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19/06/2024 | FRANCE | N°20/07411

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 19 juin 2024, 20/07411


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07411 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTRM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/05890





APPELANTE



Madame [D] [R]

[Adresse 1]

[Localité

4]

Représentée par Me Sandrine GARDEL, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



Société COUPA OPERATIONS INC dont la succursale française est domiciliée au [Adresse 2] - [Localité ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07411 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTRM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/05890

APPELANTE

Madame [D] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine GARDEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Société COUPA OPERATIONS INC dont la succursale française est domiciliée au [Adresse 2] - [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 5] ETATS-UNIS

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Coupa Operations Inc a pour activité l'édition de solutions de gestion des dépenses des entreprises.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 avril 2017, Mme [D] [R] a été engagée par la société Coupa operations inc, en qualité de Directrice des comptes stratégiques, statut Cadre, position 3.3, coefficient 270.

Au titre de ce contrat, Mme [R] bénéficiait d'une rémunération brute de base annuelle de 110.000 euros et d'une rémunération variable brute annuelle d'un montant pouvant atteindre 110.000 euros en cas d'atteinte de 100% de ses objectifs annuels conformément au plan de commissionnement dont elle bénéficiait.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective SYNTEC.

Mme [R] a fait l'objet, après convocation du 15 avril 2019 et entretien préalable fixé au 23 avril 2019, d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse le 26 avril 2019.

Mme [D] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 2 juillet 2019, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner son employeur à lui verser diverses sommes dont un rappel de salaire sur la rémunération variable.

Par jugement en date du 14 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et condamné Mme [R] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 3 novembre 2020, Mme [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2023, Mme [D] [R] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Mme [R] de l'intégralité de ses demandes et prétentions,

Statuant à nouveau :

- condamner la société Coupa operations inc à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

A titre principal :

* 116.783,44 euros au titre de la réparation du préjudice afférent à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

A titre subsidiaire :

* 33.366,70 euros au titre de l'irrespect de la procédure de licenciement,

En tout état de cause :

* 100.110,10 euros au titre de la réparation du préjudice afférent au caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail,

* 24.096,93 euros au titre des First Year ACV (rémunération variable) correspondants aux commissions qu'elle aurait dû percevoir au titre de l'exécution de son préavis, et 370.248,43 euros au titre des First Year ACV (rémunération variable) au titre de la perte de chance de la salariée de pouvoir bénéficier de ces commissions en raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.862,50 euros au titre des MYD Year 2, et 3.862,50 euros au titre des MYD Year 3 correspondant aux commissions qu'elle aurait dû percevoir au titre de l'exécution de son préavis,

* 13.275,19 euros au titre des MYD Year 2, et 2.754 euros au titre des MYD Year 3 en indemnisation de la perte de chance de la salariée de pouvoir bénéficier de ces commissions en raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 232.511,70 euros au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance d'acquérir la totalité des RSU non vestées en raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 62.976,52 euros au titre des rappels de salaire sur préavis, outre les congés payés afférents,

* 26.413,68 euros à titre d'indemnité compensatrice des congés payés acquis non indemnisés,

- condamner la société Coupa operations inc à payer à Mme [R] 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 mai 2021, la société Coupa operations inc demande à la Cour de :

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

En tout état de cause :

- condamner Mme [R] à verser à la société Coupa operations inc la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux dépens,

- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Mme [H] [F], SELARL Lexavoue [Localité 6] [Localité 8], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur le licenciement

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige en date du 26 avril 2019, est ainsi rédigée :

«Cette décision est due à votre refus caractérisé d'exécuter les ordres qui vous ont clairement été donnés par votre supérieur hiérarchique direct et qui a mis les intérêts de la Société et du Groupe à risque en refusant délibérément de coopérer avec nous et ce, sans tenir compte de l'urgence de la situation.

