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19/06/2024 | FRANCE | N°21/05415

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 juin 2024, 21/05415


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05415 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3WT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° f18/03311





APPELANTE



Madame [N] [R]

[Adresse 2]

[Localité

3]

Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615





INTIMEE



S.A.S. STN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent OHAYON, avocat au bar...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05415 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3WT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° f18/03311

APPELANTE

Madame [N] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMEE

S.A.S. STN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent OHAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0944

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (20 heures hebdomadaires) en date du 22 avril 2009, Mme [N] [R] a été engagée par la société Française service groupe, devenue la société STN-TEFID le 1er mai 2015, en qualité d'agent de service .

A la suite du rachat de la société Française Service Groupe par la société STN-TEFID, un avenant au contrat de travail a été conclu aux termes duquel la durée hebdomadaire de travail de Mme [R] a été portée à 30 heures.

Par avenant en date du 1er juillet 2016, il a été convenu que Mme [R] travaillerait à temps plein. Sa qualification a été modifiée, la salariée devenant agent qualifiée de service, classification AQS2.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de propreté.

Au cours de la relation contractuelle, Mme [R] a fait l'objet de plusieurs sanctions :

- un avertissement le 23 février 2017, suite à un non-respect des consignes de sécurité après que l'alarme d'incendie a été déclenchée,

- une mise à pied disciplinaire du 25 au 27 avril 2018 pour avoir refusé d'effectuer deux départs seule le matin et d'avoir refusé de travailler sur des étages suite à des problème de vertige ainsi que d'avoir quitté son poste de travail à 10h28 alors que son temps de travail n'était pas terminé,

- un avertissement le 15 mai 2018 suite à un non-respect des consignes relatives à ses jours de travail.

Mme [R] a fait l'objet, après convocation du 20 juin 2018 et entretien préalable fixé au 4 juillet 2018, d'un licenciement pour faute grave le 11 juillet 2018.

Il est reproché à la salariée d'avoir volé deux bouteilles et deux bols en porcelaine dans la chambre d'un client.

Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 12 novembre 2018, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner la société STN à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 27 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et condamné Mme [R] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 16 janvier 2021, Mme [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 juillet 2021, Mme [R] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Par suite, statuant à nouveau,

- condamner la société STN à régler à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1 058,74 de rappel de salaire sur catégorie B,

* 105,87 euros de congés payés afférents,

* 1 328,89 de rappel de salaires sur temps complet,

* 132,88 euros de congés payés afférents,

* 1 378,54 euros de rappel de salaire du fait de l'annulation de la mise à pied disciplinaire des 25, 26, 27 avril 2018,

* 137,85 euros de congés payés afférents,

* 3 614,92 à titre d'indemnité nourriture,

* 361.49 de congés payés afférents,

* 5 000 de dommages et intérêts pour la pratique illégale de l'abattement forfaitaire,

* 3 632,94 euros (2 mois de salaire) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 363,29 de congés payés afférents,

* 4 577,10 à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 15 682,70 euros (9 ans d'ancienneté) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société STN aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 octobre 2021, la société STN-TEFID demande à la Cour de :

- dire et juger le licenciement pour faute grave de Mme [R] justifié,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre incident,

- condamner Mme [R] à régler à la société STN la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande de rappel de salaire de la catégorie B

La salariée soutient qu'elle appartient à la catégorie B des agents de services qualifiés dès lors qu'elle a exercé pendant plus de 3 mois au moins une activité de prestations associées en sus de son activité de propreté, conformément à l'annexe 1 relative aux classifications de l'avenant du 25 juin 2002 de la convention collective (CCN) applicable. Elle indique qu'elle n'est ainsi pas un simple 'ouvrier nettoyeur', mais que, travaillant au sein d'un hôtel 4 étoiles, elle était également chargée du réapprovisionnement des serviettes de toilettes et peignoirs propres, dépose des plateaux de courtoisie, dépôts dans les chambres des produits d'acceuil et documents de la chaîne, par exemple.

La société s'oppose à la demande de la salariée, soulignant qu'elle n'a jamais exercé l'une des prestations associées visées.

L'article 5 de l'annexe 1 relative aux classifications selon avenant du 25 juin 2002 de la CCN liste les activités classées dans les prestations associées.

La lecture de cette liste permet de constater que M. [R] ne s'est vu confier aucune des prestations associées listées, les exemples qu'elle cite relevant de son activité classique de femme de chambre.

Elle est déboutée de sa demande de ce chef et le jugement confirmé.

