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13/06/2024 | FRANCE | N°23/19424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 13 juin 2024, 23/19424


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19424 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIT37



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de PARIS-RG n°23/81252



APPELANTE



Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Yann VERNON, avocat au barrea

u de PARIS, toque : E0015

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/506514 du 21/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



INTIMEE



E.P.I.C. [5]

Agis...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19424 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIT37

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2023 -Juge de l'exécution de PARIS-RG n°23/81252

APPELANTE

Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann VERNON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0015

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/506514 du 21/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

E.P.I.C. [5]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0128

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance de référé du 6 février 2020, signifiée le 24 août 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a notamment constaté la résiliation du bail conclu le 21 mars 2006 entre Mme [D] [K] et [5], ordonné l'expulsion de Mme [K], condamné cette dernière à payer à [5] la somme de 6.643,05 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 31 août 2019, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges.

Le 6 novembre 2021, un commandement de quitter les lieux a été délivré à Mme [K].

Par requête du 17 juillet 2023, Mme [D] [K] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir un délai pour quitter les lieux.

Par jugement du 2 octobre 2023, le juge de l'exécution a :

rejeté la demande de délais aux fins de quitter les lieux de Mme [K] ;

condamné Mme [K] au paiement des dépens ;

débouté Mme [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution retient que la situation financière de Mme [K] ne lui permet pas de se reloger dans le parc privé et qu'au regard des tensions existant pour l'accès au parc locatif social, elle établit que son relogement ne peut intervenir dans des conditions normales ; que la dette a diminué en raison d'un rappel d'aides au logement et d'un « FSL maintien » du 16 décembre 2022, puis a ré-augmenté ; que Mme [K] justifie de démarches en vue de son relogement ; qu'elle justifie ainsi de sa bonne volonté, au moins depuis 2023, dans l'exécution de ses obligations, ses revenus ne lui permettant pas de verser plus. Toutefois, il relève également que la décision prononçant l'expulsion est ancienne et que Mme [K] a déjà bénéficié de plus de trois ans de délais.

Par déclaration du 4 décembre 2023, Mme [K] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions du 25 avril 2024, elle demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

lui accorder un délai d'un an pour quitter le logement qu'elle occupe [Adresse 1],

rejeter toutes demandes ou prétentions plus amples ou contraires de l'intimé,

condamner [5] à verser la somme de 2.000 euros à son avocat, Me Yann Vernon, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner [5] à verser à l'appelante la somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile

condamner [5] aux entiers dépens d'instance, qui seront recouvrés directement par Me Vernon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les dépens à la charge de [5] dans la présence instance en cas d'éventuel rejet de ses demandes de l'appelante.

Par conclusions du 6 mars 2024, [5] demande à la cour de :

débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les délais sollicités et dire qu'ils seront subordonnés au règlement de l'indemnité d'occupation courante avec reprise de la procédure d'expulsion en cas de non-règlement à bonne date,

condamner Mme [K] au paiement de la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de délais

Aux termes de l'article L.412-3 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution (dans sa version en vigueur issue de la loi du 27 juillet 2023), le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

L'article L.412-4 du même code, dans sa version en vigueur issue de la loi du 27 juillet 2023, dispose : 'La durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés'.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Selon le relevé de compte produit par [5], la dette locative avait fortement augmenté après l'ordonnance de référé (plus de 20.000 euros), puis a été fortement réduite par des rappels d'APL et un versement du fonds de solidarité logement (FSL) jusqu'à la somme de 4.246,82 euros, puis a ré-augmenté et s'élève désormais à la somme de 5.837,56 euros au 25 avril 2024.

Mme [K] est âgée de 59 ans et justifie percevoir actuellement, outre l'allocation logement versée au bailleur (332 euros par mois), l'allocation adulte handicapée depuis septembre 2023 (971 euros par mois), étant précisé que l'indemnité d'occupation s'élève à environ 733 euros par mois. Elle percevait auparavant l'allocation spécifique de solidarité (environ 550 euros par mois). D'après le relevé de compte de [5], l'appelante a d'ailleurs augmenté ses versements depuis septembre 2023. Elle a déposé un dossier de surendettement et justifie de ce que la commission de surendettement a, le 31 août 2023, imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avec effacement des dettes.

Mme [K] justifie certes de démarches tardives en vue de son relogement au regard de la date de l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion puisqu'elle n'a déposé une demande de logement social que le 27 février 2023 (renouvelée le 30 janvier 2024). Elle a cependant été reconnue prioritaire et devant être logée d'urgence par décision de la commission DALO en date du 28 septembre 2023. Elle a sollicité, par l'intermédiaire du maire du 20ème, un logement plus petit et adapté à son handicap auprès de [5], qui, par courrier du 10 juillet 2023 adressé au maire, n'a pas répondu positivement, se plaignant notamment du comportement du concubin de Mme [K], de la nouvelle dette locative et du refus d'aide de la locataire.

Mme [K] justifie en effet avoir eu ces dernières années un parcours de vie particulièrement difficile, avec un concubin violent (sans domicile fixe, alcoolique et toxicomane), duquel elle a réussi à se séparer fin 2022-début 2023 et contre lequel elle a pu obtenir une ordonnance de protection en date du 24 octobre 2023, avec avoir bénéficié d'un suivi médical pour une dépression. Il ressort des pièces produites que depuis sa séparation, elle a pu reprendre en main sa situation (plaintes pénales, suivi médical, demande d'allocation adulte handicapé, demande de logement social, demande de protection, dossier de surendettement) et se stabiliser.

Compte tenu de ses importants efforts dans l'exécution de ses obligations et de ses difficultés réelles pour se reloger, il convient d'accorder à Mme [K] un délai de six mois, sous condition de paiement de l'indemnité d'occupation, et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de délais.

Sur les demandes accessoires

Rien ne justifie de mettre les dépens à la charge de [5], qui subit le maintien dans les lieux de Mme [K], laquelle reste débitrice de l'obligation de quitter le logement et sera donc condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 2 octobre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a débouté Mme [D] [K] de sa demande de délais pour quitter les lieux,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

ACCORDE à Mme [D] [K] un délai de six mois à compter de ce jour pour quitter le logement qu'elle occupe au [Adresse 1],

DIT que ce délai est conditionné par le paiement de l'indemnité d'occupation,

DIT qu'en conséquence, en cas de non-paiement de cette indemnité d'occupation à bonne date, la procédure d'expulsion pourra reprendre,

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ou sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

CONDAMNE Mme [K] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/19424
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.19424 ?
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