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20/06/2024 | FRANCE | N°21/08617

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 20 juin 2024, 21/08617


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 20 JUIN 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08617 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTUP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2021 - TJ de MELUN RG n° 19/00752





APPELANTE



Madame [G] [U] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[LocalitÃ

© 9]



Représentée et assistée par Me Christian CAMOIN, avocat au barreau de MELUN







INTIMÉES



S.A.S. PICARD SURGELES

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Nancy DUBOIS de la ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 20 JUIN 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08617 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTUP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2021 - TJ de MELUN RG n° 19/00752

APPELANTE

Madame [G] [U] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée et assistée par Me Christian CAMOIN, avocat au barreau de MELUN

INTIMÉES

S.A.S. PICARD SURGELES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Nancy DUBOIS de la SELAS BOIZEL DUBOIS FENNI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0491, substitué à l'audience par Me SEGAL Mathieu, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée et assistée à l'audience par Me Anne-laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- contradistoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Madame [G] [U], épouse [B], a le 9 août 2018 en fin d'après-midi chuté à l'entrée du magasin Picard Surgelés de [Localité 9] (Seine et Marne). Elle a été secourue par les sapeurs-pompiers, qui l'ont conduite au centre hospitalier de [Localité 6].

Faute de solution amiable, Madame [B] a par actes des 1er et 7 mars 2019 assigné la SA Picard Surgelés et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine et Marne, organisme de sécurité sociale dont elle dépend, en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Melun.

*

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 16 février 2021, a :

- débouté Madame [B] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la CPAM de ses demandes,

- rejeté la demande formulée par la société Picard Surgelés au titre de l'article 700 du code de procédure civil,

- condamné Madame [B] aux dépens,

- dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire.

Madame [B] a par acte du 4 mai 2021 interjeté appel de ce jugement, intimant la société Picard Surgelés et la CPAM devant la Cour. Le dossier a été enrôlé sous le n°21/8617.

La CPAM a également, par acte du 5 mai 2021, interjeté appel du jugement, intimant Madame [B] et la société Picard Surgelés devant la Cour. Le dossier a été enregistré sous le n°21/8719.

Les deux dossiers ont été joints selon ordonnance du 16 juin 2021, pour alors être appelés sous le seul n°21/8617.

*

Madame [B], dans ses dernières conclusions signifiées le 19 juillet 2021, demande à la Cour de :

- la recevoir en sa demande et l'y déclarer bien fondée,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement,

- déclarer la société Picard Surgelés entièrement responsable de sa chute le 9 août 2018 dans son établissement de [Localité 9],

- commettre tel médecin-expert qu'il plaira au tribunal [sic] nommer, avec mission classique en la matière,

- condamner la société Picard Surgelés à lui payer une provision de 10.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

- condamner la société Picard Surgelés à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Picard Surgelés aux entiers dépens.

La CPAM, dans ses dernières conclusions signifiées le 9 juillet 2021, demande à la Cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

- dire que la société Picard Surgelés a engagé sa responsabilité,

- condamner la société Picard Surgelés à lui payer la somme de 4.833,27 euros à parfaire, avec intérêt au taux légal de la signification de ses conclusions, le tout à concurrence de l'indemnité qui sera mise à la charge du tiers responsable sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elle a pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel,

- condamner la société Picard Surgelés à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Picard Surgelés aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Anne-Laure Archambault de la SELAS Mathieu & Associés.

La société Picard Surgelés, dans ses dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2021, demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [B] et la CPAM de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre,

- condamner Madame [B] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [B] et la CPAM aux dépens,

A titre subsidiaire, si la Cour devait infirmer le jugement de première instance et juger qu'elle est responsable de la chute de Madame [B],

- lui donner acte de ses plus expresses protestations et réserves quant à l'expertise sollicitée qui sera ordonnée aux frais avancés de Madame [B] et confiée à tel médecin orthopédiste qu'il plaira à la Cour, avec une mission classique de type Dintilhac,

- dire que l'expert devra adresser aux parties un pré-rapport sur lequel ces dernières disposeront d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour faire valoir leurs observations,

- débouter Madame [B] de sa demande de provision (et à tout le moins, en réduire le montant à de plus justes proportions),

- dire que le recours subrogatoire de la CPAM s'exercera poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elle a pris en charge et présentant un lien de causalité direct et certain avec le dommage,

- dire que les intérêts au taux légal courront à compter de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner Madame [B] et la CPAM à lui régler, chacune, une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Madame [B] et la CPAM de leur demande à ce titre,

- condamner Madame [B] et la CPAM aux dépens.