2-Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de nourriture

La salariée se fonde sur l'article D 3231-10 du code du travail et sur l'arrêté Croizat du 22 février 1946, selon lequel tout salarié travaillant dans un hôtel a droit à une indemnité compensatrice de nourriture, même si l'activité principale de son employeur n'est pas l'hôtellerie. Elle précise que l'article 7 de cet arrêté prévoit que '« L'employeur aura la faculté soit de nourrir gratuitement l'ensemble de son personnel, soit de lui allouer une indemnité compensatrice' ».

Mme [R] soutient qu'en sa qualité de salariée assurant l'entretien des chambres dans un hôtel, elle est partie intégrante du secteur de l'industrie hôtelière, même si son entreprise est à strictement parler une entreprise de propreté.

La société s'oppose fermement à cette argumentation, soulignant qu'aucune disposition de la convention collective de la propreté ne prévoit d'indemnité de nourriture ou de prime panier. Elle précise qu'il est admis en vertu de la circulaire DRT-DSS n° 15/90 du 9 mars 1990, et en application des articles 1 et 7 de l'arrêté CROIZAT du 22 février 1946, que l'obligation de nourrir le personnel des hôtels café restaurant s'étend aux femmes de ménage dès lors qu'elles sont présentes pendant les heures de repas et à condition qu'elles soient employées par une entreprise relevant de ce secteur d'activité ou dans une entreprise dont c'est une activité accessoire et non principale.

La société souligne qu'elle est une société de nettoyage dont c'est l'unique activité, que Mme [R] a été mise disposition au sein d'une entreprise d'hôtel et restauration et ne peut prétendre aux avantages liés à une convention collective dont elle ne relève pas. Elle indique que la salariée a d'ailleurs touché une indemnité de panier pour toute la période travaillée jusqu'à son licenciement.

L'arrêté du 22 février 1946 qui a pour objet de fixer les salaires du personnel travaillant dans tous les hôtels, cafés, restaurants et établissements de vente de denrées alimentaires ou de boissons à consommer sur place, s'applique au personnel ressortissant de l'industrie hôtelière ainsi qu'au personnel de l'industrie hôtelière travaillant dans les établissements dont l'activité principale ne ressortit pas de l'hôtellerie mais où s'effectue cependant à titre accessoire la vente de denrées ou de boissons à consommer sur place.

La salariée n'est pas concernée par cet avantage dans la mesure ou son employeur ne rélève pas du secteur des hôtels, cafés, restaurants ainsi que des secteurs de la restauration des collectivités, de la restauration rapide, des chaînes de cafétérias, et des casinos.

En tout état de cause, l'employeur a versé à Mme [R] une prime de panier jusqu'en mars 2018.

La salariée est déboutée de sa demande de chef. Le jugement est confirmé.

3-Sur la demande de rappel de salaire à temps complet de juillet 2015 à juin 2016 inclus

La salariée indique qu'alors qu'elle travaillait à temps partiel, elle a effectué des heures complémentaires chaque mois et qu'en juillet 2015, elle a travaillé 153 h50 heures, puis 160h 67 en juin 2016. Elle indique qu'en application de l'article L 3123-17 du code du travail, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié, à compter de la première irrégularité, en contrat à temps plein.

La société soutient que la demande est infondée.

L'article L. 3123-17 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnement.

La requalification est encourue, dès lors que les heures complémentaires ont pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale ou conventionnelle du travail, et ce à compter de la première irrégularité, même sur une période limitée.

La cour constate à l'examen du bulletin de paie de juillet 2015 de Mme [R] qu'alors que celle-ci était embauchée à temps partiel (130 heures mensuellement), elle a effectué des heures complémentaires portant la durée de son temps de travail à153,5 heures, soit une durée supérieure au temps plein légal.

Le contrat de travail de Mme [R] doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter de juillet 2015.

Infirmant le jugement déféré, il est en conséquence fait droit à sa demande de rappel de salaire de ce chef pour un montant de 1328,89 euros, outre la somme de 132,88 euros au titre des congés payés afférents.

4-Sur la demande de rappel de salaire du fait de l'annulation de la mise à pied des 25, 26 et 27 avril 2018

La salariée demande un rappel de salaire estimant que la mise à pied disciplinaire notifiée le 17 avril 2018 doit être annulée. Dans le dispositif de ses conclusions, la salariée ne demande pas formellement l'annulation de cette sanction. Néanmoins, la demande de rappel de salaire au dispositif et les moyens développés dans la discussion permettent à la cour de considérer qu'elle est nécessairement saisie de cette demande.

