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19/06/2024 | FRANCE | N°20/14986

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 19 juin 2024, 20/14986


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14986 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQLS



Décision déférée à la Cour : jugement du 03 septembre 2020 - tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 18/08086





APPELANTE



Madame [Y] [C] [O]

[Adresse 2]

[Local

ité 7]



Représentée à l'audience par Me Pascal POYLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0091





INTIMEES



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 3B DE LA ZAC DES DOCKS représenté par la SARL...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14986 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQLS

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 septembre 2020 - tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 18/08086

APPELANTE

Madame [Y] [C] [O]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée à l'audience par Me Pascal POYLO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0091

INTIMEES

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 3B DE LA ZAC DES DOCKS représenté par la SARL OLLIADE, syndic en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Guy PÉCHEU, avocat au barreau de PARIS

S.A. EIFFAGE IMMOBILIER ILE DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Véronique LESNE BERNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0528

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Elise Thévenin-Scott, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Ange Sentucq, présidente

Mme Elise Thévenin-Scott, conseillère

Mme Patricia Lefèvre, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 20 décembre 2023 et prorogé au 19 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS EIFFAGE IMMOBILIER a courant 2013 en qualité de maître d'ouvrage entrepris la construction d'un ensemble immobilier à [Localité 7] (Seine Saint-Denis), sur le lot 3B de la ZAC des DOCKS, [Adresse 2].

Les lots ont été vendus en état futur d'achèvement et un syndicat des copropriétaires a été constitué.

Madame [Y] [C] [O] a par acte du 18 février 2014 acquis un lot dans l'ensemble immobilier.

Arguant d'un retard de livraison de son appartement, Madame [C] [O] a par acte du 22 novembre 2016 assigné la société EIFFAGE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de condamnation à livraison de l'appartement sous astreinte.

Madame [C] [O] et la société EIFFAGE ont finalement convenu d'un rendez-vous pour la livraison de l'appartement, le 9 janvier 2017 et la première s'est par courrier du 6 février 2017, via son conseil, désistée de son instance en référé.

Invoquant la non levée des réserves émises le 9 janvier 2017 puis par courrier des 6 et 7 février 2017, Madame [C] [O] a par acte du 15 septembre 2017 à nouveau assigné la société EIFFAGE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, aux fins de la voir condamner à lever lesdites réserves sous astreinte et de voir ordonner une expertise.

Le juge des référés, par ordonnance du 10 novembre 2017, a dit n'y avoir lieu à référé, la question relevant des jugesdu fond.

Madame [C] [O] a alors par acte du 18 mai 2018 assigné la société EIFFAGE et le syndicat des copropriétaires du 3B de la ZAC des DOCKS devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 3 septembre 2020, a :

- fixé la date de livraison du bien au 30 janvier 2016,

- dit que l'action de Madame [C] [O] est forclose,

- débouté Madame [C] [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Madame [C] [O] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la somme de 2.069,73 euros au titre des charges de copropriété pour la période du 1er décembre 2015 au 1er janvier 2017, premier appel de fonds de 2017 inclus.

- condamné Madame [C] [O] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la somme de1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Madame [C] [O] à payer la somme de 2.000 euros à la société EIFFAGE et au syndicat des copropriétaires, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [C] [O] aux dépens, à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Madame [C] [O] a par acte du 21 octobre 2020 interjeté appel de ce jugement, intimant le syndicat des copropriétaires du 3B de la ZAC des DOCKS et la société EIFFAGE IMMOBILIER devant la Cour.

Par conclusions signifiées le 4 mars 2021 le Syndicat des Coproriétaires de l'immeuble situé 3B de la ZAC des Docks demande à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Bobigny,

et y ajoutant,

- CONDAMNER Madame [C] [O] au paiement de la somme de 3500 euros pour procédure abusive en application des dispositions de l'article 1240 du Code Civil

- CONDAMNER Madame [C] [O] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC

- CONDAMNER Madame [C] [O] au paiement des dépens dont distraction sera faite au profit de Me Guy PECHEU, avocat aux offres de droit, et dont le recouvrement sera assuré conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 1er juin 2021 Madame [Y] [C] [O] demande à la cour de :

