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20/06/2024 | FRANCE | N°18/19247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 20 juin 2024, 18/19247


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 20 JUIN 2024



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19247 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G7Z



Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juillet 2018 - tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 14/00787



APPELANTS



Madame [E] [K]

Née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité

10] (MARTINIQUE)

[Adresse 11]

[Localité 10] (MARTINIQUE)

Représentée par Me Johnson MAPANG de la SELEURL JM LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2147

Ayant pour avocat...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 20 JUIN 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19247 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G7Z

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 juillet 2018 - tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 14/00787

APPELANTS

Madame [E] [K]

Née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10] (MARTINIQUE)

[Adresse 11]

[Localité 10] (MARTINIQUE)

Représentée par Me Johnson MAPANG de la SELEURL JM LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2147

Ayant pour avocat plaidant Me Virginie DUBOIS-NICOLAS, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMEES

S.A.M.C.V. MAIF

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie JANET de la SCP BLUMBERG & JANET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249

Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine ZAYAN, substitué à l'audience par Me Dominique DUFAU, avocats au barreau de PARIS

Société AREAS DOMMAGES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1216

CAISSE GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE PORT DE FRANCE

[Adresse 14]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 septembre 2007, Mme [E] [K], née le [Date naissance 1] 1957 et alors âgée de 50 ans, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel étaient impliqués deux véhicules terrestres à moteur, le premier conduit par Mme [W] et assuré auprès de la société Assurplus, devenue la société Areas par changement de dénomination, et le second conduit par M. [F] et assuré auprès de la société MAIF.

Les deux assureurs n'ont pas contesté le droit à indemnisation de la victime.

Par ordonnance de référé en date du 25 juillet 2008, le docteur [D] [V] a été désigné en qualité d'expert pour examiner Mme [K]. Il a clos son rapport le 26 mars 2012.

Par jugement du 19 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a, avant dire droit, ordonné une nouvelle expertise confiée au Docteur [P] [N], neurologue, et condamné la société MAIF et la société Areas in solidum à payer à Mme [K] une indemnité provisionnelle de 100 000 euros.

Le Docteur [N] a établi son rapport définitif le 5 décembre 2016.

Mme [K] et son curateur, M. [I] [A], ont sollicité auprès du juge de la mise en état la réouverture des opérations d'expertise et un complément d'expertise afin, notamment, de faire compléter par l'expert ses réponses relatives à l'état antérieur, aux séquelles fonctionnelles imputables à l'accident et à l'assistance par tierce personne et préciser si les fuites urinaires peuvent trouver leur explication dans la prise de psychotropes pour le syndrome dépressif chronique et/ou dans les atteintes organiques subies par la victime.

Par ordonnance du 27 juin 2017, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent, en soulignant que la demande s'analysait en une demande de complément d'expertise ou de contre-expertise relevant de la compétence du juge du fond.

Par jugement du 3 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que le droit à indemnisation de Mme [E] [K] des suites de l'accident de la circulation survenu le 7 septembre 2007 est entier,

- rejeté la demande de contre-expertise,

- constaté que les demandeurs ne formulent pas de demandes indemnitaires,

- constaté que la société MAIF ne conteste pas devoir indemniser l'entier préjudice résultant de l'accident précité pour Mme [E] [K],

- déclaré le jugement commun à la caisse générale de sécurité sociale de Martinique,

- condamné Mme [E] [K] et M. [I] [A] aux dépens,

- rejeté la demande formée par la société Areas au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 30 juillet 2018, Mme [K], assistée de son curateur, M. [A], a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de contre-expertise,

- constaté que les demandeurs ne formulaient pas de demandes indemnitaires,

- condamné Mme [K] et M. [A] aux dépens.

Par arrêt en date du 6 juillet 2020, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 juillet 2018 en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise et condamné Mme [K] et M. [A] aux dépens,

Statuant à nouveau,

- ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au Docteur [B] [R] avec la mission définie dans le dispositif de sa décision,

- déclaré le présent arrêt commun à la Caisse générale de sécurité sociale de Martinique,

- condamné la société MAIF aux dépens de première instance et d'appel,

- condamné la société MAIF à payer à Mme [K] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande présentée sur le même fondement par la société Areas.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en ouverture de rapport de Mme [K], notifiées le 14 août 2023, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

- condamner la société MAIF à payer à Mme [K] en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 07 septembre 2007 les indemnités suivantes :

