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14/06/2024 | FRANCE | N°18/12714

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 14 juin 2024, 18/12714


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 14 juin 2024



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12714 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WWE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16-01121





APPELANTE

Madame [I] [K] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 5]
>représentée par Me Stéphanie QUATREMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0170





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Amy TAB...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 14 juin 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12714 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6WWE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16-01121

APPELANTE

Madame [I] [K] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Stéphanie QUATREMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0170

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Christophe LATIL, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 8 mars 2024, prorogé au 29 mars 2024, puis au 10 mai 2024, puis au 14 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [I] [K] épouse [S] d'un jugement prononcé le 04 octobre 2018 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (ci-après désignée « la Caisse »).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le 06 février 2013, Mme [I] [K], coiffeuse, (l'assurée) a établi une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial du 05 février 2013 mentionnant une « limitation douloureuse des mouvements des deux épaules maladie 57 A. En IRM arthropathies acromio-claviculaires des deux épaules engendrant souffrance des supra-épineux par conflit sous acromial (...) et discopathie dégénératives cervicales étagées cause de paresthésies des deux membres supérieurs » ; que ces affections ont fait l'objet de trois instructions distinctes ; que le 25 juin 2013, la Caisse a refusé la prise en charge de l'affection concernant l'épaule gauche ; que le 31 juillet 2013, elle a refusé la prise en charge de l'affection concernant l'épaule droite ; que la troisième pathologie a fait l'objet d'un refus de prise en charge le 25 juin 2013.

Le 10 avril 2014, l'assurée a établi une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du 04 février 2014 faisant état d'un « syndrome canal carpien main droite 57 C  » ; qu'après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles région [Localité 7] Ile-de-France, la caisse a, le 21 janvier 2016, refusé sa prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, Mme [I] [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry lequel, par jugement du 04 octobre 2018, a :

- déclaré l'assurée recevable en son recours mais mal fondée ;

- débouté l'assurée de sa demande tendant à la prise en charge, au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, des lésions constatées par certificat médical initial du 4 février 2014 et déclarées le 10 avril 2014.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 10 octobre 2018 à Mme [I] [K] qui en a interjeté appel par voie numérique le 07 novembre 2018.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du 31 mars 2021 et mise en délibéré au 04 juin 2021.

Par arrêt avant dire droit du 04 juin 2021 la cour a, entre autres mesures, désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle d'[Localité 6] Centre, Direction Régionale du service médical, secrétariat comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, [Adresse 2] pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie du 4 février 2014 déclarée par l'assurée le 10 avril 2014 a été ou non directement causée par son travail habituel.

L'affaire a été à renvoyée à l'audience du 23 février 2022, successivement à celles des 29 novembre 2022 et 12 décembre 2023 après réception de l'avis du second CRRMP finalement rendu le 31 mai 2023.

Le second CRRMP a émis un avis défavorable sur le lien de causalité entre la pathologie « syndrome du canal carpien droit » et l'activité professionnelle de Mme [I] [K].

Mme [I] [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que les pathologies qui l'affectent sont d'origine professionnelle,

- ordonner à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la prise en charge de l'assurée au titre de la maladie professionnelle depuis le 18 février 2013,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens.

Elle soutient que sa demande est recevable, formée dans le délai de prise en charge de six mois (sous réserve d'une durée d'exposition de six mois) prévu au tableau 57 A de l'Annexe II (modifié par décret n°2012-937 du 1er août 2012) applicable au moment des faits lorsqu'elle a effectué sa déclaration, le 07 février 20213 auprès de la caisse pour épaule droite douloureuse, épaule gauche douloureuse et discopathie cervicale.

Elle souligne que la pathologie de syndrome de canal carpien, qu'elle a déclarée a été découverte dans le cadre des investigations du médecin en relation avec les douleurs à l'épaule le 18 février 2013 et que le changement de pathologie est intervenue avant que la caisse ne se prononce sur les trois affections initiales, la demande ayant été formée le 31 août 2014. Elle soutient qu'elle n'a jamais revendiqué de prise en charge dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles au titre des épaules douloureuses et de la discopathie dégénérative cervicale et que sa demande ne peut être rejetée pour inobservation du délai de prise en charge.

Sur le fond, elle estime que le CRRMP ne s'est pas fondé sur le bon certificat médical, citant celui du 04 décembre 2014, alors qu'elle invoque pour sa part un certificat du 04 février 2014.

Elle estime qu'elle produit suffisamment d'avis médicaux pour établir que les pathologies qui l'affectent sont d'origine professionnelle.

La caisse demande à la cour de :

- entériner l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 6] Centre,

- débouter l'assurée de sa demande de prise en charge de la pathologie constatée le 04 février 2014 « syndrome du canal carpien droit » à titre professionnel.

