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19/06/2024 | FRANCE | N°18/17774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 19 juin 2024, 18/17774


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 19 JUIN 2024



(n° /2024, 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17774 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CET



Décision déférée à la Cour : jugement du 5 juin 2018 - tribunal de grande instance de CRETEIL RG n° 17/05565





APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur de la société TPMG prise en la personne de son

représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° /2024, 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17774 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CET

Décision déférée à la Cour : jugement du 5 juin 2018 - tribunal de grande instance de CRETEIL RG n° 17/05565

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur de la société TPMG prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Sandrine DRAGHI-ALONSO, avocat au barreau de Paris

INTIMES

Monsieur [Y] [D]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de Paris

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, agissant en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de Paris

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 7]

[Adresse 8]

Représenté à l'audience par Me Olivier BANCAUD de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0301

Société MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Chauray

[Localité 6]

Représentée par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253, substitué à l'audience par Me Emmanuelle DUBREY à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Ludovic JARIEL, président de chambre

Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère

M. Eric LEGRIS, président faisant fonction de conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. [E] [X] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD, en présence de Clara PITON, greffière stagiaire

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [K] est propriétaire d'une maison sis [Adresse 7] à [Localité 10] (94) pour lequel il est assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF).

A la suite d'une période de sécheresse survenue en 1995, d'importants désordres ont affecté la maison. L'état de catastrophe naturelle ayant été reconnu par arrêté en date du 11 février 1992, la société GMF a accepté de prendre en charge le sinistre au titre de la garantie catastrophes naturelles et a donné mandat au cabinet d'expert Cifex78 pour la représenter dans le règlement de celui-ci.

En 1997, la société Sol progrès a réalisé une étude géotechnique et le BET Phenerdjian a établi les plans bétons.

Le 9 décembre 1999, un contrat de maîtrise d''uvre complète a été conclu avec M. [D], architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF). Le 29 décembre 1999, un marché de travaux a été passé avec la société TPMG, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) pour un montant de 70 041,96 euros (459 445,12 francs).

Au début de l'année 2000, les travaux de reprise en sous-'uvre ont été réalisés et, au mois de juin 2001, ceux de second 'uvre.

Le 1er octobre 2001, les travaux ont été réceptionnés sans réserve.

Au mois d'août 2003, de nouveaux désordres sont apparus et ont conduit M. [K] à effectuer le 10 octobre 2003 une nouvelle déclaration de sinistre.

Par ordonnance en date du 18 juin 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a ordonné une expertise judiciaire afin de déterminer l'origine des désordres et a désigné M. [S] en qualité d'expert pour y procéder, lequel a ultérieurement été remplacé par M. [I].

A la demande de la société Axa, cette ordonnance a été rendue commune à la société Cifex 78, aux droits de laquelle est venue la société Eurexo, la société GMF et la société Sol progrès par deux ordonnances en dates des 9 juin 2011 et 2 juillet 2012.

Le 10 octobre 2014, le rapport d'expertise a été déposé.

Par acte du 18 mars 2014, M. [K] a, en lecture du rapport, assigné la société GMF en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 28 août 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a condamné la société GMF à payer à M. [K] la somme de 233 586,92 euros indexée selon la variation de l'indice BT01 du coût de la construction et augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée selon le taux applicable à la date du jugement, à titre d'indemnité d'assurance et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un arrêt en date du 20 septembre 2016, la cour d'appel de Paris a réformé le jugement et a rejeté les demandes de M. [K] à l'encontre de la société GMF, aux motifs que les désordres avaient pour origine la mauvaise exécution des travaux réalisés par la société TPMG, sous la maîtrise d''uvre de M. [D], qui se sont révélés totalement inefficaces du fait de celle-ci et que la sécheresse de 2003, qui n'a été que le révélateur de cette mauvaise réalisation, n'était pas la cause déterminante des dommages, de sorte que la société GMF ne pouvait être condamnée à garantir M. [K] au titre de la garantie catastrophe naturelle.

Auparavant, par acte du 22 avril 2015, la société GMF avait, dans une instance autonome, assigné en garantie la société Axa, M. [D] et la MAF ; M. [K] étant intervenu volontairement à cette instance.

Après que la cour d'appel de Paris a rendu son arrêt rejetant ses demandes à l'encontre de la société GMF, M. [K] a saisi le juge de la mise en état de demande de provisions à valoir sur son préjudice à l'encontre de la société Axa, la société TPMG, désormais radiée du RCS, M. [D] et la MAF ; une ordonnance du juge de la mise en état en date du 22 mars 2017 a rejeté ces demandes.

Par acte du 18 juin 2013, la société Axa a assigné en garantie M. [D], la MAF, la société Eurexo, la société GMF et la société Sol progrès.

Par acte du 15 février 2017, la société Axa a assigné en intervention forcée la société MAAF assurances (la MAAF), en tant qu'assureur de la société TPMG.

Ces trois procédures ont été jointes par ordonnances du juge de la mise en état.

