REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 14 JUIN 2024
(n° /2024, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09558 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWR6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 avril 2021 - Tribunal judiciaire de Créteil RG n° 19/05384
APPELANTS
Monsieur [L] [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Florence ROSANO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0390
Madame [Y] [T] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Florence ROSANO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0390
Compagnie d'assurance PACIFICA en sa qualité d'assureur de Mme et M. [D], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence ROSANO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0390
INTIMEE
Compagnie d'assurance MIC INSURANCE anciennement dénommée MILLENIUM INSURANCE COMPANY, représentée en France par LEADER UNDERWRITING, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0697
PARTIE INTERVENANTE
Compagnie d'assurance MIC INSURANCE COMPANY prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0697
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Laura TARDY, conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Valérie GUILLAUDIER dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON
ARRET :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 7 juin 2024, prorogé au 14 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente et par Alexandre DARJ, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. et Mme [D], propriétaires d'un pavillon situé [Adresse 1] à [Localité 8], ont confié à la société ECE l'installation de panneaux photovoltaïques sur leur toit et des travaux d'isolation du plancher des combles.
Dans la nuit du 14 au 15 juillet 2015, un incendie s'est déclaré détruisant en grande partie leur maison.
M. et Mme [D] et leur assureur, la société Pacifica, ont assigné la société ECE et son assureur, la société Millenium Insurance, aux droits de laquelle vient la société MIC Insurance, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins qu'une expertise soit ordonnée.
Le juge des référés a ordonné une expertise et l'expert a déposé son rapport le 18 mars 2017.
Par jugement du 22 décembre 2017, la société ECE a été placée en liquidation judiciaire et la procédure clôturée pour insuffisance d'actifs.
Par acte du 8 juillet 2019, M. et Mme [D] et la société Pacifica ont assigné la société MIC Insurance devant le tribunal judiciaire de Créteil en réparation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a statué en ces termes :
Déboute M. [L] [D] et Mme [Y] [T] ainsi que la société Pacifica de l'ensemble de leurs demandes,
Les condamne in solidum à payer à la société MIC Insurance la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne avec la même solidarité aux dépens dont distraction au profit de la SELARL GFG Avocats.
Par déclaration en date 21 mai 2021, M. et Mme [D] et la société Pacifica ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris la société MIC Insurance.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 décembre 2023, M. et Mme [D] et la société Pacifica demandent à la cour de :
Juger M. et Mme [D] et la société Pacifica recevables et bien fondés en leur appel ; Infirmer le jugement rendu le 15 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Sur la responsabilité de la société ECE environnement :
Juger que les travaux réalisés par la société ECE sont à l'origine de l'incendie ayant affecté le pavillon de M. et Mme [D] ;
Juger que les travaux d'isolation du plancher et des combles ne sont pas indépendants et autonomes à la pose de panneaux photovoltaïques et s'inscrivent dans le cadre d'une même prestation ;
Juger que les travaux réalisés par la société ECE ont été intégralement effectués et payés;
Juger que la société ECE engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil vis-à-vis de M. et Mme [D].
A titre subsidiaire,
Juger que la société ECE a commis une faute dans l'exécution des travaux et n'a pas réalisé les travaux de pose de panneaux solaires conformément aux règles de l'art, ni ceux portant sur la pose du ballon d'eau chaude ;
Juger que la société ECE engage sa responsabilité sur fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil envers M. et Mme [D].
Sur la garantie de la société Millenium :
Juger que la société ECE est assurée auprès de la société MIC Insurance au titre de sa garantie décennale, avec prise d'effet au 16 juillet 2013 ;
Juger que M. et Mme [D] ont manifesté leur volonté d'accepter l'ouvrage après la venue de la société ECE au début du mois de juillet 2015 ;
Juger que l'ouvrage a bien été réceptionné et les factures intégralement acquittées ;
Juger que les travaux réalisés par la société ECE ont été réceptionnés sans réserve avant le sinistre incendie du 14 juillet 2015 ;
Juger que la société ECE engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792 du code civil vis-à-vis de M. et Mme [D].
