncière, le prix de la préemption s'élève à 4.597.140 euros hors frais de démolition (13.521 m² × 340 euros/m²). Il est proposé de retenir le montant le plus favorable à la SAS SMAC, soit 4.652.000 euros, par application de la méthode terrain + construction. La commission d'agence prévue dans la déclaration d'intention d'aliéner sera à la charge de l'acquéreur définitif.

Dans le dossier RG 22/11982, l'EPFIF fait valoir dans un premier jeu de conclusions que :

Concernant la nullité du jugement rectificatif pour violation de la procédure applicable, l'article 14 du code de procédure civile dispose que « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». La jurisprudence rendue au fondement de l'article 462 du code de procédure civile juge de manière constante que, même en l'absence d'audience, le principe du contradictoire imposé à l'article 16 du code de procédure civile doit être respecté, et que le juge saisi doit s'assurer que la requête a été portée à la connaissance de l'autre partie (82-14.958, 12-15.105). En outre, dans le cadre d'une requête déposée sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile, la représentation est obligatoire si elle l'était également dans le cadre de l'instance ayant abouti à la décision rectifiée (18-11.073).

En l'espèce, la requête en rectification n'a été communiquée ni à l'EPFIF ni à son conseil, et le tribunal de première instance ne s'en est pas assuré. La nullité du jugement rectificatif du 17 mai 2022 doit être prononcée pour violation manifeste de la procédure applicable.

Concernant l'absence d'erreur matérielle à rectifier, la doctrine la définit comme une inadvertance qui affecte l'expression de la pensée réelle du juge. En aucun cas, la rectification du jugement ne peut constituer un recours mettant en cause l'autorité de la chose jugée attachée à la décision. En l'espèce, le premier juge ne s'est pas penché sur la question de la fixation d'un prix hors taxe ou TVA incluse, de sorte qu'il n'était pas possible de rectifier une quelconque erreur. Par ailleurs, la déclaration d'intention d'aliéner mentionne bien que la commission d'agence est chiffrée hors taxe. En effet, il n'appartient pas au juge de l'expropriation de déterminer les conditions d'application d'une taxe fiscale sur un prix ou une indemnité. Il reviendra au notaire instrumentaire d'appliquer éventuellement la TVA sur le prix fixé conformément à l'article L.213-4 du code de l'urbanisme. En conséquence, à titre subsidiaire, le jugement rectificatif devra être infirmé.

Dans le dossier RG 22/11982, l'EPFIF fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant, à titre préalable, la tardiveté des écritures d'intimée, l'article R.311-26 du code de l'expropriation dispose que l'intimé doit conclure dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. En l'espèce, les conclusions de l'EPFIF ont été adressées au greffe le 05 octobre 2022 qui les a reçues le 07 octobre 2022. Or, la SAS SMAC n'a notifié ses premières conclusions au greffe que le 04 décembre 2023, soit plus d'un an après l'envoi des conclusions d'appelant. Ces conclusions ont donc manifestement été déposées au-delà du délai de trois mois pour conclure. Elles sont donc irrecevables.

Concernant la nullité du jugement rectificatif pour violation de la procédure applicable, la SAS SMAC invoque la communication de la requête à titre confraternel au conseil de l'EPFIF (Pièce 1I). Cette simple information ne suffit pas à satisfaire aux obligations procédurales imposées par le code de procédure civile.

Concernant l'absence d'erreur matérielle à rectifier, la SAS SMAC se prévaut uniquement de la position de son expert, laquelle ne lie pas la juge.

Dans le dossier RG 22/11982, la SAS SMAC rétorque que :

Concernant la régularité du jugement en rectification d'erreur matérielle, l'EPFIF soutient que le jugement doit être annulé, faute de notification de la requête présentée par la SAS SMAC. Or, ladite requête a été communiquée au conseil de l'EPFIF par courrier électronique du 09 mai 2022 (Pièce 1I).

Concernant la nécessaire rectification de l'erreur officielle, la rectification intervient sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile. En l'espèce, le dispositif du jugement fixait le prix d'acquisition à la somme de 7.800.000 euros, sans préciser que ce prix était évalué HD. Or, l'évaluation de l'expert M. [H], qui a été retenue par le premier juge, était formulée HD (Pièce 3I). M. [H] atteste que son évaluation devait s'entendre HD et HT (Pièce 4I). En conséquence, la confirmation du jugement rectificatif s'impose.

