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19/06/2024 | FRANCE | N°21/21177

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 19 juin 2024, 21/21177


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21177 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYVF



Décision déférée à la Cour : jugement du 21 octobre 2021 - tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 18/04476





APPELANTE



Mutuelle GROUPAMA CENTRE MANCHE en sa qualité d'assureur de la société STAB BAT, prise en la per

sonne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, [M] au barreau de PARIS,...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21177 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYVF

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 octobre 2021 - tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 18/04476

APPELANTE

Mutuelle GROUPAMA CENTRE MANCHE en sa qualité d'assureur de la société STAB BAT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, [M] au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour [M] plaidant Kérène RUDERMANN, [M] au barreau de PARIS, substituée à l'audience par Maître Aristide CAPRA, [M] au barreau de PARIS

INTIMES

Madame [V] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, [M] au barreau de PARIS, toque : D2153

Société SMABTP en sa qualité d'assureur de la société CHANIN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, [M] au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour [M] plaidant à l'audience Maître Caroline MENGUY, [M] au barreau de PARIS

S.A. AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur des sociétés CHANIN et UNISOL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 15]

Représentée par Me Samia DIDI MOULAI de la SELAS CHETIVAUX-SIMON Société d'Avocats, [M] au barreau de PARIS, toque : C0675

Société QBE EUROPE SA/NV société de droit belge, ayant son siège social [Adresse 17] (BELGIQUE), représentée par sa succursale en France, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, [M] au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour [M] plaidant à l'audience Maître Emmanuelle PECHERE, [M] au barreau de PARIS

S.A.S. UNISOL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, [M] au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour [M] plaidant à l'audience Maître Emmanuelle PECHERE, [M] au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur [H] [A] agissant en qualité d'ayant droit et d'héritier de M. [R] [A], décédé

[Adresse 8]

[Localité 16]

Représenté par Me Marie-Hélène DUJARDIN, [M] au barreau de PARIS, toque : D2153

Madame [G] [A] agissant en qualité d'ayant droit et d'héritier de M. [R] [A], décédé

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, [M] au barreau de PARIS, toque : D2153

Société CHANIN représentée par Me [D] [I] en qualité de mandataire judiciaire de ladite société

[Adresse 7]

[Localité 14]

N'a pas constitué [M] - signification de la déclaration d'appel le 14 février 2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

M. Eric LEGRIS, président faisant fonction de conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Ludovic Jariel dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD, en présence de Clara PITON, greffière stagiaire

ARRET :

- réputé contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché, et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [Z] et [R] [A] étaient propriétaires d'une maison sis [Adresse 2] (77) qu'ils ont fait édifier en 1988, la réception ayant été prononcée le 29 juillet de cette année.

A la suite d'un phénomène de sécheresse survenu en 2003, des désordres sont apparus.

Pour y remédier, des travaux de reprises des fondations ont été réalisés au mois d'octobre 2005, faisant intervenir :

- la société Stab Bat, maître d''uvre suivant marché de travaux du 29 septembre 2005, assurée auprès de la société Groupama Centre Manche (la société Groupama), et liquidée depuis le 23 juin 2009,

- la société Chanin, titulaire du lot fondations périphériques suivant marché de travaux du 29 septembre 2005, assurée par la société Axa France IARD (la société Axa) puis par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment été des travaux publics (la SMABTP),

- la société Unisol, géotechnicien, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) puis par la société QBE insurance Europe limited.

Aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé.

De nouveaux désordres sont apparus, en lien avec des remontées d'humidité. A la demande de la société GMF, assureur multirisques habitation de Mme [Z] et de [R] [A], la société Eurexo a réalisé une expertise amiable en 2013.

Suivant ordonnance du 15 avril 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, a, à la demande de Mme [Z] et [R] [A], ordonné une expertise, au contradictoire de la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, de la société Chanin et de son assureur, la société Axa.

M. [Y] a été désigné pour y procéder.

Les opérations d'expertise ont, par la suite, été rendues communes à la société GMF, la société Unisol, et la SMABTP par différentes ordonnances de référé.

Par un jugement du tribunal de commerce d'Evry, en date du 2 juillet 2018, la société Chanin a été placée en liquidation judiciaire et Me [I] a été désigné en tant que liquidateur.

Le 10 juillet 2018, l'expert a déposé son rapport.

Par actes du 19 octobre 2018, Mme [Z] et [R] [A], assisté de son curateur, ont, en lecture du rapport, assigné, en indemnisation de leurs préjudices, la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, la société Chanin, la société Axa, assureur de la société Chanin, la SMABTP, assureur de la société Chanin, la société Unisol et la société GMF aux fins de réparation de leurs préjudices.

Par acte du 4 février 2019, la société Unisol a assigné la société Axa, son assureur, en garantie.

Par acte du 8 mars 2019, la société Axa a assigné la société QBE insurance Europe limited, assureur de la société Unisol, en garantie.

