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18/06/2024 | FRANCE | N°23/17231

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 18 juin 2024, 23/17231


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 JUIN 2024



(n° 246 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17231 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINF7



Décision déférée à la cour : ordonnance du 15 septembre 2023 - président du TJ de Bobigny - RG n° 23/00971





APPELANTS



M. [H] [T]

[Adresse 11]

[Localité 6]

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S.A.S.U. BRIDGEN TECH, RCS de Bobigny n°842704330, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 10]



Représentés par Me Sophia KERBAA, avocat au...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

(n° 246 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17231 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CINF7

Décision déférée à la cour : ordonnance du 15 septembre 2023 - président du TJ de Bobigny - RG n° 23/00971

APPELANTS

M. [H] [T]

[Adresse 11]

[Localité 6]

S.A.S.U. BRIDGEN TECH, RCS de Bobigny n°842704330, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentés par Me Sophia KERBAA, avocat au barreau de PARIS, toque : G 630

INTIMES

M. [N] [J]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Mme [M] [J]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Mme [L] [J] épouse [F]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentés par Me Hélène RICHARD-NYAMEY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0810

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Par acte sous seing privé du 20 mars 2012 à effet du 1er avril 2012, Mme [G] [I] veuve [J] et ses enfants, M. [J], Mmes [L] et [M] [J], ont consenti un bail commercial à M. [T] portant sur des locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 10] (93). Mme [G] [J] est décédée le 9 septembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 20 janvier 2023, il a été fait sommation au locataire de se mettre en conformité avec toutes les dispositions du bail, dans le délai d'un mois, et notamment de :

occuper personnellement les locaux conformément à leur destination et à l'activité déclarée lors de la signature du bail, tout autre occupant devant avoir libéré les lieux ;

cesser toute activité contraire aux dispositions du bail et toute nuisance sonore et olfactive, et de débarrasser les lieux de toutes les matières en lien avec la production de bière ;

prendre toute mesure propre à remédier de façon définitive à l'invasion de souris dans les locaux ;

apurer sa dette locative dans le délai du commandement de payer signifié par acte séparé et de reprendre le paiement du loyer courant et des charges.

Par acte de commissaire de justice du même jour, les bailleurs ont fait délivrer à M. [T] un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour la somme de 6 111 euros au principal.

Par acte extrajudiciaire du 30 mai 2023, M. [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J] ont fait assigner M. [T] et la société Bridgen Tech devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny en lui demandant notamment de :

constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

constater que la société Bridgen Tech occupe les locaux du chef de M. [T] sans aucune autorisation du bailleur ;

ordonner l'expulsion de M. [T] et de la société Bridgen Tech et tout occupant de leur chef, avec le concours de la force publique et sous astreinte ;

condamner solidairement M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 3 250 euros, en sus des charges, jusqu'à complète libération des lieux ;

condamner à titre provisionnel M. [T] au paiement d'une provision de 8 269,10 euros au titre des loyers dus au 21 février 2023, incluant la clause pénale de 10 % avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

dire que la société Bridgen Tech sera tenue au paiement par provision de la somme de 8 039, 10 euros solidairement avec M. [T] à titre d'indemnité d'occupation et l'y condamner ;

dire et juger que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre de provision sur dommages-intérêts du fait du comportement fautif du locataire.

Par ordonnance du 15 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

écarté des débats les conclusions n° 2, ainsi que les pièces n°10, n°17 et n°18 produites en défense ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action à l'encontre de M. [T] ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande en acquisition de la clause résolutoire ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion ;

condamné in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech à payer à M. [N] [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J] une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du contrat et jusqu'à la libération effective des lieux d'un montant de 2 037 euros par mois ;

condamné in solidum [T] et la société Bridgen Tech à payer à titre provisionnel à M. [N] [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J] la somme de 18 333 euros au titre des arriérés d'indemnités d'occupation, terme de juillet 2023 inclus ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande reconventionnelle en condamnation des bailleurs à effectuer des réparations ;

rejeté la demande de délais de paiement ;

rejeté toute autre demande ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de la conservation du dépôt de garantie ;

rejeté les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Par déclaration du 23 octobre 2023, M. [T] et la société Bridgen Tech ont interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif, sauf en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande en acquisition de la clause résolutoire ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de la conservation du dépôt de garantie

