La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°21/03828

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 juin 2024, 21/03828


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03828 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTKN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/09796





APPELANTE



Madame [O] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082





INTIMEE



S.A. ORANGE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène SAID, avocat au barrea...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03828 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTKN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/09796

APPELANTE

Madame [O] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMEE

S.A. ORANGE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : B0989

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [O] [B] a été embauchée par la société Orange suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1997 en qualité de téléopératrice.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des télécommunications.

Promue aux fonctions de chef de projet marketing direct à compter du 1er novembre 2012,

catégorie E, Mme [B] occupait en dernier lieu, depuis le 1er février 2013, le poste de responsable laboratoire validation terminaux, également en catégorie E.

A compter du 13 janvier 2015, la salariée a été placée en arrêt de travail, régulièrement renouvelé jusqu'au 31 octobre 2017.

Le 6 octobre 2017, Mme [B] a été reconnue invalide 2ème catégorie par la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France, à effet au 1er novembre 2017. Elle a par suite été placée en congé non rémunéré pour raison de santé à compter de cette date.

A l'occasion d'une visite de reprise le 24 janvier 2019, l'intéressée a été déclarée inapte par le médecin du travail, avec dispense de reclassement.

Par courrier en date du 12 mars 2019, la société Orange a informé Mme [B] de la saisine de la commission consultative paritaire compétente, qui a rendu un avis favorable au licenciement le 18 juillet 2019.

Par lettre de licenciement du 30 juillet 2019, Mme [B] a été licenciée pour inaptitude.

Par acte du 31 octobre 2019, Mme [B] a assigné la société Orange devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir notamment rembourser une retenue non autorisée et sans justificatif et condamner son employeur à lui verser diverses indemnités, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 1er mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :

- déboute Mme [O] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- déboute la S.A. Orange de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [O] [B] aux entiers dépens.

Par déclaration du 19 avril 2021, Mme [B] a interjeté appel de cette décision, intimant la société Orange.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, Mme

[B] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

- recevoir la demande de Mme [B] qui, sur un fondement différent, tend toujours à la condamnation de la société Orange en suite d'une retenue non autorisé et sans justificatif ;

- condamner la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 889 euros à titre de

dommages-intérêts pour une retenue non autorisée et sans justificatif ;

- condamner la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 9 634,53 euros à titre de préavis avec intérêts de droit à compter du 8 novembre 2019 ;

- condamner la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 963,45 euros à titre de congés payés sur préavis avec intérêts de droit à compter du 8 novembre 2019 ;

- condamner la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 52 990,57 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- condamner la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont moitié au titre de la première instance et moitié au titre de la procédure d'appel ;

- ordonner la délivrance d'un certificat de travail, d'une attestation pour Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard à partir du terme du mois suivant le mois au cours duquel interviendra la notification de la décision,

- condamner la société Orange aux dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2024, la S.A. Orange demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la demande nouvelle de Mme [B] présentée pour la première fois en cause d'appel tendant à la condamnation de la société Orange à payer à Mme [B] la somme de 889 euros à titre de dommages-intérêts pour une retenue non autorisée ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Par conséquent :

A titre principal :

- juger le licenciement de Mme [B] pour inaptitude fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [B] à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner Mme [B] aux entiers dépens ;

A titre extrêmement subsidiaire :

- constater que Mme [B] n'établit aucun préjudice ;

- dire et juger que l'ancienneté de cette dernière déduction faite de ses arrêts de travail est de 17 ans ;

- réduire en conséquence ses demandes à de plus justes proportions ;

- la débouter de ses demandes.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs

conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2024.