En effet, au regard des récents évènements qui se sont déroulés les dernières semaines, vous avez démontré un comportement incompatible avec l'exécution de vos tâches, en qualité de Directeur des Comptes, conformément aux exigences professionnelles attendues d'une salariée ayant une position de senior telle que la vôtre. Le 20 mars 2019, nous avons pris connaissance d'une lettre envoyée à l'un de vos collègues, Monsieur [K] [Z], par l'un de ses précédents employeur, SAP, lui rappelant ses obligations post-contractuelles en vertu de son précédent contrat de travail avec ce dernier. Après une enquête approfondie, il transparaît que ce courrier avait été envoyé à la suite de votre échange par email avec un client potentiel.

Le 21 mars, votre supérieur hiérarchique, Monsieur [C] [W], a demandé à de multiples reprises par message vocal à ce que vous lui envoyiez de toute urgence la série d'emails que vous aviez envoyé à ce prospect afin que la Société puisse mieux comprendre la situation et évaluer s'il y avait un risque associé pour prendre toutes mesures nécessaires pour éviter tout préjudice pour la Société.

Vous ne lui aviez pas répondu à cette date malgré l'urgence de la situation. (Lorsque Monsieur [W] avait finalement échangé avec vous par téléphone, vous lui aviez indiqué que vous ne lui enverrez pas le fil de discussion sans donner la moindre justification à votre décision).

Plus tard au cours de la même journée et étant donné l'importance de la situation, votre supérieur hiérarchique a de nouveau essayé par email de vous demander de lui transférer la chaîne d'emails en question. Vous avez seulement répondu en disant que vous lui aviez envoyé une capture d'écran cet après-midi avec ce dont il avait besoin.

Votre supérieur vous a rappelé encore une fois qu'il voulait la chaine d'emails en son intégralité et vous avez ignoré sa demande.

Cette situation a escaladé jusqu'à moi, Monsieur [U] [N], Vice-Président aux Affaires Juridique, et je vous ai adressé une nouvelle demande pour obtenir cette chaîne d'emails en question. De nouveau, vous avez refusé l'envoi de cette chaîne d'emails pour qu'elle soit examinée, mais vous avez accepté la transmission d'une version PDF après que je vous l'ai suggéré. Vous avez ensuite insinué le fait que vos emails auraient pu être manipulés par Coupa sans, pour autant, donner la moindre explication à cette accusation infondée.

A ce moment-là, vous n'aviez toujours pas transmis la chaine d'emails à votre supérieur hiérarchique, Monsieur [W], malgré ses multiples relances. J'ai reçu votre PDF le 4 avril après un nouvel entretien avec nous et votre responsable et ce, de manière tardive compte tenu de l'urgence de la situation.

Au demeurant, nous n'avons eu aucune explication sur les raisons pour lesquelles vous avez refusé de partager ces informations avec votre responsable compte tenu du contexte. Etant donné du fait que allégations ont été portées contre la Société à la suite de vos emails et que votre chaine d'emails était uniquement censée avoir une portée commerciale avec un prospect, vous auriez dû coopérer pleinement et sans délai. Le fait de retenir des informations commerciales vitales dans une situation où des actions urgentes étaient nécessaires a créé de nombreuses perturbations et a eu une incidence sur la relation de confiance avec votre responsable hiérarchique.

Lors de votre entretien préalable, vous n'avez pas contesté le fait que vous aviez partagé des informations confidentielles avec un tiers et vous avez confirmé avoir refusé d'exécuter la demande de votre supérieur hiérarchique à sa première demande. Cela est inacceptable.

En qualité de directeur des comptes, vous saviez très bien la communication à adpter et à utiliseret celle à ne pas partager à des tiers et de l'importance de coopéreravec la direction dans ce contexte.

En pleine conscience de cela et malgré vos responsabilités en tant que membre senior de notre équipe Ventes, vous avez délibérément transmis des informations confidentielles à des tiers et refusé de collaborer avec l'équipe de Direction après cela, menaçant l'activité de la société et la confidentialité des données au détriment de la relation de travail que vous entretenez avec votre supérieur hiérarchique et vos collèges de travail.

