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20/06/2024 | FRANCE | N°21/08949

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 20 juin 2024, 21/08949


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRET DU 20 JUIN 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08949 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUWX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 19/11009





APPELANTE à titre principal

Intimée à titre incident



Madame [M] [O] épouse [E]

[Adr

esse 5]

[Localité 7]

née le 19 Juillet 1968 à [Localité 9]



Représentée et assistée par Me Véronique LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0320







INTIMEE à titre principal

Appelante...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 20 JUIN 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08949 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUWX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 19/11009

APPELANTE à titre principal

Intimée à titre incident

Madame [M] [O] épouse [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

née le 19 Juillet 1968 à [Localité 9]

Représentée et assistée par Me Véronique LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0320

INTIMEE à titre principal

Appelante à titre incident

S.C.I. IMEFA 118

[Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIRET : 432 512 945

Représentée et assistée par Me Salah GUERROUF, avocat au barreau de PARIS, toque : D1952

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre

Madame Muriel PAGE, Conseiller

Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Laure MEANO dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 novembre 2013, la société civile IMEFA 118 a donné à bail

professionnel à Mme [M] [O] épouse [E], avocate, un appartement de 8 pièces, au 3ème étage d'un immeuble situé [Adresse 4], pour une durée de 6 ans, à effet au 1er décembre 2013, pour l'exercice de l'activité d'avocat du preneur.

Ayant notifié congé le 1er septembre 2018, Mme [M] [O] a libéré les locaux le 28 février 2019.

Soutenant que le bail contrevenait aux dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en raison de l'absence de justification par le bailleur de l'autorisation d'utiliser les locaux à usage professionnel, Mme [M] [O] a assigné la société IMEFA 118 devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte du 12 septembre 2019 afin de voir prononcer la nullité du contrat de bail et obtenir la restitution du montant des loyers perçus.

Par jugement contradictoire entrepris du 8 avril 2021 le tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :

Déclare recevables les demandes de Madame [M] [O] épouse [E] formées

à l'encontre de la société IMEFA 118,

Annule le bail du 29 novembre 2013 conclu entre Madame [M] [O] épouse [E] et la société IMEFA 118 en violation de l'article L.631-7 du code de la construction de l'habitation, et portant sur des locaux situés [Adresse 4],

Déboute Mme [M] [O] épouse [E] de ses demandes en paiement des sommes de 10.000 euros et de 100.000 euros au titre de la réparation de ses préjudices ,

Dit que la société IMEFA 118 est redevable à l'égard de Mme [M] [O] des loyers, charges et accessoires perçus au titre du bail ci-dessus annulé et que celle-ci est redevable à l'égard de la société IMEFA 118 d'une indemnité d'occupation sur la période du 1er décembre 2013 au 28 février 2019,

Avant dire-droit, sur le montant de l'indemnité d'occupation,

Ordonne une expertise et Désigne en qualité d'expert :

Mme [S] [R], [Adresse 2]

[XXXXXXXX01] [Courriel 8]

avec mission :

- de convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,

- de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- d'entendre les parties en leurs dires et explications.- de procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties,

- de déterminer, à la date du 1er décembre 2013, le montant de l'indemnité mensuelle due par Mme [M] [O] épouse [E] en contrepartie de l'occupation des locaux sis [Adresse 4], dans l'hypothèse d'un usage exclusif d'habitation, et dans l'hypothèse d'un usage professionnel et d'habitation sur la base de la déclaration enregistrée le 11 décembre 1970 (pièce n°6 du défendeur), au regard notamment de la superficie des locaux et des valeurs de comparaison,

- de rendre compte du tout et donner son avis motivé.

- de dresser un rapport de ses constatations et conclusions.

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la 18ème chambre - 2ème section, avant le 31 mars 2022,

Fixe à la somme de 4.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme [M] [O] épouse [E] à la régie du tribunal judiciaire de Paris (située Tribunal de Paris, atrium sud, 1er étage, droite, Parvis du Tribunal de Paris, [Localité 7]) au plus tard le 31 mai 2021, avec une copie de la présente décision,

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 28 juin 2021 à 11h30 pour

vérification du versement de la consignation,

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera

caduque et privée de tout effet.

