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14/06/2024 | FRANCE | N°20/05136

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 14 juin 2024, 20/05136


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 14 Juin 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05136 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGTE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/03198



APPELANTES

S.A.R.L. [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Thibault DOUBLET, avo

cat au barreau de QUIMPER substitué par

Me Anne-Gaëlle LE BAIL, avocat au barreau de QUIMPER



INTIMEES

URSSAF - ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 6]

[Lo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 14 Juin 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05136 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGTE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/03198

APPELANTES

S.A.R.L. [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Thibault DOUBLET, avocat au barreau de QUIMPER substitué par

Me Anne-Gaëlle LE BAIL, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMEES

URSSAF - ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Mme [Z] [Y] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

GREFFIER : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SARL [4] (la société) d'un jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal judicaire de Bobigny sous la référence de RG n° 19/03198 dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île-de-France (l'URSSAF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la SARL [4] a formé vainement plusieurs recours à l'encontre des décisions de la commission de recours amiable de l'URSSAF ayant refusé d'annuler :

la mise en demeure du 6 mars 2019 portant sur la somme de 145 962 euros correspondant à 135 714 euros de cotisations et 10 248 euros de majorations de retard au titre des mois d'octobre, novembre et décembre 2017,

la mise en demeure du 8 mars 2019 portant sur la somme de 132 340 euros correspondant à 121 872 euros de cotisations et 10 478 euros de majorations de retard au titre des mois de juillet, août et septembre 2017 ;

qu'après l'émission par l'URSSAF d'une contrainte le 6 mai 2019, signifiée le 10 mai 2019 pour la somme de 278 302 euros dont 257 576 euros de cotisations et un 1726 euros de majorations de retard, la société en a formé opposition.

Par jugement en date du 9 juillet 2020, le tribunal a :

ordonné la jonction des trois affaires ;

déclaré recevable l'action de la SARL [4] concernant les mises en demeure ;

déclaré recevable l'opposition formée le 24 mai 2019 par la SARL [4] à l'encontre de la contrainte délivrée à la requête de l'URSSAF Île-de-France daté du 6 mai 2019, signifiée le 10 mai 2019, pour la somme totale de 278 302 euros dont 257 576 euros de cotisations et 20 726 euros de majorations de retard ;

annulé la mise en demeure du 6 mai 2019 délivrée par l'URSSAF Île-de-France à l'encontre de la SARL [4] pour la somme de 145 962 euros correspondant à son 35 714 euros de cotisations et 10 248 euros de majorations de retard au titre des mois d'octobre, novembre et décembre 2017 ;

validé la mise en demeure du 8 mars 2019 délivrée par l'URSSAF Île-de-France à l'encontre de la SARL [4] pour la somme de 132 340 euros correspondant à 121 862 euros de cotisations et 10 478 euros de majorations de retard au titre des mois de juillet, août et septembre 2017 ;

validé partiellement la contrainte délivrée à la requête de l'URSSAF Île-de-France datée du 6 mai 2019, signifiée le 10 mai 2019 via l'encontre de la SARL [4] et ramené le montant à la somme de 121 862 euros de cotisations et 10 478 euros de majorations de retard pour la période des mois de juillet, août et septembre 2017 ;

laisser à la charge de l'URSSAF Île-de-France les frais de signification de la contrainte précitée ;

dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que chacune des parties, succombant partiellement en ses prétentions, conservera sa charge de la part des dépens par elle exposés

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le tribunal a rappelé que les deux mises en demeure avaient été émises postérieurement à l'annulation par la commission de recours amiable de deux mises en demeure précédentes qui avait indiqué les montants dus pour les mêmes périodes que celles visées par les deux mises en demeure. Il a cependant relevé que les sommes contenues dans la première mise en demeure ne correspondaient pas à celles visées par la commission de recours amiable pour la même période, sans qu'aucune explication ne soit donnée. Il a donc annulé la première mise en demeure et validé la seconde pour laquelle aucune erreur n'était démontrée.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise à une date indéterminée aux deux parties qui en ont interjeté appel respectivement: par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 28 juillet 2020 par la SARL [4] et le 14 août 2020 par l'URSSAF Île-de-France.

Les deux dossiers, respectivement enrôlés sous les numéros de RG 20/05136 et 20/05360 ont été joint sous le premier numéro.

La SARL [4] devait répliquer avant le 28 février 2024, selon le calendrier arrêté par le magistrat lors de l'audience du 9 novmbre 2023. Elle n'a pas conclu avant le 11 avril 2024, soit 11 jours avant l'audience.

