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19/06/2024 | FRANCE | N°21/05461

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 juin 2024, 21/05461


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05461 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD36E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02868





APPELANTE



S.A.R.L. [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Abir BEN CHEIKH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 137





INTIMEE



Madame [Y] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Aurélien WULVERYC...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05461 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD36E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02868

APPELANTE

S.A.R.L. [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Abir BEN CHEIKH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 137

INTIMEE

Madame [Y] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 janvier 2017, Mme [Y] [X] a été engagée par la société [5] en qualité d'esthéticienne-masseuse, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 521,25 euros.

La convention collective applicable est celle de la parfumerie de détail et de l'esthétique.

Mme [X] a été en congé maternité du 23 janvier 2019 jusqu'au 22 novembre 2019 et a été déclarée apte par la médecine du travail à son retour, le 10 décembre 2019.

Dans le cadre d'une instruction judiciaire, le juge d'instruction en charge de l'affaire a ordonné la saisie du compte bancaire de la société.

Suivant arrêté préfectoral du 2 août 2019, l'établissement a fait l'objet d'une fermeture administrative.

Mme [X] a été convoquée, le 11 décembre 2019 à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 21 décembre suivant auquel elle ne s'est pas présentée.

Le 26 décembre Mme [X] a été licenciée pour motif économique.

Elle a acceptée le CSP le 13 janvier 2020.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 10 avril 2020 aux fins de voir notamment juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la société [5] condamnée à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 26 février 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a :

-dit le licenciement économique bien fondé,

- condamné la société [5] à payer à Mme [X] les sommes suivantes :

* 3 285,90 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de prise en compte de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle,

* 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

* 2 387,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 3 042,50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 304,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 000 euros à titre d'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [5] à remettre à Mme [X] l'attestation Pôle Emploi et l'attestation de salaire pour la CPAM conformes au jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 15 jours après la notification du jugement, et ce pendant 45 jours,

- débouté Mme [X] du surplus de ses demandes,

- débouté la société [5] de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration au greffe en date du 17 juin 2021, la société [5] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions au fond remises via le réseau virtuel des avocats le 9 février 2022, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement le 26 février 2021, en ce que le conseil de prud'hommes a ordonné sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de 45 jours, et ce 15 jours après la notification du jugement la remise de l'attestation pour le paiement des indemnités journalières conforme au versement perçu par la salariée,

Statuant à nouveau,

- confirmer l'attestation pour la CPAM déjà établie comme conforme aux mentions du bulletin de salaire de décembre 2018, en conséquent rejeter la demande de Mme [X],

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 26 février 2021 en ce qu'il a condamné la société à verser la somme de 2 000 euros au titre de dommages intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

- constater que Mme [X] n'a pas justifié des éléments sollicités par son employeur pour régulariser sa reprise , soit l'attestation CPAM et l'acte de naissance de l'enfant,

- constater en conséquent que l'employeur n'a commis aucune faute,

- constater, conformément à la jurisprudence, que Mme [X] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice, et du lien de causalité, subordonnant son droit à réparation,

- débouter en conséquent Mme [X] en sa demande indemnitaire pour retard dans le paiement des salaires,

- infirmer le jugement rendu en première instance en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la société appelante à verser la somme de 3 285,90 euros pour absence de prise en compte du CSP,

Statuant à nouveau,

- constater que l'employeur a bien tenu compte du CSP, en conséquent il n'y a pas lieu à faire droit à la demande de dommages et intérêts, laquelle est sans objet,

- infirmer le jugement, en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la société [5] à verser la somme de 3 042,50 euros au titre du préavis, et de 304,25 euros au titre de congés payés afférents,

- confirmer que le CSP accepté, la salariée ayant adhérée au CSP ; le préavis a été directement versé entre les mains de pôle emploi, en conséquent, il n'y a pas lieu à condamnation de la société à ce titre,

- infirmer le jugement de première instance condamnant la société [5] à verser la somme de 2 387,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

- rejeter la demande indemnitaire de Mme [X] au titre des congés payés, lesquels ont déjà été payés et figurent sur les bulletins de salaires de novembre, décembre 2019 et janvier 2020 pour le solde restant à payer par l'employeur,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société à verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau débouter la salariée en cette demande,

En tout état de cause,

- en cause d'appel, condamner Mme [X] [Y] à verser la somme de 1 000 euros à la société [5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 10 novembre 2021, Mme [X] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [5] aux sommes suivantes :