Désigne le juge de la mise en état aux fins de contrôler le suivi des opérations d'expertise,

Déboute la société IMEFA 118 de sa demande aux fins de voir reconnaître que Mme [M] [O] épouse [E] lui est redevable du montant des sous-loyers qui ont été encaissés depuis le 1er décembre 2013 jusqu'au 28 février 2019,

Déboute la société IMEFA 118 de sa demande de communication sous astreinte des conventions de mise à disposition, de factures de mise à disposition et de déclarations de revenus de Mme [M] [O] épouse [E],

Sursoit à statuer sur la demande de Mme [M] [O] épouse [E] en condamnation de la société IMEFA 118 à lui payer la somme de 845.760 euros au titre de la restitution et sur la demande de la société IMEFA 118 de compensation, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

Rappelle que sauf convocation spécifique à l'initiative du juge de la mise en état ou d'entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d'entretien arec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l'audience à 12h00 en précisant leur objet, l'entretien se tenant alors le jour de l'audience susvisée à 11h30.

Réserve les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le rapport de l'expert a été remis le 7 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 7 mai 2021 par Mme [M] [O] épouse [E] ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2023 par lesquelles Mme [M] [O] épouse [E] demande à la cour de :

Déclarer recevable et fondé l'appel formé par Mme [O] [E] ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu le 8 avril 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- débouté Mme [M] [O] épouse [E] de ses demandes en paiement des sommes de 10.000 euros et de 100.000 euros au titre de la réparation de ses préjudices,

- dit que Mme [M] [O] est redevable à l'égard de la société IMEFA 118 d'une indemnité d'occupation sur la période du 1er décembre 2013 au 28 février 2019,

- avant dire-droit sur le montant de l'indemnité d'occupation, ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert Mme [S] [R] avec mission (...)

- fixé à la somme de 4.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme [M] [O] épouse [E] à la régie du tribunal judiciaire de Paris au plus tard le 31 mai 2021, avec une copie du jugement, (...)

- sursis à statuer sur la demande de Mme [M] [O] épouse [E] en condamnation de la société IMEFA 118 à lui payer la somme de 845.760 euros au titre de la restitution et sur la demande de la société IMEFA 118 de compensation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

- réservé les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile.

En conséquence, statuant à nouveau dans cette limite,

A titre principal,

Condamner la société IMEFA 118 à restituer à Mme [O] [E] la somme de

845.460 euros au titre des loyers versés en exécution du bail annulé ;

Condamner la société IMEFA 118 à verser à Mme [O] [E] la somme de 64.416 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de céder son droit au bail ;

Si les conventions de mise à disposition étaient annulables,

Condamner la société IMEFA 118 à verser à Mme [O] [E] la somme de 250.000 euros, sauf à parfaire ou diminuer, à titre d'indemnisation du préjudice né des conséquences financières de la nullité du bail ;

Condamner la société IMEFA 118 à verser à Mme [O] [E] la somme de 5.000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral ;

Rejeter l'ensemble des demandes présentées par la société IMEFA 118 ;

A titre subsidiaire,

Juger, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la société IMEFA 118 est créancière

d'une indemnité d'occupation, que celle-ci ne saurait excéder la somme de 344.358 euros ;

A titre infiniment subsidiaire,

Juger, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la société IMEFA 118 est créancière

d'une indemnité d'occupation, que celle-ci ne saurait excéder la somme de 516.938 euros ;

En tout état de cause,

Débouter la société IMEFA 118 du surplus de ses demandes ;

Ordonner la compensation des sommes correspondant aux créances et dettes respectives

des parties ;

Condamner la société IMEFA 118 à verser à Mme [O] [E] une somme de

5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société IMEFA 118 à verser à Mme [O] [E] une somme de

4.000 euros, au titre des frais d'expertise supportés à laquelle elle a été condamnée en première instance.