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, l'article L. 1332-4 du code du travail limitant à deux mois la prescription des faits fautifs. En outre, l'article L. 1333-1 du code du travail édicte qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, l'article L. 1333-2 du même code prévoyant qu'il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'employeur indique qu'il a été notifiée une mise à pied à la salariée le 17 avril 2018, pour la période du 25 au 27 avril 2018 et que les manquements de la salariée à la discipline générale de la société et au réglement intérieur, les 21 et 22 février 2018, justifient cette sanction.

La salariée répond que les 21 et 22 février 2018, elle était sous le coup d'une autre mise à pied, si bien qu'elle ne travaillait pas et n'a pas pu contrevenir aux régles de la société. Elle indique par ailleurs, qu'il n'est pas prouvé l'envoi d'un courrier de convocation, si bien que la sanction est nulle.

Effectivement, si l'employeur verse aux débats un courrier de convocation en date du 16 mars 2018 pour le 27 mars 2018, il ne produit pas l'AR de cette lettre ni le récapitulatif d'acheminement émanant de la poste. La preuve de la convocation à un entretien préalable à sanction n'est pas rapportée. La sanction doit être annulée.

Il est ainsi fait droit au rappel de salaire pour un montant de 220,02 euro, outre la somme de 22,02 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

5-Sur les autres demandes de rappel de salaire

5-1-Sur le rappel de salaire du 24 au 28 février 2018

La retenue de salaire effectuée sur cette période n'est pas liée à la mise à pied à titre conservatoire notifiée le 26 janvier 2018, les retenues ayant été faites en janvier 2018. Les retenues de février 2018 sont motivées par une absence injustifiée de la salariée ainsi que cela résulte du mail du 1er mars 2018 (pièce 18 de l'employeur).

La salariée est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5-2-Sur le rappel de salaire de mars, mai et juin 2018

La salariée sollicite de ce chef le paiement de 1072,19 euros de ce chef, outre les congés payés afférents.

L'employeur affirme que la salariée était en absence injustifiée pour 56 heures en mars 2018, 7 heures en mai 2018 et 14 heures en juin 2018, ce que nie la salariée. Il ne justifie pour autant pas avoir été alerté de ce chef par le supérieur de la salariée ou avoir mis en demeure sa salariée de justifier de ses absences.

Ainsi il doit être constaté que la preuve de la réalité des absences reprochées n'est rapportée.

Il est fait droit à la demande de Mme [R] de ce chef. La société est condamnée à lui payer la somme de 1072,19 euros de, outre la celle de 107,21 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur la demande de dommages et intérêts pour minoration des droits sociaux

Mme [R] soutient que son employeur a pratiqué en toute illégalité un abattement pour frais professionnels sur l'assiette de calcul de ses cotisations sociales en l'assimilant aux ouvriers du bâtiment prétextant la doctrine fiscale en la matière. Elle précise qu'un arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 janvier 2012 a condamné la pratique de la déduction forfaitaire pour les salariés travaillant sur un seul site, rappelant d'une part que les ouvriers du nettoyage ne sont pas spécifiquement visés par l'article 5 de la section « traitements et salaires » du code général des impôts et d'autre part que les ouvriers du bâtiment visés par cet article ne sont pas ceux qui travaillent en usine ou en atelier, c'est-à-dire sur un seul site. Elle souligne que si la circulaire ministérielle du 8 novembre 2012 émanant des ministres des affaires sociales et des finances demande aux agents de contrôle URSSAF de respecter la règle de l'abattement des frais professionnels et de ne plus retenir la condition de 'multi-sites' pour valider l'abattement pratiqué, cette circulaire n'a pas force de loi et ne s'impose pas au juge judiciaire.

Elle souligne que la légère diminution des charges salariales de l'ordre de 17 euros par mois pour un SMIC à temps complet ne compense pas la perte subie au titre des droits sociaux qu'elle estime à 65 euros par mois travaillé à temps plein.

La société STN fait valoir qu'elle était fondée à pratiquer l'abattement forfaitaire pour la salariée. Elle expose qu'au terme de l'alinéa 2 de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale : « L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnels ont donné leur accord ».

Elle souligne que la circulaire n°2013-02-S10 du 1er février 2013 de la Fédération des Entreprises de Propreté autorise la déduction forfaitaire spécifique pour les frais professionnels, que deux nouvelles circulaires en date des 9 décembre 2016 et 17 janvier 2020 confirment la légalité de la DFS, y compris pour les salariés mono site, dès lors que ceux-ci ont opté pour celle-ci lors de la conclusion de leur contrat de travail, étant précisé que les deux parties ont la faculté de renoncer au bénéfice de cette mesure avant le 31 décembre de l'année en cours, pour les années à venir. La société indique encore que l'abattement des frais professionnels est également prévu par un accord professionnel d'entreprise validé par le Comité d'entreprise de la société TEFID (filiale absorbée par STN) le 16 décembre 2003.