Les trois affaires ont été jointes.

La société QBE Europe, venue aux droits de la société QBE insurance Europe limited, est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a statué en ces termes :

Donne acte à la société QBE Europe SA/NV de son intervention volontaire à l'instance,

Déclare irrecevable l'action de Mme [Z] et [R] [A] à l'encontre de la société Chanin,

Déclare irrecevable les demandes en garantie de la société Unisol et de la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à l'encontre de la société Chanin,

Déclare irrecevable comme forclose l'action de Mme [Z] et [R] [A] à l'encontre de la SMABTP, assureur de la société Chanin, de la société Unisol, et de la société Axa France, en qualité d'assureur de la société Unisol,

Déclare recevable l'action en garantie de la société Axa, en qualité d'assureur de la société Chanin, à l'encontre de la SMABTP,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [Z] et [R] [A] à l'encontre de la société GMF,

Rejette l'appel en garantie de la société Unisol à l'encontre de la société GMF,

Condamne in solidum la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, et la société Axa, assureur de la société Chanin, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 263 371,00 euros (deux-cent soixante-trois mille trois cent soixante-onze euros) TTC, avec réactualisation selon l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE au 10 juillet 2018, date du dépôt du rapport d'expertise,

Rejette les demandes de Mme [Z] et [R] [A] à l'encontre de la société Axa, en qualité d'assureur de la société Chanin, au titre des frais annexes, de la perte de surface et du préjudice moral,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et [R] [A] la somme de 33 666,60 euros (trente-trois mille six cent soixante-six euros soixante centimes) TTC au titre des frais annexes,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et [R] [A] la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) au titre de la perte de surface,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [V] [Z] et [R] [A] chacun la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre du préjudice moral,

Dit que la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, ne peut pas opposer sa franchise à Mme [Z] et [R] [A], y compris s'agissant des garanties complémentaires,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à relever et garantir indemne la société Axa des indemnités versées à Mme [Z] et [R] [A],

Rejette la demande de la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, tendant à condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Unisol et ses assureurs, les sociétés Axa et QBE, ainsi que la société Chanin et ses assureurs, la société Axa et la SMABTP, à relever et garantir la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, de toute condamnation prononcée à son encontre à la demande de Mme [Z] et [R] [A],

Condamne Mme [Z] et [R] [A] à payer à la société GMF la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, et la société Axa, assureur de la société Chanin, à payer la somme de 10 000 euros (dix mille euros) à Mme [Z] et [R] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] et [R] [A] à payer à la société GMF la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de la société Axa et la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à l'encontre de Mme [Z] et [R] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes de Mme [Z] et [R] [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la SMABTP, la société Chanin et la société Unisol,

Condamne Mme [Z] et [R] [A] à payer à la société GMF la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [Z] et [R] [A] à payer à la société Unisol la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [Z] et [R] [A] à payer à la SMABTP la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des procédures en référé expertise et le coût de l'expertise judiciaire, avec recouvrement direct par Me [J] pour les dépens concernant la société GMF, par Me [W] pour ceux concernant la SMABTP, par Me Pechere pour ceux concernant la société Unisol et son assureur, la société QBE, par Me [N] pour ceux concernant la société Axa, au titre de l'article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 2 décembre 2021, la société Groupama, en qualité d'assureur de la société Stab Bat, a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- la SMABTP,

- la société Axa, en qualité d'assureur de la société Chanin,

- la société Axa, en qualité d'assureur de la société Unisol,

- la société QBE Europe,

- Mme [Z],

- [R] [A],

- la société Chanin,

- la société Unisol.

Le 9 décembre 2021, [R] [A] est décédé.

Par conclusions en date du 14 février 2022, ses ayants droit, M. [H] [A] et Mme [G] [A] sont intervenus volontairement à l'instance.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 août 2022, la société Groupama, en sa qualité d'assureur de la société Stab Bat, demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

o Fixé le montant des préjudices de Mme [Z] et M. [A] à :

- 263 371 euros au titre des travaux de reprise du pavillon

- 33 666 euros au titre des frais annexes,

-15 000 euros au titre de la perte de surface

- 5 000 euros chacun au titre du préjudice moral

o Condamné la société Groupama à indemniser le préjudice moral de Mme [Z] et M. [A],

o Ecarté l'application de la franchise en ce qui concerne les garanties complémentaires de la police souscrite auprès de Groupama,

o Jugé la société Stab Bat seule et unique responsable de la totalité des dommages subis par Mme [Z] et M. [A] et écarté l'ensemble des appels en garantie formés par la société Groupama ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

Limiter la part de responsabilité incombant à la société Stab Bat à 40 % ;

Homologuer la solution de reprise alternative proposée par la société Spirale,

Limiter le montant des préjudices consécutifs,

A titre subsidiaire,

Condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Unisol et ses assureurs, les sociétés Axa et QBE, ainsi que la société Chanin et ses assureurs, la société Axa et la SMABTP, à relever et garantir Groupama centre Manche de toute condamnation prononcée à son encontre à la demande de Mme [Z] et M. [A],

Faire droit à l'application des franchises applicables erga omnes s'agissant des garanties facultatives,

En toute hypothèse,

Rejeter toute demande dirigée contre la société Groupama au titre des frais irrépétibles et des dépens,

Condamner tous succombants à verser à la société Groupama la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Ribault.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société Chanin, demande à la cour de :

Il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Juger la SMABTP, ès qualités d'assureur de la société Chanin recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.

