La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°19/08075

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 20 juin 2024, 19/08075


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 20 JUIN 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08075 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALTL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09001





APPELANTE



Madame [S] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me

Tristan SOULARD, avocat au barreau de PARIS







INTIMES



SAS KIROS DISTRIBUTION Prise en la personne de son représentant légal,

domicilié en cette qualité audit siège ( en redressement judiciai...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 20 JUIN 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08075 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALTL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09001

APPELANTE

Madame [S] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Tristan SOULARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

SAS KIROS DISTRIBUTION Prise en la personne de son représentant légal,

domicilié en cette qualité audit siège ( en redressement judiciaire)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

N° SIRET : 808 26 5 8 88

Représentée par Me Benoît BRUGUIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0761

SELARL AJRS Prise en la personne de Maître [F] [H], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, désigné par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 27 mai 2021.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Benoît BRUGUIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0761

SELAFA MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES 'MJA' Prise en la personne de Maître [M] [Y], en qualité de liquidateur de la SAS KIROS DISTRIBUTION

désigné par jugement de liquidation judiciaire du Tribunal de commerce de PARIS du 11 mai 2023

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Benoît BRUGUIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0761

CGEA IDF AGS OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'ayant constitué ni avocat ni défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de Chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Gwenaelle LEDOIGT Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

- réputé contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame LEDOIGT Gwenaelle, Présidente de Chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [S] [O] a été engagée par la société Kiros distribution, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 septembre 2015, en qualité de vendeuse.

La salariée exerçait ses fonctions au sein du magasin Printemps [9] sur la commune du [Localité 6].

Ayant constaté à son arrivée, l'absence d'un responsable de magasin, ce dont elle a informé l'employeur, Mme [O] a été promue, dès le 1er octobre 2015, "responsable du point de vente" et a obtenu une augmentation de sa rémunération.

La société Kiros distribution exploite l'enseigne "Carre Y" qui commercialise des bijoux au sein de plusieurs grands magasins en Île-de-France et en province, sous la forme de points de vente.

Le 23 février 2017, la salariée a été sanctionnée par un avertissement pour avoir été absente de manière injustifiée le 21 décembre 2016.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective du commerce de gros de l'habillement, de la mercerie, de la chaussure et du jouet du 13 mars 1969, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 738,46 euros.

Le 12 mai 2017, la salariée s'est vu notifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, libellé dans les termes suivants :

"Nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants :

- Absence injustifiée du 21 avril 2017

Le vendredi 21 avril, alors que vous étiez censée travailler toute la journée seule sur le stand, vous nous avez envoyé un mail à 8:30 le matin pour nous annoncer que vous n'alliez pas venir travailler pour cause de migraine et que vous alliez nous tenir au courant. Nous n'avons pas eu de vos nouvelles ni ce jour ni le lendemain et l'absence reste injustifiée. Ce n'est pourtant pas la première fois que vous ne venez pas travailler et que vous ne justifiez pas vos absences, perturbant de fait le fonctionnement de l'entreprise

- Absence injustifiée du 22 avril 2017

Toujours sans nouvelles de votre part le 24 avril, nous vous avons appelé sur le stand et vous nous avez dit que vous n'avez pas donné de nouvelles le vendredi 21 car vous êtes venue sur le stand le samedi 22 et que vous êtes uniquement restée 3 heures car vous ne vous sentiez pas bien. Or il n'y a aucun pointage de votre part pour le samedi 22 avril, celui-ci étant obligatoire (alors que vos autres jours de présence vous pointez) et personne dans le magasin ne vous a vu. Quand votre collègue est arrivée vers 14h, l'ordinateur n'était pas allumé et les tiroirs du stand étaient toujours fermés, comme s'il n'y avait eu personne avant elle sur le stand. Selon vos dires, vous êtes bien venue en magasin à votre prise de poste à 10h, vous est allée laisser vos affaires , fait un passage rapide sur le stand mais comme vous ne vous sentiez pas bien vous êtes partie en salle de repos ou vous vous êtes endormie.

