La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°21/05443

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 juin 2024, 21/05443


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05443 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD33L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20-02042





APPELANTE



S.A.S. UMANTIC TECHNOLOGIES

[Adresse 3]

[Lo

calité 4]/FRANCE

Représentée par Me Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : J108





INTIME



Monsieur [V] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Diane ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05443 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD33L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20-02042

APPELANTE

S.A.S. UMANTIC TECHNOLOGIES

[Adresse 3]

[Localité 4]/FRANCE

Représentée par Me Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : J108

INTIME

Monsieur [V] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Diane LEMOINE de la SELARL Diane LEMOINE et Florence MONTEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R158

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Umantic technologies est un prestataire de services spécialisé dans le développement et l'optimisation des infrastructures de communication (télécom et réseaux) de ses clients.

Elle a engagé M. [V] [D] suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 septembre 2016, en qualité d'ingénieur radio, catégorie ingénieur; position 2.1, coefficient 115. Un forfait en heures de 36,25 heures de travail hebdomadaire a été convenu.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective SYNTEC.

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [D] s'établissait à la somme de 4 750,02 euros.

Par courrier du 20 mai 2019, il a été notifié à M. [D] un avertissement.

M. [V] [D] a fait l'objet, après convocation du 6 juin 2019 et entretien préalable fixé au 14 juin suivant, d'un licenciement pour faute grave le 19 juin 2019.

M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 9 mars 2020, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir juger invalide son forfait en heures et condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 31 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la société Umantic technologies à régler à M. [D] les sommes suivantes :

* 15 000 euros au titre d'heures supplémentaires,

* 1 500 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 485 euros au titre d'indemnité de déplacement d'avril à juin 2019,

* 14 250,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 425 euros au titre de congés payés y afférents,

* 4 354,18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

* 14 250,05 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Umantic technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Umantic technologies au paiement des entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 17 juin 2021, la société Umantic technologies a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 décembre 2021, la société Umantic technologies demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'intimée,

- condamner M. [D] à verser à la société Umantic technologies 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2021, M. [V] [D] demande à la Cour de :

-confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mai 2021, en ce qu'il a :

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] une somme au titre des heures supplémentaires réalisés par ce dernier ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D], une somme au titre des congés payés sur heures supplémentaires ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] la somme de 3.485 € au titre des frais de déplacements d'avril à juin 2019 ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] la somme de 14.250,05 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] la somme de 1.425 € au titre des congés payés afférents au préavis ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] la somme de 4.354,18 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] une somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamné la société Umantic Technologies à verser à M. [D] une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamné la société Umantic Technologies aux entiers dépens

- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

fixé le montant des heures supplémentaires à la somme de 15.000 € ;

fixé le montant des congés payés sur heures supplémentaires à la somme de 1.500 € ;

fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 14.250,05 € ;

fixé le montant de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 800 € ;

débouté M. [D] du surplus de ses demandes et notamment :

-dommages et intérêts pour absence de validité du statut cadre au forfait imposé : 5.000 € ;

- dommages et intérêts pour absence de formation : 2.000 € ;

- dommages et intérêts pour avertissement du 20 mai 2019 abusif : 5.000 €

En conséquence et statuant à nouveau, à titre d'appel reconventionnel, il est demandé à la Cour de condamner la société Umantic technologies à lui verser les sommes suivantes :

* 22 295,57 euros au titre des heures supplémentaires,

* 2 229,55 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 5 000 euros pour absence de validité du statut cadre au forfait imposé,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de formation,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement abusif du 20 mai 2019,

- juger infondé le licenciement de M. [D],

-condamner la société Umantic technologies à lui verser les sommes suivantes :

* 16 625,05 euros (3,5 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 14 250,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 425 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 4 354,18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- ordonner à la société Umantic technologies de remettre à M. [D] des documents de fin de contrats conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Umantic technologies à verser à M. [D], la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Umantic technologies aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de formation

L'article L 6321-1 du code du travail que ce soit dans sa version en vigueur du 09 octobre

2016 au 01 janvier 2019 ou dans celle applicable à compter du 1er janvier 2019 est ainsi

rédigé :' L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1º de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.'

Il en résulte donc qu'une obligation légale de formation professionnelle pèse sur l'employeur

aux fins d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité. En dehors de cette double obligation générale, l'employeur peut proposer des actions de formation liées au développement des compétences des salariés.

L'employeur doit pouvoir démontrer qu'il s'est libéré de son obligation d'adaptation à l'égard

des salariés.

Il appartient au juge de rechercher si, au regard de la durée d'emploi de chacun des salariés,

l'employeur a rempli son obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.

Le simple fait que durant tout le temps de son emploi par l'entreprise, l'employeur n'ait pas

fait profiter le salarié d'une action de formation suffit à caractériser le manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et ouvre droit au salarié à l'octroi de dommages

intérêts dès lors qu'il justifie d'un préjudice.