Vu l'acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement du 18 février 2014

Vu l'article 1101 et suivants du Code civil

Vu l'article 1642-1 et 1648 du Code civil

Vu l'article 2241 du Code Civil

Vu l'article 145 du Code de procédure civile

RECEVOIR Madame [Y] [C] [O] en son appel du jugement rendu le 3 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY

L'Y DIRE bien fondée

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (RG N°18/08086)

FIXER au 9 janvier 2017, la date de livraison du bien acquis par Madame [Y] [C] [O] en l'état futur d'achèvement et situé [Adresse 3])

JUGER que l'action de Madame [Y] [C] [O] fondée sur les dispositions de l'article 1642-1 du Code civil n'est pas prescrite

JUGER que Madame [Y] [C] [O] n'est redevable des charges de copropriétéqu'à compter du 9 janvier 2017

INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Madame [Y] [C] [O] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2.069,73 euros au titre des charges de copropriété dues pour la période du 1er décembre 2015 au 1er janvier 2017, premier appel de fonds 2017 inclus.

INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Madame [Y] [C] [O] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts

DESIGNER tel expert judiciaire qu'il plaira à la Cour avec mission de :

' Se rendre sur place sis [Adresse 3]

' Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission

' Visiter les lieux

' Examiner les désordres allégués dans l'assignation et les pièces annexes, plus particulièrement dans le courrier du 7 février 2017 adressé par Madame [Y] [C] [O] à la société EIFFAGE et dans le constat dressé le 15 mars 2017 par Maître [V] [M], huissier de justice.

' Rechercher si ces désordres proviennent soit d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse

' Fournir tous éléments techniques et de faits, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu, les préjudices matériels subis à l'aide de devis, tant du fait des désordres que de leur réfection, ainsi que les préjudices immatériels

' Examiner la consommation d'eau chaude et d'eau froide à l'intérieur de l'appartement de la demanderesse et sur le compteur d'eau froide situé à l'extérieur de l'appartement, donner son avis sur cette consommation d'eau enregistrée, et fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de statuer sur cette consommation.

' Examiner les désordres allégués par Madame [Y] [C] [O] et fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues, et d'évaluer s'il y a lieu, les préjudices subis

- En cas d'urgence reconnue par l'expert, autoriser la demanderesse à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert ; ces travaux étant alors dirigés par le maître d'oeuvre des demandeurs et par des entreprises qualifiées de leur choix, sous le constat de bonne fin de l'expert qui, dans ce cas, déposerait un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces travaux

- Dire que l'expert sera mis en oeuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat greffe de la Cour d'Appel dans les trois mois de sa saisine.

CONDAMNER la société EIFFAGE IMMOBILIER ILE DE FRANCE à verser à Madame [Y] [C] [O] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER la société EIFFAGE IMMOBILIER ILE DE FFRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour les seconds au profit de Maître Pascal POYLO, avocat aux offres de droit

Par conclusions signifiées le 16 mars 2021 la société Eiffage Immobilier Ile de France demande à la cour de :

Vu l'acte de vente du 18 février 2014,

Vu le procès-verbal de réception livraison dressé par Ministère d'Huissier le 18 décembre 2015

Vu la notification à Madame [C]-[O] de ce procès-verbal de réception livraison reçu le 30 janvier 2016,

Vu les dispositions des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code Civil,

DIRE ET JUGER Madame [C]-[O] tant irrecevable que mal fondée en son appel,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

DIRE ET JUGER ainsi que Madame [C]-[O] est forclose et prescrite en son action et la débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions,

STATUANT A NOUVEAU ,

CONDAMNER en cause d'appel, Madame [C]-[O] à régler à la Société EIFFAGE IMMOBILIER ILE DE FRANCE la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Madame [C]-[O] en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître LESNE-BERNAT, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 juin 2023