Au titre des préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

* dépenses de santé actuelles : en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dire la caisse générale de sécurité sociale qui a intégralement financé ce poste, subrogée dans les droits de la victime à hauteur de 19 124,21 euros, Mme [K] ne pouvant prétendre à aucun paiement direct de ce chef,

* frais divers : 185 060 euros

* perte de gains professionnels actuels : 418 790, 42 euros

Préjudices patrimoniaux après consolidation

*pertes de gains professionnels futurs : 375 183, 38 euros

* incidence professionnelle :

- à titre principal : 229 158, 76 euros

- à titre subsidiaire : 345 828, 77 euros

*tierce personne après consolidation : 349 424, 21 euros

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux

Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation 

* déficit fonctionnel temporaire : 33 290 euros

* souffrances endurées : 35 000 euros

* préjudice esthétique avant consolidation : 4 000 euros

Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation

* déficit fonctionnel permanent : 65 450 euros

* préjudice esthétique permanent : 4 000 euros

* préjudice d'agrément : 6 000 euros

Sur tous les chefs

- liquider en capital la totalité des indemnités fixées à l'avantage de Mme [K],

- condamner la société MAIF à payer à Mme [K] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MAIF aux entiers dépens dont distraction à l'avantage de la SELARL Nicolas & Dubois qui en a fait l'avance.

Vu les conclusions en ouverture de rapport de la société MAIF, notifiées le 7 février 2024, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

- déclarer Mme [K] recevable mais mal fondée en ses demandes,

En conséquence,

- fixer les préjudices subis par Mme [K] comme suit :

Préjudices patrimoniaux temporaires

* dépenses de santé actuelles : néant

* frais divers :

- assistance médecin conseil : 4 340 euros

- tierce personne avant consolidation : 160 640 euros

* perte de gains professionnels actuels (PGPA) : rejet

Préjudices patrimoniaux permanents

* perte de gains professionnels futurs (PGPF) :

- à titre principal : rejet

- à titre subsidiaire : faire sommation à Mme [K] de communiquer les pièces suivantes : ses avis d'impositions des années 2004 à 2007 avant l'accident (septembre 2007), ses avis d'imposition de 2008 à ce jour, un relevé de carrière complet afin de déterminer les périodes d'emploi de Mme [K] et ses éventuels droits à la retraire,

- à titre infiniment subsidiaire : 167 831, 74 euros

¿ PGPF échus (arrêté au 25 mai 2024) : 24 547,21 euros

¿ PGPF à échoir :

- jusqu'à l'âge de la retraite : 10 833,43 euros

- pertes de droits à la retraite : 132 451,10 euros

* incidence professionnelle :

- débouter Mme [K] de ses demandes, tant principales que subsidiaires fondées sur la pénibilité accrue de la dévalorisation sur le marché du travail,

- statuer de ce que de droit sur l'offre présentée par la société MAIF au titre de l'abandon du métier antérieur et du dés'uvrement professionnelle

¿ offre : 4 000 euros

*tierce personne après consolidation (ATP): 349 424, 21 euros

¿ ATP échues (jusqu'au 25 mai 2024) : 23 580 euros

¿ ATP à échoir : 325 844, 51 euros

Préjudices extra-patrimoniaux

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

*déficit fonctionnel temporaire : 33 290 euros

*souffrances endurées : 30 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

*déficit fonctionnel permanent : 65 450 euros

* préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

* préjudice d'agrément : rejet

- juger que du montant des sommes à revenir à Mme [K] devront être retranchées les provisions d'ores et déjà versées par la société MAIF à hauteur de 278 000 euros,

En tout état de cause,

- ramener à de plus justes proportions la demande présentée par Mme [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La société Areas, à l'égard de laquelle aucune prétention n'était formulée, n'a pas conclu en ouverture de rapport.

La Caisse générale de sécurité sociale de Martinique (la CGSS de Martinique), bien que destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 28 décembre 2018 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la capacité à agir de Mme [K]

Mme [K] expose que la mesure de curatelle renforcée ordonnée à son égard par le tribunal d'instance de Fort-de-France par jugement du 31 mai 2013 pour une durée de 60 mois a pris fin le 31 mai 2018 et que cette mesure de protection n'a pas été renouvelée.

S'il résulte des dispositions de l'article 443 du code civil que la mesure de curatelle prend fin, en l'absence de renouvellement, à l'expiration du délai fixé, Mme [K] ne produit aucun justificatif permettant d'étayer son affirmation selon laquelle la mesure de protection dont elle bénéficiait n'a pas été reconduite, alors qu'il est fait état dans le rapport d'expertise du Docteur [R] en date du 17 août 2022, de la présence de M. [A], désigné par l'expert comme étant le curateur de Mme [K].