Au réveil, trois heures plus tard n'allant pas mieux, vous avez pris vos affaires et êtes repartie chez vous, n'informant personne dans le Printemps, ni votre employeur. Vous deviez faire une journée de 7 heures, or vous ne nous avez encore une fois apporté aucune justification.

Nous vous avons déjà convoqué pour des faits similaires le 12 janvier ayant donné lieu à un premier avertissement.

Vous aviez alors reconnu avoir menti sur votre supposée présence".

Le 3 août 2017, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et solliciter des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, exécution déloyale du contrat de travail et suppression de la prime sur objectifs.

Le 7 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa section Commerce, a débouté la salariée de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a débouté la société Kiros distribution de sa demande reconventionnelle.

Par un jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société Kiros distribution. Le 27 mai 2021, le tribunal de commerce a arrêté un plan de continuation. Le 11 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire de la société en désignant la SELAFA MJA en qualité de mandataire liquidateur.

Par déclaration du 15 juillet 2019, Mme [O] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification à une date non déterminable.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 26 août 2023, aux termes desquelles

Mme [O] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

- fixer le salaire de référence brut mensuel à hauteur de 1 738,46 euros

- juger que l'employeur a gravement manqué à son obligation de préservation de la santé et de la sécurité en omettant de donner à la salariée les moyens nécessaires à l'exécution de ses fonctions

pour lui assurer des temps de repos quotidiens et hebdomadaires suffisants

- juger que l'employeur a placé Madame [O] en situation de sous-effectif pendant plusieurs mois entraînant une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé

En conséquence,

- fixer au passif de la société Kiros distribution à payer à Madame [O] la somme de 10 430,76 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 4121-1 du code du travail

- juger que l'employeur a remis un chèque sans provision à Madame [O] au mois d'août 2016 la privant de toute rémunération pendant plusieurs semaines

- juger que l'employeur a demandé à Madame [O] d'exercer des fonctions non prévues par son contrat de travail, notamment le transport de marchandises

- juger par conséquent que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail pendant toute la durée des relations contractuelles

En conséquence,

- fixer au passif de la société Kiros distribution à payer à Madame [O] la somme de 10 430,76 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail.

- constater que la prime sur objectifs disparaît des bulletins de salaire à compter du 1er février 2017

- juger que l'employeur a unilatéralement supprimé un élément de salaire contractuel

En conséquence,

- fixer au passif de la société Kiros distribution à payer à Madame [O] la somme de 5 215,38 euros (3 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil

- juger que l'employeur ne justifie d'aucun motif valable, réel et sérieux de licenciement

- juger que le licenciement est abusif

En conséquence,

- fixer au passif de la société Kiros distribution à payer à Madame [O] la somme de 10 430,76 euros (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail

- condamner la société Kiros distribution à fournir à Madame [O] :

* un solde de tout compte conforme à l'arrêt à intervenir

* une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt à intervenir

Le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

- condamner la société Kiros distribution à payer :

* les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme), au bénéfice de Madame [O],

conformément à l'article 1343-2 du code civil

* la somme de 3 000 euros au profit de Madame [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* les entiers dépens, en particulier les frais de signification de la déclaration d'appel et des écritures d'appelant, ainsi que les éventuels frais d'exécution.

- ordonner l'inscription de l'ensemble des condamnations sur le relevé de créances salariales de Madame [O]

- enjoindre au mandataire sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé quinze jours à compter de la notification, d'établir le relevé de créance salariale et de formuler la demande d'avance auprès de l'AGS- CGEA IDF Ouest et de se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte

- juger que l'AGS - CGEA IDF Ouest devra garantir les sommes inscrites sur le relevé de créances salariales dans la limite de six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage conformément aux dispositions de l'article D 3253-5 du code du travail

- ordonner en toutes hypothèses le jugement commun et opposable à l'AGS-CGEA IDF Ouest.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 27 juillet 2023, aux termes desquelles la société Kiros distribution et la SELAFA MJA en qualité de mandataire liquidateur demandent à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris du 07 juin 2019

En conséquence,

- débouter Madame [S] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner Madame [S] [O] à verser à la société Kiros distribution la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Madame [S] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'AGS-CGEA IDF Ouest assignée en intervention forcée le 21 août 2023 n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la suppression de la prime sur objectifs

Mme [O] fait grief à l'employeur d'avoir supprimé, au 1er janvier 2017, la prime sur objectifs qu'elle percevait jusqu'à cette date et d'avoir ainsi modifié, unilatéralement, un élément substantiel de son contrat de travail, à savoir sa rémunération.