Sur l'absence d'opposabilité des documents contractuels:
Juger que la société MIC n'a pas remis les documents contractuels : conditions générales, conditions particulières et référentiel à la société ECE mais au souscripteur la société Leader Underwriting ;
Juger que la société MIC Insurance reconnaît garantir son assurée au titre des travaux d'isolation thermique accessoires à des travaux de plomberie et installations sanitaires et installations thermique ;
Juger que les conditions particulières n'énoncent pas d'exclusions claires et complètes pour les activités garanties ;
Juger que les activités visées dans les conditions particulières sont incomplètes, des phrases étant manquantes ;
Juger que la société ECE n'a pas pris connaissance du référentiel des activités couvertes du 7 juillet 2014 visées dans les conditions particulières du 16 juillet 2013 ;
Juger que la société MIC Insurance n'a pas fourni toutes les informations nécessaires et obligatoires à la société ECE ;
Juger que le référentiel des activités couvertes de juillet 2014 n'est pas opposable à la société ECE et encore moins le référentiel de 2012 ;
Juger que la société MIC Insurance ne démontre pas avoir fourni les documents composant le contrat et notamment le référentiel des activités à la société ECE ;
Juger que l'installation de panneaux photovoltaïques nécessite un remaniement de l'isolation thermique ;
Juger que les activités de plomberie et d'installation sanitaire couvrent également l'activité isolation phonique ;
Juger que les activités déclarées comprennent des travaux accessoires ou complémentaires d'isolation thermique et acoustique ;
Juger que les travaux de la société ECE forment un tout pour permettre une économie d'énergie à M. et Mme [D] ;
Juger que la société MIC Insurance n'ignorait pas l'activité principale de la société ECE conseil en économie d'énergie ;
Juger que la société MIC a manqué à son devoir de conseil envers la société ECE en n'attirant pas son attention sur l'impérative nécessité de souscrire l'activité isolation thermique ;
Juger que les conditions particulières sont imprécises et incomplètes ;
Juger que la société MIC Insurance est tenue de garantir la responsabilité civile décennale de la société ECE ;
En conséquence,
Condamner la société MIC Insurance à prendre en charge l'intégralité des préjudices subis par M. et Mme [D] et l'indemnité versée par la société Pacifica à ses assurés ;
A titre subsidiaire,
Sur la garantie responsabilité civile,
Juger que la clause d'exclusion invoquée au titre d'un fait volontaire conscient et intéressé de l'assuré en vue de diminuer le coût de revient ne répond pas aux exigences de l'article L.113-1 du code des assurances.
En conséquence,
Déclarer nulle la clause d'exclusion invoquée par la société MIC Insurance au titre du fait volontaire conscient et intéressé de l'assuré en vue de diminuer le coût de revient.
A titre subsidiaire,
Juger que la société MIC Insurance ne démontre ni le caractère conscient ni le caractère volontaire de son assuré à vouloir faire courir un risque à M. et Mme [D].
En conséquence,
Juger que les conditions d'application de la clause d'exclusion ne sont pas réunies ;
Juger que la clause d'exclusion invoquée relative aux frais engagés, pour parachever ou refaire le travail ne permet pas à la société MIC Insurance de ne pas garantir les conséquences dommageables de l'intervention de la société ECE ;
Juger que l'exclusion invoquée au titre des dommages qui engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale n'a pas vocation à s'appliquer en l'absence de réception de l'ouvrage.
En conséquence,
Condamner la société MIC Insurance à garantir son assuré des conséquences dommageables de son intervention à hauteur de 476 211,29 euros ;
Débouter la société MIC Insurance à voir opposer toute franchise contractuelle.
Sur les demandes de M. et Mme [D] :
Juger que les travaux de réfection du jardin non garantis par la société Pacifica s'élèvent à la somme de 4 783,55 euros ;
Juger que M. et Mme [D] ont conservé à leur charge leurs dommages mobiliers à hauteur de 32294 euros ;
Juger que M. et Mme [D] ont conservé à leur charge les deux derniers mois de loyers pour leur relogement ;
Juger que M. et Mme [D] ont été contraints de s'acquitter des échéances du prêt souscrit pour mettre en place l'installation photovoltaïque détruite dans l'incendie ;
Juger que M. et Mme [D] ont été privés pendant trois ans de la jouissance de leur pavillon ;
Juger que M. et Mme [D] ont subi un préjudice moral incontestable du fait de la mise en danger de leur vie et de celles de leurs enfants et de la perte de tous leurs biens ;
Juger que le contrat de la société MIC Insurance ne prévoit aucune exclusion au titre de ces demandes garantissant les dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels garantis.