La société fait également valoir que la liste des professions pouvant bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est limitative et visée par l'article 9 du Code général des impôts en son annexe IV et que sont notamment listés « les ouvriers du bâtiment visés aux paragraphes 1 et 2 de l'article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier ». Elle souligne qu'une réponse ministérielle de 1972 a ouvert le droit à la déduction aux ouvriers du secteur de la propreté par analogie avec ceux du bâtiment et que dans une lettre circulaire ministérielle du 8 novembre 2012 (DSS/SD5B/NH ; D-2012-9774) le ministre des affaires sociales et de la santé et le ministre de l'économie demandent au directeur de l'agence centrale des organismes sociaux de ne plus prendre en compte la condition selon laquelle la déduction forfaitaire spécifique ne peut être appliquée qu'à des salariés multi-sites des entreprises de propreté.

Enfin, la société soutient que la salariée qui a bénéficié d'un salaire net supérieur tous les mois, sans jamais avoir dénoncé le régime de l'abattement forfaitaire, ne justifie d'aucun préjudice.

Aux termes de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, l'indemnisation des frais professionnels s'effectue:

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié ;

- soit sur la base d'allocations forfaitaires.

L'article 9 de cet arrêté prévoit que les professions, prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, comportant des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique.

L'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou accord collectif de travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. A défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option. Celle-ci peut alors figurer soit dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail, soit faire l'objet d'une procédure de mise en oeuvre par l'employeur consistant à informer chaque salarié individuellement, par lettre recommandée avec accusé de réception, de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits, accompagnée d'un coupon réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié, et à défaut de réponse, le silence du salarié valant accord définitif.

L'assiette des cotisations est alors constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications ou autres acquises aux intéressés, y compris, le cas échéant, les indemnités versées au travailleur salarié ou assimilé à titre de remboursement des frais professionnels, à l'exception de celles versées, d'une part, à certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par le travailleur salarié ou assimilé et, d'autre part, de celles versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes. La liste limitative de ces exceptions est jointe en annexe du présent arrêté.

Il est constant que depuis une réponse ministérielle du 18 mai 1972, la doctrine fiscale assimile les ouvriers du nettoyage aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte. En outre, dans une lettre circulaire ministérielle du 8 novembre 2012, il a été demandé aux contrôleurs des Urssaf et des Caisses générales de sécurité sociale de ne plus retenir cette condition 'multi-sites' pour les entreprises du secteur de la propreté, cette lettre circulaire ayant 'en contrepartie' abaissé la déduction forfaitaire dans le secteur de la propreté dont le taux était de 10 % par analogie avec le bâtiment au taux de 9 % pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013, puis au taux de 8 % pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014.

La cour de cassation admet cette assimilation à condition que les salariés concernés travaillent sur plusieurs chantiers pour le compte d'un même employeur. Toutefois, la pratique n'est licite que si la salariée expose réellement des frais professionnels.

Il n'est pas discuté que la société STN a appliqué la déduction forfaitaire spécifique à la relation contractuelle conclue avec Mme [R], un accord sur l'abattement professionnel ayant été conclu entre la direction et les représentants du personnel, membres du comité d'entreprise, le 16 décembre 2003.

Mme [R] exerçait sur un seul site mais ne supportait aucune charge spéciale au titre de l'accomplissement de ses missions.

Il s'ensuit que, alors que Mme [R] travaillait pour le même employeur sur un site unique sans engager de frais professionnels particuliers, son emploi ne pouvait être assimilé à ceux appartenant à la liste des professions concernées par la déduction forfaitaire spécifique.

Dès lors, l'abattement appliqué à la salariée est injustifié. Cette pratique a entraîné une diminution structurelle des droits sociaux de la salariée, non compensée par la diminution conjoncturelle de ses cotisations sociales, ce qui cause à la salariée un préjudice certain dont il lui est dû réparation laquelle sera fixée à la somme de 3000 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 11 juillet 2018, il est reproché à la salariée d'avoir, le 6 juin 2018, volé deux bouteilles d'eau et deux bols en porcelaine, exclusivement réservés à la clientèle de l'hôtel. Il est indiqué que la salariée a reconnu les faits lors de l'entretien préalable. Il est souligné que ces faits mettent en péril la pérennité du contrat commercial et a entâché l'image de marque de la société. La lettre de licenciement mentionne également que le supérieur hiérarchique de la salariée se plaint de son comportement depuis son arrivée, celle-ci n'en faisant qu'à sa tête, effectuant partiellement ses tâches et créant des problèmes.