Il est clair que vous avez agi de manière délibérée en violant volontairement vos obligations de confidentialité et de loyauté prévues à l'article 12 de votre contrat de travail.

Incidemment, vos agissements ont conduit à discréditer l'image et la réputation de Coupa, et la confiance que notre prospect plaçait en nous et qui doit prévaloir dans nos relations commerciales en tout temps.

En conséquence, ce sérieux incident, la perte totale de confiance de la direction et votre responsabilité à votre égard et les effets dommageables que vous avez créés sur l'ensemble de l'équipe des ventes ont rendu impossible la poursuite de votre emploi et justifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Il est ainsi reproché à la salariée d'avoir utilisé des informations tirées d'une négociation commerciale entre un prospect de son employeur et une société concurrente de celui-ci afin de contacter et approcher ce prospect. La lettre de licenciement précise que lors de l'entretien préalable, la salariée a admis avoir partagé avec un tiers des informations confidentielles. La société en veut pour preuve le courrier que la société PAP a envoyé, le 7 mars 2019, à son ancien salarié et dont elle a été rendue destinataire en copie, le mettant en demeure, selon les écritures de la société de ' cesser sans délai ses actes de concurrence déloyales'.

Il lui est également reproché d'avoir sciemment refusé d'obtempérer immédiatement à la demande du 21 mars 2019 de son supérieur hiérarchique de lui communiquer la chaine des mails échangés avec la société Moët-Hennessy, se bornant après plusieurs relances à lui communiquer une copie d'écran d'un email envoyé à la société Moët-Hennessy dans lequel elle informait son interlocuteur que M. [Z], ancien salarié de la société concurrente, avait récemment rejoint la société et de n'avoir communiqué cette chaîne d'email que le 4 avril 2019, avec plusieurs relances et échanges téléphoniques avec M. [N], Vice-Président des affaires juridiques de la société.

La société se prévaut d'une perte de confiance à l'égard de sa salariée.

La salariée nie tout comportement fautif. Elle nie avoir transmis des informations confidentielles à la société Moët-Hennessy et soutient qu'elle n'a en aucun cas refusé de transmettre à son supérieur hiérarchique les courriels échangés avec cette société lorsqu'il le lui a demandé. Elle indique à cet égard qu'elle a eu un échange téléphonique avec M. [W] le 21 mars 2019 au cours duquel elle lui a exposé ses échanges avec la société Moët Hennessy, que M. [W] l'a de nouveau contactée par mail le 21 mars 2019 à 17h48 et lui a demandé de lui transmettre le courriel qu'elle avait envoyé au prospect le 21 janvier 2019 alors qu'elle lui avait déja transmis en début d'après-midi une copie d'écran de son téléphone et qu'elle lui a répondu par mail du 21 mars 2019 à 17h59 qu'elle lui avait déja transmis le mail et lui exposait que, dans ce mail, elle avait dit au prospect qu'elle souhaitait parler de son projet chez Dior, son souhait de partager cette expérience avec LVMH et du fait qu'elle se satisfaisait de l'arrivée de M. [Z].

Elle précise encore que M. [W] lui a demandé de lui envoyer l'ensemble des échanges qu'elle avait eu avec la société Moët-Hennessy le 21 mars 2019 à 18h04, ce qu'elle a fait le 22 mars 2019 à 17h06, son supérieur hiérarchique la remerciant. Il lui a de nouveau été demandé, le 4 avril 2019, d'adresser l'ensemble des emails échangés avec la société Moët-Hennessy, sous un format email, cette fois, ce qu'elle a fait à 19h04.

Elle soutient que ses échanges par mails en date du 22 mars 2019 'ont opportûnement disparus de sa messagerie professionnelle'.

Mme [R] souligne qu'elle a continué ses échanges avec le prospect, son supérieur hiérarchique en étant pleinement informé.

La salariée soutient qu'elle avait des résultats très performants et que son licenciement avait en réalité pour but de se séparer d'elle afin de ne pas avoir à payer une rémunération variable très élevée.