M. [A] ayant relevé appel du jugement déféré en qualité de curateur de Mme [K], et ayant constitué avocat, il convient de fixer les préjudices de Mme [K] et avant dire droit sur les modalités de leur versement, d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter Mme [K] à produire un extrait d'acte de naissance récent permettant de vérifier la radiation de la mention portée en marge de cet acte à la suite de son placement sous curatelle.

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme [K]

Mme [K] a fait l'objet de trois expertises judiciaires, la première réalisée par le Docteur [V] qui a établi plusieurs rapports, la seconde par le Docteur [N], et la dernière, ordonnée par la cour dans son arrêt du 6 juillet 2020, par le Docteur [R].

Selon le certificat médical initial, établi le 10 septembre 2007 et retranscrit par le Docteur [R] dans son rapport d'expertise, Mme [K] a présenté, à la suite de l'accident, un traumatisme crânio-cervical, avec hernie discale C3/C4, responsable d'un syndrome de Brown Sequard, des douleurs lombaires avec sciatalgie prédominant à droite, des contusions des membres supérieurs et une otorragie droite ; elle a dû être opérée en urgence (dissectomie C3/C4 avec arthrodèse C3/C4).

Le Docteur [R] indique dans son rapport d'expertise du 17 août 2022, avoir retenu comme base de réflexion l'expertise précédemment réalisée par le Docteur [N] qui a conclu que ces lésions étaient bien en relation directe avec l'accident.

Le Docteur [R] a retenu l'existence d'états antérieurs en rapport avec un spondylodiscite à l'étage lombaire et un syndrome dépressif préexistant.

Il a relevé lors de son examen médical une absence complète d'utilisation du membre supérieur droit.

Il a retenu que Mme [K] conservait essentiellement comme séquelles un trouble de la motricité du membre supérieur droit dominant, un syndrome douloureux chronique et un retentissement sur son état psychique.

En réponse aux dires des médecins conseils de la société MAIF, il a précisé que Mme [K] présentait un syndrome douloureux somatophorme avec une composante vésico sphincterienne.

Il a conclu son rapport ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d'hospitalisation soit :

* du 7 au 17 septembre 2007 (hôpital [13] de [Localité 7])

* du 17 septembre 2007 au 8 octobre 2007 (centre de rééducation de [9])

* le 7 juillet 2008 : hôpital [15] à [Localité 12] (hôpital de jour)

* du 9 septembre 2008 au 14 novembre 2008 : hospitalisation de jour à raison de 6 journées en centre de rééducation à l'Hôpital du [6]

* du 12 au 14 octobre 2009 à l'hôpital de [8] à [Localité 12]

* le 19 octobre 2009 à l'hôpital [15]

* du 25 au 29 octobre 2009 à l'hôpital de [8]

* le 12 septembre 2012 à l'Hôpital [15]

* du 13 au 16 mars 2013 à l'hôpital de [8]

* le 2 avril 2014 dans l'unité anxiété-dépression du CHU de [Localité 7]

* du 28 septembre 2015 au 9 octobre 2015 à l'hôpital de semaine - service de rééducation à [Localité 7]

* hospitalisation de jour au CHU de [Localité 7] à compter du 16 novembre 2021 (durée non précisée)

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 40 % jusqu'à la date de consolidation

- consolidation au 25 octobre 2021

- souffrances endurées : 5/7

- préjudice esthétique : 2/7 en raison de la cicatrice chirurgicale et de l'immobilité du membre supérieur droit

- déficit fonctionnel permanent : 35 %

- préjudice sexuel : « a priori non, mais il y a des pathologies locales qui le rendent possible et qui ne sont pas en relation avec le fait accidentel »

- préjudice d'agrément : l'intéressée ne déclare pas avoir eu, avant l'accident, d'activité sportive ou de loisir spécifique ; elle ne peut s'adonner à une quelconque activité sportive ou de loisir nécessitant les membres inférieurs,

- assistance temporaire par une tierce personne : 6 heures par jour hors hospitalisation

- assistance permanente par une tierce personne : 4 heures par jour

- retentissement professionnel : « la victime pourrait reprendre une activité dans son domaine de compétence, sur un poste adapté, en fauteuil roulant, sans déplacement, et probablement à temps partiel du fait des nécessités thérapeutiques et des répercussions psychologiques de l'accident »,

- soins postérieurs à la consolidation :

* 50 séances de kinésithérapie d'entretien par an

* renouvellement des thérapeutiques antalgiques et des soins psychiatriques.