En application de l'article 446-2, lors de l'audience de renvoi, la cour a retenu le dossier pour être plaidé en écartant les dernières conclusions de la société pour atteinte aux droits de la défense, dès lors que l'URSSAF n'était pas en mesure de répliquer utilement. Seules les conclusions déposées le 9 novembre 2023 seront prises en compte.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la SARL [4] demande à la cour de :

infirmer partiellement le jugement du Tribunal Judiciaire de Bobigny du 09 juillet 2020 ;

en vertu de la combinaison des articles L. 244-1 et L. 244-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 1353 du code civil, d'annuler la procédure de recouvrement puisque l'Urssaf ne démontre pas quelle est la « prescription en droit à laquelle cotisant ne se serait pas conformée », et ne l'indique donc pas sur les mises en demeure des 06 et 08 mars 2019, et en conséquence confirmer l'annulation de la mise en demeure du 06 mars 2019 et annuler la mise en demeure du 08 mars 2019 et la contrainte signifiée le 10 mai 2019.

confirmer l'annulation de la mise en demeure du 06 mars 2019 et annuler la mise en demeure du 08 mars 2019 et la contrainte signifiée le 10 mai 2019 puisque ces mises en demeure ne permettaient pas au cotisant d'avoir une parfaite connaissance de la cause de son obligation ;

dire et juger que la SARL [4] a parfaitement respecté ses obligations déclaratives prévues par le code de la sécurité sociale en procédant à des rectifications conformes à l'article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale, suite au constat d'erreurs lors de la vérification de sa paie au niveau de la réduction générale des cotisations, sur ses déclarations de 2017 avec les blocs prévus à cet effet, tout en acquittant les montants des cotisations déclarées en prenant en compte les régularisations consécutives à la rectification d'erreurs constatées sur des déclarations précédentes, et en conséquence que la SARL [4] s'était conformée aux prescriptions de la législation de sécurité sociale ;

confirmer l'annulation de la mise en demeure du 06 mars 2019 et annuler la mise en demeure du 08 mars 2019 et la contrainte signifiée le 10 mai 2019 en raison de l'absence de base légale du rejet partiel par l'Urssaf des « déclarations de versements indus » alors que l'Urssaf a l'obligation de porter aux comptes de l'entreprise toutes les déclarations de « versements » y compris les déclarations de versements indus régularisés sur déclarations par le cotisant, et ce en application de la combinaison des articles R. 243-3, R. 243-6 et suivants dont l'article R. 243-10 du code de la sécurité sociale ;

dire et juger que l'Urssaf a procédé à la vérification des déclarations de la SARL [4] pour constater les rectifications effectuées par la société [5] (sic) sur ses déclarations et pour refuser partiellement ces rectifications ;

confirmer l'annulation de la mise en demeure du 06 mars 2019 et annuler la mise en demeure du 08 mars 2019 et la contrainte signifiée le 10 mai 2019 puisque les garanties processuelles devant permettre un débat contradictoire prévu par les articles R. 243-43-3 et 4 du code de la sécurité sociale d'application stricte n'ont pas été respectées avant l'envoi de cette mise en demeure consécutive à la vérification des déclarations de la SARL [4] ;

rejeter l'ensemble des demandes de l'Urssaf ;

condamner l'Urssaf à verser 3 000 euros à la SARL [4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

condamner l'Urssaf aux dépens.