-Sur le premier grief

Pour preuve de ce grief, la société Coupa Operations Inc verse aux débats la lettre que la société SAP a envoyé à son ancien salarié le 7 mars 2019 aux termes de laquelle elle lui rappelle qu'il est soumis depuis la fin de son contrat de travail à une obligation de confidentialité, la société précisant 'nous avons été informés que vous n'hésitez pas à solliciter l'un de nos clients sur la base d'informations précises dont la connaissance ne peut être étrangère à notre récente collaboration'. M. [Z] a informé son employeur de ce courrier. Cette lettre ne mentionne aucune situation, ni aucun client en particulier.

La société PAP ne met ainsi pas en demeure M. [Z] , comme le soutient l'employeur, de cesser ses actes de concurrence déloyales.

La cour constate que la société Coupa Operations Inc ne précise pas quelles auraient été les informations confidentielles divulguées par Mme [R] et ne justifie pas avoir sollicité M. [Z] afin de savoir quelles auraient été ces mêmes informations, en dehors du nom des personnes à contacter chez Moët Hennessy. Il n'est pas plus justifé d'une mise en garde adressée à ce salarié par la société Coupa.

Il est à noter que le mail de Mme [R] à la société Moët Hennessy en date du 21 janvier 2019 mentionne uniquement qu'elle prend contact avec son interlocuteur sur conseil de M. [Z], que la société a déja travaillé avec des sociétés du groupe LVMH. Par ailleurs, la salariée précise le nom d'autres sociétés pour lesquelles la société Coupa a travaillé, souligne que celle-ci a signé un projet avec un acteur français du luxe, sans mentionné son nom et propose un rendez-vous à son interlocuteur.

Ainsi, la société Coupa n'établit pas que la salariée a, à l'occasion de sa prise de contact avec la société Moët-Hennessy ou par la suite divulgué des informations confidentielles. En effet, il est seulement établi que Mme [R] a pris contact avec la société Moët-Hennessy , sur les conseils de son collègue, M [Z], ancien salarié de la société PAP, concurrent de la société Coupa, lequel lui a communiqué les noms des personnes à contacter.

Ce grief n'est pas établi.

-Sur le second grief

Pour preuve du second grief , la société verse aux débats une note récapitulative rédigée en anglais, non traduite, émanant de M. [N], étant constaté qu'une page sur 3 seulement est versée aux débats et dont il ne résulte pas que la salariée a refusé de transmettre les mails échangés avec Moët-Hennessy.

De son côté, Mme [R] verse aux débats (pièce 19), le mail qu'elle a envoyé à M. [U] [N], le 22 mars 2019 à 17h06 dans lequel elle lui explique la situation, avec une pièce jointe intitulée 'mail MoetHennessy.pdf' ainsi que la réponse de son interlocuteur qui l'a remercie.

Par ailleurs, il ressort de la pièce 14 de la société, rédigée en anglais, que M. [C] [W] indique que la salariée a envoyé à '[U]', le 22 mars 2019, la chaine des emails en PDF ( mais pas les emails eux-mêmes).

Il est noté que la société a demandé de nouveau la transmission des échanges de mail le 4 avril 2019, sous la forme email et que madame [R] a répondu à cette demande le soir même.

Ainsi le second grief n'est pas constitué.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et à défaut de caractérisation des griefs reprochés par l'employeur, le licencement pour faute de Mme [R] est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2-Sur la demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige,  si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme [R] peut prétendre, au regard de son ancienneté dans l'entreprise, à une indemnité équivalente au minimum à 3 mois et au maximum à 3,5 mois de salaire brut.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge au jour de son licenciement (44 ans), de son ancienneté à cette même date (2 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, étant souligné que la salariée a retouvé un emploi dès octobre 2019, il y a lieu de lui allouer la somme de 100 100,10 euros (3 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3-Sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Il est de principe que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute de l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au cas d'espèce, la salariée ne démontre pas l'existence d'une faute de la société Coupa Operations Inc dans les circonstances de la rupture du contrat de travail ni d'un préjudice spécifique.

