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19/06/2024 | FRANCE | N°23/03042

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 19 juin 2024, 23/03042


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° , 2 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03042 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSSD



Décisions déférées à la Cour : Jugement du 3 octobre 2028 rendu par le conseil des prud'hommes de Paris ; confirmé par l'arrêt du 7 avril 2021rendu par le pôle 6-6 de la cour d'appel de Paris, ca

ssé en toutes ses dispositions par arrêt du 2 mars 2023 de la chambre sociale de la Cour de Cassation.





APPELANTE



Madame [B] [X] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Repr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03042 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSSD

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 3 octobre 2028 rendu par le conseil des prud'hommes de Paris ; confirmé par l'arrêt du 7 avril 2021rendu par le pôle 6-6 de la cour d'appel de Paris, cassé en toutes ses dispositions par arrêt du 2 mars 2023 de la chambre sociale de la Cour de Cassation.

APPELANTE

Madame [B] [X] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benjamin MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 408, avocat postulant et par Me Daniel REIN avocat au barreau de PARIS, toque : B 408, avocat plaidant

INTIMEE

Société JIVE SOFTWARE LIMITED, société de droit anglais, représenté en la personne de son représentant légal

TVP2

[Adresse 2]

Royaume-Uni

Représentée par Me Markus ASSHOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : J010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne MENARD, présidente

Fabienne Rouge, présidente

Véronique MARMORAT, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne MENARD, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOS'' DU LITIGE

Madame [F] a été engagée le 29 octobre 2014 par la société Jive Sofware en qualité de 'director of channel and alliances Emea and Asia pacific', et en mai 2015, elle a été promue au poste de 'Régional Vice Président sales EMEA'. Elle percevait une rémunération moyenne brute de 30.563,39 euros.

Elle a été en congé de maternité à partir du 21 février 2016, et elle a repris son poste le 2 novembre 2016 à l'issue de ses congés annuels.

Le 15 décembre 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, à l'occasion duquel une documentation relative au CSP lui a été remise.

Trois postes de reclassement lui ont été proposés auxquels elle n'a pas donné suite, et elle a été licenciée pour motif économique le 11 janvier 2017.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 2 mars 2017 et elle a été déboutée de ses demandes par jugement du 3 octobre 2018 dont elle a interjeté appel le 9 novembre 2018.

La cour d'appel de Paris autrement composée en date du 7 avril 2021 a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions, en retenant que la salariée n'avait saisi la cour d'aucune demande d'infirmation, de réformation ou d'annulation du jugement, qui ne pouvait par conséquent qu'être confirmé.

Madame [F] s'est pourvue en cassation, et l'arrêt de la cour d'appel a été cassé par décision du 2 mars 2023.

Le 20 avril 2023, madame [F] a formé une déclaration de saisine après renvoi de cassation.

Par conclusions récapitulatives du 20 juin 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [F] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de prononcer la nullité de son licenciement, ou subsidiairement, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- d'ordonner sa réintégration sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard

- de condamner l'employeur à lui verser l'ensemble des rémunérations dont elle a été privée depuis la notification de son licenciement

- subsidiairement de condamner l'employeur au paiement de la somme de 320.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

- en tout état de cause de condamner la société Jives Software au paiement des sommes suivantes :

66.236,91 euros à titre de rappel de commissions

6.623,69 euros au titre des congés payés afférents

16.559,22 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis

1.655,92 euros au titre des congés payés afférents

3.097,89 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement

5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Par conclusions récapitulatives du 17 aout 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Jive Software Limited demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter madame [F] de ses demandes, et de la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur une éventuelle irrecevabilité de la demande de réintégration sur le fondement des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de la demande de réintégration

Aucune demande de réintégration n'avait été formée par madame [F] à l'occasion des premières conclusions déposées devant la cour d'appel, lors de sa saisine initiale.

Il résulte des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 1037 du même code que, lorsque la connaissance d'une affaire est renvoyée à une cour d'appel par la Cour de cassation, ce renvoi n'introduit pas une nouvelle instance, la cour d'appel de renvoi étant investie, dans les limites de la cassation intervenue, de l'entier litige tel que dévolu à la juridiction dont la décision a été cassée, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

Ainsi, la cassation de l'arrêt n'anéantit pas les actes et formalités de la procédure antérieure, et la cour d'appel demeure saisie des conclusions remises à la cour d'appel initialement saisie.