- besoin d'assistance par une tierce personne : 2 heures par jour à titre viager :

* une heure par jour par une tierce personne spécialisée pour les sondages urinaires

* une heure « d'assistance familiale », pour la préparation des repas.

- dépenses de santé futures : « Dans le futur il sera nécessaire qu'elle [Mme [K]] soit suivie par des médecins en particulier, spécialisés dans le domaine de la douleur et psychiatres, kinésithérapie d'entretien sur la base d'une heure par semaine »

A la question : « Donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité par la victime de reprendre une activité professionnelle quelle qu'elle soit», le Docteur [R] a répondu : « C'est impossible, elle ne peut pas continuer à s'adonner au sport et activités qu'elle déclare avoir pratiqué. »

Ce rapport sur lequel se fondent Mme [K] et la société MAIF, constitue, sous les réserves qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice subi, à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1957, de sa situation professionnelle antérieure à l'accident (discutée par les parties), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale, en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Le préjudice devant être évalué à la date à laquelle le juge statue, le barème de capitalisation utilisé par la cour sera, conformément à l'accord des parties sur ce point, celui publié par la Gazette du palais du 31 octobre 2022, avec un taux d'intérêts de 0 %, qui est le plus approprié comme reposant sur les données démographiques, économiques et monétaires les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Il est constitué, en l'espèce, des frais médicaux pris en charge par la CGSS de Martinique dont le montant s'élève à la somme de 19 124,21 euros au vu du décompte définitif de créance établi le 15 juin 2023, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Frais divers

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [L], médecin conseil, soit au vu de la facture du 17 août 2022, la somme justifiée de 4 340 euros que la société MAIF ne conteste pas devoir indemniser, s'agissant d'une dépense rendue nécessaire par l'accident.

- Assistance temporaire par une tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le besoin d'assistance temporaire par une tierce personne de la victime directe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Si l'expert ne s'est pas expressément prononcé sur le besoin d'assistance temporaire par une tierce personne de Mme [K], avant la date de consolidation, les parties s'accordent pour retenir un besoin en aide humaine de 2 heures par jour.

Elles s'accordent également sur le décompte des jours pendant lesquels cette assistance a été nécessaire, soit pendant 5 020 jours.

Elles s'opposent, en revanche sur le tarif horaire à retenir, Mme [K] réclamant une indemnité d'un montant de 180 720 euros, calculée sur la base d'un taux horaire de 18 euros et la société MAIF proposant d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 160 640 euros, calculée en retenant un coût horaire moyen de 16 euros.

Sur ce, en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise, et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 euros, conformément à la demande de Mme [K].

L'indemnité de tierce personne temporaire s'établit ainsi à la somme de 180 720 euros (5 020 jours x 2 heures x 18 euros).

- Perte de gains professionnels actuels

Mme [K] rappelle que le Docteur [R] a mentionné dans son rapport qu'au moment des faits elle ne travaillait plus, mais qu'elle avait suivi des formations en vue de créer une entreprise de fabrication de moustiquaires en aluminium et que ce projet était déjà bien avancé.

Elle précise qu'elle a bénéficié en vue de la création de cette entreprise d'une formation auprès de la chambre des métiers, attestée par le récépissé d'accueil du 7 décembre 2006 et la convocation à l'entretien individuel de fin de stage en date du 30 mars 2007, qu'elle a participé le 15 mars 2007 au « rendez-vous de la création d'entreprise », organisé par l'agence pour le développement économique de la Martinique, et qu'elle était accompagnée dans la réalisation de son projet, depuis le mois de mars 2007, par la société IDE.

Elle ajoute qu'elle avait souscrit un prêt solidaire permettant aux porteurs de projets de disposer des fonds nécessaires au démarrage de leur activité et qu'elle avait conclu le 24 avril 2007 un bail commercial prenant effet au 1er juillet 2007.

Elle expose que l'accident dont elle a été victime le 7 septembre 2007 l'a définitivement exclue du monde du travail et a mis un terme à tous ses projets professionnels.

Elle estime ainsi établi qu'elle a subi une perte de gains professionnels qu'elle demande à voir indemniser sur la base des revenus mentionnés, au titre de l'année 2007, dans un document établi par l'Assurance Retraite de Martinique, soit la somme de 18 784,64 euros.