Condamner la société IMEFA 118 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 mars 2023 au terme desquelles la SCI Imefa 118 demande à la cour de :

1°) Sur l'appel incident formé par la société IMEFA 118 portant sur l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du bail consenti à Mme [O] [E] en application des dispositions de l'article L.631-7 du Code de la construction et de l'habitation

Juger que Mme [O] [E], sur laquelle repose la charge de la preuve de l'usage

des locaux au 1er janvier 1970 qui lui ont été donnés en location, ne démontre pas que ceux-ci avaient un usage d'habitation à la date du 1er janvier 1970 conformément aux dispositions de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ainsi que de

la jurisprudence y afférente rendue par la Cour de cassation,

En conséquence :

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité du bail consenti le 28 novembre 2013 à Mme [O] [E] par la société IMEFA 118 portant sur des locaux à usage professionnel situé au 3ème étage d'un immeuble si à [Localité 7],[Adresse 4]e

[Adresse 4]

Débouter Mme [O] [E] de ses demandes de nullité de bail, de restitution des

loyers payés par ses soins pendant la durée de celui-ci ainsi que d'indemnisation de ses prétendus préjudices.

2°) A titre subsidiaire :

Juger qu'en conséquence de l'annulation du bail qui serait prononcée par la Cour du bail qui a été conclu le 28 novembre 2013 entre les parties :

o Mme [O] [E] est débitrice d'une indemnité d'occupation égale à la somme

de 13.420 euros par mois à compter du 1er décembre 2013, date de prise d'effet de son bail

avec indexation annuelle de celui-ci en fonction de l'IRL jusqu'au 28 février 2019, date d'effet du congé qui y a mis fin,

o La société IMEFA 118 n'est pas tenue de rembourser à Mme [O] [E] la somme globale de 344.358 euros que cette dernière réclame sur la période ayant couru du

1er décembre 2013 au 28 février 2019

Juger qu'en application de la compensation à due concurrence entre les créances réciproques des parties, celles-ci ne sont débitrices d'aucune somme l'une à l'encontre de

l'autre à l'exception toutefois du montant des sous-loyers qui ont été encaissés par Mme

[O] [E] depuis le 1er décembre 2013 jusqu'au 28 février 2019,

Débouter Mme [O] [E] de ses prétentions tendant à voir fixer la valeur locative de ses locaux à la somme de 64.416 euros par an et, à titre très subsidiaire, de surseoir à statuer sur cette question dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de Mme

[R],

Condamner Mme [O] [E] à remettre à la société IMEFA 118 la copie des

pièces suivantes afin de lui permettre de calculer le montant des sous-loyers perçus par ses

soins pendant toute la durée de son bail de la part des sous-locataire avocats ayant occupé

ses locaux :

o 1°) Conventions de mise à disposition conclues avec des avocats sur la période courant

du mois de décembre 2013 jusqu'au mois de mars 2019.

o Factures de mise à disposition émises par Mme [O] [E] au nom des avocats

sous-louant ses locaux sur la période courant du mois de décembre 2013 jusqu'au mois de

mars 2019.

o Déclarations de revenus n°2035 de Mme [O] [E] faisant ressortir le montant

des revenus fonciers perçus par ses soins pour la mise à disposition de ses locaux à des avocats sur la période courant du mois de décembre 2013 jusqu'au mois de mars 2019.

Et ce, avec astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt

à intervenir.

Constater que le bail conclu entre les parties interdit toute cession de celui-ci à des tiers

sans l'autorisation écrite, expresse et préalable de la société IMEFA 118 et que la société

IMEFA 118 restait libre en toute hypothèse de refuser de manière discrétionnaire l'autorisation de cession de bail demandée sans avoir à en justifier des motifs.

Constater que la société IMEFA 118 n'a jamais autorisé Mme [O] [E] à céder

son bail à des tiers et que celle-ci ne l'a même jamais demandé.

En conséquence :

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [O] [E] de sa demande de condamnation de la société IMEFA 118 à lui payer les sommes de 10.000 euros et de 250.000 euros en réparation du préjudice qu'elle affirme avoir subi du fait de

l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de pouvoir céder son bail à des professionnels libéraux (avocats),

Condamner Mme [O] [E] à payer à la société IMEFA 118 la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Mme [O] [E] aux dépens, lesquels seront recouvrés par Maître

Salah Guerrouf, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code

de procédure civile.

Par arrêt du 16 novembre 2023, l'affaire a été renvoyée à une audience ultérieure et devant une autre composition, en application de l'article 399 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à " constater ", " donner acte ", " dire et juger " en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens, comme c'est le cas en l'espèce.