Le salarié expose que depuis son embauche en 2016, il n'a suivi aucune formation alors que

cela lui aurait permis de progresser davantage dans l'exercice de ses fonctions. Il souligne

qu'il a demandé à suivre une formation, le 29 avril 2019 et qu'il a également demandé à suivre une formation, le 9 mai 2019, avec le partenaire ' 26 Academy', sans réponse de la

part de la société. Il a réitéré sa demande à l'occasion d'un courier du 24 mai 2019. Il indique en particulier qu'il n'a pas reçu de formation à la 5G alors que cela lui aurait permis d'avoir plus facilement des missions chez des clients.

La société indique que le salarié est intervenu pendant plusieurs mois au sein de la société

Ericsson et a bénéficié, pendant l'exécution de ses missions, de l'ensemble des mises à jours et formations spécifiques pour intervenir sur les outils informatiques et réseaux du client.

S'il est exact que la société n'a pas répondu aux demandes de formation, au demeurant imprécises, de M. [D], la cour constate que le salarié n'a pas demandé explicitement à bénéficier de telle ou telle formation ( il suggère simplement dans son courrier du 24 mai

qu'il pourrait être ' en formation ou accompagnement chez Nokia ou, pourquoi pas sur du

cisco') et notamment pas d'une formation sur la 5G et qu'il ne démontre aucun préjudice.

Il est débouté de ce chef. Le jugement est confirmé.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour 'absence de validité d'un forfait en

jours imposé au salarié'

M. [D] souligne que son contrat de travail initial prévoit une durée de travail de 36,25

heures par semaine.

Il fait valoir que son employeur l'a automatiquement fait passer en forfait jours, ainsi que

cela ressort de ses bulletins de paie, sans qu'il n'ait jamais signé de convention individuelle

de forfait en jours, ni d'avenant à son contrat.

Il souligne qu'il n'a jamais bénéficié d'un entretien individuel afin de faire le point sur sa

charge de travail et qu'en tout état de cause, il n'était pas éligible à la convention de forfait

jours en raison des dispositions de la convention collective applicable. Il sollicite en conséquence la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour irrespect des dispositions légales en matière de convention de forfait en jours.

La société répond qu'à aucun moment un décompte du temps de travail de M. [D] en jours n'a été effectué et que la mention portée sur les bulletins de salaires faisant état d'un forfait en jours constitue une erreur administrative du service de paie, de nombreux salariés au sein de la société se voyant appliquer un forfait en jours. La société souligne que les bulletins de salaires font état des RTT dont le salarié a bénéficié et que ce dernier n'apporte la preuve d'aucun préjudice.

La cour constate qu'à compter du mois de juillet 2017, il est mentionné sur les bulletins de

paie ' salaire de base ( Forfait 218 jours)', sans que l'employeur, qui allègue une erreur du

service paie, n'en justifie de quelque manière que ce soit.

Il est en conséquence constaté que l'employeur a, sans présenter à la signature de M. [D]

[D] une convention individuelle de forfait en jours, soumis son salarié à une telle modalité du temps de travail.

Pour autant, le salarié , qui a conservé son salaire et a continué a bénéficié de RTT, ne justifie d'aucun préjudice.

Il est débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement est confirmé.

3-Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents

Compte tenu de ce qui précède, le salarié peut solliciter le paiement de ses heures supplémentaires.

En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de

travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos

compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le

décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par

l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit un décompte des heures supplémentaires qu'il indique avoir effectuées de mars 2017 à juin 2019, un mail de décembre 2018 adressé à son employeur portant décompte de ses heures supplémentaires sur ce mois et sa réponse favorable au paiement ainsi que copie des fiches récapitulatives

mensuelles des heures qu'il a effectuées de janvier 2017 à avril 2019, adressées au client. Il précise qu'il n'a pas bénéficié de l'ensemble de ses RTT.

Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées

qu'il prétend avoir accomplies au-delà de 35 heures ce qui permet à l'employeur, qui assure

le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués, soulignant que les fiches produites au débats mentionnent uniquement les

heures de nuit effectuées et en compensation desquelles, il a toujours bénéficié d'un repos

compensateur.

La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de

l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son

accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

La cour constate que la formule 'forfait jours 218 jours' n'apparaît qu'à partir de juillet 2017 et qu'en tout état de cause, le salarié a été payé pour 36,25 heures pendant toute la période contractuelle, si bien qu'il ne peut demander que la majoration pour heures supplémentaires de la 35éme heures à la 36,25 heures et des heures supplémentaires au delà.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il est retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées pour un montant de 14260,93 euros.

Il convient dès lors de condamner l'employeur à payer à M. [D] la somme de 14260,93 euros, outre celle de 1426,09 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur le quantum alloué.

4-Sur l'avertissement du 20 mai 2019

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure,

autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter

immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou

sa rémunération, l'article L. 1332-4 du code du travail limitant à deux mois la prescription

des faits fautifs.

En outre, l'article L. 1333-1 du code du travail édicte qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, l'article L. 1333-2 du même code prévoyant qu'il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'avertissement a été délivré pour absence injustifiée du 15 au 19 avril 2019, des arrivées

systématiquement tardives au bureau à compter du 23 avril 2019 et des départs au alentours de 15heures.