*

Par messages des 14 septembre 2021, 9 mai et 19 juin 2023 et 12 février 2024, via le RPVA, le greffe de la Cour a rappelé aux parties l'obligation d'acquitter un droit de 225 euros, prévu par les articles 1635 bis P du code général des impôts et 963 du code de procédure civile.

Le conseil de la société Picard Surgelés a justifié avoir le 12 mai 2021 acquis ledit timbre fiscal.

Le conseil de la CPAM a justifié avoir procédé à l'acquisition de ce timbre par deux fois, le 30 mai 2023 et le 12 mars 2024.

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 21 février 2024, l'affaire plaidée le 2 mai 2024 et mise en délibéré au 20 juin 2024.

Par message du 15 mai 2024, le greffe a à nouveau demandé au conseil de Madame [B] de justifier de l'acquittement de son timbre fiscal.

Par message du 15 mai 2024, le conseil de Madame [B] a indiqué accepter « de prendre à son compte le timbre fiscal versé en surnuméraire » par le conseil de la CPAM.

Motifs

L'ensemble des parties à l'instance justifie avoir acquitté le droit dû au titre de l'instance d'appel. Les recours de Madame [B] et de la CPAM sont en conséquence recevables, en application de l'article 963 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de la société Picard Surgelés

Les premiers juges ont d'abord écarté l'applicabilité en l'espèce de l'article L421-3 du code de la consommation et examiné la responsabilité de la société Picard Surgelés sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil. En l'absence d'élément sur les circonstances de l'accident de Madame [B], ils ont estimé qu'il n'était pas établi que le sol et le tapis de la société Picard Surgelés aient été, même partiellement, les instruments du dommage subi par l'intéressée, qui a donc été déboutée de ses demandes indemnitaires. Le recours de la CPAM a par voie de conséquence également été rejeté.

Madame [B] reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué. Elle considère que la responsabilité de la société Picard Surgelés est engagée du fait du carrelage et du tapis qu'elle avait sous sa garde. Elle se prévaut des témoignages indirect de la caissière et direct de son mari et soutient que le sol glissant et le tapis mal positionné du magasin ont été les instruments de son dommage.

La CPAM admet que la responsabilité de la société Picard Surgelés ne peut être recherchée sur le fondement du code de la consommation, mais critique également le jugement au fond. Elle rappelle que la société Picard Surgelés est gardienne du sol qui a été la cause du dommage de Madame [B] du fait de son caractère anormal et en l'absence de toute cause exonératoire. Elle fait valoir son action subrogatoire dans les droits de Madame [B] contre le magasin.

La société Picard Surgelés considère quant à elle que le tribunal a fait une exacte application du droit en vigueur, que les griefs de Madame [B] et de la CPAM à l'encontre du jugement et de son propre argumentaire sont infondés, qu'en l'espèce, les circonstances de la chute ne sont pas établies et Madame [B] ne rapporte la preuve ni que le sol aurait été mouillé et glissant, ni que le tapis se serait trouvé dans une position anormale à l'entrée du magasin, ni du lien de causalité avec son dommage, ajoutant qu'il n'existe aucune présomption qui viendrait justifier que l'accident se serait déroulé dans les circonstances qu'elle expose.

Sur ce,

Si l'article L421-3 du code de la consommation, tel que créé par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 (antérieurement article L221-1 alinéa 1, alors abrogé) édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet pas l'exploitant d'un magasin à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle et la responsabilité de la société Picard Surgelés, alors que l'entrée dans son magasin est libre, ne peut être engagée à l'égard de Madame [B], victime d'une chute survenue dans son magasin et dont le carrelage ou un tapis seraient à l'origine, que sur le fondement de l'article 1242 du code civil.