Exposant n'avoir travaillé que 248 jours au cours de l'année 2007, entre le 1er janvier 2007 et le 6 septembre 2007, date de l'accident, elle considère que le revenu de référence à prendre en considération pour indemniser sa perte de gains professionnels actuels doit être fixé sur la base d'un salaire journalier de 75,74 euros, soit 2 272,33 euros par mois.

Elle réclame ainsi en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 418 790,42 euros.

La société MAIF objecte qu'il ressort des déclarations faites par Mme [K] au cours des opérations d'expertise réalisées par le Docteur [N] qu'elle a cessé toute activité professionnelle depuis la naissance de ses filles jumelles en 1988, ce qui s'explique par l'existence d'une pathologie antérieure au niveau lombaire constatée par le Docteur [R] et par une fragilité psychologique à tendance dépressive depuis la naissance de ses filles, dont l'une présente des troubles neurologiques et du comportement.

Elle estime ainsi établi que Mme [K], en dehors de son récent projet professionnel de création d'une entreprise de fabrication de moustiquaires en aluminium, n'avait pas repris d'activité professionnelle depuis 1988.

Elle ajoute que Mme [K] ne produit pas ses avis d'imposition des trois dernières années précédant l'accident, ni l'avis d'imposition de l'année 2008 au titre des revenus de l'année 2007.

Elle considère que le document, non daté, établi par l'Assurance Retraite de Martinique dont on ne peut tirer aucune information fiable, ne permet ni de prouver l'existence d'une activité salariée antérieure à l'accident, ni de déterminer un revenu de référence.

Elle souligne alors qu'à la suite de l'accident, il est démontré que Mme [K] ne pouvait plus exercer d'activité professionnelle, ce document fait apparaître un revenu de 11 062,37 euros.

S'agissant du projet de création d'une entreprise de fabrication de moustiquaires en aluminium, elle soutient que la perte de gains professionnels actuels ne peut concerner ni une perte hypothétique ni des revenus espérés et que Mme [K] qui ne travaillait pas lors de la survenance du fait dommageable doit être déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de ce poste de préjudice.

Sur ce, le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels vise à indemniser non seulement la perte ou la diminution de revenus causée par l'accident pendant la période antérieure à la consolidation mais également les pertes de chance de gains professionnels que la victime directe a subies pendant cette période.

Il convient d'observer que Mme [K] a fourni des informations divergentes sur sa situation professionnelle antérieure à l'accident aux différents experts qui l'ont examinée.

Ainsi le Docteur[V] indique dans les conclusions de son rapport définitif en date du 26 mars 2012 que la victime lui a signalé qu'avant son accident, elle travaillait à la caisse d'allocation familiale à raison de neuf mois sur douze et avait pour projet de créer une entreprise de fabrication de moustiquaires en aluminium.

Le Docteur [N], dans la rubrique de son rapport consacrée à la situation socio-familiale et professionnelle de la victime, mentionne que Mme [K] a travaillé pendant sept ans auprès de la caisse d'allocation familiale en tant qu'opératrice de saisie et qu'elle a cessé cette activité à la naissance de ses jumelles en 1988.

Il précise qu'au moment de l'accident « en 1997 » (sic), elle ne travaillait plus mais avait effectué de nombreuses formations et obtenu un prêt en vue de créer une entreprise de fabrication de moustiquaires en aluminium dont le projet était déjà bien avancé.

Les données consignées par les experts sur le parcours professionnel de la victime avant l'accident ne sont pas concordantes sur la date à laquelle elle a cessé d'exercer une activité salariée, le Docteur [V] ayant relevé, comme mentionné plus haut, que la victime lui avait signalé qu'avant son accident, elle travaillait à la caisse d'allocation familiale à raison de neuf mois sur douze, alors que le Docteur [N] mentionne qu'elle a arrêté de travailler pour cet organisme à la naissance de ses jumelles en 1988.

Mme [K] verse aux débats la notification par une agence locale de la CGSS des éléments ayant permis de calculer sa pension de retraite de base d'un montant brut mensuel de 216,50 euros à compter du 1er août 2019 (pièce n° 8).

Il convient d'observer que, compte tenu de son année de naissance en 1957, Mme [K] pouvait faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 62 ans, âge qu'elle a atteint le 18 juillet 2019.

Il résulte, en outre, des avis d'imposition au titre des revenus des années 2019 à 2021 versés aux débats (pièce n° 9-8), que Mme [K] bénéfice effectivement depuis le 1er août 2019 d'une pension de retraite dont le montant figure sur ces documents.