Par jugement du 5 juin 2018, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes :

Condamne in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci, et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG, à payer à M. [K] la somme de 233 586,92 euros HT augmentée de la TVA applicable au jour du jugement, actualisée en fonction de l'indice BT 01 du coût de la construction, les indices de référence étant ceux en vigueur le 12 septembre 2014 et la date du présent jugement, au titre des travaux de reprise ;

Condamne in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci, et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG, à payer à M. [K] la somme de 378 400 euros au titre du préjudice de jouissance jusqu'au 30 avril 2018 ;

Condamne in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci, et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG, à payer à M. [K] la somme de 2 200 euros par mois à partir du 1er mai 2018 jusqu'à la date de règlement de l'indemnité allouée au titre au titre des travaux de reprise, au titre du préjudice de jouissance ;

Dit que la responsabilité des dommages incombe à la société TPMG dans la proportion de 80 % et à M. [D] dans la proportion de 20 % ;

Dans les limites du partage des responsabilités instauré, fait droit aux appels en garantie réciproques de M. [D] et la MAF son assureur, et de la société Axa, assureur de la société TPMG, pour toutes les condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de M. [K] ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci, et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG à payer à M. [K] la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Axa à payer à la société Sol progrès la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Axa à payer à la société Eurexo venant aux droits de la société Cifex 78 la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Axa à payer à la MAAF la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci, et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG, aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise ;

Dans les rapports entre ces parties, dit que la charge finale de ces condamnations sera supportée dans la proportion de 80 % par la société Axa, et dans la proportion de 20 % par M. [D] et la MAF ;

Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires, des parties.

Par déclaration en date du 16 juillet 2018, la société Axa, ès qualités, a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

- M. [D],

- la MAF, ès qualités,

- la MAAF, ès qualités,

- M. [K].

Par ordonnance en date du 4 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de M. [K] de nouvelle expertise judiciaire.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2024, la société Axa, ès qualités, demande à la cour de :

Recevoir la société Axa en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,

A titre principal :

Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Axa avait renoncé à se prévaloir de ses moyens de non-garantie en participant aux opérations d'expertise judiciaire,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa à indemniser M. [K] de ses préjudices immatériels,

Ordonner la mise hors de cause de la société Axa du chef des préjudices immatériels de M. [K],

Infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la MAAF,

Condamner la MAAF à indemniser M. [K] de l'intégralité de ses préjudices immatériels,

En tout état de cause,

Condamner la MAAF à relever et garantir indemne la société Axa de toute condamnation mise à sa charge,

Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la société Axa sur le volet immatériel,

Rejeter toute condamnation in solidum à l'encontre de la société Axa sur le volet immatériel,

En tout état de cause,

Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une quote-part de responsabilité à la charge de la société TPMG à hauteur de 80 %,

Réduire la quote-part de responsabilité de la société TPMG à de plus justes proportions, qui ne sauraient excéder 50 %,

En conséquence,

Condamner M. [D] et la MAF in solidum avec M. [K] à rembourser le trop versé par la société Axa sur le volet matériel,

Juger que la société Axa ne garantira son assurée la société TPMG qu'à hauteur de sa quote-part de responsabilité,

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement sur le montant du préjudice matériel octroyé à M. [K], arrêté à la somme de 233 586,92 euros HT,

Débouter M. [K] de son appel incident tendant à obtenir le paiement de la somme complémentaire de 247 622,47 euros HT au titre de l'actualisation de son préjudice matériel, pour porter le total de ce poste à 481 209,39 euros HT, déduction faite de la somme de 233 586,92 euros HT octroyés en première instance,

Débouter M. [K] de son appel incident tendant à obtenir le paiement de la somme de 12 260 euros au titre des travaux de réfection du sol de la salle à manger,

Infirmer le jugement tant sur le principe que sur le quantum et la durée de l'indemnisation du préjudice de jouissance de M. [K],

Débouter M. [K] de sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance,

Subsidiairement,

Juger que la période d'indemnisation supportée par la société Axa ne pourra débuter avant le 19 juin 2008, date du prononcé de l'ordonnance de référé désignant l'expert judiciaire,

En tout état de cause,

Revoir à de plus justes proportions le montant du préjudice de jouissance évalué à 2 200 euros mensuels,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande d'indemnisation au titre des charges afférentes au pavillon litigieux,

Réparer l'omission de statuer sur les limites de garanties opposées par la société Axa en première instance,

Juger que toute condamnation prononcée à l'encontre de la société Axa interviendra dans les limites de garanties prévues au contrat d'assurance, qui prévoit notamment une franchise contractuelle,

Infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé une indemnité de 30 000 euros à M. [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Revoir cette indemnité à de plus justes proportions,

Rejeter l'appel incident de M. [K] sur ce chef,

Rejeter tout appel en garantie à l'encontre de la société Axa,

Débouter la MAAF de sa demande au titre des frais de procédure,

Condamner in solidum la MAAF, M. [D] et son assureur la MAF, à relever et garantir indemne la société Axa de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge,

Condamner M. [K] ou tous succombants à payer à la société Axa une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [K] ou tous succombants au paiement des entiers dépens, qui pourront être recouvrés par Me Grappotte-Benetreau, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2024, la MAAF, recherchée en tant qu'assureur de la société TPMG, demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes formées à l'encontre de la MAAF en tout état de cause,

Déclarer irrecevables comme tardives et prescrites, les demandes formées par la société Axa et par toutes autres parties à l'encontre de la MAAF