SUR QUOI,

La Cour

1- La Recevabilité de l'action

Le tribunal, au rappel de la procédure de livraison stipulée par les clauses de l'acte authentique du 18 février 2014, a jugé que la société Eiffage Immobilier Île de France a bien envoyé à Madame [C] [O] deux lettres recommandées l'invitant à assister à la livaison de son bien, le 20 août 2015, pour le 8 septembre 2015 et le 8 octobre 2015, pour le 19 octobre 2015, que la signature de Madame [C], qui n'a pas sollicité la production des originaux dans le cadre de la mise en état ni porté plainte pour faux et usage de faux, s'évince des accusés de réception cependant que le procès-verbal de constat établi le 18 décembre 2015 par Maître [N] constatant la non-levée des réserves dont Madame [C] a reconnu par courrier du 10 février 2016 adressé à la société Eiffage Immobilier Île de France avoir pris connaissance le 30 janvier 2016, fait la preuve qu'à cette date la livraison du bien avait eu lieu. Il en a inféré, aux visas des articles 1642-1 et 1648 du Code civil que l'action devait être intentée avant le 28 février 2017 et que l'ayant été par l'assignation en référé du 15 septembre 2017, alors que la première assignation diligentée le 22 novembre 2016 n'avait pour but que d'obtenir la livraison du bien sous astreinte et n'a donc aucune valeur interruptive, elle était à cette date déjà forclose en son action à l'encontre de la société Eiffage Immobilier Île de France.

Le jugement a par ailleurs retenu que le syndicat des copropriétaires n'étant pas parti à l'acte de vente celui-ci ne pouvait lui être opposable.

Madame [C] [O] fait grief au jugement d'avoir jugé qu'elle a été destinataire des lettres envoyées le 20 août 2015 et le 8 octobre 2015 alors qu'elle ne les a jamais reçues et que les deux accusés de réception produits mentionnent le cachet de la société Eiffage et la signature manuscrite du représentant de la société Eiffage le cabinet Laborde Gestion mais non la sienne cependant qu'en l'absence d'indication sur les lettres invoquées des numéros postaux des recommandés, il est impossible d'affirmer que les accusés de réception produits sont bien ceux des lettres envoyés. Elle observe que le procès-verbal de constat d'huissier du 18 décembre 2015 ne lui est pas opposable puisqu'il a été établi hors sa présence et ne lui a pas été signifié et que le jugement a retenu à tort qu'elle avait reconnu dans son courrier du 10 février 2016 l'effectivité de la livraison à la date du 30 janvier 2016 alors qu'elle a commis une erreur en utilisant l'expression " pré-livraison".

Au rappel du désistement de la procédure en référé initiée le 22 novembre 2016 contre la société Eiffage et du procès-verbal de livraison signé le 9 janvier 2017 stipulant une liste de réserves elle soutient qu'il ne fait aucun doute que les parties ont accepté de fixer une nouvelle date de livraison contradictoire le 9 janvier 2017.

Elle en infère que le 9 janvier 2017 marque le point de départ du délai de l'action en garantie visée par l'article 1642-1 du Code civil, que la prescription d'un an et un mois a été interrompue par chacune des actions en référé dirigée contre la société Eiffage le 22 novembre 2016 et le 15 septembre 2017 et qu'un nouveau délai a commencé à courir le 10 novembre 2017 de sorte que l'action introduite le 18 mai 2018 n'est pas prescrite.

Ayant formulé des réserves dans le constat de livraison du 9 janvier 2017, non levées en dépit des courriers adressés à la société Eiffage le 6 et le 7 février 2017, elle estime que le constat d'huissier du 15 mars 2017 établit la matérialité des désordres invoqués.

La société Eiffage Immobilier Île de France au soutien de la confirmation du jugement affirme que l'appelante a bien reconnu avoir pris connaissance le 30 janvier 2016 du procès-verbal de livraison dressé le 18 décembre 2015, que les stipulations de l'acte authentique ne prévoit pas que la signification du procès-verbal de constat constitue une modalité ad validatem mais seulement ad probationem et que tous les courriers témoignent que Madame [C] [O] a bien eu connaissance du procès-verbal de livraison dressé le 18 décembre 2015 le 30 janvier 2016.