La SARL [4] expose qu'en application des dispositions du code de la sécurité sociale que le cotisant a l'obligation de calculer les cotisations chaque mois sous sa responsabilité ; qu'il a celle de corriger les erreurs qu'il constate sur ses déclarations antérieures en déduisant notamment de ses déclarations en cours les sommes qu'il estime avoir indûment versées sur ses déclarations antérieures (article R.243-10 du code de la sécurité sociale) ; qu'il doit déclarer: les cotisations qu'il estime être dues dans les délais légaux, sans que les textes prévoient à ce stade de justifier ou garantir ses calculs ; que les déclarations sont donc faites sous sa responsabilité ; qu'il doit payer chaque mois les cotisations qu'il a déclarées être dues, lesquelles comprennent nécessairement les corrections obligatoires liées à l'article R. 243-10 précité, sans que les textes prévoient à ce stade de justifier ou garantir les calculs avant la déclaration ; qu'il doit avoir à certitude que dès lors où le cotisant a souscrit sa déclaration et a effectué son télérèglement à bonne date, en ayant reçu son certificat de conformité électronique, qu'il est réputé légalement s'être « libéré de ces obligations » ; qu'aucune « prescription relative à une obligation de justifier ses déclarations et calculs » n'est imposée au cotisant au stade de la déclaration et du paiement des sommes qu'il a déclarées ; qu'elle doit en effet respecter notamment un certain nombre de prescriptions elle aussi et notamment les règles et les garanties définies par les prescriptions du code de la sécurité sociale ; que l'Urssaf peut contrôler à postériori toutes les déclarations de cotisations réglés par les cotisants en respectant les « règles et garanties » liés aux diverses procédures de contrôles, lesquelles « sont définies de manière à garantir aux entreprises une unicité de procédures applicable pour l'ensemble des cotisations contrôlées » ; que lors de ces contrôles, dans le cas où l'Urssaf constate une infraction, elle peut, sous réserves de respecter les différentes procédures de contrôles ou de vérification, déclencher une procédure de recouvrement par l'envoi mise en demeure si et seulement « le cotisant ne s'est pas conformé aux prescriptions de la législation sociale » en vertu des articles L. 244-1 et 2 du code de la sécurité sociale ; que les juges du fond doivent veiller au strict respect de l'application de tous les textes régissant le droit de la sécurité sociale car ils sont tous d'ordre public ; que l'Urssaf réclame « l'exécution d'une prétendue obligation » qu'aurait le cotisant de régler des sommes à la suite de la réception de mises en demeure réalisées prétendument en vertu des articles L. 244-1 et 2 du Code de la sécurité sociale ; que ces deux articles d'application stricte ne donnent le droit à l'Urssaf d'intenter une action de recouvrement que si et seulement s'il est établi. avant l'envoi des mises en demeure, que le cotisant ne s'est pas conformé à une prescription du Code de la sécurité sociale ; que la juridiction devra donc vérifier deux points fondamentaux ; que l'Urssaf a établi, avant l'envoi des mises en demeure, que le cotisant ne serait pas conformé à une « prescription du code de la sécurité sociale », à savoir un « ordre de faire ou de ne pas faire », et si oui, précisément laquelle ; que l'Urssaf a précisé sur les mises en demeure la ou les prescriptions précises auquel le cotisant ne se serait pas conformé afin qu'il soit parfaitement informé de la cause précise de l'obligation que l'Urssaf tente de faire exécuter, conformément à la prescription de l'article L. 244-2 précité qui impose que la mise en demeure soit « précise et motivée » ; que le cotisant a respecté les prescriptions qui lui sont imposées par la loi et l'Urssaf n'a pas respecté les siennes ; que l'Urssaf ne démontre pas l'irrespect d'un texte de la législation sociale par le cotisant qui aurait justifié l'utilisation de l'article L. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

Que les mises en demeure sont irrégulières ; qu'en effet, seul l'intitulé de la cause est indiqué par la mention laconique et imprécise « régularisations comptables liées à la réduction générale des cotisations patronales » ou « suite décision de la commission de recours amiable en date du 24 juillet 2018 » et qu'aucune référence à une quelconque prescription légale incorrectement appliquée par le cotisant n'est indiquée afin de correspondre à l'impératif de « motivation précise » imposé à l'Urssaf par l'article L.244-2 précité ; que ces mises en demeure, toute comme celles adressées le 16 janvier 2018 et le 6 février 2018 n'étant accompagnées d'aucune explication permettant de les comprendre, elle les a donc contestées ; que le fait par l'Urssaf d'enregistrer un montant de cotisations différent de celui déclaré par le cotisant est contraire au principe déclaratif applicable au droit de la sécurité sociale ; qu'elle déduit de ces montants de cotisations enregistrés des régularisations liées à la réduction Fillon sans expliquer le mode de calcul quant à ces régularisations ; que, de jurisprudence constante, les redressements effectués par l'Urssaf sans explication quant à leur mode de calcul sont annulés par les juridictions ; que le cotisant n'est pas dans l'obligation de justifier ses déclarations, y compris ses blocs de régularisation, car la justification devient une obligation lors d'un contrôle ou d'une vérification de l'organisme habilité qui donnera le droit, le cas échéant, à ce dernier de redresser le cotisant en cas d'irrespect en suivant les procédures adéquates ; que l'Urssaf a rejeté une partie des corrections effectuées par le cotisant, après avoir effectué des régularisations et ce sans avoir apporté d'explication au cotisant quant à ces régularisations, en émettant les mises en demeure des 06 et 08 mars 2019, et ce sans avoir déclenché un quelconque contrôle ou débat contradictoire préalable ; que l'Urssaf n'a pas respecté les obligations des articles R. 243-43-3 et suivants du code de la sécurité sociale dans le cadre de la procédure de vérification.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