* 3 285,90 euros de dommages et intérêts pour absence de prise en compte de l'acceptation du CSP,

* 2 000 euros de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

* 2 387,14 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés (34 jours),

* 3 042,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 304,25 euros brut de congés payés y afférents,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [5] à rectifier l'attestation de salaire pour la CPAM sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] des sommes suivantes et condamner la société [5] à lui verser celles-ci :

* 3 042,50 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 18 janvier 2020 et 304,25 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de voir condamner la société [5] à adresser à Pôle Emploi les documents relatifs à l'acceptation du CSP sous astreinte de 50 euros par jour de retard ainsi que la remise des bulletins de paie de novembre, décembre 2019 et janvier 2020 ainsi que d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,

- condamner la société [5] à 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les dépens à la charge de la société [5].

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civiles, aux dernières conclusions échangées en appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande au titre de l'attestation de salaire à destination de la CPAM

La salariée indique que l'attestation établie par l'employeur ne mentionne pas le bon montant de son salaire pour décembre 2018. Elle en veut pour preuve que le bulletin de salaire mentionne un brut de 1066,23 euros alors qu'elle a reçu en net une somme de 1183 euros, ce qui signifie que son montant brut était supérieur.

L'employeur fait valoir que la salariée a eu des absences injustifiées en décembre 2018, qu'elle a sollicité que ces absences soient converties en jours de congés payés, que l'expert comptable a indiqué qu'à titre exceptionnel, il pouvait être envisagé de proposer de rémunérer les absences en contrepartie d'une déduction de jours de congés payés pour mai 2019 à la condition que la salariée manifeste de manière explicite et non équivoque son accord sur cette façon de faire. L'employeur indique que la salariée n'a pas donné de suite au mail envoyé par le cabinet d'expert compable et que ce n'est que par erreur qu'il a payé à la salariée la totalité de son salaire pour un net de 1183euros, alors que son salaire brut était de 1066,23 euros.

La cour constate qu'il est établi des absences injustifiées de la salariée pour décembre 2018, ce qui a entraîné la déduction de la somme de 432,24 euros pour un brut dû de 1066,23 euros (soit 872,01 en net).

La salariée ne peut en conséquence se plaindre d'avoir reçu une rémunération en net supérieure à celle qui lui était effectivement dûe et demander, sur ce fondement, la rectification de son attestation destinée à la CPAM pour le calcul de ses indemnités journalières.

Infirmant le jugement déféré, la salariée est déboutée de sa demande de ce chef.

2-Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 19 janvier 2020, l'indemnité compensatrice de congés payés et l'indemnité de licenciement.

A titre préliminaire, la cour constate qu'aucune des parties n'a jugé utile de verser aux débats le solde de tout compte.

La salariée rappelle que son congé maternité a pris fin le 22 novembre 2019 et qu'elle a été licenciée pour motif économique le 19 janvier 2020, sans avoir été payée de ses salaires sur cette période. Elle précise que si la société soutient avoir réglé les salaires, elle n'en rapporte pas la preuve alors que cette preuve pèse sur elle. Elle sollicite le paiement de la somme de 3042,50 euros de ce chef, outre les congés afférents.

Elle sollicite par ailleurs le paiement de la somme de 2387,14 euros bruts, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés affirmant qu'il lui restait 34 jours de congés payés ainsi que la somme de 1140,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement à propos sur laquelle le premier juge n'a pas statué.

La société indique qu'elle a versé la somme de 3803,90 euros sur le compte CARPA du conseil de Mme [X] au titre de son solde de tout compte, qu'il restait dû à Mme [X] 6 jours de congés payés, lesquels ont été payés au titre du solde de tout compte, au même titre que l'indemnité de licenciement.

Il est rappelé qu'il appartient à l'employeur d'établir qu'il a effectivement procédé au paiement des éléments de salaires dû à son salarié.

En l'état des pièces versées aux débats et des explications données, il apparaît qu'il est dû à la salariée :

-au titre des salaires du 23 novembre 2019 au 19 janvier 2020 : 3042,50 euros

-au titre des congés payés afférents : 304,5 euros

-au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés - 6 jours, la salariée ayant pris des jours de congés à son retour de congé maternité et en décembre 2019) : 202,02 euros

-au titre de l'indemnité de licenciement : 1140,94 euros

Soit la somme de 7430,46 euros.