A titre principal :

Confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux en ce que le tribunal s'est prononcé comme suit :

" Déclare irrecevable comme forclose l'action de Mme [Z] et M. [A] à l'encontre de la SMABTP, assureur de la société Chanin, de la société Unisol, et de la société Axa, en qualité d'assureur de la société Unisol,

Condamne in solidum la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, et la société Axa, assureur de la société Chanin, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 263 371,00 euros TTC, avec réactualisation selon l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE au 10 juillet 2018, date du dépôt du rapport d'expertise,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 33 666,60 euros TTC au titre des frais annexes,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 15 000 euros au titre de la perte de surface,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] chacun la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

Rejette la demande de la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, tendant à condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Unisol et ses assureurs, les sociétés Axa et QBE, ainsi que la société Chanin et ses assureurs, la société Axa et la SMABTP, à relever et garantir la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, de toute condamnation prononcée à son encontre à la demande de Mme [Z] et M. [A],

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, aux dépens de l'instance, en ce compris le coût des procédures en référé expertise et le coût de l'expertise judiciaire, avec recouvrement direct par Me [J] pour les dépens concernant la société GMF, par Me [W] pour ceux concernant la SMABTP, par Me Pechere pour ceux concernant la société Unisol et son assureur, la société QBE, par Me [N] pour ceux concernant la société Axa, au titre de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [Z] et M. [A] à payer à la SMABTP la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile "

Si par extraordinaire, la cour d'appel de céans venait à infirmer le jugement entrepris et à retenir la responsabilité de la société Chanin dans la survenance des désordres allégués :

Juger que les désordres allégués par Mme [Z] et M. [A] sont de nature décennale.

Juger que la société Chanin était assurée au jour de la déclaration d'ouverture de chantier auprès de la société Axa.

Juger que seules les garanties de la société Axa, assureur décennal de la société Chanin auraient vocation à être mobilisées au titre des désordres allégués par Mme [Z] et M. [A]

Par conséquent :

Rejeter les appels en garantie formés par la société Groupama, ès qualités d'assureur de la société Stab-Bat, la société Unisol et son assureur la société QBE Europe SA/NV, ainsi que la société Axa comme étant mal fondés.

Rejeter tout éventuel appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP, es qualités d'assureur de la société Chanin, comme étant nécessairement mal fondé et injustifié.

Rejeter les demandes de condamnation in solidum formulées par la société Groupama, ès qualités d'assureur de la société Stab-Bat, la société Unisol et son assureur la société QBE Europe SA/NV, ainsi que la société Axa comme étant mal fondées, les conditions d'application n'étant pas réunies.

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la cour d'appel de céans venait à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SMABTP, ès qualités d'assureur de la société Chanin :

Juger que les limites et plafonds de garantie de la police souscrite par la société Chanin auprès de la SMABTP sont opposables à Mme [Z] et M. [A], ainsi qu'à tous tiers lésé au sens des dispositions de l'article L.112-6 du Code des assurances.

Condamner in solidum la société Groupama, ès qualités d'assureur de la société Stab-Bat, la société Unisol et son assureur la société QBE Europe SA /NV, et la société Axa, ès qualités d'assureur décennal de la société Chanin à intégralement relever et garantir indemne la SMABTP, ès qualités d'assureur de la société Chanin des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires.

A titre encore plus subsidiaire :

Si la cour d'appel de céans venait à retenir que les garanties de la SMABTP, ès qualités d'assureur de la société Chanin serait mobilisables au titre des frais annexes aux travaux de reprise sans que la concluante ne soit garantie par les parties requises :

Juger que la garantie de la SMABTP ne saurait excéder 20 % de la somme de 22 215,20 euros TTC retenue par l'expert judiciaire au titre de ce poste de préjudice soit la somme de 4 443,04 euros TTC.

En toute hypothèse :

Infirmer le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux en ce que le tribunal s'est prononcé comme suit :

" Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 33 666,60 euros TTC au titre des frais annexes,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] la somme de 15 000 euros au titre de la perte de surface,

Condamne la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et M. [A] chacun la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau :

Limiter le quantum des frais annexes aux travaux de reprise à la somme de 22 215,20 euros TTC, telle que retenue par l'expert judiciaire, et l'éventuelle condamnation de la SMABTP ne saurait excéder 20 % de la somme de 22 215,20 euros TTC, soit la somme de 4 443,04 euros TTC.