déclarer l'URSSAF Île-de-France recevable et bien fondée en son appel partiel ;

infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 23 janvier 2020 seulement en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 6 mars 2019 et validé partiellement la contrainte du 6 mai 2019 ;

et statuant à nouveau

dire et juger régulière la mise en demeure établie le 6 mars 2019 ;

confirmer la décision de la commission de recours amiable du 24 juin 2019 (n° 1037) ;

en conséquence, valider la contrainte pour son entier montant, et condamner en conséquence la SARL [4] à payer la somme de 278 302 euros soit :

cotisations : 257 576 euros ;

majorations de retard provisoires : 20 726,00 euros ;

condamner la SARL [4] au paiement des frais de signification ;

condamner la SARL [4] à verser à l'URSSAF Île-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF Île-de-France expose que la mise en demeure du 6 mars 2019 répond en tous points aux exigences légales et jurisprudentielles ; qu'elle permet donc à la société de connaître la nature, l'étendue et la cause de son obligation dans la mesure où elle comporte les indications exigées ; que la contrainte querellée est parfaitement régulière dans la mesure où elle fait référence à deux mises en demeure dûment réceptionnées par la société, lesquelles apportaient suffisamment de précisions sur la nature des sommes réclamées ; qu'une mise en demeure en date du 6 mars 2019, ayant pour motif « régularisations comptables liées à la réduction générale des cotisations patronales » a été adressée à la société au titre des mois d'octobre, novembre et décembre 2017 pour un montant de cotisations s'élevant à la somme de 135 714 euros ; que devant les premiers juges, elle a communiqué le détail de la mise en recouvrement de cette mise en demeure ; que la société n'ayant pas réglé les cotisations complémentaires, c'est dans ces conditions que la mise en demeure du 6 mars 2019 a été adressée au titre des mois d'octobre, novembre et décembre 2017.

SUR CE

En application des dispositions de l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, le contrôle est une opération diligentée à l'initiative de l'organisme pour vérifier l'application des dispositions du code pour vérifier l'exactitude des déclarations faites établir l'assiette des cotisations pour établir les rémunérations versées en contrepartie du salaire ou, plus généralement de vérifier l'assiette, le taux et le calcul des cotisations.

La simple rectification, au vu des seules déclarations faites par un cotisant, du calcul des cotisations ne s'analyse pas en une opération de contrôle et n'impose pas à l'organisme la mise en 'uvre des procédures prévues par cet article et les articles R. 243-43-3, R. 243-43-4 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

La SARL [4] n'apporte aucune preuve de ses allégations selon lesquelles une procédure de rapprochement se serait déroulée, le seul fait d'avoir adressé des mises en demeure ne justifiant pas à lui seul la mise en 'uvre préalable de la procédure de contrôle.

En matière d'opposition à contrainte, il incombe à l'opposant de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social,(Civ. 2e, 19 décembre 2013 n 12-28075). En l'absence de comparution de l'opposant devant la cour d'appel, cette juridiction doit examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger son opposition recevable et bien fondée (2e Civ., 25 novembre 2021, pourvoi n 20-13.780).

Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Le fait de mentionner dans la mise en demeure que les cotisations étaient appelées au titre du régime général et incluaient la contribution à l'assurance-chômage et les cotisations AGS, en précisant la période en cause est suffisant pour permettre à la société de connaître la nature des cotisations mises à sa charge (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n 20-12.264).

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale que le défaut de réception par son destinataire d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'affecte ni la validité de celle-ci ni la validité des actes de poursuite subséquents (2e Civ., 27 janvier 2022, pourvoi n 20-21.538)

La mise en demeure n'a pas à fournir le détail des calculs des cotisations appelées ni des majorations de retard.

En outre, l'annulation d'une mise en demeure n'empêche pas un organisme de sécurité sociale d'en adresser une nouvelle dès lors que les cotisations appelées ne sont pas prescrites.