Débouter la société Axa, M. [K], la MAF et M. [D] et toutes autres parties de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la MAAF

A titre subsidiaire, si toutefois une condamnation devait être prononcée à l'encontre de la MAAF

Infirmer le jugement sur les parts de responsabilité et limiter la condamnation prononcée à l'encontre de la MAAF à la quote-part de 20 % mise à la charge de l'assuré et au titre des préjudices immatériels uniquement

En tous les cas, limiter la condamnation de la MAAF à 10 % de la valeur locative justifiée et uniquement depuis la mise en cause en date du 25 février 2017

Rejeter tout appel en garantie à l'encontre de la MAAF assurances

Condamner in solidum la société Axa, M. [D] et son assureur la MAF, à relever et garantir la MAAF indemne de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge au profit de M. [K] ou de toutes autres parties, et ce compris les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Faire application des franchises et limites de garanties prévues au contrat d'assurance au jour du jugement à intervenir

Condamner la société Axa in solidum avec tous succombants au paiement à la MAAF de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance lesquels seront recouvrés par Me [W].

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, M. [K] demande à la cour de :

Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Créteil le 5 juin 2018, en ce qu'il a condamné in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG à payer à M. [K] la somme de 233 586,92 euros HT, au titre de l'évaluation par l'expert judiciaire du coût des travaux de remise en état de la maison,

Constater que, les travaux de remise en état de la maison étant à ce jour quasiment achevés, M. [K] a exposé ou engagé, à ce jour, une somme totale de 481 209,39 euros HT au titre des travaux de remise en état,

Condamner in solidum M. [D], la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG, à payer à M. [K], au titre de l'actualisation de son préjudice matériel, le différentiel entre le montant de la condamnation en première instance au titre de l'évaluation des travaux de remise en état effectuée par l'expert judiciaire (233 586,92 euros HT) et le montant des travaux effectivement réalisés ou commandés (481 209,39 euros HT) soit la somme complémentaire de 247 622,47 euros HT,

Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Créteil le 5 juin 2018, en ce qu'il a condamné in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG à payer à M. [K] la somme de 378 400 euros au titre du préjudice de jouissance jusqu'au 30 avril 2018,

Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Créteil le 5 juin 2018, en ce qu'il a condamné in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG à payer à M. [K] la somme de 2 200 euros par mois à partir du 1er mai 2018 jusqu'à la date de règlement de l'indemnité allouée au titre des travaux de reprise au titre du préjudice de jouissance,

Condamner in solidum M. [D], la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa en qualité d'assureur de la société TPMG à payer à M. [K] la somme complémentaire de 66 000 euros au titre de l'actualisation de ses préjudices immatériels depuis le jugement entrepris du 5 juin 2018,

Donner acte à M. [K] de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour quant au partage de responsabilité discuté entre les assureurs,

Débouter la société Axa et toutes parties en toutes conclusions contraires ;

Dire et juger qu'au cas il serait fait droit à l'appel incident de la société Axa à l'encontre de la MAAF, cet assureur serait substitué à la société Axa dans les condamnations bénéficiant à M. [K] ;

Faire droit à l'appel incident de M. [K] ;

Condamner in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa, auquel sera le cas échéant substitué la MAAF, à payer à M. [K] les sommes de :

- 72 124,72 euros correspondant aux frais d'électricité et de gaz et aux taxes d'habitation et foncière (actualisés à 2020),

- 12 260 euros correspondant au devis de la société Capelreis du 2 août 2013, outre réévaluation de cette somme sur l'indice BT01 du coût de la construction, calculé entre la date de ce devis et la date du paiement à intervenir à la suite de l'arrêt,

- 50 000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance arrêtés à la date du 7 avril 2017 ;

Condamner in solidum M. [D] et la MAF en qualité d'assureur de celui-ci et la société Axa, auquel sera le cas échéant substitué la MAAF, au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 au profit de M. [K] ainsi qu'aux dépens d'appel.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024, M. [D] et la MAF, ès qualités, demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa.

Déclarer recevables et fondés M. [D] et la MAF en leur appel incident.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M [D] et la MAF

Rejeter toutes les demandes à titre principal ou en garantie formées contre la MAF et M. [D].

Débouter M. [K] de sa demande formée contre la MAF et M. [D] au titre de la reprise du mur de clôture chiffrée à 16 447,92 euros HT.

Débouter M. [K] de sa demande au titre du préjudice immatériel et plus subsidiairement, la réduire

Dire et juger que M. [D] et la MAF ne pourront être condamnés in solidum à ce titre

Rejeter l'appel incident de M. [K] et confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de paiement des sommes de 66 981,40 euros correspondant " aux frais inhérents à sa propriété " et de 12 260 euros correspondant au devis de la société Capelreis.

Rejeter les demandes de M. [K] excédant les montants de préjudices matériels déterminés aux termes d'une expertise judiciaire

Rejeter la demande de nouvelle expertise.

Dire et juger la MAF recevable et bien fondée à opposer la franchise dans les conditions de sa police d'assurance pour la partie des condamnations qui ne relèvent pas des garanties légales.

Rejeter le moyen de non-assurance soulevée par la société Axa.