Concernant les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il serait manifestement inéquitable de laisser à la charge de la SAS SMAC les frais qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts, par l'intermédiaire d'un avocat à la cour. De ce chef, elle sollicite la condamnation de l'EPFIF à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dossier RG 22/11982, le commissaire du gouvernement n'a pas adressé ou déposé de conclusions.

Par arrêt du 14 mars 2023, la cour a :

Invité les parties à présenter leurs observations sur une jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 22/11532 et RG 22/11982 ;

Sursis à statuer sur les prétentions et moyens des parties ;

Renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 16 mai 2024 à 9H00 ;

Réservé les dépens.

L'EPFIF par message RPVA a indiqué que l'arrêt contient une coquille visant le 14 mars 2023 et qu'il donne son accord pour une jonction des deux affaires en soulignant que la jonction n'a pas pour effet de créer une procédure unique et ne fait pas perdre à chacune des instances leur autonomie.

La SAS SMAC et le commissaire du gouvernement n'ont pas adressé ou déposé de conclusions.

SUR CE, LA COUR

- sur la jonction des procédures

Après transport sur les lieux le 16 octobre 2021, le juge de l'expropriation de Créteil a rendu un jugement au fond le 19 avril 2022, qui a fait l'objet d'un appel par l'EPFIF le 30 juin 2022, la procédure étant enregistrée sous le n° RG 22/11532.

Le juge de l'expropriation de Créteil a rendu un jugement rectificatif 17 mai 2022, qui a fait l'objet d'un appel de l'EPFIF le 8 juillet 2022, la procédure étant enregistrée sous le n° RG 22/11982.

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparé par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

En l'espèce, en raison des appels susvisés de l'EPFIF, le jugement rectificatif du 17 mai 2022 n'a pas autorité de chose jugée et la cour est saisie de l'entier litige.

Il convient en conséquence en application de l'article 367 du code de procédure civile, l'EPFIF ne s'opposant pas la jonction, d'ordonner la jonction des instances pendantes devant la cour puisqu'il existe entre les litiges un lien tel qu'il est d'une bonne justice, de faire instruire et juger ensemble les procédures enregistrées sous le RG 22/11532 et RG 22/11982, l'affaire étant désormais suivie sous le n° RG 22/11532.

-Sur la recevabilité des conclusions et pièces

Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifiée par décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel.

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et documents qu'il entend produire dans 13 mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de 3 mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au 2e alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

A sur la recevabilité des conclusions de l'EPFIF

Dossier 22/11532

Les conclusions de l'EPFIF du 26 septembre 2022 adressées dans le délai légal sont recevables.

Les conclusions de l'EPFIF adressées le 3 avril 2023 aux termes desquelles il demande de déclarer que la SAS SMAC n'a saisi la cour d'aucune prétention dans les délais pour ce faire à défaut d'avoir notifié des conclusions par lesquelles au sein du dispositif, elle sollicite l'infirmation ou l'annulation du jugement au soutien de son appel incident sont donc recevables.

Dossier 22/11532

Les conclusions de l'EPFIF du 6 octobre 2022 adressées dans le délai légal sont recevables.

Les conclusions de l'EPFIF du 15 janvier 2024 sont de pure réplique à celles de la SAS SMAC du 23 novembre 2023 et sont donc recevables.

B sur la recevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement

Dossier 22/11532

Les conclusions du commissaire du gouvernement du 28 décembre 2022 adressées dans le délai légal sont recevables.

C les conclusions de la SAS SMAC

Dossier 23/11532

L'EPFIF demande la cour de déclarer que la SAS SMAC ne l'a saisi d'aucune prétention dans les délais pour ce faire à défaut d'avoir notifié des conclusions par lesquelles, au sein de son dispositif, elle sollicite l'infirmation ou l'annulation du jugement au soutien de son appel incident.

Il indique que l'article 542 du code de procédure civile prévoit que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel et l'article 95 4 dudit code dispose que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits de la procédure, l'énoncé des chefs du jugement critiqué, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux présentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, elles sont présentées de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il ajoute que par arrêt rendu le 17 septembre 2020 n° 18-23 626, la Cour de cassation a jugé que : « il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement », que cette jurisprudence a reçu plusieurs applications récentes par la Cour de cassation, et que l'appel incident de la SAS SMAC a été formé postérieurement à cette date, et que cette jurisprudence est donc applicable.