MOTIVATION

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la retenue sur salaire :

Mme [B] soutient que sa demande de paiement de dommages et intérêts à hauteur de 889 euros est recevable dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au conseil de prud'hommes à hauteur de 12 144,68 euros, même si son fondement juridique est différent. Elle indique que cette prétention porte toujours sur les conséquences d'une retenue sur salaire, à laquelle l'employeur a procédé sans son accord et sans lui fournir justificatif. Elle précise qu'elle n'a jamais demandé d'acomptes ou d'avances et ignorait leur existence, les bulletins émis après la clôture des paies présentant parfois une avance de 2 000 euros ressemblant à des régularisations, et qu'elle n'a jamais eu de retard dans la remise de ses arrêts. Elle indique qu'il lui a fallu un long travail de reconstitution pour comprendre que l'indu provenait des acomptes et avances divers tels qu'enregistrés sur la justification fournie en cours de procédure, et que son responsable hiérarchique recevait les arrêts en temps et en heures sans les retransmettre. Elle considère que la carence ou les manigances de son employeur lui ont causé un préjudice financier résultant d'un taux d'imposition en 2019 de 7,32 %, soit un préjudice de trésorerie de 889 euros.

La société Orange soutient que cette demande est irrecevable en appel compte tenu de son

caractère nouveau, dès lors que la salariée sollicitait en première instance un rappel de salaire, c'est-à-dire le remboursement d'une retenue non autorisée, alors qu'elle sollicite désormais l'allocation de dommages-intérêts. Subsidiairement, elle soutient que l'appelante n'a subi aucun préjudice du fait de l'application du régime de prévoyance, dès lors qu'elle a continué à percevoir sa rémunération sans dépendre des versements de cet organisme, et que la plupart des prolongations d'arrêt de travail ayant généré une avance sur salaire était envoyées après le 10 du mois, donc postérieurement à la date de clôture de paie.

Sur la recevabilité de la demande :

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En revanche, l'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur

fondement juridique est différent.

En l'espèce, la demande indemnitaire en réparation du préjudice financier résultant du trop-perçu tend aux mêmes fins que la demande initiale dès lors qu'elle a trait à l'indemnisation des conséquences de la retenue sur salaire. Cette demande est, par suite, recevable et il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par l'intimée.

Sur le bien-fondé de la demande :

En premier lieu, il sera relevé que l'appelante ne conteste pas le bien-fondé de la compensation opérée aux termes du bulletin de paie du mois d'août 2019 à hauteur de 12 144,68 euros, au titre des trop-perçus au titre de la prévoyance et du maintien de salaire.

En second lieu, il ressort des éléments du dossier que les sommes retenues par la société Orange correspondaient à des avances de paie versées par anticipation à Mme [B] sur plusieurs mois.

L'employeur a ainsi fait l'avance des indemnités journalières de prévoyance distribuées par

l'organisme Humanis, ce dernier devant les lui rembourser dans un second temps.

Toutefois, il est constant que cet organisme a cessé d'être redevable de ces indemnités à compter du 1er novembre 2017 compte tenu du placement de la salariée en invalidité, celle-ci devenant bénéficiaire d'une rente d'invalidité à compter de cette date. Il ne ressort d'aucun élément du dossier, contrairement à ce que soutient la salariée, que la société Orange aurait manqué de diligence dans la mise en 'uvre du régime de prévoyance, ni qu'elle aurait commis une quelconque faute à cet égard.

Aucun des manquements allégués n'étant imputable à l'employeur, Mme [B] n'est pas fondée à réclamer l'octroi de dommages et intérêts à ce titre.

Au surplus, il y a lieu d'observer que la demande tend à l'octroi de dommages et intérêts pour une « retenue non autorisée et sans justificatif », alors que la somme sollicitée à hauteur de 889 euros ne correspond pas au montant de cette retenue mais au préjudice fiscal, au demeurant non établi, qui aurait résulté du trop-perçu, et que la société a fourni, dans un courrier du 27 décembre 2017 et en cours de procédure, des explications sur le calcul des sommes imputées à la salariée, laquelle en reconnaît le bien-fondé et, par suite, le caractère justifié.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts fondée sur une retenue non autorisée et sans justificatif.