Il s'ensuit que le principe de concentration des prétentions résultant de l'article 910-4 s'applique devant la cour d'appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l'appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

La demande de réintégration, formée pour la première fois après cassation est par conséquent irrecevable sur le fondement des dispositions précitées.

- Sur la demande au titre des commissions

Madame [F] soutient être la seule à n'avoir bénéficié de la réduction de ses objectifs qu'à compter de son retour de congé de maternité, ce qui serait selon elle discriminatoire.

Toutefois, elle ne donne aucun élément sur les modifications d'objectifs des autres salariés auxquels elle se compare au cours du 3ème trimestre 2016 , non plus que sur les commissions qu'ils ont perçues. Elle n'étaye l'affirmation selon laquelle ils auraient vu leurs objectifs diminués dès le 3ème trimestre 2016 par aucun élément.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de rappel commission, non plus qu'aux demandes subséquentes de complément d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement.

- Sur la demande de nullité du licenciement

Madame [F] fonde sa demande de nullité sur les dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail aux termes desquelles :

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salarié lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé maternité qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa ».

Ces dispositions protectrices sont applicables non seulement à la notification du licenciement, mais également aux actes préparatoires à cette mesure, lesquels ont débuté en l'espèce par la convocation à un entretien préalable le 2 décembre 2016, soit un mois après son retour.

Le conseil de prud'hommes a retenu que le motif économique qu'il a considéré comme avéré était constitutif d'un motif grave.

L'énoncé, dans la lettre de licenciement, du motif justifiant le licenciement économique de la salariée ne suffit pas, à lui seul, à caractériser l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Il appartient à l'employeur d'expliciter en quoi sa situation économique rend impossible le maintien du contrat de travail de la salariée pour un motif non lié à son état de grossesse. Il doit donc exposer non seulement les raisons économiques, l'impact sur le poste occupé par la salariée, mais aussi préciser en quoi celles-ci l'ont placé dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pendant les périodes de protection dont elle bénéficie.

En l'espèce, la lettre de licenciement fait état dans un premier temps des difficultés économiques sérieuses qu'elle rencontre, et étaye cette affirmation par des données chiffrées. Elle indique ensuite que ces difficultés ont en lien avec une concurrence accrue sur le marché, et sur les charges d'exploitations qui pèsent sur elle. Elle précise que ses concurrents sont de grands groupes bénéficiant d'une reconnaissance internationale, qui exercent une pression sur les prix ; qu'elle est donc contrainte à des investissements entrainant une augmentation de ses charges d'exploitation. Elle conclut que comme d'autres filiales, elle n'a eu d'autre choix que de mettre en place une réduction de personnel conduisant notamment à la suppression du poste de Vice présidente régionale des ventes de madame [F]. La suite des développements concerne l'obligation de reclassement.

Il en résulte que la société Jive Software Limited, qui a licencié madame [F] durant la période de proctection liée à la grossesse, n'a pas explicité en quoi les difficultés économiques qu'elle expose ont rendu impossible le maintien du contrat de travail pendant la période de protection.

Ce défaut de respect des dispositions de l'article L1225-4 du code du travail a pour effet la nullité du licenciement.

Madame [F] avait deux années d'ancienneté lorsqu'elle a été licenciée, et elle était âgée 42 ans. Elle a retrouvé un emploi moins bien rémunéré environ six mois après la fin de son préavis. Son salaire annuel était d'environ 320.000 euros.

Au regard de ces éléments, il lui sera alloué une indemnité pour licenciement nul de 200.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare la demande de réintégration irrecevable ;

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a débouté madame [F] de sa demande de nullité de son licenciement et de sa demande subséquente d'indemnité pour licenciement nul ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Prononce la nullité du licenciement de madame [F] ;

Condamne la société Jive Software Limited à payer à madame [F] la somme de 200.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Jive Software Limited à payer à madame [F] en cause d'appel la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la société Jive Software Limited aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/03042
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.03042 ?
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