La salariée est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

4-Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

La salariée indique qu'au titre de solde de tout compte, 9 jours de congés payés lui ont été réglés, que son bulletin de paie de juin 2019 atteste qu'elle disposait d'un solde de 36,08 jours de congés payés, que cependant son bulletin de paie de juillet 2019 fait état de de 38 jours de congés pris, alors que tel n'a pas été le cas.

L'employeur répond que les congés payés sont, au sein de la société, acquis sur une période allant de juillet à juin de l'année suivante et que les congés payés acquis mais non utilisés peuvent être reportés d'une année sur la suivante que dans la limite de 5 jours. Elle soutient que la salariée a ainsi été payée des jours de congés acquis en 2019/2020 (4,16 jours) et de 5 jours reportés de 2018/2019.

La cour constate que l'employeur ne justifie d'aucune façon la règle du report limité qu'il expose, qu'il n'a pas été procédé de la sorte en ce qui concerne les congés acquis sur la période 2017/2018, reportés, après juin 2018 sur les bulletins de paie.

Ainsi, il reste dû à la salariée 29 jours de congés payés , soit la somme de 26413,68 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.

4-Sur la demande au titre des commissions relatives aux bons de commandes signés durant l'exécution du préavis

Elle sollicite le paiement des commissions relatives aux bons de commandes signés pendant son préavis soulignant que le terme de ' termination date' ne se réfère pas à la date de son licenciement mais à la date de fin de son contrat, soit le 29 juillet 2019, si bien qu'elle a droit au paiement des commissions sur les contrats signés jusqu'à 30 jours après son départ de la société, soit le 28 août 2019.

L'employeur soutient que la rémunération variable relative aux bons de commande signés en 2019 avec les sociétés composants le portefeuille de Mme [R], ne peut être sollicitée que pour ceux signés dans les 30 jours suivant la date de la rupture du contrat de travail du commercial, si bien qu'elle ne peut prétendre aux commissions pour les bons de commandes signés après mai 2019.

Mme [R] a été licenciée par courrier en date du 26 avril 2019, présenté pour la première fois le 29 avril 2019, elle a été dispensée d'effectuer son préavis de 3 mois. Son contrat de travail a été définitivement rompu le 29 juillet 2019. Elle peut solliciter les commissions pour les bons de commandes, qu'elle a initiés, signés jusqu'au 28 août 2019.

Elle justifie des montants sollicités au titre des 3 types de commissions, calculs non contestés par la société . La société Coupa Operations Inc sera condamnée à lui payer la somme de 24096,18 euros au titre des First Year ACV, celle de 3862,50 euros au titre des MYD Year 2 et celle de 3862,50 au titre des MYD Year 3.

Le jugement est infirmé.

6-Sur les demandes au titre de la perte de chance de bénéficier de commissions First Year ACV, MYD Year 2 et MYD Year 3 sur des contrats conclus après la fin du préavis en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée verse aux débats un tableau prévisionnel établi pas ses soins.

Elle expose que certains contrats ont été signés à une date très proches de celle du 28 août 2019. Elle estime suspect que d'autres contrats aient été signés après son départ et soutient qu'il s'agissait de l'empêcher de percevoir ses commissions.

Elle soutient que des bons de commandes ont été dissimulés par la société. Elle sollicite également des dommages et intérêts de ce chef.

La société s'oppose à cette demande, soulignant que certains contrats pour lesquels la salariée demande des dommages et intérêts sur le fondement de la perte de chance étaient simplement à l'état de 'possible'. La société indique qu'elle n'a pas dissimulé le moindre contrat.

Il a été dit plus haut que le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse. Son licenciement lui a effectivement fait perdre la chance de percevoir, au delà du 28 août 2019 sa rémunération variable.

Elle peut ainsi prétendre à des dommages-intérêts au titre de la perte de chance dont il est constant qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée de toucher tout ou partie de sa rémunération variable.

La cour estime à 60000 euros les dommages et intérêts dûs à la salariée de ce chef.