La SAS SMAC rétorque qu'elle critique le même chef de jugement que l'EPFIF, à savoir le montant du prix de la préemption et que ce chef a déjà été déféré à la cour ; que sa prétention tendant la fixation du prix de son bien à la somme de 9'840'000 euros TTC, soit 8 200'000 euros hors-taxes et hors droits, en ce non compris une commission d'agence de 246'000 euros à la charge de l'acquéreur, est parfaitement recevable.

L'EPFIF a interjeté appel le 30 juin 2022 du jugement rendu le 19 avril 2022 par le juge l'expropriation de Créteil et la SAS SMAC a adressé des conclusions le 23 mai 2023 formant appel incident.

Les dispositions du code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire et notamment l'article 954 sont applicables en cause d'appel pour les décisions du juge de l'expropriation, pour les appels formés à compter du 1er janvier 2020 en application de R311-27 du code de l'expropriation (décret n° 2019-1333, 11 décembre 2019), les parties étant tenues de constituer avocat dans les conditions de l'article R311-9.

L'article R311-29 du dit code prévoit que sous réserve des dispositions de la section V (article R311-24 à R311-29 du code l'expropriation), les articles R311-19, R311-22 et R312-2 applicables à la procédure d'appel, la procédure devant la cour d'appel en matière d'expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile.

Il en résulte que les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile sont applicables aux parties représentées par un avocat et donc à la présente procédure, l'EPFIF ayant formé appel le 30 juin 2022 et la SAS SMAC appel incident le 23 mai 2023.

Selon les articles 542 et 954 du code de procédure civile tels qu'interprétés par la Cour de cassation (2e,17 septembre 2020, n° 18-23 626 publié, 4 février 2021 et 20 mai 2021 n°19-22316), lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni la notion du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

S'agissant de l'appel incident, par arrêt du 1er juillet 2021 publié n°20-10694, la Cour de cassation a indiqué qu'il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que déclarer irrecevables ces conclusions, l'appel incident n'étant pas valablement formé, cette règle s'appliquant pour les appels postérieurs à la date du 17 septembre 2020 suite à son arrêt, à cette date, n° 18-23 626.

En effet, l'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par la nature de son objet, les conclusions des intimés qui ne comportent aucune prétention tendant l'infirmation ou la réformation du jugement attaqué, ne contiennent pas un appel incident valable, quelle que soit, par ailleurs, la recevabilité en la forme des conclusions d'intimé.

En conséquence, les conclusions de la SAS SMAC du 5 janvier 2023, qui ne contiennent dans le dispositif pas de demandes d'infirmation ni l'annulation du jugement sont irrecevables ; les conclusions de la SAS SMAC des 23 mai 2023 et 20 juin 2023 sont en conséquence également irrecevables.

La SAS SMAC n'a donc pas valablement formé appel incident dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, et ses demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises au premier juge, qui a statué en réponse, et à l'égard desquelles il n'a pas formé appel incident, sont irrecevables.

Dossier 22/11982

L'EPFIF soulève l'irrecevabilité des conclusions de la SAS SMAC du 23 novembre 2023 pour avoir été adressées au-delà du délai légal de 3 mois fixés par l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

Les conclusions de l'EPFIF du 6 octobre 2022 ont été notifiées le 10 octobre 2022 (AR signé par la SAS SMAC le 12 octobre 2022) et les conclusions de la SAS SMAC adressées le 23 novembre 2023 sont irrecevables pour avoir été adressé aux délais du délai légal de 3 mois fixés par l'article R311-26 du code de l'expropriation.

La SAS SMAC n'a donc pas valablement formé appel incident dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, et ses demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises au premier juge, qui a statué en réponse, et à l'égard desquelles il n'a pas formé appel incident, sont irrecevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'il juge nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213-4.

En cas d'acquisition, l'article 213-14 est applicable.

Aux termes de l'article L 213-4 du code de l'urbanisme, à défaut d'accord amiable le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l'indemnité de remploi.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de l'EPFIF porte sur toutes les dispositions de fond du jugement et sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'appel incident du commissaire du gouvernement concerne le prix de la préemption mentionnée, celui-ci demandant de le fixer à la somme de 4'652'000 euros, avec la commission d'agence de la déclaration d'intention d'aliéner à la charge de l'acquéreur définitif.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu la date du 22 décembre 2020, correspondant à l'affichage en préfecture du PLU de [Localité 35].