Dans la notification faite à Mme [K] de sa pension de retraite de base, il est rappelé que son montant a été déterminé selon les revenus reportés sur son relevé de carrière, que son revenu de base de 8 061,17 euros correspond à la moyenne de ses revenus annuels revalorisés, qu'elle bénéficie d'une retraite au taux de 50 % [taux plein] en raison de son inaptitude au travail, que sa durée d'assurance pour les activités qu'elle a pu exercer en tant que salarié, salarié agricole, artisan ou commerçant en France correspond à 107 trimestres, et que sa pension de retraite, calculée selon la formule suivante (revenu de base x taux x durée d'assurance / 166 trimestres) s'élève à la somme de 216,50 euros brut par mois.

Ce document qui recense sous forme de tableau les revenus annuels revalorisés des 16 années prises en compte pour la détermination du revenu servant de base au calcul de la pension de retraite de Mme [K], mentionne un revenu annuel revalorisé d'un montant de 17 902,28 euros en 2005, de 18 548,61 euros en 2006, de 18 784,64 euros en 2007 et de 11 062,27 euros en 2008.

Selon ces données, Mme [K] a perçu en 2008, première année entière postérieure à l'accident du 7 septembre 2007, des salaires ayant donné lieu au versement de cotisations, alors que selon l'avis des Docteurs [N] et [R], elle était inapte à reprendre une activité professionnelle.

Toutefois, ce seul constat ne permet pas d'écarter comme étant dénuées de fiabilité toutes les données relatives aux revenus de Mme [K] prises en compte pour le calcul de sa pension de retraite de base, lesquelles doivent cependant être corroborées par la production de ses avis d'imposition au titre des revenus des années 2005, 2006, 2007, et 2008, de son relevé de carrière et de tout justificatif permettant de déterminer la nature des revenus perçus (salaires, indemnités journalières, revenus liés à la création de son entreprise de fabrication de moustiquaire en aluminium pour laquelle elle a souscrit un bail commercial de 9 ans prenant effet le 1er juillet 2017).

Par ailleurs, les rémunérations brutes prises en considération pour le calcul du montant brut de la pension de retraite de base de Mme [K] ne peuvent, en tout état de cause, être retenues comme revenu de référence pour l'indemnisation de ce poste de préjudice, alors que la perte de gains professionnels de la victime directe correspond à sa perte de revenus nets.

Au vu de ces éléments, la cour ne disposant pas des éléments d'information nécessaires pour statuer sur la demande d'indemnisation de Mme [K] au titre de poste de préjudice, il convient d'ordonner la réouverture des débats afin de l'inviter à produire les pièces indispensables à l'examen de la demande, tel qu'énumérées dans le dispositif du présent arrêt.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Assistance permanente par une tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, le besoin d'assistance par une tierce personne de la victime directe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Mme [K] et la société MAIF s'accordent pour évaluer ce poste de préjudice à la somme de 349 424,21 euros qui sera retenue par la cour.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Il peut inclure dans certaines circonstances la perte de droits à la retraite, bien que ce préjudice soit en principe une composante de l'incidence professionnelle.

Mme [K] réclame en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 375 183,38 euros calculée sur la base du même revenu de référence de 2 272,33 euros que pour l'évaluation de sa perte de gains professionnels actuels, avec capitalisation selon un euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de 67 ans, âge auquel elle aurait fait valoir ses droits à la retraite sans la survenance de l'accident.

La société MAIF conclut au rejet de cette demande, en relevant que Mme [K] n'a exercé aucune activité rémunérée pendant quasiment 20 ans depuis la naissance de ses filles, qu'elle a suivi quelques formations à la fin de l'année 2006 et au début de l'année 2007 pour créer sa propre entreprise, que le bail commercial qu'elle a signé prenait effet au 1er juillet 2007, que l'accident est survenu le 7 septembre 2007, et qu'elle avait un important état antérieur non imputable à l'accident.

Elle ajoute qu'aucun élément tangible de rémunération n'est fourni, permettant de déterminer un salaire de référence.

A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit fait sommation de Mme [K] de produire ses avis d'imposition des années 2004 à 2007, ses avis d'imposition de 2008 à ce jour, et un relevé de carrière complet afin de déterminer les périodes d'emploi de Mme [K] et ses éventuels droits à la retraite.

A titre infiniment subsidiaire, elle propose de retenir une perte de chance évaluée à 65 % de percevoir un salaire équivalent au SMIC et chiffre la perte de gains professionnels et la perte de droits à la retraite de Mme [K] à la somme de 167 831,74 euros.