Débouter Mme [Z] et M. [A] de leur demande indemnitaire à hauteur de 50 000 euros au titre du préjudice moral et financier, comme étant injustifiée.

Débouter Mme [Z] et M. [A] de leur demande tendant à être déchargés du règlement de la somme de 1 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SMABTP.

Juger qu'aucune somme ne saurait être allouée à Mme [Z] et M. [A] au titre de la perte de surface, et du préjudice moral, où, à tout le moins, limiter le quantum de ces postes de préjudice à de plus justes proportions, et l'éventuelle condamnation de la SMABTP à 20 % du quantum retenu.

Condamner la société Groupama, ou toute partie succombant au paiement de la somme de 5 000 euros à la SMABTP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Schwab, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2022, Mme [Z] et M. [H] [A] et Mme [G] [A], en leur qualité d'ayant droit de [R] [A], (les consorts [Z]-[T]) demandent à la cour de :

Donner acte à M. [H] [A] et Mme [G] [A] de leur intervention dans le cadre de la présente instance en qualité d'ayant droit de [R] [A], décédé ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 21 octobre 2021 en ce qu'il a :

- condamné in solidum la Société Groupama, assureur de la société Stab bat, et la société Axa, assureur de la société Chanin à payer à Mme [Z] et à M. [A] la somme de 263 371 euros, avec réactualisation selon l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE au 10 juillet 2018, date du dépôt du rapport d'expertise,

- condamné la société Groupama au paiement des sommes suivantes :

" 33 666 euros au titre des frais annexes,

" 15 000 euros au titre de la perte de surface,

- condamné in solidum les sociétés Groupama, assureur de la société Stab bat, et Axa, assureur de la société Chanin au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le réformer en ce qu'il a condamné la société Groupama au paiement à Mme [Z] et à M. [A] la somme de 5 000 euros à chacun, au titre du préjudice moral et porter cette somme à 50 000 euros.

Donner acte à Mme [Z] et à M. [A] de ce qu'ils s'en rapportent quant au recours de la société Groupama à l'encontre de la société Unisol et de son assureur QBE Europe, et de toute autre partie.

A titre subsidiaire, si la cour devait limiter la responsabilité de la société Groupama, déclarer Mme [Z] et M. [A] recevables et bien fondés en leur appel incident et condamner in solidum les sociétés Groupama centre Manche, Axa, Unisol et QBE insurance Europe limited au paiement des sommes ci-dessus mentionnées.

Déclarer la société Groupama non fondée en ses autres demandes et la débouter.

Déclarer irrecevable et non-fondé l'appel incident formé par la SMABTP es qualités d'assureur de la société Chanin liquidée.

Faire droit à l'appel incident interjeté par Mme [Z] et M. [A] et ce faisant :

Infirmer le jugement en ce qu'il les a :

- condamnés in solidum à payer à la société Unisol la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnés in solidum à payer à la SMABTP la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Décharger Mme [Z] et M. [A] de tout paiement au profit de GMF, Unisol et SMABTP,

Condamner la société Groupama ou toute autre partie succombant à payer à Mme [Z] et à M. [A] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance incluant le coût des procédures en référé-expertise et le coût de l'expertise judiciaire, ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Dujardin.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2022, la société Axa, en sa qualité d'assureur des sociétés Chanin et Unisol, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Meaux en ce qu'il a :

- Jugé que l'action de Mme [Z] et M. [A] à l'encontre de la société Unisol et de son assureur, la société Axa est irrecevable car forclose.

- Débouté en conséquence Mme [Z] et M. [A] de leurs demandes à l'égard de la société Unisol et de son assureur la société Axa.

- Jugé que la société Axa ne peut voir sa garantie facultative des dommages immatériels mobilisée, tant au titre de la police délivrée à la société Unisol, que de celle délivrée à la société Chanin, en application des dispositions de l'article L.124-5 du code des assurances.

- Rejeté en conséquence toute demande dirigée à l'encontre de la société Axa au titre des préjudices immatériels.

- Jugé que la société Stab Bat est responsable à 100 % des dommages causés et qu'aucune part de responsabilité n'est susceptible d'être imputée aux sociétés Unisol et Chanin.

- Rejeté par conséquent toute demande dirigée à l'encontre de la société Unisol et son assureur la société Axa.

- Condamné, par ailleurs, la société Groupama, assureur de la société Stab Bat, à relever et garantir indemne la société Axa, assureur de la société Chanin, de l'ensemble des indemnités versées à Mme [Z] et M. [A].

Débouter par conséquent la société Groupama de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la concluante.

Débouter toute autre partie qui dirigerait des demandes à l'encontre de la société Axa.

A titre surabondant ou subsidiaire :

Rejeter la réclamation de Mme [Z] et M. [A] à hauteur de 50 000 euros au titre du préjudice moral ; en tout état de cause, Juger qu'elle ne saurait excéder la somme de 5 000 euros.