Elle affirme que l'appelante a fait de la levée de toutes les réserves le préalable impératif du déblocage du solde du prix de vente et qu'ainsi c'est à la date du 30 janvier 2016 à laquelle elle a reconnu avoir eu connaissance du constat établi le 18 décembre 2015 que celui-ci lui est devenu opposable, marquant la volonté de Madame [C] [O] de recevoir livraison de l'immeuble nonobstant le fait qu'elle n'ait accepté d'en prendre possession que le 9 janvier 2017 et qu'ayant agi au fond que le 18 mai 2018, quelle que soit la date à laquelle la réception est retenue ( 18 décembre 2015, 30 janvier 2016 ou 9 janvier 2017) Madame [C] [O] est forclose en son action.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 3B de la ZAC des Docks conclut à l'irrecevabilité de toutes les demandes formées à son encontre puisqu'il n'est pas visé dans les demandes formées par Madame [C] [O] qui ne concernent que le promoteur, n'est pas tenu à la garantie due par le vendeur et n'a aucune part de responsabilité dans les difficultés invoquées par l'appelante.

Réponse de la cour

1-1 La livraison de l'immeuble

Selon les stipulations de l'acte authentique de vente pages 75 et 76 paragraphe 8) Constatation de l'achèvement, prise de possession livraison- Remise des clefs

(...)

"Le vendeur notifiera à l'acquéreur le certificat attestant l'achèvement au sens ci-dessus défini.

Le vendeur invitera l'acquéreur à constater la réalité de cet achèvement à jour et heure fixe, et prendre livraison des biens.

Constatation de l'achèvement

Il est précisé que l'achèvement est constaté conformément aux modalités prévues par l'article R 261-1 du code de la construction et de l'Habitation ci-après littéralement reproduit :

" l'achèvement de l'immeuble vendu à terme est constaté soit par les parties soit par une personne qualifiée(...)

Défaut de l'acquéreur- Procès-verbal établi par le vendeur seul et valant livraison

Au cas où l'acquéreur ne répondrait pas à la première convocation du vendeur, il serait convoqué à nouveau, par lettre recommandée avec accusé de réception, et dans le cas où il ne serait pas présent, ou valablement représenté, à la date fixée par cette seconde convocation , le Procès-Verbal d'état des lieux serait alors valablement établi par un huissier désigné par le vendeur; ce constat sera signifié à l'acquéreur auquel il sera opposable. Cette signification vaudra mise à disposition des biens, la livraison sera réputée avoir lieu, et permettra au Vendeur d'exiger le solde du prix de vente.

D'autre part, les charges de toute nature afférentes audits biens ( charges de copropriété, impôts et taxes, abonnements...) deviendront exigibles à compter de la même date.

Procès-verbal amiable

Si les parties sont d'accord pour constater l'achèvement au sens ci-dessus défini et après règlement du prix de vente restant à payer, il sera procédé à la remise des clefs à l'Acquéreur pour valoir livraison et prise de possession."

Selon les dispositions de l'article 1642-1 du Code civil : " Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents."

Selon les dispositions de l'article 1648 alinéa 2 : " Dans le cas prévu par l'article 1642-1 l'action doit être introduite à peine de forclusion dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents."

Les courriers invitant Madame [C] [O] à assister à la livaison de son bien, le 20 août 2015, pour le 8 septembre 2015 et le 8 octobre 2015, pour le 19 octobre 2015 ne font pas mention de la référence d'identification du suivi recommandé et ne sont pas étayés par l'avis de réception mentionnant la date de présentation du pli et les modalités de sa remise.

La lettre du 18 janvier 2016 envoyée par la société Eiffage Immobilier Île de France à Madame [C] [O] pour lui notifier le procès-verbal de constat dressé le 18 décembre 2015 par Maître [N], huissier de justice, et lui demander le solde du prix soit 219 736 euros n'est pas non plus accompagnée d'un avis de réception mentionnant la date de présentation du pli et les modalités de sa remise à l'appelante.

Par la lettre du 18 mars 2016 faisant suite au refus de livraison opposé par Madame [C] [O] aux demandes formées à cette fin par la société Eiffage Immobilier Île de France, celle-ci réitère la demande en paiement du solde du prix y ajoutant les pénalités de retard mais ce courrier n'est pas non plus étayé par un avis de réception faisant la preuve de la présentation du pli et des modalités de sa remise à son destinataire.