La Caisse fait valoir qu'à ce stade de la procédure le recours de l'assurée est irrecevable en raison de la forclusion et l'absence de saisie préalable de la commission de recours amiable en ce que la demande concernant les épaules gauche et droite a fait l'objet d'un refus médical au motif d'un désaccord entre le médecin-conseil et le médecin traitant de l'assurée à propos de la pathologie décrite sur le certificat médical initial. Ces décisions ont été notifiées par courrier recommandé le 25 juin 2013 pour l'épaule gauche et le 31 juillet 2013 pour l'épaule droite, et reçues par Mme [I] [K] le 05 août 2013, de sorte que la demande d'expertise médicale n'était recevable que jusqu'au 27 juillet 2013 pour l'épaule gauche, et le 05 septembre 2013 pour l'épaule droite.

Elle relève que la prise en charge de la pathologie « discopathies cervicales » a été refusée au motif qu'elle ne figure pas dans un tableau de maladie professionnelle, la décision sur ce point ayant été notifiée par courrier recommandé du 25 juin 2013, réceptionnée le 27 juin 2013.

Ainsi, selon elle, les décisions de refus de prise en charge des pathologies du 05 février 2013 sont définitives et ne peuvent plus être contestées.

Enfin, la Caisse oppose à Mme [I] [K] le non respect du délai de prise en charge de 30 jours, la fin de l'exposition au risque correspondant au jour de son arrêt de travail le 30 novembre 2012, alors que le jour de la première constatation médicale est fixée au 18 février 2013, entraînant la nécessité de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En application de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience pour l'exposé complet des moyens développés et soutenus à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que :

Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Le tableau n° 57 C des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, prévoit pour le syndrome du canal carpien un délai de prise en charge de 30 jours, lequel s'entend de la période qui s'est écoulée entre la fin de l'exposition au risque et la première constatation médicale de la pathologie.

Mme [K] maintient, comme lors de l'audience du 31 mars 2021, qu'elle ne revendique pas la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle des pathologies visées au certificat médical initial du 5 février 2013, qui sont des pathologies différentes du syndrome du canal carpien.

Retenant qu'il n'était pas contesté que la fin de l'exposition au risque doit être fixée au 29 novembre 2012, dès lors que l'assurée a été placée en arrêt de travail à compter du 30 novembre 2012 et que la première constatation de la pathologie est intervenue le 18 février 2013, la cour a motivé, dans son arrêt du 04 juin 2021, la saisine d'un deuxième CRRMP, relevant que l'assurée ne saurait utilement se prévaloir d'un changement de qualification de sa maladie professionnelle pour exciper du respect du délai de prise en charge de 6 mois prévu par le tableau n°57 A des maladies professionnelles. En conséquence, la condition du délai de prise en charge fixée au tableau n'étant pas remplie, le dossier a été transmis par la Caisse pour avis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Par avis du 31mai 2023, le CRRMP région Centre-Val-de-Loire a retenu que « compte tenu des éléments médico-administratifs présents au dossier, le non respect du délai de prise en charge constitue un obstacle de la maladie professionnelle. A ce titre, le comité ne retient pas l'existence d'un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et les activités professionnelles exercées par l'assurée ».

A l'audience, l'assurée critique la position du second comité en ce qu'il ne répondrait pas à la question posée par la cour, se retranchant derrière l'irrecevabilité. Dans ses écritures elle relève que le premier CRRMP a évoqué un certificat médical du 04 décembre 2014, alors que seul un certificat médical du 04 février 2014 a été produit à l'appui de la demande.

Au sujet de la date du certificat évoqué par le premier CRRMP, il y a lieu de noter que le courrier de notification de l'avis du 03 juin 2016 vise bien le certificat du 04 février 2014 et non du 04 décembre 2014 effectivement visé sur l'avis lui-même. L'assurée n'ayant pas produit de certificat daté du mois de décembre 2014, la mention de cette date résulte sans équivoque d'une erreur de plume corrigée par le courrier de notification du 16 juin 2016, erreur qui ne peut invalider ce premier avis.

S'agissant de l'avis du second CRRMP, il y a lieu d'interpréter les termes utilisés par le comité en ce sens que les éléments médico-administratifs produits par Mme [K] ne sont pas suffisamment probants pour permettre d'écarter l'obstacle du non respect du délai de prise en charge de 30 jours prévu au tableau 57 C.

Les avis médicaux invoqués par l'assurée ont été examinés par les deux comités et le tribunal.

En son certificat du 03 avril 2015, le docteur [J] [W], médecin du travail, n'évoque aucun des mouvements habituels visés au tableau n° 57 C expliquant le syndrome dont souffre l'assuré.

Et si le docteur [V] [Y], dans son certificat du 21 décembre 2015, indique que les pathologies dont est atteinte l'assurée engendrent de grandes difficultés professionnelles, il ne présente aucune démonstration permettant de conclure qu'elles résultent de l'activité professionnelle.

Mme [K] ne fait que reprendre devant la cour sers prétentions et ses moyens de première instance.

Ainsi en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation par l'assurée et eu égard à l'avis motivé du second CRRMP, concordant avec celui du CRRMP d'Ile-de-France, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

Partie succombante, Mme [K], sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉCLARE recevable l'appel de Mme [I] [K];

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement (RG n°16-01121) prononcé le 04 octobre 2018 par le pôle social du tribunal de grande instance d'Evry ;

CONDAMNE Mme [I] [K] épouse [S] aux dépens de l'instance.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/12714
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;18.12714 ?
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