En conséquence,
Condamner la société MIC Insurance à verser à M. et Mme [D] les sommes de :
- 42 944,11euros au titre de leur préjudice matériel resté à leur charge
- 3 800 euros au titre des frais de relogement
- 12 273,88 euros au titre des échéances de prêt
- 14 400 euros au titre du préjudice de jouissance
- 15 000 euros au titre du préjudice moral
Juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter l'assignation avec capitalisation des intérêts d'année en année en application de l'article 1343-2 du code civil.
Sur les demandes de la société Pacifica :
Juger que la société Pacifica justifie du versement d'une indemnité de 476 211,29 euros à ses assurés en application des garanties souscrites ;
Juger que la société Pacifica est subrogée dans les droits de M. et Mme [D] à hauteur de 476211,29 euros ;
Condamner la société MIC Insurance à verser à la société Pacifica la somme de 476 211,29 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale avec capitalisation des intérêts d'année en année en application de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamner la société MIC Insurance à verser à la société Pacifica la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, les dépens de référé, les frais d'expertise, les frais de sondages, dont distraction au profit de Maître Florence Rosano conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, les sociétés MIC Insurance et MIC Insurance Compagny demandent à la cour de :
A titre liminaire,
Constater que la société ECE a souscrit son contrat d'assurance auprès de la société MIC Insurance, située à Gibraltar ;
Constater que le risque assurantiel a été transféré de la société MIC Insurance à la société MIC Insurance Company ;
En conséquence,
Mettre hors de cause la société MIC Insurance dans le cadre du présent litige ;
Prendre acte de l'intervention volontaire de la société MIC Insurance Company suite au transfert de portefeuille ;
A titre principal,
Constater qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire les travaux d'isolation du plancher des combles réalisés par la société ECE sont la cause du présent litige ;
Constater que les travaux d'isolation du plancher des combles sont indépendants des travaux de pose et d'installation des panneaux photovoltaïques ;
Constater que les travaux litigieux auraient dû faire l'objet de la souscription de l'activité professionnelle n°29 'Isolation thermique et acoustique' pour être couverts ;
Constater que l'activité professionnelle n°29 'Isolation thermique et acoustique' n'a pas été souscrite par la société ECE auprès de la société MIC Insurance ;
En conséquence,
Homologuer le rapport d'expertise en ce qu'il a considéré que les travaux d'isolation réalisés par la société ECE sont à l'origine de l'incendie ;
Débouter M. et Mme [D] de leur demande tendant à mettre en cause la responsabilité de la société MIC Insurance pour manquement au devoir de conseil lors de la souscription du contrat d'assurance ;
Ecarter l'application du contrat d'assurance souscrit par la société ECE auprès de la société MIC Insurance en l'absence de travaux garantis ;
Débouter la société Pacifica et M. et Mme [D] de leurs demandes formées à l'encontre de la société MIC Insurance ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait que les garanties de MIC Insurance étaient mobilisables au titre du présent litige,
Constater que la garantie décennale de MIC Insurance n'est pas applicable au titre du présent litige, notamment faute de réception des travaux litigieux et de levée des réserves relatives à l'isolation des fils électriques nécessaires lors de la mise en 'uvre de la projection de ouate de cellulose ;
Constater que sont exclus de la garantie responsabilité civile de MIC Insurance le dommage résultant 'd'un fait volontaire, conscient et intéressé de l'assuré qui, dans le but de diminuer le coût de revient des produits ou travaux ou d'en accélérer la réalisation, fait courir un risque à un tiers qui ne trouve de justification que son propre intérêt ;'
Constater que la société ECE a facturé de la laine de roche et posé de la ouate de cellulose ;
Constater que cette man'uvre avait pour but de diminuer le coût de revient des travaux et fait courir à M. et Mme [D] un risque qui ne trouve sa justification que dans l'unique intérêt de la société ECE ;