Juger que le risque couvert par la société Axa au titre de la garantie facultative des dommages immatériels contenue tant dans la police délivrée à la société Unisol, que celle délivrée à la société Chanin, n'est pas réalisé s'agissant des dommages-intérêts correspondant à la perte de surface de l'ouvrage et aux préjudices moral et financier sollicités par Mme [Z] et M. [A].

Juger que la part de responsabilité imputable à la société Unisol et à la société Chanin dans la survenance des désordres allégués par Mme [Z] et M. [A] ne peut être que résiduelle.

Condamner la société Unisol au paiement de sa franchise contractuelle afférente à la garantie légale à son assureur, la société Axa.

Dire et juger que la société Axa est bien fondée à opposer ses limites contractuelles, s'agissant de garanties facultatives, et notamment la franchise et le plafond de garantie.

Condamner in solidum et sous le bénéfice de l'exécution provisoire la société Groupama, assureur de la société Stab-Bat, tant au titre des préjudices matériel qu'immatériels réclamés par les demandeurs, ainsi que la société QBE Europe SA/NV, nouvel assureur de la société Unisol, et la SMABTP, nouvel assureur de la société Chanin, s'agissant des préjudices immatériels demandés par Mme [Z] et M. [A], à relever et garantir indemne la société Axa de toutes les indemnités versées à Mme [Z] et M. [A] ou à toute autre partie, et ce, en principal, intérêts, frais, capitalisation et anatocisme de ces sommes depuis leur date de versement.

En tout état de cause :

Condamner la société Groupama ou tout succombant à verser à la société Axa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Me Didi Moulai, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, la société Unisol et, son assureur, la société QBE Europe, demandent à la cour de :

Sur l'appel de Groupama

Confirmer en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie de la société Groupama à l'encontre de la société Unisol et son assureur QBE Europe SA/NV, en l'absence de faute commise par la société Unisol qui serait en lien de causalité avec la survenance des désordres.

En réponse à l'appel incident de Mme [Z] et M. [A]

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables Mme [Z] et M. [A] à agir à l'encontre de la société Unisol et son assureur QBE, en l'absence d'acte interruptif de prescription valablement délivré par leurs soins dans le délai de garantie décennale.

Confirmer le jugement en ce qu'il a limité à 5 000 euros le préjudice moral de Mme [Z] d'une part, et M. [A] d'autre part.

Rejeter leur appel incident.

A titre subsidiaire, si la cour réforme le jugement

Juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la société QBE Europe SA/NV au-delà de ses limites contractuelles de garantie opposables aux tiers (risques couverts, exclusions, plafond et franchise), QBE n'étant concernée que par les dommages relevant des garanties facultatives.

Condamner in solidum la société Axa, assureur décennal de la société Unisol, la SMABTP et Axa assureurs de l'entreprise Chanin en liquidation, et la société Groupama, à garantir et relever indemne la société Unisol et son assureur QBE Europe SA/NV de l'ensemble des condamnations mises à leur charge, en principal, intérêts et frais.

Condamner in solidum la société Axa, assureur décennal de la société Unisol, la SMABTP et Axa assureurs de l'entreprise Chanin en liquidation et la société Groupama, subsidiairement tout succombant, à verser à la société Unisol la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager pour assurer sa défense dans le cadre de la présente procédure, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Baechlin.

Débouter toutes parties de toutes demandes contraires aux présentes.

Me [I], qui, en sa qualité de liquidateur de la société Chanin, a reçu signification à sa personne de la déclaration d'appel le 14 février 2022, n'a pas constitué [M].

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 mars 2024 et l'affaire a ensuite été appelée à l'audience du même jour, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la portée de l'appel interjeté par la société Groupama, ès qualités

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 954 de ce code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel.

Il est établi qu'il résulte, d'une part, des articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, d'autre part, des articles 542 et 954 du même code que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement (2e Civ., 14 septembre 2023, pourvoi n° 20-18.169, publié au Bulletin).

Au cas d'espèce, dans sa déclaration d'appel, la société Groupama a sollicité l'annulation du jugement ou la réformation de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions, elle sollicite, dans la partie discussion, l'annulation du jugement mais ne reprend pas une telle prétention dans leur dispositif, au sein duquel il n'est plus sollicité que l'infirmation de plusieurs chefs de dispositif qu'elle énumère.

Par suite, la cour constate que l'appel de la société Groupama ne tend plus à l'annulation du jugement. Partant, elle n'examinera pas les moyens au soutien d'une telle annulation non finalement demandée.

Sur la part de responsabilité revenant à la société Stab Bat

Moyens des parties

La société Groupama, ès qualités, soutient que c'est à tort que le tribunal n'a pas tenu compte du partage de responsabilités retenu par l'expert, soit 40 %, pour la société Unisol, et 20 %, pour la société Chanin.