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 février 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, ils demandent à la cour, en formulant divers « juger » reprenant leurs moyens, de :

infirmer la décision entreprise des chefs de l'ordonnance critiqués dans la déclaration d'appel, et statuant de nouveau,

In limine litis,

prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance du 30 mai 2023 ;

déclarer les consorts [J] irrecevables à agir à l'encontre de M. [T] pour défaut de qualité ;

déclarer les consorts [J] irrecevables à agir en raison de la prescription ;

à titre principal

juger qu'il n'y a pas lieu à référé du chef de l'ensemble des demandes des consorts [J] ;

faire droit à leur demande reconventionnelle quant à la réalisation des travaux à la charge des consorts [J] et les condamner à y procéder, au besoin sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du 8e jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

faire droit à leur demande reconventionnelle quant à la mise en conformité des lieux loués aux règles d'hygiène et de sécurité à la charge des consorts [J] es qualités de bailleur, et les condamner à y procéder, au besoin sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du 8e jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

en tout état de cause,

condamner les consorts [J] à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais de signification de l'arrêt à intervenir ;

ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir nonobstant toute voie de recours en application de l'article 514 du code de procédure civile ;

sur l'appel incident des consorts [J],

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande en acquisition de la clause résolutoire ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion ;

en conséquence,

débouter les consorts [J] de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire ;

débouter les consorts [J] de leur demande d'expulsion ;

débouter les consorts [J] de leur demande de fixation de l'indemnité d'occupation à la somme de 3 250 euros à compter du 21 février 2023 ;

débouter les consorts [J] de leur demande de condamnation de l'arriéré locatif arrêté à la somme de 43 388,75 euros de novembre 2022 à janvier 2024 avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'ordonnance de référé sollicitée dans le cadre de leur appel incident du 21 janvier 2024.

Les consorts [J], aux termes de leurs dernières conclusions en date du 5 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

écarter l'exception de nullité et les irrecevabilités soulevées par M. [T] et la société Bridgen Tech ;

débouter M. [T] et la société Bridgen Tech de toutes leurs demandes ;

les déclarer recevables et fondés en leur appel incident ;

y faisant droit,

infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande en acquisition de la clause résolutoire ;

dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion ;

fixé à la somme de 2 037 euros l'indemnité d'occupation due par les appelants jusqu'à la libération des lieux ;

rejeté les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

statuant à nouveau,

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à compter du 21 février 2023 ;

ordonner en conséquence et sans délai, l'expulsion de M. [T] et de la société Bridgen Tech - et celle de tout occupant de leur chef - des lieux sis [Adresse 1] / [Adresse 4] à [Localité 10], avec le concours de la force publique en cas de besoin, sous astreinte définitive d'un montant de 200 euros par jour à compter du 8e jour qui suivra la signification de la décision à intervenir ;

fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 21 février 2023, date de résiliation du bail, à la somme de 3 250 euros et condamner in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement de ladite indemnité d'occupation mensuelle, en sus des charges, jusqu'à la libération complète des lieux ;

condamner à titre provisionnel in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement de la somme de 49 888,75 euros au titre des arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation dus depuis novembre 2022 jusqu'à ce jour, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'ordonnance de référé ;

à titre subsidiaire,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 2 037 euros et au paiement de la somme de 18 333 euros au titre des arriérés d'indemnité d'occupation, terme de juillet 2023 inclus ;

en toute hypothèse,

condamner in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en 1ère instance ainsi qu'à la somme de 4 000 euros sur ce fondement au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

condamner in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech aux dépens de 1ère instance et d'appel qui comprendront notamment le coût du commandement de payer et de la sommation du 21 janvier 2023 ;

confirmer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la nullité de l'assignation du 30 mai 2023

Selon l'article 112 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

Au soutien de leur demande d'annulation de l'assignation du 30 mai 2023, les appelants font valoir, au visa des articles 54 et 56 du code de procédure civile, que l'acte mentionnait un siège social de M. [T] erroné à l'adresse des locaux loués, alors qu'il a son siège social à [Adresse 11].

Cependant, il y a lieu de constater que les appelants n'ont pas soulevé en première instance l'irrégularité de l'assignation alors qu'ils avaient fait valoir une fin de non-recevoir et une défense au fond. L'exception de nullité de l'assignation est dès lors irrecevable en cause d'appel.

Sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité

Les appelants font valoir que les consorts [J] ont fait délivrer une assignation à M. [T], en qualité d'entrepreneur individuel à son adresse professionnelle, alors qu'il aurait dû être cité à titre personnel : ils expliquent que les bailleurs ne pouvaient plus agir à titre professionnel contre M. [T] puisque celui-ci, après avoir exercé en qualité d'entrepreneur individuel sous la dénomination Boardz, a été radié du registre du commerce et des sociétés de Paris en date du 8 août 2017 et n'est plus professionnel et entrepreneur individuel depuis le 8 août 2018.

Ce moyen manque en droit dès lors que l'entreprise individuelle de M. [T] n'est pas distincte de sa personnalité juridique personnelle et qu'il avait qualité à défendre dès lors qu'il était toujours preneur au bail commercial du 20 mars 2012 au jour de la délivrance de l'acte. Au demeurant en page 6 de ses dernières conclusions, M. [T] se reconnaît toujours locataire du bien et ne conteste pas que la société Bridgen Tech, qu'il a créée et dont il est l'actionnaire unique, n'a pas reçu l'accord des bailleurs pour lui succéder comme preneur, alors que celui-ci était requis compte tenu des termes du bail.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Les appelants affirment, au visa de l'article 2224 du code civil, que dès lors que M. [T] n'exerce plus en qualité d'entrepreneur individuel depuis le 8 août 2017, les demandes de paiement des loyers à son encontre sont irrecevables comme prescrites depuis le 8 août 2022.

Ce moyen manque en droit dès lors que, ainsi qu'il a déjà été dit, l'entreprise individuelle de M. [T] n'est pas distincte de sa personnalité juridique personnelle, et que M. [T] ne conteste pas continuer d'occuper les locaux litigieux en vertu du bail commercial du 20 mars 2012. L'action des bailleurs n'est donc pas affectée par la prescription extinctive de l'article 2224 précité.

Cette fin de non-recevoir, qui n'a pas été soulevée devant le premier juge, sera donc rejetée.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Le juge des référés n'est toutefois pas tenu de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 précité, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d'un bail.

En application de ce texte, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le bail commercial du 20 mars 2012 contient une clause résolutoire à l'article XII reproduite dans le commandement de payer visant la clause résolutoire du 20 janvier 2023.

En l'espèce, les appelants ne contestent pas que les causes du commandement de payer n'ont pas été réglées dans le mois de leur date, mais soutiennent qu'il existe des contestations sérieuses ne permettant pas de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

M. [T] soutient d'abord qu'il est fondé à opposer une exception d'inexécution, tenant à son refus de paiement des loyers, en affirmant que les bailleurs l'ont mis dans l'impossibilité d'exploiter effectivement le local commercial depuis septembre 2022, à la suite de la nécessité de procéder aux travaux qui incombent au bailleur en application de l'obligation de délivrance et d'entretien. M. [T] explique que le service d'hygiène et de sécurité de la ville de [Localité 10] a visité les lieux loués et a constaté de nombreuses non-conformités, nécessitant de réaliser des travaux, à la charge du bailleur, ainsi que la dangerosité des lieux loués, l'absence de circuit électrique relié à la terre. Il affirme que le bailleur n'a entrepris aucun travaux, le laissant dans l'impossibilité d'exploiter les lieux loués. Il ajoute qu'il a fait constater par procès-verbal de commissaire de justice du 14 février 2023 les problèmes de travaux rendus nécessaires pour pouvoir exploiter les lieux : problèmes d'électricité, en façade, sur les murs, sur le plafond.

Cependant, le courrier de la commune de [Localité 10] relève un défaut de conformité des locaux exploités par M. [T] dans son activité de « micro-brasserie », en expliquant à l'appelant qu'il est assujetti à la réglementation en matière de commercialisation de denrées alimentaires, et en soulignant que les déjections de rongeurs et la présence de souris sont un motif de fermeture de l'établissement. Par ailleurs, l'absence de liaison à terre du circuit électrique relève des seules affirmations du preneur dans un courrier adressé à la commune de [Localité 10] du 26 janvier 2023.

Le constat du 14 février 2023 permet de vérifier que l'appelant a procédé à des branchements nombreux et désordonnés de micro-cuves de brasserie à l'aide de rallonges et de prises multiples.