Constater que les dommages matériels en cause sont de nature décennale et qu'ils sont en tant que tels exclus de la garantie responsabilité civile de MIC Insurance ;
En conséquence,
Ecarter la mobilisation des garanties souscrites par la société ECE auprès de la société MIC Insurance ;
Débouter la société Pacifica et M. et Mme [D] de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société MIC Insurance ;
A titre éminemment subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait que la garantie responsabilité civile de la société de MIC Insurance était mobilisable au titre du présent litige,
Limiter la somme allouée à M. et Mme [D] au titre des travaux de remise en état du jardin à la somme de 1 440 euros retenue par l'expert judiciaire ;
Débouter M. et Mme [D] de leurs demandes formées au titre du surcoût d'électricité d'un montant de 2 587,28 euros en ce qu'elle n'est pas justifiée ;
Débouter M. et Mme [D] et la société Pacifica de leurs demandes formées au titre des échéances de prêt, lesquelles ne sauraient être prises en charge par la société MIC Insurance ;
Débouter M. et Mme [D] et la société Pacifica de leurs demandes formées au titre du préjudice moral, lequel ne saurait être pris en charge par la société MIC Insurance ;
Ramener subsidiairement à de plus justes proportions la demande formée par M. et Mme [D] en réparation de leur préjudice moral ;
Débouter M. et Mme [D] de la demande formée au titre du préjudice de jouissance, qui n'est pas justifiée dans son quantum ;
Ramener subsidiairement à de plus justes proportions la demande formée par M. et Mme [D] en réparation de leur préjudice de jouissance ;
En tout état de cause, faire application des franchises contractuelles d'un montant de 3 000 euros prévues au contrat de la société MIC Insurance ;
En tout état de cause,
Débouter la société Pacifica et M. et Mme [D] de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
Condamner in solidum la société Pacifica et M. et Mme [D] à payer à la société MIC Insurance la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum la société Pacifica et M. et Mme [D] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL GFG Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 22 février 2024.
MOTIVATION
Sur l'origine du sinistre et la responsabilité de la société ECE
Moyens des parties
Selon M. et Mme [D] et la société Pacifica, la société ECE a modifié l'isolation existante du toit pour la mise en place des panneaux solaires et son intervention globale est à l'origine de l'incendie puisque celui-ci résulte de l'absence de protection des installations électriques dans les combles dont l'un des éléments sous tension ou mal isolé s'est enflammé au contact de l'isolant. Ils précisent que le changement de ballon d'eau chaude et la projection de ouate de cellulose forment un tout avec la pose de panneaux solaires, l'eau chaude n'étant produite que par les panneaux solaires et l'isolation du pavillon permettant également une économie d'énergie, ces travaux ayant été effectués dans la même unité de temps et les prestations facturées étant complémentaires et indissociables. Ils indiquent que l'expert judiciaire a émis des hypothèses et que la seule certitude porte sur l'intervention de la société ECE sur l'isolation de la toiture et l'ensemble de l'électricité du pavillon sur les installations de chauffage et d'un départ de feu au droit des panneaux solaires. Ils soutiennent que l'installation de panneaux photovoltaïques et d'un système de raccordement au réseau national d'énergie constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, que l'incendie rend l'ouvrage impropre à sa destination et que la responsabilité décennale de la société ECE est engagée. A titre subsidiaire, ils font valoir que la société ECE a commis une faute dans l'exécution des travaux qui lui ont été confiés du fait de l'absence de protection des installations électriques dans les combles lors de la pose des panneaux solaires dont l'un des éléments sous tension ou mal isolé s'est enflammé au contact de l'isolation.
Les sociétés MIC Insurance et MIC insurance company font valoir que l'expert judiciaire a conclu que le sinistre était consécutif aux travaux d'isolation réalisés par la société ECE.