Le jugement entrepris ne fait pas l'objet d'un appel incident s'agissant de la recevabilité des demandes de Madame [M] [O] épouse [E] à l'encontre de la société IMEFA 118. Ce chef de dispositif est donc définitif.

Sur la nullité du bail

La société civile IMEFA 118 demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du bail litigieux en application des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ; elle soutient en substance que l'appréciation de l'affectation du bien, à usage d'habitation ou professionnel, doit être caractérisé au 1er janvier 1970 et non postérieurement, comme l'a en substance, selon elle, apprécié le premier juge.

Mme [M] [O] épouse [E] demande la confirmation du jugement, sans développer de moyens de fait et de droit sur ce point.

Pour faire face à la pénurie de logements de l'après-guerre, l'ordonnance du 11 octobre 1945 a soumis à autorisation préalable, dans certaines communes, la transformation des locaux d'habitation en locaux à usage commercial, industriel ou administratif ; l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation a été créé par une loi du 31 mai 1978 qui a transféré le régime des autorisations de changement d'affectation du code de l'urbanisme au code de la construction et de l'habitation.

Cet article, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, applicable en l'espèce au contrat de bail du 29 novembre 2013, dispose que :

'La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.'.

L'affectation exclusive à une activité professionnelle d'un local jusque-là utilisé à usage mixte, professionnel et d'habitation, nécessite une autorisation communale préalable, en application de l'article précité, sans qu'il y ait lieu d'examiner la proportion des surfaces consacrées à chacune des activités, le local à usage mixte étant considéré comme un local à usage d'habitation en totalité (3e Civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 16-17.946, Bull. 2017, III, n° 81).

La sanction de nullité attachée à la modification non autorisée de l'affectation des locaux est une nullité absolue qui peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt, et notamment par chacun des deux contractants au bail.

C'est à celui qui invoque la nullité du contrat de rapporter la preuve que le local objet du bail professionnel ou commercial avait un usage d'habitation, au moins pour partie, au 1er janvier 1970 . Si tel est le cas, l'autorisation administrative de changement de destination doit avoir été obtenue par le propriétaire, préalablement à la signature du bail professionnel.

Un local est ainsi réputé à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, la preuve d'une affectation de fait à cet usage postérieurement à cette date étant inopérante (3e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.366).

En l'espèce, le bail consenti le 29 novembre 2013, pour une durée de 6 ans, à effet du 1er décembre 2013, se réfère aux dispositions de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 et porte sur « un appartement situé au 3ème étage, lot 2132, comprenant 8 pièces principales, entrée, cuisine, office une salle de bain, une salle d'eau, 2 WC, lingerie, débarras, couloirs, dégagements, caves n°48 et 51 » à destination de « bureaux pour l'activité d'avocat du preneur», moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 161.040 euros, payable mensuellement le 1er de chaque mois et d'avance.

Mme [M] [O] épouse [E] se prévaut d'une déclaration sur le modèle 'H2", établie par la société UAP Vie, alors propriétaire des locaux litigieux, enregistrée le 11 décembre 1970 à l'occasion de la révision des évaluations servant de base à certains impôts locaux, prévue par la loi du 2 février 1968 ; il résulte de ce document que le local est partagé entre un usage d'habitation et un usage professionnel (3 pièces étant à destination de bureaux et salle d'attente, sur une surface de 70 m2, tandis que 5 autres pièces sur 267 m2 sont à destination d'habitation).

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, cette description ne démontre cependant pas quelle était la destination des lieux à la date du 1er janvier 1970, ayant été remplie postérieurement à cette date; elle n'est en outre complétée par aucun autre élément permettant de l'établir.

De plus, si un courriel du mandataire du bailleur en date du 24 janvier 2019 indique que « les locaux sont à usage d'habitation » et que « son occupation à titre professionnel nécessitera impérativement l'obtention d'une autorisation en mairie », ces mentions sont également inopérantes à démontrer quelle était la destination du local au 1er janvier 1970.