La société soutient qu'elle a réglé l'indemnité compensatrice de congés payés au titre du solde de tout compte au titre du bulletin de paie de janvier 2020. Elle ne fournit aucune explication à propos de l'indemnité de licenciement qui apparaît pourtant sur le bulletin de paie de janvier 2020.

Un bulletin de paie est insuffisant à rapporter la preuve du paiement effectif des sommes y apparaissant. La société ne justifie pas qu'elle a effectivement payé les sommes mentionnées sur le bulletin de paie de janvier 2020.

En revanche, elle justifie avoir, en date du 2 mars 2020 procédé à un virement de la somme de 3803,90 euros sur le compte CARPA du conseil de Mme [X], cette somme devant être déduite.

Il reste ainsi dû à la salariée la somme de 3626, 56 euros de ces chefs.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du rappel de salaire, sur le quantum alloué au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés. Il est ajouté au jugement s'agissant de l'indemnité de licenciement.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour retard de paiement des salaires du 23 novembre 2019 au 18 janvier 2020

Aux termes de l'article L. 1231-6 du code civil ' Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire'

Au cas d'espèce, la salariée justifie que son compte bancaire a été à découvert en janvier 2020 et dans les mois qui ont suivis, l'absence de versement de son salaire pendant deux mois ne pouvant pas être étrangère à cette situation. Par ailleurs, la société n'a plus d'activité depuis juin 2019, suite à l'ouverture d'une information judiciaire.

La salariée peut prétendre à des dommages et intérêts lesquels seront justement fixés à la somme de 1000 euros.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour non prise en considération de l'acceptation du CSP

La salariée soutient qu'elle a bien accepté le CSP dans le délai de 21 jours mais que 'l'employeur ne va pas chercher ses recommandés', la cour comprenant que la société n'aurait pas pris en compte son acceptation du CSP, en voulant pour preuve qu'elle n'a pas retiré sa LRAR par laquelle elle la manifestait.

La cour comprend à la lecture du jugement déféré, sans que cela n'apparaissent dans les écritures de la salariée, que celle-ci a soutenu en première instance qu'elle n'a pas pu percevoir ses allocations de sécurisation professionnelle.

L'employeur soutient qu'il a bien pris en considération l'acceptation de Mme [X] et a fait les démarches nécessaires.

La cour constate que si la société n'a effectivement pas receptionné la lettre recommandée avec accusé de réception de Mme [X], les échanges entre les conseils, versés aux débats, permettent de constater que le conseil de la société en a été averti par celui de la salariée.

Par ailleurs, la société justifie qu'elle a 'télé-transmis' à Pôle Emploi le document nécessaire à la prise en charge de la salariée au titre de son adhésion au CSP, que Pôle emploi a sollicité le paiement de sa participation au financement de ce contrat égale à l'indemnité de deux mois de préavis et du paiement de celle-ci.

Enfin, il résulte des pièces communiquées par la salariée qu'elle a reçu en décembre 2020 la somme de 1113,83 euros à titre d'allocation de sécurisation professionnelle.

Dès lors, la salariée ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est infirmé en ce sens.

5-Sur le licenciement pour cause économique

La lettre de licenciement est reproduite dans les conclusions de la société, sans être versée aux débats, dont les termes ne sont pas contestés par la salariée est ainsi rédigée:

« ('.) Vous avez été convoqué à un entretien préalable le samedi 21 décembre 2019 à 17h15 auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Nous vous informons que la Société a fait l'objet d'une fermeture administrative empêchant toute activité en date du 02 août 2019, de ce fait nous avons été contraints de fermer l'établissement.

Nous avons fait une demande de mise en activité partielle en attendant une éventuelle réouverture sollicitée auprès de la DDTE.

Cette demande nous a été refusée, raison pour laquelle la société est à ce jour fermée.

La Société ne justifie plus de trésorerie en raison de l'arrêt de l'activité depuis le 26 juin 2019 jusqu'à ce jour.

Par ces raisons, nous avons le regret de vous confirmer la cessation d'activité pour des raisons économiques.

Au regard de ce motif, nous vos adressons en pièce jointe de ce courrier le formulaire CSP (contrat de sécurisation professionnelle).

A compter de la date de notification de la présente, vous disposez d'un délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser le CSP.

Si vous acceptez cette proposition, votre contrat de travail sera réputé rompu d'un commun accord à la date d'expiration de votre délai de réflexion pour le motif énoncé ci-dessus.