Sur ce, s'il est établi que Mme [K] est inapte à exercer toute activité professionnelle depuis la date de consolidation, le 25 octobre 2021, comme l'a relevé le Docteur [R] dans son rapport d'expertise, il convient pour évaluer son préjudice de déterminer sa situation professionnelle antérieure à l'accident et les revenus qu'elle percevait.

Or, pour les mêmes motifs que ceux énoncés s'agissant du poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels, la cour ne dispose pas des éléments nécessaires pour se prononcer sur ces points.

Il convient ainsi d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter Mme [K] à produire les pièces indispensables à l'examen de la demande, tel qu'énumérées dans le dispositif du présent arrêt.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap. Il inclut, lorsqu'il n'est pas indemnisé au titre de la perte de gains professionnels futurs, la perte de droits à la retraite. Il indemnise également le sentiment de dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Mme [K] expose que l'incidence professionnelle qu'elle subit est caractérisée par son lourd handicap qui lui interdit d'exercer une activité professionnelle, et en tout état de cause par une pénibilité accrue et une dévalorisation sur le marché du travail.

Elle réclame au titre de ce poste de préjudice, à titre principal, une indemnité de 229 158,76 euros calculée en fonction du salaire de référence de 2 272,33 euros, multiplié par le taux de déficit fonctionnel permanent de 35 % retenu par l'expert, en distinguant les arrérages échus et les arrérages à échoir qu'elle capitalise de manière viagère pour prendre en compte sa perte de droits à la retraite.

A titre subsidiaire, elle sollicite une indemnité d'un montant de 345 828,77 euros, également calculée en fonction du salaire de référence de 2 272,33 euros, pondérée par le taux de déficit fonctionnel permanent et capitalisée en fonction d'un euro de rente viagère pour une femme âgée de 50 ans à la date de l'accident.

La société MAIF conclut à titre principal au rejet de la demande, en relevant que Mme [K], inapte à tout emploi, ne peut se prévaloir d'une pénibilité accrue dans l'exercice d'une provision, ni d'une dévalorisation sur le marché du travail.

Elle offre, à titre subsidiaire, de verser à Mme [K] une indemnité de 4 000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Sur ce, si Mme [K], dont le Docteur [R] a retenu qu'elle était dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle et qui a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er août 2019 ne peut se prévaloir d'une pénibilité accrue ou d'une dévalorisation sur le marché du travail, elle invoque également son exclusion du monde du travail en raison de l'importance de son handicap ainsi qu'un préjudice de retraite.

L'existence d'une perte de gains professionnels, si elle est établie, induisant corrélativement une perte de droits à la retraite, il convient pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter Mme [K] à produire les pièces indispensables à l'examen de sa demande d'indemnisation au titre des postes de préjudice liés à la perte de gains professionnels actuels et futurs.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, y compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel.

Mme [K] et la société MAIF s'accordent pour évaluer ce poste de préjudice à la somme de 33 290 euros qui sera retenue par la cour.

- Souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés que la victime endure pendant la maladie traumatique.

Il y a lieu de tenir compte pour évaluer ce poste de préjudice, côté 5/7 par le Docteur [R], du traumatisme initial, des souffrances physiques et psychiques induites par les différentes lésions imputables à l'accident, de l'intervention chirurgicale par arthrodèse, des multiples hospitalisations, et de la longue rééducation.

Au vu de ces éléments, ce préjudice sera évalué à la somme de 35 000 euros, conformément à la demande de Mme [K].

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l'altération de l'apparence physique de la victime avant la consolidation.

Mme [K] réclame en réparation de ce préjudice une indemnité d'un montant de 4 000 euros.

La société MAIF qui fait observer que l'expert ne s'est pas prononcé sur l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, admet toutefois son existence et propose de l'évaluer à la somme de 1 500 euros.

Sur ce, si le Docteur [R] a omis de distinguer entre le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent, retenant seulement un préjudice esthétique en rapport avec la cicatrice chirurgicale et l'immobilité du membre supérieur droit, évalué à 2/7, il est établi, au vu des constatations faites par l'expert que l'apparence physique de la victime a été altérée par les contusions au niveau des membres supérieurs constatées dans le certificat médical initial, par la cicatrice liée à l'intervention chirurgicale pratiquée en urgence à la suite de son traumatisme cervical, décrite dans un certificat médical en date du 27 septembre 2007 comme étant congestionnée, et par l'immobilité du membre supérieur droit.