En conséquence elle sollicite une somme de 5 215,38 euros, équivalent à trois mois de salaire, en réparation du préjudice financier subi.

La cour rappelle que l'article 7 du contrat de travail de la salariée prévoyait qu'elle bénéficierait d'une rémunération variable "en fonction des objectifs fixés et revus tous les trois mois". Or, l'employeur justifie que la salariée n'a pas rempli les objectifs qui lui avaient été fixés en janvier 2017, pour ce mois et les mois de février et mars 2017 (pièces 12 et 13). C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

2/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Outre la suppression sans explication de sa prime sur objectifs, la salariée appelante reproche à l'employeur de l'avoir contrainte à exercer des missions qui n'étaient pas prévues à son contrat de travail comme la récupération de marchandises au siège de la société ou dans son magasin principal du Printemps Haussmann pour les ramener sur le site du [Localité 6], ainsi qu'en attestent deux anciennes collègues (pièces 11, 12). Mme [O] précise que les biens commercialisés par la société Kiros distribution étant des bijoux, ces transports présentaient des risques pour sa sécurité sans que l'employeur n'ait prévu de dispositif de protection.

La salariée appelante dénonce l'absence de mention sur ses bulletins de salaire, entre septembre 2015 et mai 2017, de toutes les heures de travail effectuées. L'employeur n'a pas non plus décompté l'ensemble des dimanches travaillés pour calculer les jours de repos à récupérer et il lui a remis au titre du mois d'août 2016, un chèque sans provision ce qui a eu pour effet de la priver de rémunération pendant plusieurs semaines.

Considérant que la société Kiros distribution a failli à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, Mme [O] revendique une somme de 10 430,76 euros, correspondant à six mois de salaire, en réparation du préjudice subi.

Le mandataire liquidateur répond que le rejet des chèques pour le paiement du salaire d'août 2016, consécutif à un problème de flux de trésorerie à cette date, a concerné tous les salariés et que cette situation a été régularisée en seulement six jours.

S'agissant de l'obligation qui aurait été faite à la salariée de récupérer de la marchandise au siège de la société, le mandataire liquidateur souligne que c'est la salariée elle-même qui a proposé de venir rechercher son réassort au magasin du Printemps Haussmann où elle se rendait régulièrement pour des raisons personnelles (pièce 14). D'ailleurs, il est justifié que la société, Kiros distribution faisait livrer les marchandises par transporteur sur le site de [9] (pièce 22).

Concernant les griefs relatifs aux dimanches travaillés n'ayant pas donné lieu à des jours de récupération, le mandataire liquidateur rappelle que l'employeur pouvait soit pratiquer une majoration de 200 % pour ces journées soit accorder un jour de récupération. Or, tous les dimanches travaillés ont été payés double à Mme [O] comme en atteste la lecture de ses fiches de paye (pièce 3 salariée).

En cet état, la cour retient que les deux attestations que Mme [O] verse aux débats pour justifier des transports de marchandises qui lui auraient été demandés par l'employeur ne font qu'évoquer le fait qu'elle effectuait des "allers-retours" entre [7] à [Localité 8] et le magasin [9] du [Localité 6], sans préciser leur fréquence, ni leur motif. Ce grief n'est donc pas établi. La salariée ne précise pas le nombre d'heures supplémentaires qu'elle aurait été amenée à accomplir. Cette absence de précision ne permet pas à l'employeur de répondre sur cette demande, ni à la cour de considérer que la salariée a effectué des heures supplémentaires non rémunérées. S'agissant des dimanches travaillés, l'appelante ne s'explique pas davantage sur les dimanches qui n'auraient pas donné lieu à une prise en compte financière ou en terme de récupération et la lecture des bulletins de paie de la salariée atteste du paiement avec une majoration de 200 % des dimanches travaillés.