Sur la rupture du contrat de travail :

Mme [B] soutient que son inaptitude, qu'elle ne conteste pas, est due à une exposition anormale à un stress professionnel, résultant d'une modification de son poste de travail, d'un manque d'empathie, d'un désintérêt de son employeur et de sa mise à l'écart, ainsi que d'un dénigrement dont elle a été victime, qui ont altéré son état de santé. Elle précise qu'elle a ainsi été affectée à un poste dépourvu d'intérêt dès lors que lui ont été retirées, sans raison, la fonction marketing qui lui avait été promise, puis ses principales responsabilités, avant qu'elle ne soit dénigrée au terme d'une évaluation injuste dont elle ne s'est jamais remise. Elle considère que c'est à tort que les premiers juges ont exclu toute recherche de responsabilité au motif que sa maladie n'avait pas été reconnue par la sécurité sociale comme une maladie professionnelle. Elle précise qu'elle a très vite souffert des conséquences d'un mauvais calibrage de son poste qui s'est révélé sans intérêt, qu'elle est ainsi restée le dos bloqué trois semaines pendant l'été 2013, qu'elle a mi-juin 2014 perdu la vue d'un 'il pendant plus d'une heure, et a été victime successivement d'un accident ischémique transitoire puis, à la rentrée 2014, d'une crise de colique néphrétique.

La société Orange conteste l'ensemble de ces allégations. Elle fait valoir que la salariée a

pleinement exercé les attributions dévolues par sa fiche de poste, qui ne laissait apparaître aucune dimension marketing. Elle soutient que l'évaluation des risques psychosociaux réalisée démontre qu'elle n'a commis aucun manquement, et conteste la valeur probante des attestations versées par l'appelante. Elle observe que Mme [B] ne se prévaut d'aucune situation de harcèlement moral. Elle conteste toute origine professionnelle de l'inaptitude.

Sur les griefs reprochés à l'employeur :

Mme [B] reproche à l'employeur de l'avoir affectée, à compter du 1er février 2013, à un nouveau poste en lui promettant à tort une dimension de marketing qu'elle connaissait compte tenu de son précédent poste.

Elle produit notamment, au soutien de cette affirmation, la fiche de poste correspondant à son changement d'emploi.

Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier, et notamment de cette fiche descriptive qui

prévoit que le responsable de laboratoire « participe à la continuité du développement du

laboratoire », que le poste de responsable de laboratoire sur lequel elle a été affectée devait

comporter à l'origine une dimension marketing.

Mme [B] reproche également à son employeur de n'avoir pas fait évoluer le poste vers une dimension de marketing qui avait été envisagée, ce qui a fait perdre l'intérêt des tâches confiées à elle.

A cet égard, la première évaluation établie au 30 août 2013 relève que : « le statut partiellement atteint ne reflète pas une situation de non travail mais plutôt un grand challenge partiellement relevé » et que « suite à un démarrage un peu dur, la charge de travail est actuellement normale et devrait permettre à [O] de prendre en charge d'autres activités (conformément à ses attentes) », ce qui révèle seulement qu'un élargissement de ses missions contractuelles était envisageable, l'évaluation suivante établie fin 2013 montrant qu'un objectif de marketing lui a été ponctuellement assigné en 2014. Il ne ressort toutefois pas des évaluations versées aux débats que la société Orange se serait engagée à faire évoluer le poste occupé par la salariée vers des fonctions de marketing.

S'il ressort des évaluations suivantes établies en 2014 que l'activité marketing France a été

confiée de manière pérenne à une autre équipe, les missions confiées à la salariée demeuraient variées et conformes à sa fiche de poste, impliquant notamment le pilotage du laboratoire et le management du référentiel laboratoire, de l'activité logistique, et de l'équipe logistique, la mise en production et la finalisation de l'outil logistique, ainsi que la promotion de l'activité du laboratoire devices.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats qu'une évaluation des risques psychosociaux a été réalisée et que le compte-rendu établi le 10 octobre 2013 relève que « la responsable laboratoire validation terminaux exprime le fait de « ne pas déborder de travail » mais pour le moment « le vit bien » (précision d'une évolution des missions avec ajout de projets et chantiers autres que les plans de test à réaliser en cours de réflexion / mise en place) ».

Contrairement à ce que soutient la salariée, ce document n'est pas de nature à démontrer la réalité du grief allégué.

Par ailleurs, l'entretien de performance individuel réalisé le 19 mai 2015 évoque une baisse

constante, depuis 2014, du budget et du volume des activités et ressources et relève que « ces faits peuvent expliquer une démotivation sur le poste », posant la question de l'opportunité d'une mobilité urgente. Ces éléments, qui font état d'une démotivation de la salariée en lien avec une baisse du budget et de l'activité, ne sont pas davantage de nature à établir les faits allégués.