L'EPFIF et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

En application de l'article L213-4 du code de l'urbanisme, le bien préempté étant soumis au droit de préemption urbain, il convient de confirmer le jugement qui a exactement retenu la date du 22 décembre, correspondant au PLU de [Localité 35] approuvé en conseil territorial de l'EPT Grand- [Localité 28] Seine Bièvre le 15 décembre 2020 affiché en préfecture le 22 décembre 2020.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date la parcelle DF n° [Cadastre 10] est située en zone UFI, correspondant à une zone d'activités économiques avec de nombreuses restrictions, les activités commerciales en étant exclues, les secteurs indicés « I », situés en bord de Seine, correspondant aux espaces soumis à des risques d'inondation.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, le bien préempté se compose de deux bâtiments sur la parcelle DF [Cadastre 10] d'une superficie de 13'521 m² composés d'un bâtiment 1 avec un local à usage hôtelier d'entrepôts avec mezzanine d'une surface de 548 m² et d'un bâtiment 2 composé en R+1 d'une surface de 1108 m².

Les bâtiments sont inoccupés ; la parcelle est désaffectée, libre de toute occupation et gardiennée.

L'EPFIF indique que le premier bâtiment d'une surface utile de 540 m² est en très mauvais état, avec une toiture percée en plusieurs, que le second bâtiment est très dégradé à l'intérieur, celui-ci faisant l'objet d'actes de vandalisme et que le surplus de la parcelle constituant une grande partie de terrain est en friche, dont une petite partie seulement était à usage de stationnement.

Au regard de l'état très dégradé des biens à valoriser, il demande donc l'utilisation de la méthode de la récupération foncière.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport, qui est repris par le commissaire du gouvernement.

S'agissant de la date à laquelle le bien doit être estimé, il s'agit de celle de la première instance, soit le 19 avril 2022.

- Sur la méthode

Le premier juge n'a pas retenu la méthode de la récupération foncière demandée par l'EPFIF, et a fixé le prix d'acquisition du bien à partir de l'expertise réalisée par M. [F] [H], expert en évaluation immobilière fixant la valeur vénale de l'emprise foncière partiellement bâtie à la somme de 7'800'000 euros.

Dans le jugement rectificatif du 17 mai 2022, il l'a fixé hors droits et hors taxes.

L'EPFIF demande l'infirmation et de retenir la méthode de la récupération foncière au regard de l'état très dégradé des biens en indiquant que la remise en état des locaux, qui sont saccagés, représenterait certainement un coût démesuré au regard d'une opération de reconstruction de ces mêmes locaux ; il ajoute que le commissaire du gouvernement de première instance avait également retenu cette méthode.

Le commissaire du gouvernement en appel écarte la méthode de la récupération foncière, demande de retenir la méthode d'estimation la plus favorable à la partie demanderesse, et retient la méthode construction, terrain intégré et propose le montant le plus favorable au propriétaire vendeur, soit la somme de 4'652'000 euros.

La méthode de la récupération foncière ne s'applique que sur les constructions édifiées sur les terrains qui n'ont aucune valeur par elle-même ou si l'immeuble bâti à une valeur inférieure à celle du terrain considéré nu, diminué des frais de démolition des constructions et, éventuellement, d'éviction et de relogement des occupants.

En l'espèce, s'il ressort des constatations du procès-verbal de transport, que le premier bâtiment à usage de bureaux est mal entretenu, a été squatté et laissé en état, et que le second bâtiment est dégradé à l'intérieur, mais qu'il n'en demeure pas moins que ces bâtiments ont une valeur incontestable, et qu'ils pourraient tout à fait faire l'objet d'une réhabilitation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement écarté la méthode de la récupération foncière et retenu la méthode habituelle de comparaison constructions terrain intégrée.

- Sur la fixation du prix

Le premier juge a fixé le prix d'acquisition hors droits et hors taxe dans le jugement rectificatif du 17 mai 2022 à partir de l'expertise réalisée à la demande de la SAS SMAC à M. [F] [H] à la somme de 7 800 000 euros, l'expert valorisant d'une part la construction avec une partie de la parcelle d'autre part terrain à bâtir de 9000 m² :

'3543,50 euros/m² pour les bureaux d'une surface utile de 1108 m² ;

'1593 euros/m² pour les locaux d'activité d'une surface utile de 540 m² ;

'438 euros/m² pour le terrain à bâtir d'une superficie de 9000 m².

Il convient d'examiner les références de l'EPFIF et du commissaire du gouvernement :

1° Les références de l'EPFIF

Dans le cadre de la méthode de la récupération foncière, l'EPFIF demande de fixer le prix du bien de la SAS SMAC à 3'410'000 euros (VA) correspondant à une valeur de terrain de 300 euros/m² libre, un coût de démolition de 40 euros/m² et SU, un abattement pour pollution de 500'000 euros soit :

(13'521 m² X3 100 euros)-(1648 m² X 40 euros) - 500'000 euros.