A cet égard, elle souligne que la société Unisol, après avoir constaté la présence d'eau avant quatre mètres de profondeur, aurait dû préconiser la mise en place d'un drain et que ce manquement a, ensuite, affecté le dossier de consultation des entreprises réalisé par la société Stab Bat.

Elle ajoute que la société Chanin n'a alerté ni le maître d''uvre ni le géotechnicien relativement tant à l'absence de drainage qu'à la présence d'une nappe phréatique lors des travaux.

En réponse, la société Unisol et la société QBE, son assureur, relèvent que l'expert a déposé son rapport sans tenir compte de la mise en cause tardive de la première société, laquelle n'a pu faire valoir ses arguments, notamment s'agissant du périmètre de ses missions.

A cet égard, elles soulignent que seules des missions de type G0 et G52 lui ont été confiées à l'exclusion de toute mission de type G2, au cours de laquelle se serait posée la question du drainage.

En tout état de cause, elles ajoutent que la construction d'origine, telle qu'examinée par la société Unisol était dotée d'un drainage qui fonctionnait et que c'est la reprise en sous-'uvre qui, postérieurement, l'a rendu inefficace.

Elles en déduisent qu'il appartenait à la société Stab Bat, seule en charge de la conception des reprises en sous-'uvre, de préserver l'efficacité du système de drainage.

La société Axa, ès qualités, fait valoir qu'aucune part de responsabilité ne doit être laissée aux sociétés Unisol et Chanin dès lors, d'une part, s'agissant de la première, que la mise en 'uvre d'un système de drainage relève d'une mission G2 qui ne lui a pas été confiée, d'autre part, s'agissant de la seconde, que, simple exécutante, elle ne peut être tenue responsable de défauts de conception.

La SMABTP, ès qualités, relève qu'il n'appartenait pas à la société Chanin, simple exécutant qui n'a matériellement pas pu constater la présence d'eau lors de ses travaux, d'alerter le maître d''uvre sur l'absence de conception d'un système de drainage.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement pas son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Selon l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Aux termes de l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence en raison de la date du marché, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

Il est établi que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-15.645, Bulletin civil 2002, III, n° 86 ; 3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23). Il suppose la preuve d'une faute en lien de causalité avec le dommage (3e Civ., 25 novembre 1998, pourvoi n° 97-11.408, Bull. 1998, III, n° 221).

Au cas d'espèce, la cour rappelle, à titre liminaire, qu'il ressort du rapport d'expertise que les travaux en cause ont consisté dans la réparation et la rigidification des fondations de la maison par un système de longrines de rigidification dotées de réservations PVC pour micropieux éventuels ultérieurs.

Selon les constatations de l'expert, les désordres en cause consistent en une dégradation des parois intérieures du rez-de-chaussée de l'habitation par des remontées importantes d'humidité, en de forts taux d'humidité de ces parois et en un décollement, dans la salle de douche, du carrelage sur le socle de la douche et sur les murs.

Selon l'analyse de l'expert, les sociétés Unisol et Stab Bat n'auraient pas pris en compte les problèmes périphériques de l'eau en ne préconisant aucun drainage périmétrique, de sorte que la reprise en sous-'uvre consistant dans une longrine de 1,60 m de profondeur fait barrage au sens de l'écoulement de l'eau, une nappe phréatique étant située sous le pavillon, provoquant les remontées d'humidité par capillarité en raison de l'eau piégée sous la maison.

L'expert indique également que la société Chanin aurait rencontré la nappe phréatique pendant ses travaux mais n'aurait pas alerté les sociétés Unisol et Stab Bat et retient que les travaux exécutés ne seraient pas conformes aux règles de l'art, le renforcement des structures ayant été préconisé et réalisé sans prendre en compte la nature du sol et les fluctuations des eaux du terrain.

S'agissant de la part de responsabilité incombant à chacune de ces sociétés, l'expert retient que la société Stab Bat serait responsable à hauteur de 40 %, tout comme la société Unisol, tandis que la société Chanin serait responsable des désordres à hauteur de 20 %.

Il explique que la société Stab Bat aurait établi un dossier incomplet ne prenant pas en compte la nature du sol, les fluctuations des eaux du terrain et ne prescrivant aucun drainage périmétrique.

S'agissant de la société Unisol, l'expert indique qu'en application de sa mission G52, celle-ci a décrit les fondations à réaliser en prévoyant une longrine descendue vers 1,60 m de profondeur minimum sans mentionner de solution de drainage, alors qu'elle avait une parfaite connaissance des terrains et fluctuations d'eau.

S'agissant de la société Chanin, l'expert indique que celle-ci, spécialisée dans les travaux de reprise des fondations, avait tous les documents en sa possession, et aurait de ce fait dû alerter les autres entreprises de l'absence de drainage, ce qu'elle n'aurait pas fait.

La société Groupama reproche au tribunal ne peut avoir homologué les conclusions de l'expert.

A titre liminaire, il sera rappelé que, conformément aux termes de l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.