La salariée soutient que la fouille de son sac était illicite même si elle l'a elle-même ouvert. Elle souligne qu'elle n'a pas été informée de son droit de s'opposer à cette fouille ou à demander la présence d'un témoin et que la preuve de la réalité des faits reprochés n'est pas rapportée, aucune attestation de la chef de service et de l'autre femme de chambre présente n'étant versée aux débats. Elle précise, pour le surplus, d'une part qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire et d'autre part que la lettre de licenciement ne fait état d'aucun fait nouveau pour lequel elle n'aurait pas déja été sanctionnée.

L'employeur indique que la réalité du vol ne souffre aucune discussion dans la mesure où Mme [M] [H], chef du site sur lequel était affectée la salariée, a surpris cette dernière en flagrant délit de vol dans les vestiaires, lui demandant d'ouvrir son sac, lequel contenait deux bouteilles d'eau et deux bols en porcelaine qu'elle a reconnu avoir pris dans une chambre.

Il précise que l'hôtel l'a prévenu par mail le 20 juin 2018 et que la salariée a reconnu les faits et a rendu les objets à sa responsable.

L'employeur soutient que voler sur son lieu de travail entraîne une perte de confiance avérée de l'employeur envers son employé de telle sorte qu'il est impossible de maintenir un quelconque lien de subordination entre eux.

Il rappelle que Mme [R] a fait l'objet de plusieurs avertissements et avait déja été convoquée à un entretien préalable pour des faits similaires.

La cour constate que selon la lettre de licenciement, Mme [H], chef de site, trouvant que le sac de Mme [R] était 'bien rempli', lui a demandé de l'ouvrir et a constaté la présence de deux bouteilles d'eau et de deux bols en porcelaine à l'intérieur.

Il est de juriprudence que l'employeur peut demander aux salariés d'ouvrir leur sac, uniquement si des raisons impérieuses le justifient (sécurité, disparition de matériel). De telles solutions doivent être proportionnées au but recherché et justifiées par les circonstances conformément aux dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail.

Sauf circonstances exceptionnelles, le salarié doit donner son accord et avoir été averti de son droit de s'y opposer et d'exiger la présence d'un témoin.

Or, tel n'a pas été le cas en espèce.

Dès lors, la preuve du vol des deux bouteilles et des deux bols, à la supposer rapportée dans les circonstances décrites par l'employeur, ne peut être retenue pour justifier le licenciement pour vol.

Le second grief n'est pas précis et ne vise aucun fait en particulier.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

8- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 1631 euros.

8-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à deux mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 3262 euros, outre la somme de 326,20 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

8-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

En application de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, il est dû à Mme [R] la somme de 3900,80 euros.

Le jugement est infirmé de ce chef.

8-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige,  si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [R] peut prétendre, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, à une indemnité équivalente au minimum à 3 mois et au maximum à 9 mois de salaire brut.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R], de son âge au jour de son licenciement (50 ans), de son ancienneté à cette même date (9 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 4893 euros (3 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

9- sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

10-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SAS STN de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, la SAS STN est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [N] [R] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS STN est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [N] [R] de sa demande de rappel de salaire de la catégorie B, de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de nourriture, de sa demande de rappel de salaire du 24 au 28 février 2018 et en ce qu'il a débouté la SAS STN de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE le licenciement Mme [N] [R] pour faute grave en licenciement sans cause rélle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS STN à payer à Mme [N] [R] les sommes suivantes :

-3262 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 326,20 euros pour les congés payés afférents,

- 4893 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-3900,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-1328,89 euros au titre de rappel de salaire à temps complet de juillet 2015 à juin 2016 inclus , outre la somme de 132,88 euros au titre des congés payés afférents,

-220,02 euro au titre du rappel de salaire du 25 au 27 avril 2018 , outre la somme de 22,02 euros au titre des congés payés afférents,

-1072,19 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de mars, mai et juin 2018, outre la somme de 107,21 euros au titre des congés payés afférents

-3000 euros à titre de dommages et intérêts pour pratique irrégulière de l'abattement forfaitaire,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE d'office à la SAS STN le remboursement à Pôle Emploi, devenu France Travail des indemnités de chômage versées à Mme [N] [R] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi, devenu France Travail, du lieu où demeure le salarié.

CONDAMNE la SAS STN à payer à Mme [N] [R] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE la SAS STN de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS STN aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05415
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.05415 ?
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