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19/06/2024 | FRANCE | N°21/09753

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 19 juin 2024, 21/09753


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09753 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXFI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01108















APPELANT



Monsieu

r [F] [K]

Né le 1er octobre 1980 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Yacine DJELLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1440







INTIMEE



S.N.C. LOUIS VUITTON SERVICES, représenté ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09753 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXFI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01108

APPELANT

Monsieur [F] [K]

Né le 1er octobre 1980 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Yacine DJELLAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1440

INTIMEE

S.N.C. LOUIS VUITTON SERVICES, représenté en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 347 662 454

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Claire MATHURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0066

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne MENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne MENARD, présidente

Fabienne Rouge, présidente

Véronique MARMORAT, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne MENARD, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOS'' DU LITIGE

Monsieur [K] a été engagé par la société Louis Vuitton le 1er mars 2009 en qualité de magasinier.

Il a été licencié pour faute grave le 14 novembre 2019, l'employeur lui reprochant des faits de harcèlement sexuel sur une salariée intérimaire de 19 ans recrutée quelques semaines plus tôt.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 7 février 2020 et a été débouté de ses demandes par jugement du 4 juin 2021 dont il a interjeté appel le 30 novembre 2021.

Par conclusions récapitulatives du 21 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, il demande à la cour d'infirmer le jugement, et de condamner la société Louis Vuitton à lui payer les sommes suivantes :

30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 28 février 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Louis Vuitton demande à la cour de confirmer le jugement, subsidiairement de limiter à 7.352,91 euros le montant de l'indemnité allouée, et de condamner monsieur [K] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

En vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur;

La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée dans les termes suivants :

'Le 14 décembre 2019, monsieur [E] [W], responsable entrepôt, a eu connaissance par ses managers d'une plainte de la part d'une collaboratrice intérimaire de 19 ans, madame [C] [J], indiquant qu'elle aurait été l'objet d'agissements sexistes de votre part.

Compte tenu de la gravité des faits exposés, son mal-être dans l'entreprise, une enquête a été très rapidement menée avec les deux référents en matière de lutte contre les agissements sexistes désignés dans l'entreprise, enquête au cours de laquelle vous avez été entendu.

Cette enquête nous a permis de corroborer les éléments suivants :

- Peu de temps après l'arrivée de madame [J] au sein de l'entreprise, vous avez développé ensemble une relation professionnelle/amicale.

- Dès le début de cette relation, vous lui avez adressé un mot faisant comprendre précisément vos intentions la concernant en écrivant '[F] [XXXXXXXX01] Appelle moi on va kiffer'.

Madame [J] vous a contacté pour avoir des explications, et quand elle a compris que vous souhaitiez une relation sexuelle avec elle, elle dit vous avoir dit clairement que cela n'était pas envisageable. Pensant que cet épisode était clos, la relation amicale s'est poursuivie entre vous.

- Toutefois, peu de temps après, vous avez recommencé vos avances sexuelles de manière insistante, via des propos particulièrement explicites : 'je veux te baiser', 'je veux te faire jouir', 'tu es sexy dans ton pantalon avec la fermeture sur les fesses'.

Un témoin nous a confirmé que vous aviez 'dragué' [C] sans vous gêner de la présence des autres collaborateurs dans l'entreprise et que vous étiez 'très lourd' malgré les refus de [C] [J].

- Estimant vos propos irrespectueux et déplacés, madame [J] a alors mis de la distance avec vous. Elle n'a pas voulu, dans un premier temps, vous poser de problème en remontant cette situation au management, compte tenu de son positionnement dans l'entreprise (intérimaire). [C] [J] a en effet déclaré avoir eu peur des conséquences si elle en parlait à ses managers, car vous étiez en contrat à durée indéterminée depuis longtemps.

A la suite de ces faits, [C] [J], très atteinte par la situation, a décidé de rompre toute relation avec vous. A force de vous voir insister elle vous a dit que si vous poursuiviez ce harcèlement et ces demandes incessantes, elle e parlerait à sa hiérarchie.