Condamner la société Axa en sa qualité d'assureur de la société TPMG avec la MAAF à garantir intégralement la MAF et M. [D], de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.

Rejeter la demande de la société Axa de rendre opposable sa franchise.

Condamner la société Axa et tout succombant à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Axa aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 26 mars 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la nature des désordres

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Au cas d'espèce, la cour rappellera, à titre liminaire, que l'expert a relevé l'existence de nombreux désordres affectant la maison tant à l'extérieur (très nombreuses fissures, crevasses, déchaussement de la longrine de fondation du mur de clôture) qu'à l'intérieur (notamment, fissurations très nombreuses, descellement de dormant de fenêtre, affaissement du plancher, infiltrations d'eau, dégradation des murs périphériques).

Après avoir rappelé, qu'à la suite de la sécheresse de 1995, les travaux de reprise en sous-'uvre avaient été réalisés pendant l'année 2000 par la société TPMG sous la maîtrise d''uvre de M. [D], après une reconnaissance de sol effectuée par la société Sol progrès et une étude du BET Phenerdjian, il a relevé que des désordres importants étaient réapparus en 2004 après une nouvelle sécheresse en 2003.

Les désordres en cause portant ainsi atteinte à la solidité de la maison et la rendant également impropre à sa destination, puisque l'ayant, selon les constations de l'expert, rendue inhabitable, ils relèvent, comme l'a exactement retenu le jugement, de la garantie décennale ; ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les parties.

Sur l'imputabilité des désordres

Moyens des parties

M. [D] et la MAF soutiennent que les désordres affectant le mur de clôture mitoyen ne sont pas imputables au premier dès lors que, n'ayant reçu aucune mission de maîtrise d''uvre à ce titre, M. [D] n'a participé ni à sa conception ni à sa réalisation.

En réponse, M. [K] fait valoir que le mur en cause fait partie des travaux confiés à la société TPMG sous la maîtrise d''uvre de M. [D].

Réponse de la cour

Il est établi que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil est écartée lorsque les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l'entrepreneur (3e Civ., 20 mai 2015, pourvoi n° 14-13.271, Bull. 2015, III, n° 46).

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que la société TPMG et M. [D] sont responsables de plein droit, au titre de la garantie décennale, des désordres affectant la maison dès lors qu'ils sont imputables aux travaux par eux réalisés.

En revanche, s'agissant des désordres affectant le mur mitoyen de clôture, M. [D] soutient ne pas avoir reçu de mission de maîtrise d''uvre le concernant.

Néanmoins, alors que M. [D] ne produit pas aux débats son contrat de maîtrise d''uvre, il résulte de la lecture des comptes rendus par lui établis qu'il a assuré, à tout le moins, la surveillance des travaux réparatoires du mur litigieux.

Par suite, les désordres affectant celui-ci sont dans un lien d'imputabilité avec sa mission de maîtrise d''uvre.

Il s'en infère que c'est exactement que le jugement a retenu que la responsabilité décennale de M. [D] et de la société TPMG était engagée au titre de l'entièreté des désordres.

Sur la clause de non-solidarité

Moyens des parties

M. [D] et la MAF soutiennent qu'ils ne peuvent, en application de la clause d'exclusion de solidarité prévue au contrat d'architecte, être condamnés in solidum avec d'autres au titre des dommages immatériels, dès lors que ceux-ci ne relèvent pas de la garantie légale.

En réponse, M. [K] fait valoir que la clause de non-solidarité invoquée ne figure pas dans le contrat d'architecte mais dans le cahier des clauses générales non revêtu de sa signature, de sorte qu'elles lui sont inopposables.

Il ajoute que, la faute de M. [D] ayant contribué à la réalisation de l'entier dommage, la clause de non-solidarité n'aurait, en tout état de cause, pas trouvé à s'appliquer.

Réponse de la cour

Aux termes du premier alinéa de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause en raison de la date du marché, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Au cas d'espèce, le cahier des clauses générales du contrat d'architecte produit aux débats n'est pas revêtu de la signature de M. [K] alors que l'apposition de celle-ci est expressément prévue par ledit cahier.

Par suite, M. [D] ne rapporte pas la preuve que M. [K] ait donné son consentement aux stipulations y incluses, notamment celle relative à la clause dite de non-solidarité.

Il s'en infère que, M. [K] n'étant pas lié pas cette clause, M. [D] ne saurait s'en prévaloir à son encontre.

C'est donc exactement que le jugement a prononcé une condamnation in solidum des responsables.

A titre surabondant, il sera ajouté que, la responsabilité de M. [D] étant recherchée au titre de la garantie décennale, la clause en cause n'aurait pas trouvé application pour être contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 1792-5 du code civil.

Sur le préjudice matériel de M. [K]

Moyens des parties

M. [K] soutient qu'au montant de son préjudice évalué par l'expert et retenu par le tribunal doit être ajouté la somme de 12 260 euros correspondant au devis de la société Capelreis au titre de la réfection du sol du séjour et du salon dès lors qu'il résultait des propres constatations de l'expert que ces travaux étaient nécessaires.