Mme [B] reproche également à l'employeur de l'avoir mise à l'écart de l'entreprise.

Toutefois, si elle soutient que les rencontres hebdomadaires avec son responsable ont été

annulées et que la communication entre eux ne se faisait plus qu'en distanciel, les échanges de courriels et de messages téléphoniques qu'elle produit, dont la teneur évoque au contraire une communication professionnelle fluide, ne permettent nullement d'en déduire qu'aucune communication directe n'avait lieu en parallèle de ces échanges.

Par ailleurs, les deux attestations versées par l'appelante sont dépourvues de toute valeur

probante dès lors que leurs signataires, liées à la salariée par un lien personnel, font manifestement état de propos rapportés par l'intéressé, sans avoir été directement témoins des faits alors que ces attestations sont présentées comme si tel était le cas.

Il ne ressort pas davantage des échanges électroniques du 10 octobre 2014 et du 7 janvier 2015 que la salariée aurait été écartée d'activités relevant de ses missions.

Si l'appelante fait également état d'un refus de formation résultant du défaut de réponse à une demande formée par elle le 7 janvier 2015, il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu bénéficier de diverses formations au cours de sa carrière, et que s'agissant de la demande litigieuse, aucun refus fautif n'est imputable à l'employeur alors au demeurant que la salariée s'est trouvée, quelques jours après le dépôt de cette demande, en arrêt maladie.

Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'avant le placement de Mme [B] en arrêt

maladie, le service aurait été totalement réorganisé sans qu'elle n'en soit tenue informée.

En outre, la circonstance dont se prévaut l'appelante qu'elle ait été retirée, par son supérieur

hiérarchique, des boucles électroniques de réunions et d'informations des comptes-rendus dès le 13 janvier 2015, soit à compter de son arrêt, et qu'elle n'ait plus été destinataire des

convocations ne caractérise pas une mise à l'écart dès lors qu'elle se trouvait précisément en congé maladie à partir de cette période. Il en va de même du fait que l'employeur ait pourvu au remplacement de la salariée durant cet arrêt.

La circonstance que certains documents sociaux établis par l'employeur aient été erronés n'est pas davantage de nature à caractériser un manquement de l'employeur.

S'il ressort également des pièces produites que les services de l'inspection du travail sont

intervenus à la suite d'une réclamation de la salariée et qu'un entretien a eu lieu avec l'employeur, il n'apparaît pas qu'une difficulté ait été relevée à l'issue de cette démarche.

En revanche, il est établi que la société Orange a, en raison d'un problème d'organisation interne, accusé réception avec un mois et demi de retard, le 21 décembre 2017, de la reconnaissance de l'invalidité deuxième catégorie dont a bénéficié l'appelante à compter du 1er novembre 2017.

Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la salariée aurait été, en raison d'un fait

imputable à l'employeur, privée pendant trois mois du revenu complémentaire de prévoyance.

Il est également établi qu'ainsi que le soutient Mme [B], celle-ci a fait l'objet d'un

entretien d'évaluation tenu en son absence, sans que l'employeur ne justifie l'en avoir avertie au préalable et qui a donné lieu à un compte-rendu réalisé quelques jours avant le terme de son arrêt de travail initial, qui était fixé au 26 février 2015.

Si, comme le relève l'employeur, le compte-rendu de cette évaluation pour le second semestre de l'année 2014 comporte des éléments d'appréciation positifs, il n'en demeure pas moins qu'il contient des éléments négatifs notamment formulés comme suit : « il y a de gros efforts à faire sur le management de l'activité. A commencer par un respect des directives managériales. Ensuite, accepter l'innovation et promouvoir l'optimisation au sein de l'équipe. Prendre le temps de FORMALISER tes activités, PRESENTER et METTRE EN VALEUR tes réalisations. », sans que Mme [B] n'ait été en mesure de présenter des observations.

Toutefois, étant rappelé que la cour a retenu plus haut l'absence de valeur probante des attestations produites, il ne ressort d'aucun élément que son responsable aurait outrepassé

l'exercice normal de son pouvoir de direction ni que la salariée aurait été dénigrée ou menacée d'exclusion de son équipe.