S'agissant du chèque non provisionné remis en paiement du salaire du mois d'août 2016,

Mme [O] ne justifie pas d'une mauvaise foi de la part de l'employeur, ni d'un préjudice distinct de la perte de salaire qui a été régularisée quelques jours plus tard.

En l'absence de manquements constitutifs d'une exécution déloyale du contrat de travail, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires de ce chef.

3/ Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [O] explique qu'elle s'est régulièrement trouvée soumise à une surcharge de travail et à l'obligation d'accomplir des heures supplémentaires en raison d'un manque d'effectif dans son point de vente. Ainsi, alors qu'en octobre 2015 deux salariées en contrat à durée indéterminée et une salariée en contrat en alternance travaillaient au magasin du [Localité 6], l'effectif s'est ensuite trouvé réduit à deux salariées. En août 2016, elle s'est même retrouvée seule pour gérer le commerce en raison des congés des autres salariés alors que le point de vente était ouvert sept jours sur sept, sans interruption, de 10 heures à 21 heures. Mme [O] produit aux débats les témoignages de trois anciennes collègues qui confirment qu'il lui arrivait fréquemment d'être seule pour couvrir cette amplitude horaire (pièces 11, 12, 21). Si elle a pu obtenir en octobre 2016 l'embauche d'une troisième salariée à temps partiel, le départ à la mi-avril 2017 de la seconde salariée à temps plein a généré une nouvelle situation de sous-effectif.

La salariée avance que cette situation dégradée, l'augmentation de sa charge de travail et le non-respect par l'employeur de ses temps de repos caractérisent un manquement de la société KIros à son obligation de sécurité et de prévention. À cet égard, elle rappelle que l'employeur a aussi tardé à organiser sa visite médicale d'embauche puisque celle-ci n'est intervenue qu'un an après la signature de son contrat de travail. Or, les conditions de travail qui lui ont été imposées ont eu un retentissement sur son état de santé et se sont traduites par plusieurs arrêts de travail.

Mme [O] réclame, donc, une somme de 10 430,76 euros, correspondant à six mois de salaire, à titre de dommages-intérêts.

Le mandataire liquidateur objecte que la salariée ne s'est jamais plainte d'une surcharge de travail ou d'une situation de sous-effectif durant la relation contractuelle et il soutient que c'est uniquement à l'occasion de deux journées au mois d'août 2016, que l'appelante s'est retrouvée seule pour tenir le point de vente. Il constate, en outre, que les fiches de pointages versées aux débats par la salariée font ressortir qu'elle travaillait moins que la durée légale prévue à son contrat de travail (pièce 23 salariée). Le mandataire liquidateur relève que les attestations d'anciennes collègues de Mme [O] ne sont pas toujours accompagnées des cartes d'identité des attestantes et qu'elles évoquent des faits vagues non susceptibles de caractériser une faute de la part de l'employeur. Il demande donc, dans le corps de ses écritures, que les attestations irrégulières soient rejetées.

Enfin, le mandataire liquidateur mentionne que, contrairement à ce qui est allégué par la salariée, elle n'a jamais été placée en arrêt maladie à la fin de l'année 2016.

La cour constate, comme les mandataires liquidateurs, que les attestations versées aux débats sont imprécises puisqu'elles ne mentionnent ni les dates, ni la fréquence des journées durant lesquelles la salariée aurait été confrontrée à une amplitude horaire de 10h00 à 21h00. De surcroît, l'amplitude alléguée par la salariée ne se retrouve pas dans les relevés de badgeage qu'elle verse elle-même aux débats. Il n'est pas davantage établi que la salariée aurait été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises en raison d'une retard dans l'organisation de sa visite médicale d'embauche et d'une surcharge de travail puisque le seul arrêt de travail produit est daté du 13 mai 2017, soit le lendemain de la notification du licenciement.