Les avis de réception produits en copie par la société Eiffage Immobilier Île de France revêtus du cachet et de la signature du représentant du cabinet Laborde Gestion pour la société Eiffage Immobilier Île de France ne peuvent faire la preuve d'une remise qu'au destinataire qu'ils visent et ne sont donc pas rattachables aux plis dont l'intimée invoque l'envoi à Madame [C] [O], ceux-ci ne mentionnant pas au demeurant les références d'identification du suivi de la lettre recommandée.

Le courrier du 10 février 2016 de Madame [C] [O], contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, ne mentionne aucune reconnaissance de réception des demandes de livraison de la société Eiffage mais exprime sa surprise de voir fixée la livraison au jour du constat de l'huissier le 18 décembre 2015, précise n'avoir reçu ni le courrier du 8 septembre 2015 ni celui du 19 octobre 2015 souligne que les avis de réception invoqués par la société Eiffage sont revêtus du cachet du gestionnaire de la société, sollicite un rendez-vous de pré-livraison et la levée des réserves indiquant qu'elle contactera la banque pour le déblocage du prix.

Par conséquent et contrairement à ce qui a été jugé, aucun élément ne permet d'établir que Madame [C] [O] a reconnu comme valant livraison à la date du 30 janvier 2016, au sens des stipulations de l'acte authentique, le procès-verbal de constat d'huissier établi de manière non contradictoire par la société Eiffage Immobilier Île de France le 18 décembre 2015 alors que ce procès-verbal de constat ne lui a jamais été signifié, ce que reconnaît la société Eiffage Immobilier Île de France, tandis que cette signification est la condition de son opposabilité aux termes de l'acte authentique.

En outre la reconnaissance de cette livraison est d'autant moins établie que le seul avis de réception signé par Madame [C] [O] le 31 mai 2016 fait suite à l'envoi de la lettre transmise par le conseil de la société Eiffage Immobilier Île de France le 30 mai 2016 rappelant le procès-verbal de constat du 18 décembre 2015, le respect de la procédure prévue à l'acte et mettant en demeure Madame [C] [O] de prendre possession du bien et d'en payer le prix fait la preuve qu'au 31 mai 2016 la société Eiffage Immobilier Île de France était encore dans l'attente d'un rendez-vous de livraison.

Le procès-verbal de livraison a été signé entre la société Eiffage Immobilier Île de France et Madame [Y] [C] [O] le 9 janvier 2017 avec réserves.

C'est donc à la date du 9 janvier 2017 que doit être constatée la livraison du bien conformément aux stipulations de l'acte de vente.

Madame [Y] [C] [O] qui excipe du point de départ du délai de forclusion à compter du 9 janvier 2017 ne peut valablement soutenir que le délai d'un an et un mois courant à compter de cette date a été interrompu par une assignation en référé diligentée antérieurement à cette date, le 22 novembre 2016, à l'encontre de la société Eiffage Immobilier Île de France.

A compter du 9 janvier 2017, date marquant le point de départ du délai de forclusion édicté par les dispositions des articles 1642-1 et 1648 précitées, Madame [Y] [C] [O] disposait donc d'un délai expirant au 9 février 2018 pour agir en garantie des vices apparents.

Selon les dispositions de l'article 2241 du Code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescripton ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure."

Le délai de forclusion a été interrompu par l'assignation en référé diligentée le 15 septembre 2017 puis à nouveau par l'ordonnance de référé rendue le 10 novembre 2017 qui a fait courir un nouveau délai d'un an et un mois expirant au 10 décembre 2018.

Par conséquent l'assignation au fond ayant été diligentée par Madame [Y] [C] [O] par acte du 18 mai 2018, celle-ci n'est pas forclose en son action en garantie des vices apparents.

De ce chef le jugement sera donc infirmé.

2- La demande en paiement des charges de copropriété

Le tribunal a condamné Madame [Y] [C] [O] au paiement des charges dues pour la période du 1er décembre 2015 au 1er janvier 2017.