- Vous avez alors arrêté, mais avez adopté un comportement agressif, et des regards insistants, ce qui a poussé madame [J] à en parler à sa hiérarchie, ayant désormais peur de se retrouver seule avec vous. A ce jour, [C] [J] était très choquée et perturbée.

- Cette enquête a également mis en lumière le fait que la situation de madame [J] n'était pas isolée, et que votre attitude de harcèlement se poursuivait auprès d'autres intérimaires.

Il résulte donc de cette enquête que le comportement que vous avez adopté est inacceptable au sein de notre entreprise, qui prône les valeurs de respect et de vivre-ensemble.

Nous vous rappelons également qu'aucun salarié ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

En l'espèce, nous estimons que vos propos et votre attitude a eu pour effet de créer un environnement de travail dégradant et offensant, à l'encontre d'une de vos collègues de travail (...)'.

Monsieur [K] conteste les faits, fait observer qu'aucune plainte n'a été déposée alors que le harcèlement sexuel est un délit pénal, et soutient que la production de SMS est tronquée, et ne fait pas ressortir la réalité des relations qu'il entretenait avec madame [J].

La cour souligne que le dépôt de plainte n'est qu'une faculté en cas d'infraction pénale commise dans l'entreprise, et n'est nullement le préalable nécessaire à une procédure disciplinaire.

Sur le fond, la société Louis Vuitton verse aux débats pour établir les faits :

- Le mot manuscrit par lequel monsieur [K] a donné son numéro de téléphone à madame [J] en lui disant 'appel moi on va kiffer'.

- L'attestation de madame [J], très circonstanciée, reprenant les éléments contenus dans la lettre de licenciement, et expliquant qu'elle souhaitait uniquement une relation amicale/professionnelle, l'a répété plusieurs fois à monsieur [K], mais qu'à chaque fois il recommençait ses avances ; qu'elle l'a menacé de le dénoncer et qu'il a alors arrêté ses avances, mais la regardait de manière insistante.

- L'attestation d'une collègue qui travaillait avec madame [J], et qui indique avoir constaté que monsieur [K] 'ne se gênait pas pour la draguer et devenait très lourd'. Elle indique que madame [J] était paniquée à l'idée de se retrouver seule avec lui.

- Des échanges de mails où à plusieurs occasions, madame [J] lui signifie qu'elle souhaite que leurs relations restent amicales : en réponse à un message lui disant 'on se kiffe tout les deux pas vrai mouuaaahh je t'embrasse', elle répond 'J'ai jamais dit que je t'appréciais pas, mais tes intentions ne m'intéressent pas. Si ça peut te rassurer oui je t'apprécie mais toi tu veux+hors que c'est pas possible'. Le lendemain elle lui écrit 'Je ne suis pas méchante comme tu peux le prétendre, je commence juste à en avoir marre de tes indirectes à répétition. Ça me dérange pas de rigoler avec toi etc mais dans les limites du professionnel'. De son côté monsieur [K] continue à lui écrire des messages tels que 'T'es fraiche' ; 'Bonjour ma chérie t'es où' ; 'Ok bon courage tu me manque je vois pas ta petite tête bisous partout'.

La lecture des échanges complets produits par monsieur [K] ne permet pas de modifier l'analyse selon laquelle madame [J] tentait de le dissuader d'envoyer des messages à connotation sexuelles, tout en préservant leur relation professionnelle et amicale, jusqu'à lui demander de cesser totalement ses envois de messages.

Ainsi, les faits décrits par le lettre de licenciement sont établis, peu important que d'autres salariés décrivent monsieur [K] comme faisant preuve de galanterie et de savoir vivre, ou comme étant de nature sociable.

Au regard des obligations de prévention qui pèsent sur l'employeur, le comportement de monsieur [K], à l'égard d'une jeune femme intérimaire de 19 ans qui entrait dans la vie professionnelle, justifiaient son licenciement, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur [K] à payer à la société Louis Vuitton Services en cause d'appel la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne monsieur [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 21/09753
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.09753 ?
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