En cet état, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

4/ Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient, néanmoins, à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à la salariée :

- une absence injustifiée le 21 avril 2017. Avant sa prise de fonction la salariée a signalé qu'elle ne viendrait pas travailler pour cause de migraine mais elle n'a pas adressé de certificat médical pour justifier de ce motif contrairement à l'obligation découlant de son contrat de travail

- une absence injustifiée le 22 avril 2017, la salariée n'étant pas venue travailler comme en atteste son relevé de pointage (pièce 20). Sa collègue a d'ailleurs trouvé le stand fermé lorsqu'elle est arrivée à 14 heures (pièce 21). Or Mme [O] n'a fourni aucun justificatif expliquant son absence.

Le mandataire liquidateur ajoute que la salariée s'était déjà absentée sans justificatif en juin et décembre 2016 (pièces 9, 10), notamment durant la période des fêtes de fin d'année, ce qui avait entraîné un signalement du manager du Printemps [9] auprès de l'employeur pour lui rappeler qu'une telle attitude dégradait l'image de son enseigne (pièce 17).

Une vendeuse s'était, également, plainte des absences de la salariée à cette même époque (pièce 18), ce qui avait entraîné la notification à la salariée d'un avertissement le 23 février 2017.

Mme [O] objecte que le 21 avril 2017, elle a été victime d'une très forte migraine à son réveil et qu'elle a immédiatement informé l'employeur par courriel, ainsi que la Directrice des Ressources Humaines de la société qu'elle ne pourrait être présente sur le point de vente. La salariée soutient que son absence était motivée par son état de santé et produit un certificat de médical du 13 mai 2017 pour en attester. Le lendemain, contrairement à ce que prétend l'employeur, elle s'est bien présentée au magasin Printemps [9] mais, comme elle était toujours souffrante, elle a dû aller s'installer en salle de repos. Elle a ensuite attendu l'arrivée d'une deuxième vendeuse pour rentrer chez elle. La salariée verse aux débats les attestations de deux collègues qui étaient présentes le 22 avril 2017 et qui ont constaté qu'elle se trouvait bien sur son lieu de travail dans la matinée (pièces 19, 24) et elle précise qu'elle avait communiqué l'identité de ces témoins à l'employeur avant la notification de son licenciement mais qu'il n'a pas souhaité en tenir compte.

Enfin, Mme [D] [R] (pièce 10), une salariée du Printemps, l'ayant remplacée à son stand dans l'après-midi du 22 avril 2017, il est faux de prétendre, d'après Mme [O], qu'une autre salariée l'aurait trouvé fermé à 14h00.

Mme [O] observe que l'employeur est mal fondé à évoquer le caractère répété de ses absences pour motiver son licenciement puisque ses absences du mois de décembre 2016 avaient déjà été sanctionnées par un avertissement irrégulier dans sa forme.

La cour constate que s'agissant de l'absence du 21 avril 2017, Mme [O] n'établit par aucune pièce ni avoir prévenu l'employeur de son absence sur son lieu de travail, ni lui avoir adressé un certificat médical justifiant d'un problème de santé. Or, l'article 10 du contrat de travail de l'appelante stipulait : « La salariée informera dès que possible la société en cas de maladie et/ou d'accident la rendant indisponible et lui adressera sous (48) heures, le certificat médical justifiant son absence ». Le seul arrêt de travail produit par la salariée est daté du 13 mai 2017, soit postérieur de 20 jours à l'absence de la salariée. Le premier grief tiré de l'absence injustifié de la salariée sur son lieu de travail le 21 avril 2017 est donc caractérisé.

S'agissant des faits du 22 avril 2017, si l'appelante produit des attestations qui témoignent de sa présence sur son lieu de travail dans la matinée, il n'est pas contesté qu'elle n'était plus présente sur place dans l'après-midi sans qu'elle démontre avoir avisé sa hiérarchie et sans qu'elle ne verse aux débats un justificatif pour cette absence.

La salariée n'ayant pas sollicité l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié le 23 février 2017 pour des faits de même nature, l'employeur pouvait parfaitement l'évoquer dans la lettre de licenciement pour souligner la réitération de comportements fautifs de Mme [O]. Celle-ci justifie, également, le licenciement de la salariée pour cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

5/ Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

Mme [O] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [O] de l'intégralité de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne Mme [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/08075
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;19.08075 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award