En définitive, les éléments de preuve versés aux débats par l'appelant ne démontrent pas que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ou de grosses réparations, mais permettent au contraire d'ajouter foi aux affirmations des intimés concernant le manque d'entretien des locaux par M. [T] et la violation de la clause de destination du bail, qui prévoyait un usage exclusif de « entrepôt, show-room ». Il n'existe donc aucune contestation sérieuse tirée d'une légitime exception d'inexécution.

M. [T] conteste par ailleurs la validité du commandement de payer et soutient qu'il s'agit d'une contestation sérieuse. Il affirme que l'acte mentionne deux délais, le premier de payer « immédiatement » et le second de payer dans « le délai d'un mois » ; l'acte mettant en valeur l'exigence de paiement immédiat. En outre, selon lui, le commandement de payer oblige le preneur à payer de manière non fractionnée, alors que cette exigence ne figure dans aucun texte. M. [T] en déduit que l'acte est ainsi de nature à créer une confusion dans l'esprit du preneur, l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis. Ce moyen manque en droit et sera rejeté dès lors que l'article L. 145-41 commandement demeuré infructueux, disposition qui ne présente aucune contradiction avec le fait que les échéances réclamées étaient échues et donc immédiatement exigibles, conformément à l'article IV du bail qui stipulait le loyer payable mensuellement et d'avance. En outre, le paiement échelonné ne peut être imposé par le débiteur au créancier qui, vu l'article 1342-4 du code civil, peut toujours refuser un paiement partiel, sauf le pouvoir du juge d'imposer un paiement échelonné. Les mentions du commandant de payer reflétait donc exactement, sans confusion possible, l'état des droits du locataire défaillant ' lequel ne caractérise pas de ce chef une contestation sérieuse.

L'appelant ajoute que le commandement de payer mentionne une dette locative de 6 111 euros sans précision du décompte. Il indique que le décompte annexé à l'acte présente des incohérences importantes avec, à titre d'exemple, un poste « montant payé sur le compte de RH » qui n'apparaît pas précisé. Ce décompte mentionne, selon lui, une absence de règlement du loyer du mois de septembre 2022 alors même que le bailleur a confirmé son bon règlement. Ce moyen manque en fait et sera rejeté, puisque le décompte présente un état des sommes dues, payées et impayées mois par mois de juillet 2022 à janvier 2023, le mois de septembre apparaissant comme payé à la reprise de solde du mois d'octobre 2022. Il n'existe donc pas plus de contestation sérieuse de ce chef.

Enfin, les appelants expliquent que le commandement litigieux n'a pas été signifié au preneur du bail commercial, mais à M. [T] à titre personnel, de sorte qu'il ne peut permettre l'acquisition de la clause résolutoire. Il a déjà été répondu à cette allégation inexacte en droit, dès lors que l'entreprise individuelle de M. [T] n'est pas distincte de sa personnalité juridique personnelle et qu'il avait qualité à défendre dès lors qu'il était toujours preneur au bail commercial du 20 mars 2012 au jour de la délivrance de l'acte. Il n'existe donc pas non plus de contestation sérieuse de ce chef.

La clause résolutoire du bail est donc acquise depuis le 21 février 2023, entrainant l'infirmation de l'ordonnance, y compris dans ses dispositions regardant l'expulsion, sans qu'il soit utile d'examiner les moyens fondés sur les manquements du locataire au titre de la conformité de son exploitation avec toutes les dispositions du bail. La demande d'astreinte assortissant l'expulsion sera rejetée, le concours de la force publique étant ordonné.

La disposition du jugement fixant à la somme de 2 037 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation du bailleur à compter de la résiliation du contrat sera nécessairement infirmée, pour excéder les pouvoirs du juge des référés, qui, vu le 2e alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, peut seulement accorder une provision au créancier.

Pour le même motif, les consorts [J] seront donc déboutés de leur demande de fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 3 250 euros et de condamnation in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement de ladite indemnité d'occupation mensuelle, de même que de leur demande subsidiaire de confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 2 037 euros.