Compte tenu de la durée pendant laquelle ce préjudice esthétique a été subi, il est justifié de l'évaluer à la somme réclamée de 4 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Mme [K] et la société MAIF s'accordent pour indemniser le déficit fonctionnel permanent de Mme [K], dont le taux a été fixé par le Docteur [R] à 35 %, à la somme de 65 450 euros qui sera retenue par la cour.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l'altération de l'apparence physique de la victime avant la consolidation.

Ce préjudice, coté 2/7, par l'expert est caractérisé par la cicatrice chirurgicale dont le Docteur [R] a relevé qu'elle mesurait 4 centimètres et était à peine visible, mais surtout par l'immobilité du membre supérieur droit de Mme [K], altérant de manière significative son apparence aux yeux des tiers.

Au vu de ces éléments, ce préjudice sera évalué à la somme de 4 000 euros, conformément à la demande de Mme [K].

- Préjudice d'agrément

Mme [K] réclame une indemnité d'un montant de 6 000 euros au titre du préjudice d'agrément, en relevant qu'elle était une femme active, qu'elle participait avant l'accident à des activités autour des costumes et danses traditionnelles, et tenait cette passion des concours de beauté auxquels elle avait participé dans sa jeunesse.

Elle retranscrit des extraits du rapport d'expertise du Docteur [R] rapportant ses déclarations selon lesquelles elle s'occupait régulièrement de décoration florale pour des mariages, baptêmes et communions, ce qui constituait un apport financier, qu'elle pratiquait des danses traditionnelles, marchait régulièrement trois fois par semaine pendant deux heures et faisait également du sport en salle.

La société MAIF conclut au rejet de la demande en relevant que la photographie produite de Mme [K] en costume traditionnelle a été prise lorsqu'elle avait 19 ans, soit en 1976, et qu'elle ne justifie d'aucune activité sportive ou de loisir exercée à une date proche de l'accident.

Sur ce, le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Il incombe à la victime d'établir qu'elle pratiquait régulièrement une activité de cette nature avant l'accident.

En l'espèce, les seuls éléments de preuve produits par Mme [K], sont quatre clichés photographiques, le premier pris lors d'un concours de beauté alors qu'elle avait 19 ans, ainsi qu'il résulte de la mention manuscrite apposée sur ce cliché ([E] - 19 ans - miss), les deux suivants, également pris dans sa jeunesse, où on la voit se produire sur une scène en costumes traditionnels, la dernière, plus récente, où elle se trouve à proximité d'une composition florale.

Ces photographies ne suffisent pas à établir qu'elle a continué, après ses 19 ans, de pratiquer des activités de loisir autour des costumes et de la danse traditionnelle, ni qu'elle réalisait régulièrement des compositions florales, à titre de loisir.

Par ailleurs les seuls déclarations de Mme [K] lors des opérations d'expertise concernant la pratique de la marche à pied et du sport en salle ne suffisent pas à établir qu'elle s'adonnait effectivement à ces activités en l'absence de tout élément de preuve (attestations ou autres).

Mme [K] qui échoue à démontrer l'existence d'un préjudice d'agrément, sera ainsi déboutée de la demande d'indemnisation qu'elle formule à ce titre.

Sur les demandes annexes

Compte tenu de la réouverture des débats ordonnée, les dépens et les frais irrépétibles d'appel seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt 6 juillet 2020,

- Fixe comme suit les postes suivants du préjudice corporel de Mme [E] [K] consécutifs à l'accident dont elle a été victime le 7 septembre 2007 :

- frais divers : 4 340 euros

- assistance par une tierce personne avant consolidation : 180 720 euros

- assistance par une tierce personne après consolidation : 349 424,21 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 33 290 euros

- souffrances endurées : 35 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 4 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 65 450 euros

- préjudice esthétique permanent : 4 000 euros

- Rejette la demande formée par Mme [E] [K] au titre du préjudice d'agrément,

- Avant dire droit sur les demandes de Mme [E] [K] au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs et sur l'incidence professionnelle ainsi que sur les modalités de versement des indemnités allouées, ordonne la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état,

- Invite Mme [E] [K] à produire :

* un extrait d'acte de naissance récent permettant de vérifier la radiation de la mention portée en marge de cet acte à la suite de son placement sous curatelle,

* ses avis d'imposition au titre des revenus des années 2005, 2006, 2007, et 2008, son relevé de carrière et tout justificatif permettant de déterminer la nature des revenus perçus (salaires, indemnités journalières, revenus liés à la création de son entreprise de fabrication de moustiquaire en aluminium)

* ses avis d'imposition au titre des revenus des années 2009 à 2012 inclus,

- Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/19247
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;18.19247 ?
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