Madame [Y] [C] [O] fait valoir qu'elle n'est redevable du paiement des charges qu'à compter du 9 janvier 2017 au regard des stipulations de l'acte de vente.

Le syndicat des copropriétaires 3 B de la Zac des Docks, au soutien de la confirmation du jugement, fait valoir que nonobstant les stipulations de l'acte authentique auquel il n'était pas partie et qui ne lui sont pas opposables, l'acquéreur est redevable des charges à compter de la date à laquelle l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement est réputé achevé soit au minimum le 8 septembre 2015.

Réponse de la cour

La clause n°8 de l'acte de vente Charges et conditions relatives à la copropriété prévoit que l'acquéreur acquittera à compter de la date de mise à disposition la quote-part lui incombant dans les charges de copropriété.

Selon les dispositions de l'article R 261-1 du Code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 8 juin 1978 au 28 mars 2018 applicable au litige : " L'immeuble vendu à terme ou en l'état futur d'achèvement est réputé achevé au sens de l'article 1601-2 du code civil reproduit à l'article L 261-2 et L 261-11 du présent code lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d'équipement qui sont indispensables à l'utilisation conformément à sa destination de l'immeuble faisant l'objet du contrat. Pour l'appréciation de cet achèvement, les défauts de conformité avec les prévisions du contrat ne sont pas pris en considération lorsqu'ils n'ont pas un caractère substantiel ni les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments ci-dessus précisés impropres à sa destination.

La constatation de l'achèvement n'emporte par elle-même ni reconnaissance de la conformité aux prévisions du contrat ni renonciation aux droits que l'acquéreur tient de l'article 1642-1 du Code civil reproduits à l'article L 261-5 du présent code."

Le certificat d'achèvement n'est pas produit par la société Eiffage Immobilier Île de France et la réalité de l'achèvement au sens de l'article R 261-1 du Code de la Construction et de l'Habitation n'a donc été constatée par l'acquéreur que le 9 janvier 2017 correspondant à la mise à disposition énoncée par la clause n°8 de l'acte de vente Charges et conditions relatives à la copropriété, étant observé que Madame [C] [O] n'excipe ni du caractère substantiel des désordres ni de l'impropriété de l'immeuble à sa destination.

C'est donc à partir de la date du 9 janvier 2017 correspondant à la mise à disposition liée à la constatation de la réalité de l'achèvement de l'immeuble que Madame [C] [O] est redevable de la quote-part des charges de copropriété lui incombant, conformément aux dispositions des article L 261-1 et R 261-1 du Code de la Construction qui s'imposent à tous.

De ce chef également le jugement sera infirmé.

3- La demande d'expertise

Madame [C] [O] excipe des réserves annexées au procès-verbal de livraison, des réserves complémentaires formulées dans ses courriers du 6 et 7 février 2017, d'une consommation d'eau qu'elle estime excessive et de l'absence de levées des réserves pour solliciter une demande d'expertise.

La société Eiffage Immobilier Île de France oppose que les désordres invoqués sont minimes, que les observations générales relatives à l'absence d'eau et d'électricité ne peuvent être admises puisque le raccordement au réseau a été réalisé le lendemain du constat et ne sont d'ailleurs plus évoqués dans le constat que Madame [C] [O] a fait établir.

Réponse de la Cour

Les réserves annexées au procès-verbal de livraison par Madame [C] [O] sont les suivantes :

- porte d'entrée : fissure sur le mur en haut à gauche

- poignée entrée salle de bains : peinture écaillée

- entrée : nettoyage peinture ( côté chambre parquet)

- joint : porte d'entrée ( angle à gauche bas)

- salle de bains : joint baignoire

- porte d'entrée salon : porte du bas abîmée

- porte-fenêtre salon : joint se décolle

- une lame de parquet écaillé devant porte-fenêtre

- balcon : système d'éclairage non installé

- balcon : dalles ne sont pas au même niveau, éclat sur une dalle, rouille sur garde-corps

- cuisine : système pare-fil ne fonctionne pas, VMC

- pas d'électricité dans l'appartement les prises n'ont pas été vérifiées

- pas d'eau chaude, chauffage non vérifié

- boîte aux lettres : trou + la boîte attribuée ne correspond pas au numéro de l'appartement, problème de hauteur, la boîte attribuée est en bas.