Sur les demandes de provisions

Tout en formulant une demande de fixation et de condamnation des appelants au paiement d'une indemnité d'occupation qui échappe à la compétence du juge des référés, les consorts [J] sollicitent par ailleurs, et concomitamment, une demande de condamnation à titre provisionnel in solidum de M. [T] et de la société Bridgen Tech au paiement de la somme de 49 888,75 euros au titre des arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation dus depuis novembre 2022 avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'ordonnance de référé et, subsidiairement, la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement à titre provisionnel de la somme de 18 333 euros au titre des arriérés d'indemnité d'occupation, terme de juillet 2023 inclus.

M. [T] ne formule aucune observation sur le quantum des demandes. Les bailleurs justifient que leur créance n'est pas sérieusement contestable à concurrence de 6 111 euros à titre de provision sur les loyers et charges impayés, terme de janvier 2023 inclus, outre 11 222 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges dus en vertu du bail, terme de juillet 2023 inclus, soit une provision totale de 18 333 euros. L'ordonnance sera donc confirmée de ce chef. Les intérêts moratoires au taux légal courent de plein droit à compter du prononcé de l'ordonnance, par application de l'article 1231-7 du code civil. Il n'est donc pas nécessaire de le préciser au dispositif ci-dessous.

La demande additionnelle des consorts [J] sollicitant une provision de 49 888,75 euros au titre des arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation dus depuis novembre 2022, outre qu'elle se fonde sur la fixation d'une indemnité d'occupation de 3 250 euros qui, ainsi qu'il a été dit, excède la compétence du juge des référés, est irrecevable puisque faute d'appel incident sur point, les intimés ne peuvent élever le taux de leurs demandes. Or il convient de rappeler que les consorts [J] ont limité leur appel incident au chefs de l'ordonnance entreprise qui ont : dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande en acquisition de la clause résolutoire ; dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande d'expulsion ; fixé à la somme de 2 037 euros l'indemnité d'occupation due par les appelants jusqu'à la libération des lieux ; rejeté les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Sur les autres demandes

Par ailleurs, alors qu'il a été jugé que les éléments de preuve versés aux débats par les appelants ne démontrent pas que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance ou de grosses réparations, il n'y a lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de M. [T] en injonction de réalisation de travaux et de mise en conformité des lieux loués aux règles d'hygiène et de sécurité sous astreinte, dès lors que l'obligation de faire des bailleurs, au sens du 2e alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, se heurte à des contestations sérieuses puisque les désordres apparaissent relever de l'obligation d'entretien du locataire et découler du changement de destination des lieux, ainsi qu'il a été dit dans les développements qui précèdent.

M. [T] et la société Bridgen Tech, qui succombent en toutes leurs demandes, seront tenus in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, et tenus in solidum au paiement des frais irrépétibles des bailleurs à concurrence d'une somme de 2 000 euros en première instance et de 2 500 euros en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déboute M. [T] et la société Bridgen Tech de leur exception de nullité de l'acte introductif d'instance et de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Statuant dans les limites de l'appel et de l'appel incident,

Déclare irrecevable la demande de M. [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J] de condamner à titre provisionnel in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement de la somme de 49 888,75 euros au titre des arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation dus depuis novembre 2022 jusqu'à ce jour, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'ordonnance de référé ;

Infirme l'ordonnance entreprise dans ses dispositions concernant la demande d'acquisition de la clause résolutoire, la demande d'expulsion, la condamnation in solidum de M. [T] et la société Bridgen Tech au paiement d'une indemnité d'occupation de 2 037 euros par mois, la charge des dépens et le rejet des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Constate l'acquisition à la date du 21 février 2023 de la clause résolutoire prévue au bail consenti à M. [T] portant sur des locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 10] (93) ;

Ordonne, à défaut de libération volontaire, l'expulsion de M. [T] et de tous les occupants de son chef, notamment la société Bridgen Tech, des locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 10] (93), avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est ;

Dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Déboute M. [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J] du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech aux dépens de première instance, qui comprendront le coût du commandement de payer et de la sommation du 21 janvier 2023, et à payer à M. [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J], unis d'intérêt, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Dit n'y a voir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de mise en conformité des lieux loués aux règles d'hygiène et de sécurité sous astreinte ;

Condamne in solidum M. [T] et la société Bridgen Tech aux dépens d'appel et à payer à M. [J], Mme [L] [J] et Mme [M] [J], unis d'intérêt, une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/17231
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.17231 ?
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