Vous devez alors nous adresser avant la fin du délai de réflexion le bulletin d'acceptation (fiche n°1) ainsi que le formulaire intitulé « Demande d'allocation de sécurisation professionnelle » (fiche n°2) dûment complétée et signée sans omettre de joindre une photocopie recto/verso de votre pièce d'identité de votre carte vitale ainsi qu'un R.I.B.

Si vous n'adhérez pas au contrat de sécurisation professionnelle, vous devez compléter le bulletin précité (fiche n°1) en cochant la case « Je refuse le contrat de sécurisation professionnelle » puis l'adresser au Pôle Emploi de votre domicile et nous en adresser une copie ».

La salariée indique que la cause économique doit être indépendante de la faute de l'employeur et qu'au cas d'espèce, l'employeur s'est vu interdire d'exercer en raison de faits de proxénétisme, ce qui caractérise une faute de sa part.

Compte tenu des explications apportées par la salariée et des éléments mentionnés dans le jugement déféré, la cour constate que la société a cessé son activité le 26 juin 2019 et a vu son compte bancaire créditeur bloqué suite à l'ouverture d'une information judiciaire du chef de proxénétisme. La fermeture administrative de l'établissement est intervenue la 2 août 2019 dans ce contexte. Ces éléments caractérisent une faute de la société, peu important l'éviction de l'ancienne gérante et la désignation d'une remplaçante, en juillet 2019.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite que soit écarté le barème de l'article L1235-3 du code de travail au motif qu'il a été jugé par plusieurs conseils de prud'hommes; qu'il viole l'article 10 de la Convention 158 de l'Organisation internationale du travail et que l'indemnisation doit être évaluée à la hauteur du préjudice subi conformément à l'article 24 de la charte sociale européenne.

En premier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.

Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne. Les dispositions de l'article L. 1235-3 dans sa version précitée, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.

Il se déduit de ce qui précède que le barème d'indemnisation établi par les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la cause ne peut être écarté au motif qu'il serait contraire aux normes internationales susmentionnées.

Au cas d'espèce, la salariée avait, au jour de l'acceptation du CSP, 1 seule année complète d'ancienneté.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'intimé peut prétendre, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, à une indemnité équivalente au minimum à un mois et au maximum à deux mois de salaire brut.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Y] [X] de son âge au jour de son licenciement (37 ans), de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 3042,50 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents

La société justifie avoir réglé à Pôle emploie l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dans le cadre de son adhésion au CSP.

Il n'est ainsi rien dû à la salariée de ce chef.

Le jugement est infirmé.

8-Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

La salariée ne caractérise pas son préjudice. Elle est déboutée de ce chef.

Le jugement est confirmé.

9-Sur la demande de voir condamner la société à adresser à Pôle Emploi les documents relatifs à l'acceptation du CSP, sous atreinte

La société justife avoir fait effectué les démarches auprès de Pôle Emploi. La salariée est déboutée de sa demande.

Le jugement est infirmé de ce chef.

10-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur l'article 700 du code de procédure civile. En ce qui concerne les dépens, il est constaté que, dans ses motifs, le jugement déféré indique que la SARL [5] supportera les dépens mais que le dispositif du jugement ne prononce pas cette condamnation. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Partie perdante,la SARL [5] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [Y] [X] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SARL [5] est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [Y] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et la SARL [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [Y] [X],

CONDAMNE la SARL [5] à payer à Mme [Y] [X] les sommes suivantes :

3042,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3626, 56 euros correspondant au solde dû au titre du rappel de salaire pour la période du 23 novembre 2019 au 19 janvier 2020, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité de licenciement,

1000 euros à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif de ses salaires,

DÉBOUTE Mme [Y] [X] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

DÉBOUTE Mme [Y] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour non prise en compte de son acceptation du CSP,

DÉBOUTE Mme [Y] [X] de sa demande de voir condamner la société à remettre à Mme [Y] [X] l'attestation de salaire à destination de la CPAM,

DÉBOUTE Mme [Y] [X] de sa demande de voir condamner la société à adresser à Pôle Emploi, devenu France Travail, les documents relatifs à l'acceptation du CSP, sous atreinte,

CONDAMNE la SARL [5] à payer à Mme [Y] [X] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

DÉBOUTE la SARL [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la SARL [5] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05461
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.05461 ?
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