Il propose à l'appui des ventes de terrains sur la commune de [Localité 35] avec les références cadastrales :

N° du terme

Date de vente

Adresse

surface terrain/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

Zonage

Observations

T1

7 février 2019

et 21 novembre 2017

[Adresse 17]

599

150'000

115'000

250,42

191,99

UC

un terrain à bâtir d'une surface de 5a 99ca

T2

31 octobre 2018

[Adresse 26]

6677

1'360'108

204

UP1

acquisition par la SADEV 94 d'un terrain auprès du département du 94

T3

26 décembre 2017

[Adresse 4]

2209

565'950

256,2

UP2I

un terrain vendu à la SGP par la commune

emprise du terrain du centre technique municipal évalué à 220 euros/m²

T4

13 juin 2017

[Adresse 32]

145

32'335

223

UP2I

terrain vendu par la SNCF réseau à SGP

T5

7 décembre 2011

[Adresse 19]

7981

1 650 000

207

UP2I

acquisition par l'EPFIF

T6

22 avril 2016 et 21 juillet 2016

[Adresse 32]

24'586

4'764'431

221

UP2I

acquisition SGP auprès de la SNCF d'un bâtiment destiné à être démoli

répartition prix : 223 euros et 186 euros/m²

L'EPFIF indique qu'il ressort de cette étude une valeur dominante comprise entre 200 et 250 euros/m², confortée par une moyenne et une médiane s'élevant, toutes à 220 euros/m².

T1

La superficie du terrain n'est pas comparable, n'étant que de 599m²; ce terme sera écarté

T2

Le commissaire indique que cette parcelle est à plus de 4km en zone non comparable.

Ce terme sera donc écarté

T3

Ce terme repris par le commissaire du gouvernement est comparable en localisation et consistance.

Il sera donc retenu.

T4

La superficie très petite de 145 m² n'étant pas comparable, ce terme sera écarté.

T5

Ce terme datant de 2011 est trop ancien, étant de plus de cinq ans et sera donc écarté.

T6

Ce terme repris par le commissaire du gouvernement est comparable en localisation, mais n'est retenu que pour la vente relative au terrain nu d'une superficie de 1227 m², au prix de 186 euros/m².

L'EPFIF invoque également un arrêt rendu le 22 octobre 2015 par la cour d'appel de Paris dans le cadre d'une préemption portant sur un bien similaire, présentant un état dégradé qui avait justifié l'application de la méthode de la récupération foncière (pièce n° 5).

Ce terme sera écarté, puisque outre qu'il est trop ancien datant de plus de cinq ans, en l'espèce la cour avait retenu la méthode de la récupération foncière alors qu'en l'espèce, la méthode par comparaison est appliquée.

2° Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement propose de retenir la valorisation du bâti existant, avec d'une part le bâtiment 1 correspondant à un immeuble de bureaux en façade sur l'avenue Charles Heller et d'autre part le bâtiment 2 correspondant à l'atelier à l'arrière, en y ajoutant la valorisation du surplus du terrain.

Il demande de fixer une valeur totale pour l'ensemble à :

1'240'960 euros (bureaux)+ 351'000 euros (atelier)+ 3'060'000 euros (TAB)= 4'652'000 euros arrondis.

1° bâti existant

A /bâtiment A : immeubles de bureaux en façade sur [Adresse 27]

Il propose les termes suivants avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

cadastre

surface bâtie

Prix en euros

prix unitaire/m²

Observations

CG1

18 novembre 2020

[Adresse 6] à [Localité 35]

[Adresse 5] à [Localité 35]

DF 180 pour 4988 m²

DF 181 pour 7368 m²

DF 90 pour 904 m²

630 m²+ 1848 m²+ appartement 50 m²

972 m²+ 348 m²

904 m²

2'381'974

1'168'026

150'000

961

884

166

2 bâtiments=A dépôt/bureau/logementsB dépôt

2 ateliers

terrain nu

vente part/SCI

ensemble occupé

CG2

20 novembre 2020

[Adresse 15] à [Localité 35]

CG3 319 pour 13'543 m²

lots 201'202

1015

1'200'000

1182

Deux locaux d'activité+ 6 emplacements voitures extérieurs

vente SCI/SCI

ensemble libre

CG3

8 décembre 2020

[Adresse 15] à [Localité 35]

CG319 pour 13'543 m²

lots

208-209

515

425'000

825

2 locaux d'activité+ 4 emplacements voitures extérieurs

vente SCI/SCI

ensemble libre

Le commissaire du gouvernement indique que les références 2 et 3 portent sur des locaux libres d'occupation, situés dans un immeuble proche de l'ensemble exproprié, entièrement vitré, en sensiblement meilleur état que l'immeuble du [Adresse 11], avec un prix moyen de 1 003 euros/m²; que cependant, les locaux concernés sont à usage d'activités.