7-Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'acquérir la totalité des RSU non vestées en raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [R] expose que lors de son embauche, elle s'est vue attribuer des Restricted Stock Units (RSU) en complément de salaire, la société souhaitant sécuriser sa présence par ce plan incitatif.

Elle précise qu'elle a ainsi bénéficié de l'attribution d'actions gratuites de la société COUPA SOFTWARE Inc. au cours des mois de mai 2017 et mars 2018 et 2019.

Elle explique que s'agissant des RSU COUPA SOFTWARE In., après attribution, l'acquisition devait intervenir de manière progressive tout au long de l'exercice par les salariés de leur contrat de travail. Ainsi, plus longtemps un salarié demeurait au sein de l'entreprise, plus il acquérait d'actions gratuites de la société (vesting).

Elle estime que son licenciement sans cause réelle et sérieuse a entraîné une perte de chance de bénéficier du vesting sur la totalité des RSU qui lui avaient été attribuées.

Elle sollicite la somme de 232511,70 euros à titre de dommages et intérêts, exposant avoir appliquer une décote de 10%.

La société soutient que l'attribution des RSU n'est pas un élément contractuel de la rémunération de Mme [R]. Elle soutient que sa demande au titre de la perte de chance de se voir attribuer des RSU, après la fin de son contrat, son licenciement étant causé, doit être rejetée. Pour le cas ou la cour estimerait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société soutient que la décôte de 10 % est arbitraire et disproportionnée, s'agissant de la réparation d'une perte de chance.

Le licenciement de Mme [R] est sans cause réelle et sérieuse, elle a effectivement subi une perte de chance de se voir attribuer des actions gratuites.

Elle peut ainsi prétendre à des dommages-intérêts au titre de la perte de chance dont il est constant qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée de se voir attribuer ces actions gratuites.

La cour estime à 60000 euros les dommages et intérêts dûs à la salariée de ce chef.

8-Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis

La salariée sollicite la somme de 64069, 50 euros, congés payés inclus, à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, soulignant qu'il lui est dû 3 jours de travail et que l'indemnité n'a été calculée que sur son salaire de base.

L'employeur indique que le rappel d'indemnité compensatrice doit être limité à la somme de 51873,54 euros.

Si la lettre de licenciement est datée du 26 avril 2019, elle a été présentée pour la première fois à Mme [R], le 29 avril 2019. Il lui est dû l'indemnité compensatrice jusqu' à cette date laquelle doit être revalorisée, seul le salaire de base ayant été pris en considération.

Au vu des pièces communiquées, il est en conséquence dû à la salariée la somme de 51 973, 54 euros de ce chef, congés payés afférents compris.

Le jugement est infirmé en ce sens.

9-sur le remboursement des indemnités de chômage

En application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à pôle emploi devenu France travail des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié à compter de son licenciement dans la limite de 2 mois.

10-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la société Coupa Operations Inc de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante,la société Coupa Operations Inc est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel au profit de Mme [D] [R] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La société Coupa Operations Inc est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, la société Coupa Operations Inc de sa demande fondé sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE le licenciement de Mme [D] [R] pour cause réelle et sérieuse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Coupa Operations Inc à payer à Mme [D] [R] les sommes suivantes :

- 51 973, 54 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents inclus,

-100 100,10 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-26 413,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-24 096,18 euros au titre des First Year ACV,

-3862,50 euros au titre des MYD Year 2,

-3862,50 au titre des MYD Year 3.

-60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de commissions First Year ACV, MYD Year 2 et MYD Year 3 sur des contrats conclus après la fin du préavis,

- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'acquérir la totalité des RSU non vestés,

ORDONNE d'office à la société Coupa Operations Inc le remboursement à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à Mme [D] [R] dans la limite de deux mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.

CONDAMNE la société Coupa Operations Inc à payer à Mme [D] [R] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,

DÉBOUTE la société Coupa Operations Inc de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la société Coupa Operations Inc aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/07411
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;20.07411 ?
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