Elles précisent que cette société est intervenue pour la fourniture et l'installation de panneaux solaires photovoltaïques, l'isolation du plancher des combles et la pose d'un ballon d'eau chaude et que si ces trois postes de travaux ont été réalisés au cours de la même période, cela ne signifie pas qu'il existe une dépendance nécessaire entre eux. Elles indiquent que la jurisprudence de la Cour de cassation concernant la responsabilité de l'installateur de panneaux photovoltaïques n'est pas transposable en l'espèce de même que la qualification d'ouvrage puisque seuls les travaux d'isolation sont en cause et qu'en outre aucune réception n'a eu lieu.
Réponse de la cour
Il résulte des éléments versés aux débats que M. et Mme [D] ont confié à la société ECE des travaux d'installation de panneaux solaires photovoltaïques pour un montant total de 8 200 euros TTC qui ont fait l'objet d'une facture n°2014-140 en date du 22 septembre 2014.
Ils lui ont également confié la pose d'un chauffe-eau équipé d'un capteur solaire individuel avec les accessoires nécessaires pour un montant de 9 500 euros TTC qui a fait l'objet d'une facture n°2014-139.
Enfin, la société ECE a réalisé des travaux d'isolation du plancher des combles de leur maison pour un montant total de 7 100 euros TTC qui a fait l'objet d'une facture n°2014-138 en date du 22 septembre 2014.
Les travaux ont été réalisés en septembre 2014 et intégralement payés par M. et Mme [D].
L'expert judiciaire a constaté que l'incendie, qui s'est déclaré le 14 juillet 2015, avait pris naissance dans les combles et conclu que celui-ci avait pour origine l'exécution des travaux d'isolation réalisés par la société ECE.
Il a indiqué qu'au regard de ses constats, il privilégiait une cause d'incendie due à l'échauffement de spots ou de leurs accessoires, voire à un câble électrique sous tension non protégé lors de la projection de l'isolant, entraînant l'inflammation de l'isolant au contact de la ouate de cellulose dans les combles du pavillon.
Il a précisé que la ouate de cellulose projetée en isolation des combles était un matériau dont la réaction au feu était moyenne, voire médiocre, alors que la laine de roche mentionnée sur la facture qui aurait dû être utilisée par la société ECE était incombustible, et que la pose de l'isolant projeté aurait nécessité des dispositions particulières préalables pour protéger les installations électriques et notamment les spots.
Il a formellement exclu que l'installation photovoltaïque soit à l'origine de l'incendie.
Il s'ensuit que ce sont les travaux d'isolation du plancher des combles réalisés par la société ECE qui sont à l'origine de l'incendie et du sinistre.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces travaux sont indépendants de ceux réalisés pour l'installation de panneaux solaires photovoltaïques, le fait qu'ils aient tous les deux pour objet de faire des économies d'énergie étant manifestement insuffisant.
L'expert judiciaire a d'ailleurs relevé dans son rapport qu'il s'agissait de travaux distincts devant faire l'objet de déclarations différentes à l'assureur et que le certificat Qualibat produit par la société ECE ne faisait pas état d'une qualification professionnelle relative aux travaux d'isolation.
En conséquence, la responsabilité de la société ECE est susceptible d'être engagée pour la réalisation défectueuse de ses travaux d'isolation en lien direct avec l'incendie, étant observé que celle-ci n'est pas partie dans le cadre du présent litige.
Sur la garantie de la société MIC insurance
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que l'activité d'isolation est couverte par la police, que la société Mic insurance est incapable de produire les conditions générales et particulières applicables ou de démontrer que celles-ci ont été portées à la connaissance de son assuré et lui sont opposables, que la société ECE n'a pas eu connaissance du référentiel des activités couvertes, que les conditions particulières produites sont illisibles et ne permettent pas de savoir ce qui est réellement couvert, les phrases étant incomplètes ou inexistantes et que la société ECE est intervenue dans le cadre du changement des installations sanitaires et thermiques qui impliquent nécessairement d'agir sur l'isolation thermique comme le mentionne la police au titre des frais accessoires. A titre subsidiaire, ils font valoir que l'activité d'isolation était l'accessoire de l'activité de pose de panneaux photovoltaïques et d'installation du chauffe-eau et à titre très subsidiaire que les conditions particulières du contrat sont imprécises et incomplètes.