Il souligne qu'il a dû faire face à la découverte de malfaçons complémentaires qui n'avaient pas été identifiées lors de l'expertise, à la dégradation de l'état de la maison depuis celle-ci et à la nécessité non précisée lors de celle-ci de respecter un délai approximatif d'un an entre la fin des travaux de reprise en sous-'uvre et les travaux de second 'uvre pour laisser à la maison le temps de se stabiliser.

Il relève que le montant lui ayant été alloué s'est révélé insuffisant à couvrir le coût réel des travaux de reprise qui s'est élevé à la somme totale de 481 209,39 euros HT, y compris le coût d'améliorations par rapport à l'existant, correspondant notamment au doublage du vitrage des fenêtres, dont le pourcentage ne saurait excéder 10 %.

En réponse, M. [D] et la MAF font valoir que la réfection du sol du séjour et du salon, au titre de laquelle aucune réclamation n'avait été formée durant les six années de l'expertise, n'est pas justifiée.

Concernant l'actualisation de son préjudice par M. [K], elles soulignent que celle-ci est sans commune mesure avec les montants retenus contradictoirement par l'expert et comprend le coût de travaux d'amélioration par rapport à l'existant qui n'est pas dû (amélioration de l'isolation, double vitrage des fenêtres, amélioration de la cuisine et de la salle de bains ainsi que l'aménagement des combles).

La société Axa relève que le devis de la société Capelreis doit être écarté dès lors que l'expert a indiqué que la nécessité de procéder aux travaux qu'il comprend n'avait pas été constatée contradictoirement.

Concernant l'actualisation de son préjudice par M. [K], elle souligne qu'il apparaît d'emblée que, a minima, les sommes acquittées pour un montant total de 260 661,62 euros HT correspondent à la réalisation de travaux sans lien avec le sinistre ; M. [K] reconnaissant lui-même que certains d'entre eux sont des travaux d'amélioration sans pour autant les déduire de sa demande de dommages et intérêts.

Réponse de la cour

L'expert a, au terme de sa mission, chiffré le coût des travaux de reprise à :

- 159 889 euros HT au titre des reprises en sous-'uvre

- 55 000 euros HT au titre des travaux d'embellissement,

- 16 447,92 euros au titre du mur de clôture,

- 2 250 euros HT au titre de la remise en état du sous-sol,

soit un montant total de 233 586,92 euros HT.

Les condamnations prononcées par les premiers juges à hauteur de ce dernier montant ne font pas l'objet de demandes d'infirmation en cause d'appel.

S'agissant du devis de la société Capelreis relatif à la réfection du sol du séjour et du salon, contrairement à ce qui est soutenu par M. [K], la nécessité de tels travaux ne ressort pas du rapport d'expertise, l'expert ayant conclu, en page 37, qu'une telle nécessité n'avait pas été constatée.

Par suite, la demande de condamnation des responsables des désordres au paiement de cette somme sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant de l'actualisation du préjudice matériel initialement retenu par l'expert, il ressort du rapport que celui-ci a été chiffré au terme d'échanges entre les entreprises ayant proposé les devis des travaux en cause et un économiste de la construction mandaté par la société Axa ; ledit chiffrage ayant été indexé, par le jugement, sur l'indice BT01 du coût de la construction pour pallier les effets du temps écoulé depuis le dépôt dudit rapport.

M. [K], qui a reçu le montant des condamnations prononcées par les premiers juges assorties de l'exécution provisoire dès le 18 octobre 2018, a fait le choix de ne pas recourir aux entreprises ayant proposé lesdits devis et de mandater un maître d''uvre alors qu'une telle intervention n'avait pas été jugée nécessaire au terme des opérations d'expertise.

De même, de nombreuses factures et devis communiqués aux débats par M. [K] correspondent à des travaux sans lien direct et nécessaire avec la réparation des désordres en cause (amélioration de l'isolation, double vitrage des fenêtres, amélioration de la cuisine et de la salle de bains ainsi que l'aménagement des combles) et que lui-même reconnaît comme ressortissant à la catégorie des travaux d'amélioration de l'existant.

Enfin, les difficultés dont se prévaut M. [K] comme n'ayant pas été décelées lors des opérations d'expertise sont alléguées, sans offre de preuve.

Par suite, M. [K] échoue à démontrer que les dommages et intérêts dont il sollicite l'allocation à titre complémentaire correspondent à la réparation des dommages causés directement et nécessairement par les désordres en cause.

Partant, sa demande en condamnation au paiement de la somme complémentaire de 247 662,47 euros HT sera rejetée.

Sur le préjudice immatériel de M. [K]

Moyens des parties

M. [K] soutient que, depuis, 2003 il a été privé de la jouissance de sa maison, devenue inhabitable, comme l'a constaté l'expert, de sorte qu'il doit être indemnisé à ce titre, comme l'a retenu le tribunal, par l'allocation d'une somme mensuelle correspondant à sa valeur locative.

Il ajoute que c'est à tort que le tribunal a écarté les frais d'électricité et de gaz acquittés pour tenter d'éviter un dépérissement total de sa maison ainsi que le montant des taxes d'habitation et foncière acquittées sans contrepartie dès lors qu'il ne pouvait pas jouir de celle-ci. Il en déduit que, en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, il doit obtenir réparation des sommes ainsi acquittées.