Le salarié conteste l'avertissement du 20 mai 2019, soulignant qu'une journée RTT employeur lui a été imposée le 15 avril 2019 et qu'il a été placé en situation de télétravail le reste de la semaine. Il indique qu'il est arrivé à 11 heures une seule fois. Il sollicite une

somme de 5000 euros pour préjudice moral pour avoir été sanctionné de manière injustifée.

L'employeur s'oppose à cette demande.

La cour constate qu'au terme du dispositif de ses écritures, le salarié ne demande pas l'annulation de l'avertissement, préalable indispensable à toute demande de dommages et

intérêts et qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucun préjudice.

Il est débouté de sa demande de chef. Le jugement est confirmé.

5-Sur la demande de rappel d'indemnité de déplacement d'avril 2019 à juin 2019.

Le salarié demande l'indemnité journalière de grand déplacement, d'un montant journalier de 85 euros dont il indique qu'elle est prévue à son contrat de travail.

L'employeur répond que cette indemnité n'est pas due lorsque le salarié est en inter-contrat

comme c'était le cas d'avril à juin 2019.

La cour constate que la promesse d'embauche qui fait état de cette indemnité de grand déplacement ne limite pas sa perception aux périodes pendant lesquelles le salarié est en

mission.

Il est dû de ce chef au salarié, compte tenu de sa période de télétravail, de ses congés et du 1er mai, jour férié, une somme de 3145 euros ( 37 x 85 euros).

Le jugement est infirmé sur le quantum.

6-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement en date du 19 juin 2019 fixant les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Nous vous avons reçu le 14 juin 2019 pour l'entretien préalable au licenciement que nous

envisagions de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave en raison de votre comportement directement contraire à vos obligations

professionnelles et contractuelles.

En effet, nous avons eu à déplorer, dès votre retour de congés le 15 avril 2019, des absences et retards répétés injustifiés.

Vous vous êtes ainsi autorisé à vous absenter toute une semaine, du 15 au 19 avril, sans apporter le moindre justificatif de votre absence.

Par la suite, depuis le 23 avril 2019, vous êtes arrivé systématiquement en retard aux alentours de 11h/ 11h30 tous les jours et partez pour convenance personnelle aux alentours de 15h.

Ces retards systématiques créent au sein du service une désorganisation qui porte préjudice à son efficacité. Ils ne sont pas non plus tolérables vis-à-vis de vos collègues.

C'est la raison pour laquelle, malgré votre refus d'exécuter votre contrat par ces absences et retards répétés, nous avons fait le choix de vous notifier un avertissement le 20 mai 2019 afin de vous laisser la possibilité de vous ressaisir et respecter vos obligations professionnelles.

Malheureusement, vous n'avez pas su ou pas voulu saisir l'opportunité qui vous était laissée de vous ressaisir et avez persisté dans vos retards et absences répétées.

En effet, malgré ce courrier d'avertissement, vous continuez à arriver systématiquement en retard, bien après 9h30 tous les jours de la semaine.

Comprenez bien que cette situation n'est plus tenable, que ces retards répétés sont contraires aux dispositions de votre contrat de travail et sont constitutifs d'une faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement. '

Le salarié conteste la réalité des faits reprochés.

La cour constate que l'employeur reproche au salarié deux séries de faits, que la première

absence du 15 au 19 avril puis retards systématiques à compter du 23 avril 2019 a donné lieu à l'avertissement du 20 mai 2019, si bien que l'employeur a éteint son pouvoir disciplinaire de ce chef. Il reproche également au salarié d'avoir, après le 20 mai 2019, date de l'avertissement, maintenu ses arrivées tardives, bien après 9h30 le matin.

Il est constaté d'une part que la lettre de licenciement n'est pas précise relativement aux jours concernés par les arrivées tardives, aucune absence injustifiée n'étant d'ailleurs reprochée et d'autre part que la société a imposé à son salarié un forfait en jours depuis juillet 2017, si bien qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté ses horaires d'arrivée.

Dès lors, le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef et sur les montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, exactement appréciés eu égard aux élements soumis.

7-Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation Pôle

Emploi, devenu France Travail conformesà la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

8-Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation. Il sera ajouté au jugement déféré de ce chef.

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SAS Umantic technologies est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause

d'appel au profit de M. [V] [D] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS Umantic Technologies est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sur le quantum de la somme allouée au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, sur le quantum de la somme allouée au titre du rappel d'indemnité de déplacement d'avril 2019 à juin 2019,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Umantic Technologies à payer à M. [V] [D] les sommes suivantes :

-14260,93 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 1426,09 euros au titre des congés payés afférents,

-3145 euros au titre de l'indemnité de déplacement d'avril à juin 2019,

ORDONNE à la SAS Umantic Technologies de remettre à M. [V] [D] une attestation destinée au Pôle Emploi, devenu France Travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

ORDONNE d'office à la SAS Umantic Technologies le remboursement à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à M. [V] [D] dans la

limite de trois mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié,

CONDAMNE la SAS Umantic Technologies à payer à M. [V] [D] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

DÉBOUTE la SAS Umantic Technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS Umantic Technologies aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05443
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.05443 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award