Selon la société MIC insurance, la société ECE a reçu au moment de la souscription du contrat le référentiel des activités et les documents contractuels et signé le contrat, l'erreur dans le nom du souscripteur procédant d'une erreur de plume. Elle fait également valoir que les travaux d'isolation des combles, à l'origine du sinistre, correspondent à des activités professionnelles non couvertes par le contrat d'assurance et que, parmi les activités souscrites, seules les activités n°18, 30, 31 et 33 ont vocation à garantir les travaux relatifs à la pose d'isolant thermique mais seulement s'ils sont accessoires ou complémentaires à des travaux de menuiserie extérieures, plomberie, d'installations sanitaires, d'installation thermique de génie climatique ou d'installation d'aéraulique et conditionnement d'air, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. A titre subsidiaire, elle soutient que la garantie décennale et la garantie responsabilité civile prévues au contrat ne sont pas mobilisables.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
La garantie de l'assureur ne concerne que le secteur d'activité professionnelle déclarée par l'assuré (1re Civ., 28 octobre 1997, pourvoi n° 95-19.416, Bulletin 1997, I, n° 295 ; 3e Civ., 17 décembre 2003, pourvoi n° 01-12.259, Bull. 2003, III, n° 235; 3e Civ., 10 juin 2021, pourvoi n° 20-13.387).
En l'espèce, la société ECE a souscrit auprès de la société Millenium insurance une assurance de responsabilité civile et décennale des entreprises du bâtiment n°130754886 avec effet au 16 juillet 2013, les conditions particulières ayant été signées par le souscripteur qui a ainsi reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales et de ses annexes, étant observé que l'indication au début du contrat selon laquelle le souscripteur est la société 'Leader Underwriting' procède manifestement d'une erreur matérielle (pièce n°1 de l'intimée).
L'attestation d'assurance versée aux débats (pièce n°5 de l'intimée) confirme d'ailleurs que le souscripteur du contrat n°130754886 est bien la société ECE.
Si les conditions particulières du contrat précisent, en ce qui concerne le référentiel des activités couvertes, que les 'documents sont disponibles sur demande et/ou en téléchargement', l'attestation d'assurance délivrée à la société ECE détaille en son annexe ce que comprend chacune des activités déclarées de manière précise et détaillée.
La société Millenium insurance a donc satisfait à son obligation d'information et aucun manquement sur ce point ne peut lui être reproché.
Les conditions particulières du contrat prévoient les activités professionnelles garanties suivantes :
- menuiseries extérieures à l'exclusion des vérandas (18)
- plomberie-installations sanitaires à l'exclusion de la pose de capteurs solaires photovoltaïques (30)
- installation thermique de génie climatique y compris aérothermie (31)
-installations d'aéraulique et de conditionnement d'air y compris aérothermie (33)
- électricité (34)
- pose de capteurs solaires photovoltaïques (limité à 200 m2) (40)
La cour constate que l'activité de travaux d'isolation ne fait pas partie des activités déclarées.
Or, c'est dans le cadre de cette activité que la société ECE a causé le sinistre objet du présent litige.
La mention dans le tableau général des activités déclarées selon laquelle les activités de plomberie-installations sanitaires (30) et installation thermiques de génie climatique (31) comprennent comme travaux accessoires ou complémentaires l'isolation thermique est inopérante dans le cadre du présent litige puisque ce ne sont pas ces activités principales qui ont été réalisées chez M. et Mme [D].
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'activité déclarée de pose de capteurs solaires photovoltaïques ne peut permettre de garantir une activité de travaux d'isolation du plancher de combles, le fait que ces activités aient toutes les deux un objectif d'économies d'énergie étant inopérant.
De même, il n'est pas démontré que l'installation par la société ECE de panneaux solaires nécessitait que soit également effectués des travaux d'isolation du plancher des combles, le schéma réalisé par les appelants étant manifestement insuffisant pour l'établir et cela ne résultant pas des conclusions de l'expert judiciaire.
Pour l'ensemble de ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société Mic insurance ne devait pas sa garantie pour le sinistre résultant de l'incendie de la maison de M. et Mme [D].
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, M. et Mme [D] et la société Pacifica seront condamnés aux dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 15 avril 2021 en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne M. et Mme [D] et la société Pacifica aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL GFG avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La conseillère faisant fonction de présidente