Concernant l'actualisation de ses préjudices immatériels, il relève qu'il est en droit d'obtenir réparation de l'immobilisation complémentaire de sa maison, soit une durée de 30 mois correspondant à la durée normale des travaux outre le délai nécessaire d'un an entre la fin de ceux de reprise en sous-'uvre et ceux de second 'uvre pour permettre la stabilisation de la maison.

En réponse, M. [D] et la MAF font valoir que le préjudice de jouissance, dont il est réclamé réparation est artificiel dès lors, d'une part, que M. [K], qui n'a jamais justifié de ses frais extérieurs de relogement, a continué à occuper sa maison, d'autre part, qu'il est responsable de la durée du préjudice par lui invoqué dès lors que, faute d'avoir assigné les parties, il s'est contenté d'intervenir à l'instance initiée par la société GMF.

Ils ajoutent que les frais inhérents à la maison, dont il est réclamé réparation, sont sans lien avec les désordres en cause.

La société Axa relève que M. [K] ne rapporte pas la preuve qu'il n'a pas continué à habiter sa maison et, en tout état de cause, ne justifie pas de la valeur locative de celle-ci.

Elle ajoute que, n'étant pas tenue de pallier l'inertie de M. [K], elle ne saurait être condamnée à prendre en charge un quelconque préjudice de jouissance, antérieurement au 19 juin 2008, date de l'ordonnance ayant désigné un expert ni postérieurement au 30 avril 2018 ; M. [K] ayant attendu plus de huit mois entre la perception des fonds et la désignation d'un maître d''uvre.

Elle relève que, en tout état de cause, un préjudice de jouissance à hauteur de 100 % ne saurait être retenu puisqu'en raison de l'ancienneté de la maison il convient d'appliquer un coefficient de vétusté.

S'agissant des frais inhérents à la maison, elle souligne que ceux-ci sont sans lien direct avec les dommages.

Quant à la MAAF, elle soutient que M. [K] ne démontre aucunement qu'il n'a pas habité sa maison de manière régulière depuis 2003 et ce d'autant plus qu'il a continué à acquitter des factures d'électricité et de gaz au titre de celle-ci.

S'agissant des frais inhérents à la maison, elle souligne que ceux-ci sont sans lien direct avec les désordres en cause.

Réponse de la cour

Il est établi que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu (1re Civ., 9 mai 1996, pourvoi n° 94-16.114 ; 2e Civ., 13 janvier 1988, pourvoi n° 86-16.046 ; Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.837).

Dès lors, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit (2e Civ., 23 janvier 2003, pourvoi n° 01-00.200, Bull n° 20 ; 2e Civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 04-15.776 ; 3e Civ., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.869, Bull n° 20).

Par ailleurs, la cour rappellera que, selon un principe établi, la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable (1re Civ., 3 mai 2006, pourvoi n° 05-10.411, Bull n° 214 ; 2e Civ., 22 janvier 2009, pourvoi n° 08-10.392, Bull n° 26 ; 3e Civ., 5 février 2013, pourvoi n° 12-12.124 ; 3e Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-13.851).

Au cas d'espèce, l'expert a conclu que le préjudice de jouissance de M. [K] était certain du fait de l'impropriété à l'habitation de sa maison causée par les désordres généralisés à tout l'édifice.

Il y a donc lieu de retenir, comme les premiers juges, l'existence d'un préjudice de jouissance de 100 % que ceux-ci ont justement évalué, au vu de l'attestation d'une agence immobilière, à la somme mensuelle de 2 200 euros, correspondant à la valeur locative de celle-ci, étant rappelé que le principe de la réparation intégrale du préjudice fait obstacle à la prise en compte d'une quelconque vétusté.

S'agissant du point de départ de la prise en compte de ce préjudice, celui-ci a justement été fixé par les premiers juges au 1er janvier 2004, dès lors qu'il ne saurait être reproché à M. [K] d'avoir tardé à agir en réparation de son préjudice dans l'intérêt des responsables de celui-ci ; étant, par ailleurs, relevé qu'il n'en est rien dès lors que, dès l'apparition des nouveaux désordres, il a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assurance multirisque-habitation.

S'agissant du terme de la prise en compte de ce préjudice, le principe de réparation intégrale de celui-ci impose de prendre en compte le temps de réalisation du chantier réparatoire.

En l'absence d'éléments techniques fournis par les parties pour servir à son évaluation, la cour retiendra, au vu de l'ampleur des travaux en cause, une durée de 12 mois.

Dès lors, le jugement sera confirmé sur l'indemnisation du préjudice de jouissance et, y ajoutant, l'allocation de la somme de 26 400 euros (2 200 x 12) sera accordée à titre complémentaire.

S'agissant des frais d'électricité et de gaz acquittés, ceux-ci sont, comme l'ont retenu les premiers juges, sans lien avec les désordres en cause.

Il en est de même des taxes d'habitation et foncière acquittées qui, en tout état de cause, étaient dues par M. [K] en tant que propriétaire-occupant.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le partage de responsabilité entre les constructeurs

Moyens des parties

M. [D] et la MAF soutiennent que la société TPMG est totalement responsable des désordres en cause dès lors que la présence d'un architecte sur le chantier n'est pas constante, de sorte que l'entrepreneur, à qui il est reproché d'avoir réalisé les puits à une profondeur inférieure à celle préconisée, a pu reboucher les fouilles sans permettre à l'architecte de vérifier leurs profondeurs.