Il ajoute que les mutations récentes portant sur de grandes surfaces de bureaux sont absentes sur la commune ce qui l'a conduit à se reporter aux annonces immobilières suivantes, actuellement ligne : annonce 1 (site seloger) : secteur les Ardoines, 1600 euros/m² libre, avec 16 places de parking, bureau 600 m², 960'000 euros

Annonce 2 (site entreparticuliers.com) : secteur les Ardoines, 1446 euros/m² libre, 536 m², 775'170 euros.

Annonce 3 (site entreparticuliers.com) : 1 627 euros/m², bureau, commerce local à vendre de 306 m², 498'000 euros.

Il indique que les prix ressortant de ces trois simples offres de vente portant sur des surfaces comprises entre 306 m² et 600 m² sont nécessairement regardés comme des prix maxi, seuls les prix découlant de mutations effectives étant à considérer comme exploitables ; que cette réserve étant admise, il convient de relever une homogénéité certaine dans les montants unitaires demandés, soit autour de 1600 euros/m² pour le vaste bureau en bon à très bon état, libres d'occupation.

Il conclut au cas particulier, que la surface commercialisée est sensiblement plus importante de 1108 m², que le bâtiment est en état dégradé suite à une inutilisation depuis 4 ans et squat occasionnel par des tiers durant la période, il est proposé de retenir 70 % de la valeur moyenne supra, soit 820 euros/m².

Ces annonces ne correspondant pas à des ventes seront écartées.

Les 3 références de mutations comparables en consistance, malgré la différence de superficie, et en localisation seront retenues.

La moyenne est de : 1 003 euro/m² ; en tenant compte de l'ancienneté des références datant de 2020 et de l'évolution du marché il sera retenu une valeur de 1 120 euros / m² soit :

1 108 m² SU X 1 120 euros/m²= 1'240'960 euros.

B/Bâtiment 2 : atelier à l'arrière

Il est proposé les termes suivants avec les références de publication portant sur des immeubles comparables :

N° du terme

Date de vente

Adresse

cadastre

superficie/m²

Prix en euros

prix unitaire/m²

Observations

CG1

21 mai 2019

[Adresse 3] à [Localité 35]

N5 pour 1189 m²

540 m²+ 847 m²

1'250'000

901

6 bâtiments= atelier avec bureaux

vente SCI/SCI

ensemble libre

CG2

3 septembre 2019

[Adresse 16] à [Localité 35]

AH 112'116 pour 653 m²

667 m²+ 50 m²

parking

980'000

1469

Atelier avec bureaux

vente SCI/SCI

ensemble libre

200 m² de surfaces secondaires couvertes en sus

CG3

24 avril 2019

[Adresse 13] à [Localité 35]

M 72 pour 459 m²

329

évaluation dans l'acte : 350'000

1063

Atelier avec bureau

échange SCI/SCI

ensemble loué

CG4

26 novembre 2018

[Adresse 21] à [Localité 35]

I 30 pour 271 m²

270

420'000

1555

atelier avec bureau

particulier / SCI

ensemble libre

Le commissaire du gouvernement indique que le prix moyen pour des ateliers libres avec bureau, en bon état d'entretien, situés dans des secteurs mixtes habitat/activité de commune est de 1300 euros/m² ;

Qu'au cas particulier, la préemption concerne un atelier en mauvais état (toiture percée par endroits), dépourvu de partie bureau, situé dans un secteur plus excentré de la commune et à vocation uniquement d'activité, et il propose donc de retenir 50 % de la valeur moyenne soit 650 euros/m² utile.

Il propose également de rapprocher cette valeur avec une annonce située à [Localité 35] pour un local d'activité 2000 m² avec partie bureaux, décrit comme étant en excellent état, pour un prix de 850'000 euros, soit 850 euros/m².

L'annonce ne correspondant pas à une vente sera écartée.