Il résulte de ces éléments que Mme [M] [O] épouse [E] ne démontre pas qu'au 1er janvier 1970, le local loué était à usage, au moins partiellement, d'habitation, de sorte que sa demande tendant à prononcer la nullité du bail, faute pour le bailleur de justifier d'une autorisation de changement d'usage préalable à la conclusion du bail, doit être rejetée.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Subséquemment, il sera donc infirmé également en ce qu'il a :

-'Dit que la société IMEFA 118 est redevable à l'égard de Mme [M] [O] des loyers, charges et accessoires perçus au titre du bail ci-dessus annulé' ; pour mémoire, Mme [M] [O] épouse [E] ne se prévaut de la restitution des loyers qu'au motif de la nullité du contrat de bail, rejetée par le présent arrêt.

La demande de restitution de loyers de Mme [M] [O] épouse [E] est donc également rejetée.

-et dit que Mme [M] [O] épouse [E] est redevable à l'égard de la société IMEFA 118 d'une indemnité d'occupation sur la période du 1er décembre 2013 au 28 février 2019.

Au vu de ces éléments il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'expertise, dont le rapport a été rendu, laquelle est devenue sans objet.

Les demandes principales de la société civile IMEFA 118 étant accueillies, il n'y a pas lieu de statuer sur l'ensemble de ses demandes subsidiaires.

Sur les demandes de dommages- intérêts de Mme [M] [O] épouse [E]

Devant le premier juge, Mme [M] [O] épouse [E] a demandé le paiement des sommes de 10.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de céder son droit au bail et de 100.000 euros en réparation du préjudice né des conséquences financières de la nullité du bail.

Le premier juge a écarté ces demandes en considérant qu'elle ne démontrait pas avoir été troublée dans la jouissance des locaux 'du fait de la conclusion d'un bail irrégulier', qu'elle avait restitué les locaux le 28 février 2019 et ne justifiait pas de ce que l'absence de 'changement de la destination des locaux' lui ait causé un préjudice certain l'empêchant de céder son bail, pas plus qu'un quelconque préjudice financier.

Devant la cour, l'intéressée réitère en substance ses demandes, portées aux sommes de 64.416 euros, à titre d'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de céder son droit au bail, de 250. 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice né des conséquences financières de la nullité du bail ; elle demande la somme de 5. 000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral.

Ces demandes sont fondées sur la nullité du bail, qui est écartée par le présent arrêt, de sorte qu'elles ne peuvent qu'être rejetées.

Au surplus, Mme [M] [O] épouse [E] ne démontre avoir subi aucun préjudice résultant d'une faute imputable à la société civile IMEFA 118 et de nature à justifier l'octroi de dommages-intérêts, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes et que les demandes complémentaires formées devant la cour seront également rejetées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable d'allouer à la société civile IMEFA 118 une indemnité de procédure de 6.000 euros, au titre de la première instance et de l'appel, en ce non compris les frais d'expertise et de condamner en outre Madame [M] [O] épouse [E] aux frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris en ce ce qu'il a:

Annulé le bail du 29 novembre 2013 conclu entre Madame [M] [O] épouse [E] et la société IMEFA 118 en violation de l'article L.631-7 du code de la construction de l'habitation, et portant sur des locaux situés [Adresse 4],

Dit que la société IMEFA 118 est redevable à l'égard de Mme [M] [O] des loyers, charges et accessoires perçus au titre du bail ci-dessus annulé et que celle-ci est redevable à l'égard de la société IMEFA 118 d'une indemnité d'occupation sur la période du 1er décembre 2013 au 28 février 2019,

Le confirme, pour le surplus, sauf à constater que l'expertise est devenue sans objet;

Et statuant à nouveau des chefs de dispositif infirmés,

Rejette la demande de Mme [M] [O] épouse [E] tendant à voir prononcer la nullité du bail conclu le 29 novembre 2013 portant sur des locaux situés [Adresse 4];

Rejette la demande de Mme [M] [O] épouse [E] en restitution de loyers;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur le paiement d'indemnités d'occupation des lieux;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Rejette les demandes de Mme [M] [O] épouse [E] en paiement des sommes de 64.416 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de céder son droit au bail, de 250.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice né des conséquences financières de la nullité du bail, et de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral ;

Condamne Mme [M] [O] épouse [E] à payer à la société civile IMEFA 118 la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en ce non compris les frais d'expertise,

Condamne Mme [M] [O] épouse [E] aux frais d'expertise;

Condamne Mme [M] [O] épouse [E] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/08949
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.08949 ?
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