En l'espèce, la mise en demeure du 6 mars 2019 précise qu'elle fait suite aux régularisations comptables liées à la réduction générale des cotisations patronales, indique qu'il s'agit des cotisations employeur de personnel salarié en précisant le n° de compte ainsi que le numéro siren de la société. Elle mentionne les périodes appelées, à savoir les mois d'octobre, novembre et décembre 2017, les cotisations et contributions appelées pour chaque mois ainsi que les majorations de retard y afférentes. Elle a été adressée en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 11 mars 2019 à son destinataire. Elle précise en particulier qu'elle prend en compte les régularisations comptables intervenues depuis la décision de la commission de recours amiable du 24 juillet 2018 et qu'elle ne remet pas en cause pour la période de décembre 2018 les mises en demeure complémentaires adressées les 4 décembre 2018 et 14 janvier 2019.

Cette mise en demeure appelle des cotisations pour la somme de 135 714 euros, des majorations de retard pour 10 248 euros, soit un total de 245 962 euros. La commission de recours amiable, faisant référence aux déclarations des données sociales explique dans sa décision du 24 juin 2019 les montants retenus pour chaque mois en indiquant les cotisations initialement appelées, les déclarations modificatives de l'employeur et les rectifications apportées par l'URSSAF en raison d'erreurs dans les télédéclarations.

Les montants sont donc identiques. Le tribunal, prenant en compte la décision du

24 juillet 2018 ayant annulé la précédente mise en demeure mentionne que la créance était à l'époque de 163 143 euros de cotisations et 10 947 euros de majorations de retard. Les éléments étudiés lors du second recours expliquent les raisons pour lesquelles les montants ont été modifiés.

Cette mise en demeure permettait donc à la société de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.

La seconde mise en demeure du 8 mars 2019 porte sur des cotisations pour la somme de 121 862 euros, des majorations de retard pour 10 478 euros, soit un total de 132 340 euros. Elle précise qu'elle est fait suite à la décision de la commission de recours amiable du

24 juillet 2018, indique qu'il s'agit des cotisations employeur de personnel salarié en précisant le n° de compte ainsi que le numéro siren de la société. Elle mentionne les périodes appelées, à savoir les mois de juillet, août et septembre 2017, les cotisations et contributions appelées pour chaque mois ainsi que les majorations de retard y afférentes. Elle a été adressée en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 13 mars 2019 à son destinataire.

Cette mise en demeure permettait donc à la société de connaître la nature, la cause étendue de son obligation.

La contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement de cotisations et contributions doit permettre au redevable d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité , la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice. La référence dans la contrainte à une mise en demeure préalable permet au cotisant d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n 19-17.805)

L'indication de références de dossiers distinctes est sans incidences ( 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n 18-24.797).

En l'espèce, la contrainte du 6 mai 2019 qui reprend les mois appelés, les motifs, « absence de versement » ou « insuffisance de versement », les périodes et les montants, en renvoyant aux deux mises en demeure, et pour des montants identiques, permettait de même à la société d'avoir connaissance de la nature, la cause étendue de son obligation.

La société né dépose aucune pièce justifiant que les montants appelés soient erronés, faute de déposer ses déclarations de données sociales et un décompte des sommes payées.

Le jugement sera donc infirmé partiellement et la contrainte sera validée pour son entier montant.

La SARL [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ;

DÉCLARE recevable l'appel de la SARL [4] et l'appel partiel de l'URSSAF

Île-de-France recevable ;

CONFIRME le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 23 janvier 2020 en ce qu'il :

DÉCLARE recevable l'action de la SARL [4] concernant les mises en demeure ;

DÉCLARE recevable l'opposition formée le 24 mai 2019 par la SARL [4] à l'encontre de la contrainte délivrée à la requête de l'URSSAF Île-de-France daté du

6 mai 2019, signifiée le 10 mai 2019, pour la somme totale de 278 302 euros dont

257 576 euros de cotisations et 20 726 euros de majorations de retard ;

VALIDE la mise en demeure du 8 mars 2019 délivrée par l'URSSAF Île-de-France à l'encontre de la SARL [4] pour la somme de 132 340 euros correspondant à

121 862 euros de cotisations et 10 478 euros de majorations de retard au titre des mois de juillet, août et septembre 2017 ;

L'INFIRME pour le surplus :

STATUANT À NOUVEAU :

DIT régulière la mise en demeure établie le 6 mars 2019 ;

VALIDE la contrainte pour son entier montant ;

CONDAMNE la SARL [4] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de

278 302 euros, représentant 257 576 euros de cotisations et 20 726,00 euros de majorations de retard provisoires ;

CONDAMNE la SARL [4] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [4] aux dépens et au paiement des frais de signification de la contrainte.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/05136
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;20.05136 ?
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