Les références proposées comparables en consistance et localisation seront retenues ; compte tenu du fait qu'il s'agit d'ateliers libres avec bureau, en bon état d'entretien, contrairement au bien préempté qui concerne un atelier en mauvais état, dépourvu de partie bureau, situé dans un secteur plus excentré la commune et à vocation uniquement d'activités, il convient d'appliquer un abattement de 50 % et de retenir une valeur de : 540 m² SU X (1300 euros/m² X 0,5)= 351 100 euros.

3° surplus du terrain

Le commissaire du gouvernement propose six termes à [Localité 35] déjà présentés en première instance et deux nouveaux termes en appel, avec les références cadastrales et de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

surface terrain/m²

Prix en euros

Prix en euros/m²

Zonage

Observations

CG1

23 août 2018

[Adresse 30]

2253

130'000

58

UFi

Électricité de France vend à Port autonome de [Localité 29] un terrain libre de toute construction suite au démantèlement par le vendeur

CG2

24 février 2017

[Adresse 9]

31'875

1'434'375

45

UFI

Électricité de France vend à société du Grand [Localité 29] un terrain nu

CG3

26 décembre 2017

[Adresse 14]

2209

565'950

256

UP2I

Électricité de France vend à Port autonome de [Localité 29] un terrain libre de toute construction suite au démantèlement par le vendeur

CG4

21 juillet 2016

[Adresse 32]

1227

227'843

186

UP2I

SNCF réseau vend à la cité du Grand Paris un terrain nu

CG5

12 avril 2018

[Adresse 2]

1046

600'042

574

UP2I

EPFIF vend à établissement public d'aménagement [Localité 28] [Localité 33] Seine amont un terrain à démolir

CG6

20 décembre 2019

[Adresse 23]

et

[Adresse 20]

26'820

8'654'360

323

UP2I

un ensemble immobilier à usage industriel de services et de quai de transit comprenant : un bâtiment à usage de quai de transit d'une superficie de 8780 m², bureaux sur 4 niveaux d'une superficie de 1460 m², un local de gardiennage d'une superficie de 12 m², un local technique d'une superficie de 12 m² et un sous-sol à usage de local de rangement

de 1080m² m², soit une surface hors 'uvre nette de 11'344 m² environ, aires de circulations et de stationnement, espaces verts, ensemble immobilier destiné à être démoli

CG7

24 octobre 2018

[Adresse 12]

1053

350'000

332

UF

ACCMT/SCI rue G.Urbain, terrain avec hangar en très mauvais état (valeur résiduelle)

CG8

19 décembre 2018

[Adresse 23]

13'333

5'347'130

401

UFI

EPFIF/EPA [Localité 28] [Localité 33] Seine Amont, terrains nus

Le commissaire du gouvernement indique que le prix moyen ressortant des références relevées, pour des terrains à bâtir du secteur, en zone UF ou UP2 est de 272 euros/m², que le prix moyen ressortant cette fois des cinq références postérieures au 1er janvier 2018 est de 337 euros/m², avec un prix médian de 332 euros/m².

Au regard de ces moyennes et médiane, il indique que la proposition formulée par l'appelant soit 300 euros/m² apparaît comme un peu faible et il propose un montant unitaire de 340 euros/m² pour les 9000 m² non bâtis de la propriété, terrain en zone UFI de configuration régulière, aisément accessible par la [Adresse 31].

Ces références comparables en localisation et en consistance seront retenues.

Compte tenu de l'ancienneté de certaines références et l'évolution du marché, il sera retenu une valeur unitaire de 340 euros/ m² soit :

9000 m² SU X 340 euros/m²= 3'060'000 euros.

En conséquence, la valeur totale pour l'ensemble est de :

1'240'960 euros (bureaux)+ 351'000 euros (atelier)+ 3'060'000 euros (TAB)= 4'652'000 euros arrondis.

- sur la demande de l'EPFIF de prise en compte de l'état de pollution avérée du site

Le premier juge n'a pas répondu à la demande de l'EPFIF de la prise en compte de l'état de pollution avérée du site pour un montant forfaitaire de 500000 euros.

L'EPFIF indique que l'annexe à la DIA révèle que l'immeuble a fait l'objet de plusieurs exploitations d'installations classées pour la protection de l'environnement, encore récemment (pièce n°1) ; que la cessation d'exploitation d'IPCE par la société centrale d'asphalte (détenue à 62 60 % par la SAS SMAC) date de la fin d'activité 2017 et que les investigations réalisés en 2018 dans le cadre de la cessation d'activité, visée aux articles R 512-45-25 et suivants du code de l'environnement, ont révélé des sources de pollution, sur les sols, sur les eaux souterraines et sur les gaz des sols et que les mesures de dépollution à prendre afin d'assurer « un usage tertiaire de bureaux » ont été identifiées mais non évaluées.