S'agissant de la société Unisol, comme le tribunal l'a exactement relevé, il ne lui a pas été confié de mission de type G2, dont l'objet consiste justement, selon les prescriptions de la norme NF P 94-500, en l'établissement de notes techniques donnant les méthodes d'exécution s'agissant notamment des dispositions spécifiques à prendre vis-à-vis des nappes et, qu'en tout état de cause, les rapports G0 et G52 ont été établis alors que, selon le rapport de la société Botte réalisé lors des opérations d'expertise, il existait un drainage qui jouait son rôle.

Il s'en infère que la société Unisol n'a pas commis de faute dans l'exécution de ses missions.

S'agissant de la société Chanin, comme le tribunal l'a exactement relevé, n'ayant pas, comme cela a été établi lors des opérations d'expertise, creusé à plus de 1,60 mètre de profondeurs, elle n'a pu rencontrer, lors de ses travaux, la nappe phréatique située, selon le rapport Unisol, à 3,40 et 4 mètres de profondeurs, de sorte que, tenue, en présence d'un maître d''uvre et d'un géotechnicien, au rôle d'exécutant, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir signalé une présence d'eau qu'elle n'a pu découvrir ni, en l'absence d'alerte ou de difficultés rencontrées, d'avoir remis en cause les travaux tels que conçus par le maître d''uvre.

Par ailleurs, les fondations par elle réalisées, comme le reconnaît d'ailleurs la société Groupama, ne présente pas de défaut.

Il s'en infère que la société Chanin n'a pas commis de faute dans l'exécution de ses missions.

Par suite, la société Stab Bat qui, chargée d'une mission complète de conception et de suivi des travaux, a conçu ceux-ci, sans solliciter, au vu de la nature des sols dont elle était informée par le rapport G52 de la société Unisol, de celle-ci une étude de type G2, et donc sans tenir compte de possibles remontées d'eau et de la nécessité de préserver le système de drainage existant ou d'en concevoir un autre du fait de l'aggravation de la contrainte au sol en raison de l'approfondissement des fondations, sera déclarée totalement responsable des dommages.

Le jugement sera confirmé de ce chef tout comme de celui ayant rejeté ses appels en garantie dès lors qu'aucune part de responsabilité n'est laissée aux sociétés Unisol et Chanin.

Sur le préjudice matériel des consorts [Z]-[T]

Moyens des parties

La société Groupama soutient que c'est à tort que tant l'expert que le tribunal n'ont pas choisi la méthode proposée par la société Spirale qui est beaucoup plus pertinente que celle retenue, proposée par la société LCCV, dès lors que cette dernière présente un coût disproportionné et ne permet pas de traiter les causes des désordres.

En réponse, les consorts [Z]-[T] font valoir que, comme celui-ci, l'a indiqué, le procédé technique choisi par l'expert est le seul permettant de traiter les causes des désordres tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison alors que, selon l'expert, l'autre solution propose d'utiliser un produit d'étanchéité incompatible avec les supports existants de la maison et n'est pas conforme au DTU 14.1.

Ils ajoutent que le fait que le coût des travaux puisse être jugé disproportionné n'est pas opérant au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice.

Réponse de la cour

Il est établi que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu (1re Civ., 9 mai 1996, pourvoi n° 94-16.114 ; 2e Civ., 13 janvier 1988, pourvoi n° 86-16.046 ; Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.837).

Dès lors, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull n° 20).

Au cas d'espèce, l'expert judiciaire a chiffré les travaux nécessaires à la réparation des désordres objets de l'expertise à hauteur de 196 959 euros HT, soit 216 654,97 euros TTC, somme à laquelle il a ajouté des honoraires de maîtrise d''uvre à hauteur de 28 362,11 euros TTC, des honoraires de bureau de contrôle à hauteur de 7 090,52 euros, ainsi que des honoraires d'étude géotechnique à hauteur de 11 263,40 euros TTC, soit un montant total de 263 371 euros TTC.

La société Groupama lui reproche de ne pas avoir retenu une méthode de réparation à un coût moindre et, selon elle, plus efficace.

Comme l'a souligné l'expert et relevé le tribunal, la solution alternative n'en est en réalité pas une dès lors que le support existant de la maison ne peut recevoir le système d'étanchéité sur laquelle elle repose.

A hauteur d'appel, la société Groupama ne produit aucun élément technique de nature à remettre en cause les conclusions expertales sur ce point.

Quant au coût de la méthode retenue par l'expert, son caractère onéreux est sans emport dès lors qu'elle permet seule, faute de réelle solution alternative, de réparer intégralement le préjudice des consorts [Z]-[T].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant total du préjudice matériel à la somme de 263 371 euros TTC.

Sur le préjudice immatériel des consorts [Z]-[T]

Moyens des parties

La société Groupama soutient que les préjudices annexes tenant à des frais de dossier, de plombage des containers et à la garantie contractuelle ne sont aucunement justifiés et qu'il en est de même s'agissant de l'indemnisation de la perte de 6 m² de surface en conséquence des travaux réparatoires.