Aux termes de cet article, la société Picard Surgelés est responsable du dommage qui est causé par le fait du sol et du tapis qu'elle a sous sa garde (garde qui n'est contestée d'aucune part), à charge pour Madame [B], alors qu'il s'agit de choses inertes, de prouver qu'elles ont été les instruments du dommage et, ainsi, qu'elles se trouvaient en situation anormale.

Le mari de Madame [B], Monsieur [F] [B], dans une attestation recevable du 14 août 2019, indique que « le jeudi 09 Août 2018 entre 17H15 - 17H45 », son épouse l'a précédé dans le magasin Picard Surgelés de [Localité 9], « et dès son entrée dans le magasin Picard, elle a chuté en glissant sur le carrelage mouillé suite à une averse et a atterri sur le tapis de sol qui se trouvait sur la gauche (') ». Le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) de Seine et Marne est intervenu pour secourir Madame [B] le 9 août 2018 à 17 heures 33. Il précise dans son attestation du 4 octobre 2018 que « l'intervention concernait une personne blessée suite à une chute de sa hauteur dans le magasin "Picard" » et que la victime était bien Madame [B].

Il est ainsi établi que le sol de l'entrée du magasin Picard Surgelés a été l'instrument du dommage.

La situation de ce sol, son caractère anormalement humide et glissant et la position anormale du tapis, le jour de la chute de Madame [B], ne sont cependant pas démontrés.

La photographie versée aux débats par Madame [B] (sa pièce n°3), sans date ni lieu certains, n'a en effet aucune valeur probante et ne peut apporter cette preuve.

Madame [B] verse ensuite aux débats une attestation de Madame [R] [P] du 6 mars 2019, qui indique avoir le 9 août 2018 vers 17 heures entendu un cri et ensuite constaté que l'intéressée était allongée sur le sol, sans avoir été le témoin direct de la chute, dont les circonstances ne sont ainsi pas établies. L'attestation doit en outre et en tout état de cause être écartée des débats, n'étant pas accompagnée de la pièce d'identité de son auteur en méconnaissance des dispositions de l'article 202 du code civil.

Il est ajouté que dans son attestation précitée, l'époux de Madame [B] n'affirme pas avoir été le témoin direct de sa chute, ainsi que l'ont observé les premiers juges. Il expose par ailleurs que l'arrivée de Madame [B] dans le magasin faisait suite à une averse, mais la pluviométrie de cette journée n'est pas établie devant la Cour. Ensuite, l'humidité du sol de l'entrée d'un établissement directement ouvert sur l'extérieur un jour de pluie ne caractérise pas en soi son caractère anormal, faute d'élément sur la présence excessive d'eau et la dangerosité effective du sol. Aucun élément, enfin, n'est donné concernant un emplacement ou une position anormale du tapis dans l'entrée du magasin.

Le premiers juges, en l'absence d'élément sur l'anormalité du sol et du tapis dans l'entrée du magasin sur lequel Madame [B] est tombée le 9 août 2018, ont en conséquence à juste titre écarté la responsabilité de la société Picard Surgelés et débouté Madame [B] de ses demandes indemnitaires et la CPAM de son recours subrogatoire.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ses dispositions principales.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de Madame [B] et, en équité, débouté la société Picard Surgelés de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles.

Madame [B] et la CPAM succombant en leur recours seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Tenues aux dépens, Madame [B] et la CPAM seront condamnées in solidum, et non chacune, à payer à la société Picard Surgelés la somme équitable de 1.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces condamnations emportent le rejet des demandes présentées à ces titres par Madame [B] et la CPAM.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant au jugement,

Condamne in solidum Madame [G] [U], épouse [B], et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine et Marne aux dépens d'appel,

Condamne in solidum Madame [G] [U], épouse [B], et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Seine et Marne à payer la somme de 1.500 euros à la SAS Picard Surgelés en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/08617
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.08617 ?
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