Ces réserves sont reprises et complétées par un courrier adressé à la société Eiffage Immobilier Île de France le 6 février 2017 qui ajoute :

- dans l'entrée : des mauvaises finitions de joint entre le parquet et les plinthes des traces de coulure de peinture

- dans la salle de bains: la tige manquante de la ventilation haute

- sur la terrasse : des épaufrures sur deux dalles, le non fonctionnement de la prise, une déformation dans la partie centrale de la conduite des eaux de pluies, des traces de corrosion au niveau du garde corps, deux grandes fissures dans le plafond de la terrasse.

Par un autre courrier du 7 février 2017 Madame [C] [O] réitère sa demande de levées de l'ensemble des réserves précitées et y ajoute :

- plusieurs fissures murales dans la salle de bains

- deux fissures murales dans la chambre

- le non fonctionnement du chauffage dans la chambre

une fissure murale au mur gauche du salon, des défauts du joint d'étanchéité au niveau de la porte-fenêtre et de la fenêtre, une déformation du mur face à la porte d'entrée du salon, un défaut de planéité du sol, le parquet étant mouvant sous certains pas, une mauvaise finition de la peinture.

- le non fonctionnement de la ventilation dans la cuisine,

- la non fourniture des notices d'utilisation du vidéophone, du thermostat d'ambiance et de l'équipement thermostatique.

Les photographies prises par Madame [C] [O] au soutien des réserves invoquées ne sont pas datées, ne donnent aucune vue d'ensemble des lieux et ne mettent en exergue que des défauts mineurs de microfissures localisées au niveau du plâtre, de petites disjonctions entre plinthes et parquets, d'épaufrures du dallage et de traces de peinture infimes.

Aucun constat technique ne fait la preuve des pannes invoquées concernant les réseaux d'eau, d'électricité et la ventilation.

Le procès-verbal d'huissier établi le 15 mars 2017 produit par Madame [C] [O] sans que la société Eiffage Immobilier n'ait été appelée aux opérations de constat, ne peut faire seul la preuve des désordres invoqués à défaut d'être corroboré par d'autres éléments : expertise amiable de l' assureur protection juridique, constat technique d'un homme de l'art, devis descriptif des travaux de reprise en lien avec les réserves alléguées comme non levées.

Selon les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile : " S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé."

Il en résulte que l'expertise n'a pas lieu de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Par conséquent Madame [C] [O] n'établissant pas la matérialité des désordres au soutien des réserves dont elle demande la levée, il ne saurait être fait droit à sa demande d'expertise.

4- Les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une voie de recours est un droit fondamental et les intimés qui réclament la condamnation de Madame [C] [O] à des dommages et intérêts du fait du caractère abusif de son appel, échouent à faire la preuve d'une faute au sens des dispositions de l'article 1382 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, cependant que l'appelante a obtenu gain de cause sur la recevabilité de son action et sa demande au titre des charges de copropriété.

Le syndicat des copropriétaires et la société Eiffage Immobilier Île de France seront donc déboutés de leurs demandes présentées à ce titre.

5- Les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé du chef des dépens mis à la charge de Madame [C] [O] et infirmé du chef des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau, la société Eiffage Immobilier Île de France et le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 3B de la ZAC des docks seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Ajoutant au jugement Madame [C] [O] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME le jugement excepté en ce qu'il a statué sur les dommages et intérêts pour procédure abusive et les dépens ;

Statuant à nouveau,

DECLARE Madame [Y] [C] [O] recevable en son action en garantie des vices apparents,

DIT que Madame [Y] [C] [O] est redevable des charges de copropriété à partir du 9 janvier 2017 ;

Ajoutant au jugement,

DEBOUTE Madame [Y] [C] [O] de sa demande d'expertise ;

DEBOUTE la société Eiffage Immobilier Île de France, le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 3B de la ZAC des docks et Madame [Y] [C] [O] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

CONDAMNE Madame [Y] [C] [O] aux entiers dépens.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/14986
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;20.14986 ?
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