S'agissant du préjudice moral allégué, qui doit être réduit à de plus justes proportions, il n'est pas indemnisable dès lors qu'il ne s'agit pas d'un préjudice financier au sens de la police.

Enfin, elle relève qu'elle est bien fondée, s'agissant d'une garantie facultative, à opposer sa franchise contractuelle de 10 %.

En réponse, les consorts [Z]-[T] font valoir que leurs frais annexes sont justifiés et que l'expert a confirmé que les travaux allaient engendrer une perte de surface de 6 m² au sujet de laquelle ils se rapportent à l'évaluation qu'en a donnée le tribunal.

S'agissant de leur préjudice " moral et financier ", ils relèvent qu'il n'a pas été justement évalué par le tribunal dès lors que Mme [Z] et [R] [T] ont été contraints de vivre dans le même logement alors qu'ils étaient en instance de divorce et ce dans des conditions particulièrement dégradées en raison de l'humidité ; celle-ci, d'un taux de 80 % en partie basse avec le plancher, ayant entraîné un surcoût de consommation de chauffage depuis des années.

Réponse de la cour

Il est établi que les juges sont tenus d'indemniser un préjudice dès lors qu'ils en constatent l'existence et cette réparation doit être intégrale (3e Civ., 12 janvier 2010, n° 08-19.224 ; 3e Civ., 4 juillet 2019, n° 17-27.743).

Au cas d'espèce, le préjudice découlant de la perte de surface de 6 m² du fait des travaux réparatoires est établi, de sorte qu'il doit être indemnisé, au vu des éléments produits et des faits de la cause, à la somme de 15 000 euros.

Le jugement en ce qu'il condamne la société Groupama au paiement de cette somme sera confirmé de ce chef.

S'agissant des frais annexes, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

Le jugement en ce qu'il condamne la société Groupama à leur prise en charge à hauteur de 33 666,60 euros TTC sera confirmé de ce chef.

S'agissant du préjudice " moral et financier ", son caractère moral n'est pas fondé dès lors qu'il repose sur de simples allégations, sans offre de preuve, puisque que les consorts [Z]-[T] ne produisent aucune pièce relative à la séparation de Mme [Z] et [R] [T].

En revanche, il résulte du rapport d'expertise que, du fait des désordres en cause, leur logement est, depuis 2013, affecté de forts taux d'humidité qui ont nécessairement entraîné une hausse de leur consommation de chauffage et que ce préjudice de nature financier sera, au vu des faits de la cause et notamment de la description de la maison faite dans le rapport, justement évalué à la somme de 15 000 euros.

S'agissant d'un préjudice pécuniaire consécutif aux dommages matériels, la société Groupama doit sa garantie. Elle sera donc condamnée au paiement de cette somme et le jugement sera infirmé de ce chef.

Il sera également infirmé en ce qu'il a dit que cette société ne pouvait pas opposer sa franchise y compris s'agissant des garanties complémentaires alors qu'il s'agit de garanties facultatives pour lesquelles l'assureur peut opposer au tiers victime le montant de sa franchise.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur les condamnations aux dépens et sur celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société Groupama, succombant dans la quasi-totalité de ses prétentions, sera condamnée aux dépens.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Groupama sera condamnée à verser aux consorts [Z]-[T] la somme globale de 5 000 euros, la somme de 3 000 euros à la SMABTP, la somme de 3 000 euros à la société Axa et la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Unisol et QBE Europe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Donne acte à M. [H] [A] et Mme [G] [A] de leur intervention en qualité d'ayant droit de [R] [A], décédé ;

Constate que l'appel de la société Groupama Centre Manche ne tend pas à l'annulation du jugement ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

Condamne la société Groupama Centre Manche, en sa qualité d'assureur de la société Stab Bat, à payer à Mme [Z] et [R] [A] chacun la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre du préjudice moral,

Dit que la société Groupama, ès qualités, ne peut pas, s'agissant de ses garanties complémentaires, opposer sa franchise à Mme [Z] et [R] [A] ;

L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Groupama Centre Manche, ès qualités, à payer à Mme [Z] et à M. [H] [A] et Mme [G] [A], en leur qualité d'ayant droit de [R] [A], la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice financier ;

Dit que la société Groupama, ès qualités, peut, s'agissant de ses garanties complémentaires, opposer sa franchise à Mme [Z] et à M. [H] [A] et Mme [G] [A], en leur qualité d'ayant droit de [R] [A] ;

Condamne la société Groupama Centre Manche aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Groupama Centre Manche à payer à Mme [Z] et à M. [H] [A] et Mme [G] [A], en leur qualité d'ayant droit de [R] [A], la somme globale de 5 000 euros, à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme de 3 000 euros, à la société Axa France IARD la somme de 3 000 euros et aux sociétés Unisol et QBE Europe la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes.

La greffière, La présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/21177
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.21177 ?
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