Il indique qu'au regard de ses conclusions, la SAS SMAC a imposé à son acquéreur, et à tout acquéreur éventuel, des restrictions d'usage de l'immeuble au sein de la promesse de vente (pièce n°4) et que de son côté, l'acquéreur pressenti de l'immeuble a fait réaliser une étude environnementale sur les mesures de dépollution à engager, faisant apparaître l'existence de cuves enfouies sur le site, dont le nombre et la localisation n'ont pas pu être déterminés avec précision par la SAS SMAC, mais qui n'est pas contestée.

Il conclut qu'au regard des termes de comparaison, l'existence avérée et reconnue de risques liés :

'la pollution des sols et des eaux souterraines,

'à des restrictions d'usages,

'la présence d'amiante sur la toiture,

'la présence de cuves enfouies,

constitue nécessairement un facteur important de moins-value dont il doit être tenu compte dans le cadre de l'évaluation de la valeur de l'immeuble et il demande de retenir un abattement forfaitaire de 500'000 euros.

Le commissaire du gouvernement indique qu'il ressort du projet de cession, que l'acquéreur pressenti s'engage « compte tenu de la situation environnementale actuelle des biens résultant des études et rapports » à recouvrir notamment de manière pérenne les sols, au moyen de terre végétale (30 cm minimum), enrobé, dalle et que s'ajoute la présence de cuves en sous-sol.

Il indique que ces contraintes d'usage pourraient justifier que soit appliqué un abattement sur la valeur du foncier, mais que cependant, plusieurs parmi les références citées, situées dans le même secteur géographique de la commune, font également mention de pollution du sol.

Il ne propose donc pas d'abattement pour frais de dépollution.

Parmi les références retenues, situées dans le même secteur géographique de la commune, plusieurs font également mention de pollution du sol, il n'y a donc pas lieu de retenir pour le bien préempté un abattement pour pollution.

Le prix retenu est donc de 4'652'000 euros arrondis.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- sur les frais d'agence

La DIA notifiée par la SAS SMAC mentionnait l'existence d'une commission d'agence à la charge du vendeur d'un montant de 246'000 euros hors-taxes (pièce n° 1).

L'article L213-7 du code de l'urbanisme dispose qu'en cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation, que le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l'issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption.

Le premier juge ne pouvait, comme indiqué par l'EPFIF, le condamner au paiement de cette commission ; en effet, par arrêt de la 3e chambre civile, Cour de cassation, 9 juillet 2020, n° 19-19310, a jugé que le juge de l'expropriation n'a pas compétence pour prononcer une « condamnation » au paiement d'une telle commission.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à payer la commission d'agence de 246'000 euros et de dire que la commission d'agence mentionnée à la déclaration d'intention d'aliéner sera la charge de l'acquéreur effectif de l'immeuble.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à payer à la SAS SMAC la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner la SAS SMAC à payer à l'EPFIF la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance.

La SAS SMAC perdant le procès sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Prononce la jonction des procédures enregistrées sous les n° RG 22/11532 et RG 22/11982, la procédure étant désormais suivie sous le n° RG 22/11532 ;

Dossier RG 22/11532

Déclare recevables les conclusions de l'EPFIF des 26 septembre 2022, 3 avril 2023 et du commissaire du gouvernement du 28 décembre 2022 ;

Déclare irrecevables les conclusions de la SAS SMAC des 5 janvier 2023, 23 mai 2023 et 20 juin 2023 ;

Dossier RG 22/11982

Déclare recevables les conclusions de l'EPFIF des 6 octobre 2022 et 15 janvier 2024 ;

Déclare irrecevables les conclusions de la SAS SMAC du 23 novembre 2023 ;

Statuant dans la limite des appels de l'EPFIF et du commissaire du gouvernement ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 4 652 000 euros le prix d'acqusition du bien appartenant à la SAS SMAC, situé [Adresse 11] [Localité 35] correspondant à la parcelle cadastrée section DF n°[Cadastre 10], d'une superficie de 13521 m² ;

Dit que la commission d'agence mentionnée à la déclaration d'aliéner sera à la charge de l'acquéreur effectif de l'immeuble ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Condamne la SAS SMAC à payer à l'EPFIF la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS SMAC aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/11532
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.11532 ?
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