Enfin, Mme [B] soutient qu'une tentative de reprise à mi-temps thérapeutique s'est soldée par un échec du fait que la société n'a pas voulu la laisser reprendre sur son poste, en posant comme condition préalable, par courriel du 23 novembre 2016, la justification de l'accord de la caisse primaire d'assurance maladie, puis en lui notifiant sa réaffectation provisoire pour un mi-temps thérapeutique sur une mission provisoire au sein du département d'expertise, la mettant ainsi à l'isolement hors de son service.

Il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que contrairement à ce qu'elle indique, le courriel du 23 novembre 2016 émanant de l'employeur l'invitait seulement à effectuer une demande auprès de la caisse primaire d'assurance maladie pour qu'elle s'assure de la prise en charge de l'indemnisation du temps partiel thérapeutique envisagé, tout en la convoquant en parallèle à la visite de reprise, et, d'autre part, que l'employeur n'avait fait que lui proposer à l'occasion de ce projet une orientation vers un autre poste adapté à sa situation, ainsi qu'elle en avait émis le souhait, en précisant que cette mission transverse temporaire « d'une durée minimale de 3 mois à renouveler si besoin » devait lui laisser « le temps nécessaire pour mener une réflexion sur [son] projet professionnel », la salariée devant bénéficier d'un accompagnement à cet égard.

Sur l'origine de l'inaptitude :

Il appartient au juge de vérifier si l'inaptitude du salarié à son poste a, au moins partiellement, une origine professionnelle, c'est à dire s'il existe un lien de causalité, même non exclusif, entre l'activité professionnelle exercée et l'inaptitude.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie

professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

La détermination de l'origine professionnelle de l'inaptitude n'étant pas subordonnée à la

reconnaissance par la caisse primaire d'assurance-maladie d'un accident du travail ou d'une

maladie professionnelle, Mme [B] est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont, notamment, fondés sur l'absence de reconnaissance par cet organisme d'une maladie professionnelle.

S'agissant de l'appréciation de l'origine professionnelle de l'inaptitude, il ressort des éléments du dossier que le médecin traitant de la salariée a établi un certificat médical le 2 mai 2018 indiquant la suivre « dans le cadre de sa maladie thromboembolique veineuse récidivante » et avoir « mis en évidence l'existence de polymorphismes génétiques pouvant majorer ce risque vasculaire ». Il précise qu'il « s'agit de la mutation hétérozygote du gène du facteur XII associée à des polymorphismes du gène du groupe ABO et une mutation du gène du facteur XIII » et ajoute que : « il existe des antécédents familiaux thrombotiques » et que « cette thrombophilie a été majorée par l'intoxication tabagique, le stress professionnel majorant la réactivité endothéliale avec un syndrome de Raynaud ».

Mme [B] en déduit que cet élément, combiné aux attestations qu'elle produit relativement à un stress professionnel, démontre que sa tristesse liée au travail a généré un stress qui l'a rendue exceptionnellement malade compte tenu d'une prédisposition génétique apparue à cette occasion.

Toutefois, il y a lieu de relever que ce certificat médical est daté de plus de trois ans après le début de son arrêt maladie, que le stress professionnel dont il est fait mention relève manifestement d'une retranscription des propos de l'intéressée, les attestations produites par l'appelante à cet égard étant par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, dépourvues de valeur probante et que, s'agissant du tabagisme ayant majoré la thrombophilie, la salariée indique qu'elle fumait à l'occasion de fonctions antérieures.

Aucune des autres pièces du dossier, et notamment médicales, ne permet davantage de considérer que l'inaptitude serait liée aux conditions de travail de l'intéressée.

Dès lors, la salariée n'est pas fondée à se prévaloir de l'origine professionnelle de son inaptitude ni, en tout état de cause, à en déduire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Les autres prétentions procédant de cette demande ne sont pas davantage fondées.

Dès lors, le jugement sera confirmé.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] sera condamnée aux dépens d'appel, les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant en revanche rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE Mme [O] [B] aux dépens d'appel ;

REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/03828
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.03828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award