A titre subsidiaire, si un défaut de direction devait être retenu à l'encontre de M. [D], celui-ci ne saurait excéder 10 % de la répartition finale des responsabilités.

En réponse, la société Axa fait valoir que le partage de responsabilité opéré par les premiers juges est, sans justification, plus sévère à l'encontre de l'entrepreneur que celui proposé par l'expert, soit 80 au lieu de 70 %, alors qu'il ne saurait être fixé au-delà de 50 %, dès lors que le maître d''uvre a conçu une solution réparatoire inadaptée (puits/longrine au lieu de micropieux) et a réceptionné sans réserve les travaux.

Quant à la MAAF, tout en s'associant à l'argumentation de la société Axa, elle estime que la part de responsabilité revenant à la société TPMP ne saurait être supérieure à 20 %.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1383, devenu 1241, du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement pas son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Aux termes de l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en raison de la date du marché, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

Il est établi que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-15.645, Bulletin civil 2002, III, n° 86 ; 3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23). Il suppose la preuve d'une faute en lien de causalité avec le dommage (3e Civ., 25 novembre 1998, pourvoi n° 97-11.408, Bull. 1998, III, n° 221).

Au cas d'espèce, en l'absence de lien contractuel, les recours en garantie exercés entre les constructeurs sont de nature quasi-délictuelle.

L'expert a relevé que, le 22 février 2010, la société Sol progrès était intervenue pour faire une reconnaissance des travaux de reprise en sous-'uvre réalisés en 2000 et qu'il a ainsi pu constater que les préconisations de cette société et de celles du BET Phenerdjian, de septembre 1997, quant à la profondeur des fondations, n'avaient pas été respectées : elles ont ainsi été descendues de - 0,80 mètre jusqu'à - 1,40 mètre, alors qu'il était préconisé des puits coulés pleine fouille à - 2 mètres sous dallage.

S'agissant de la cause de réapparition des désordres, l'expert a donc retenu qu'elle résidait, d'une part, dans le non-respect par la société TPMG, des dispositions constructives recommandées par la société Sol progrès et le BET Phenerdjian, d'autre part, dans l'absence de vérification par M. [D] de la bonne exécution des travaux qui ont été réceptionnés sans réserve.

L'homme de l'art a également relevé qu'il ne lui avait pas été permis de déterminer par qui et comment avait été fait le choix de l'option de reprise en sous-'uvre, tout en soulignant la solution Sol progrès n'avait privilégié aucune des deux.

Il en résulte que, comme l'ont retenu les premiers juges, les désordres en cause ne sont pas liés à un défaut de conception mais principalement à un défaut de réalisation auquel s'ajoute, pour une part moindre, une absence de surveillance du maître d''uvre qui était tenu, au regard de la technicité des travaux de reprise, de s'assurer de leur conformité aux préconisations du géotechnicien et du bureau d'étude technique.

Par suite, c'est exactement que les premiers juges ont opéré un partage de responsabilité attribuant 80 % à la société TPMG et 20 % à M. [D].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la garantie de la MAF

La MAF ne dénie pas sa garantie mais oppose sa franchise pour la partie des condamnations qui ne relèvent pas des " garanties légales ".

En application de l'article L. 112-6 du code des assurances, il y a lieu de faire droit à cette demande et, ajoutant au jugement qui n'a pas statué sur ce point, de dire que la MAF sera en droit d'opposer, s'agissant de la réparation des préjudices de jouissance de M. [K], non-compris dans le champ de l'assurance de responsabilité obligatoire, le montant de la franchise prévue à sa police d'assurance.

Sur la garantie de la société Axa

Moyens des parties

La société Axa soutient que sa garantie n'est pas due au titre des préjudices immatériels ; seule la MAAF devant sa garantie de ce chef.

En effet, elle relève qu'elle a découvert à la réception d'une attestation d'assurance pour l'année 2005 de la société TPMG par la MAAF, qu'elle a pu se procurer, début 2017, auprès du liquidateur de cette société, qu'elle n'était pas l'assureur responsabilité civile en risque à la date de la réclamation puisqu'un autre assureur lui avait succédé.

Elle souligne, qu'alors qu'elle ne dénie pas sa garantie au titre de l'assurance responsabilité civile décennale, il ne peut être déduit de son attitude procédurale aucun aveu judiciaire et relève que la renonciation à se prévaloir d'exceptions ou de non garanties ne se présume pas et, qu'en tout état de cause, elle n'a pas pris la direction du procès.

Elle fait valoir que son contrat d'assurance à effet au 1er janvier 2000 a été résilié à effet du 19 octobre 2000, de sorte que son assignation en référé en date du 21 mai 2008 est tardive ; M. [K] aurait donc dû diriger ses demandes indemnitaires en réparation de ses préjudices immatériels à l'encontre du dernier assureur de la société TPMG, en tant que redevable de la garantie subséquente.

A cet égard, elle relève que les dispositions de la loi du 1er août 2003, entrées en vigueur le 3 novembre 2003, s'appliquent aux garanties prenant effet postérieurement à cette date du fait de la souscription d'un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d'un contrat en cours, pour en déduire que, son contrat ayant été résilié avant cette date, elle n'est redevable, contrairement à la MAAF, d'aucune garantie subséquente.

En réponse, M. [K] fait valoir que la police responsabilité décennale ainsi que la garantie responsabilité civile de la société Axa ont pris effet avant le démarrage effectif du chantier en janvier 2000.

Il souligne que, en n'émettant aucune contestation avant le 15 février 2017, la société Axa a renoncé à se prévaloir d'une prétendue non-garantie.

Il ajoute, concernant la garantie facultative relative aux préjudices immatériels, que le fait générateur du dommage s'est produit pendant la réalisation des travaux par la société TPMG, soit pendant la période d'effet de la police souscrite auprès de la société Axa.

Il ajoute, qu'en tout état de cause, sa garantie s'imposerait par application du mécanisme de la garantie subséquente et, qu'en tout état de cause, elle ne produit pas l'accusé de réception de son prétendu courrier de résiliation.

M. [D] et la MAF relèvent que la société TPMG a été inscrite au RCS le 20 janvier 2000 et que les travaux en cause ont commencé postérieurement au paiement de l'acompte, intervenu le 14 janvier 2000 et antérieurement au 1er mars 2000, date du premier compte rendu de chantier.

Ils ajoutent que, selon la jurisprudence, la date d'ouverture du chantier, correspond à celle du commencement effectif des travaux confiés à l'assuré.

Ils en déduisent que la société Axa, premier assureur, à compter du 1er janvier 2000, de la société TPMG doit sa garantie en cette qualité.

Ils ajoutent que la société Axa ne rapporte pas la preuve de la résiliation de sa police par elle invoquée.

Enfin, la MAAF soutient que la société Axa, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société TPMG au moment de l'ouverture du chantier, doit prendre en charge les conséquences tant matérielles qu'immatérielles des désordres.

En effet, elle souligne que la société TPMG n'a été son assuré qu'à compter du 18 avril 2001, soit postérieurement au commencement des travaux, et relève que la société Axa a, par son comportement non équivoque tout au long des expertises amiables et judiciaires, renoncé à se prévaloir de sa non-garantie tant pour les garanties obligatoires que facultatives.

Elle fait valoir que les garanties subséquentes ne sont pas applicables dès lors, d'une part, que la déclaration de sinistre de M. [K] est antérieure à l'application de la loi du 1er août 2003, d'autre part et en tout état de cause, que la société TPMG n'a été assignée que postérieurement à l'expiration du délai de 10 ans.

Réponse de la cour

S'agissant de la mobilisation de l'assurance facultative de la société Axa au titre des préjudices immatériels, désormais seule contestée à hauteur d'appel, la cour constate que la police en cause a été souscrite à effet au 1er janvier 2000 et que M. [K] a procédé à une déclaration de sinistre le 10 octobre 2003, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ayant modifié l'article L. 124-5 du code des assurances.

Par suite, d'une part, les dispositions de cet article sur les garanties subséquentes, dont se prévaut la société Axa ne sont pas applicables au présent litige, d'autre part, il est acquis que, pour les polices conclues antérieurement à cette entrée en vigueur, doit être réputée non écrite la stipulation de la police selon laquelle le dommage est garanti seulement si la réclamation de la victime a été formulée pendant la période de validité du contrat (1re Civ., 19 décembre 1990, pourvoi n° 88-12.863, Bulletin 1990 I N° 303).

S'agissant du fait dommageable, il est constant, au vu du rapport d'expertise, que celui-ci, qui constitue la cause génératrice du dommage, est intervenu antérieurement à la date de résiliation de sa police, dont se prévaut la société Axa, puisque les travaux de reprise en sous-'uvre ont été réalisés au début de l'année 2000.

Par suite, la garantie de la société Axa est due.

Le jugement sera confirmé de ce chef et, y ajoutant, il sera dit que la société Axa sera en droit d'opposer, s'agissant de la réparation des préjudices de jouissance de M. [K], non-compris dans le champ de l'assurance de responsabilité obligatoire, le montant de la franchise prévue à sa police d'assurance.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, la société Axa, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros, à la MAAF la somme de 3 000 euros et à la MAF la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [K] en condamnation de M. [D], de la Mutuelle des architectes français, son assureur, et de la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société TPMG, à lui payer, au titre des travaux de remise en état, la somme complémentaire de 247 662,47 euros HT ;

Condamne M. [D], la Mutuelle des architectes français, son assureur, et la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société TPMG, à payer à M. [K] la somme de 26 400 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice de jouissance subi durant les travaux réparatoires ;

Dit que la Mutuelle des architectes français pourra, s'agissant de l'indemnisation du préjudice de jouissance de M. [K], opposer le montant de la franchise prévue à la police d'assurance souscrite par M. [D] ;

Dit que la société Axa France IARD pourra, s'agissant de l'indemnisation du préjudice de jouissance de M. [K], opposer le montant de la franchise prévue à la police d'assurance souscrite par la société TPMG ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros, à la société MAAF assurances la somme de 3 000 euros et à la Mutuelle des architectes français la somme de 2 000 euros ; rejette les autres demandes.

La greffière, La présidente faisant fonction de conseillère pour le président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/17774
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;18.17774 ?
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