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13/06/2024 | FRANCE | N°23/19251

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 13 juin 2024, 23/19251


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19251 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CITMT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 23 Octobre 2023 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/05243









APPELANT



Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 7]>
[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Véronique CLAVEL, avocat a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19251 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CITMT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 23 Octobre 2023 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/05243

APPELANT

Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Véronique CLAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1008, substitué à l'audience par Me COLLIN-LEJEUNE Capucine, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [O] [R]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Olivier PARDO de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170, substitué à l'audience par Me Rachel FLORE de la SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 3 mai 2019, M. [O] [R] a fait assigner M. [H] [F] devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil, lui reprochant de lui avoir fait subir des actes d'agressions sexuelles à plusieurs reprises lorsqu'il était mineur, celui-ci étant un proche de la famille, parrain de sa soeur et ami de son père.

Sur la base du rapport d'expertise établi le 18 mars 2019 par le Docteur [D], désigné par ordonnance de référé du 8 octobre 2018 pour évaluer son préjudice et sa date de consolidation, M. [R] a sollicité la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 103.382,50 euros en réparation du préjudice subi du fait des multiples agressions sexuelles commises.

Par jugement du 17 novembre 2022, la 4ème chambre du tribunal, devenu tribunal judiciaire de Paris, a :

- déclaré recevable l'action en responsabilité quasi-délictuelle formée par M. [O] [R] à l'encontre de M. [H] [F],

- déclaré M. [H] [F] responsable des conséquences dommageables subies par M. [O] [R] du fait des fautes commises à son encontre,

- débouté M. [H] [F] de sa demande reconventionnelle d'indemnisation formée à hauteur de 20.000 euros,

Avant dire droit, sur la liquidation des préjudices de M. [O] [R] :

- renvoyé l'examen de l'affaire à la mise en état du Pôle du contrat, de la responsabilité et de la réparation du préjudice corporel de ce tribunal, 19ème chambre civile,

- réservé les demandes d'indemnisation,

- réservé les demandes relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la suppression de l'affaire du rôle de la 4ème chambre, 2ème section, et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal aux fins de liquidation des préjudices subis par M. [O] [R],

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [F] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 12 décembre 2022. L'affaire est actuellement pendante devant la cour d'appel de Paris.

Par conclusions d'incident notifiées le 17 mai 2023, M. [H] [F] a saisi le juge de la mise en état de la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris devant laquelle l'affaire a été renvoyée aux fins de liquidation des préjudices de M. [R], notamment d'une demande de sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation présentées par M. [R] dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris statuant sur le jugement rendu le 17 novembre 2022 par la 4ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 23 octobre 2023, le juge de la mise en état a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état de la 19ème chambre statuant sur la liquidation du préjudice corporel du mardi 5 décembre 2023 à 13h30 pour mise en cause de l'organisme de sécurité sociale (auprès du bureau d'ordre civil) et conclusions au fond de M. [H] [F],

- condamné M. [H] [F] à verser à M. [O] [R] une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel d'un montant de 28.000 euros,

- condamné M. [H] [F] aux dépens de l'incident et à verser à M. [O] [R] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 30 novembre 2023, M. [H] [F] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, M. [H] [F] demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 378 et 789 du code de procédure civile,

Vu l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

- Infirmer l'ordonnance rendue le 23 octobre 2023 par le juge de la mise en état de la 19ème chambre civile de Paris en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de sursis à statuer de M. [H] [F],

' rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale,

' renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état de la 19ème chambre statuant sur la liquidation du préjudice corporel du mardi 5 décembre 2023 à 13h30 pour mise en cause de l'organisme de sécurité sociale (auprès du bureau d'ordre civil) et conclusions au fond de M. [H] [F],

' condamné M. [H] [F] à verser à M. [O] [R] une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel d'un montant de 28.000 euros,

' condamné M. [H] [F] aux dépens de l'incident et à verser à M. [O] [R] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonné l'exécution provisoire de la décision,

' rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires, mais seulement lorsqu'il rejette les demandes de M. [H] [F],

Statuant à nouveau :

- Ordonner le sursis à statuer des demandes d'indemnisation présentées par M. [R] devant la 19ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris, dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, devenu définitif, statuant contre le jugement rendu le 17 novembre 2022 par la 4ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris,

- Déclarer les demandes de M. [R] irrecevables en l'absence de mise en cause de son organisme de sécurité sociale,

- Débouter M. [O] [R] de toute demande de provision,

- Débouter M. [O] [R] de sa demande de confirmation de l'ordonnance entreprise,

- Débouter M. [O] [R] de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles de la procédure d'incident entreprise,

- Débouter M. [O] [R] de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles de la présente procédure d'appel,

- Débouter M. [O] [R] de sa demande de condamnation aux dépens au titre de la procédure d'incident entreprise,

- Débouter M. [O] [R] de sa demande de condamnation aux dépens au titre de la présente procédure d'appel,

- Condamner M. [O] [R] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour la procédure d'incident,

- Condamner M. [O] [R] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure pour la présente procédure d'appel,

- Débouter M. [O] [R] de toutes plus amples demandes,

- Condamner M. [O] [R] aux entiers dépens d'incident et d'appel dont distraction auprès de la Selarl LX [Localité 7]-[Localité 9]-[Localité 8].

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024, M. [O] [R] demande à la cour de :

Vu les articles 1240 du code civil,

Vu les articles 789 et 514 du code de procédure civile,

- Débouter M. [F] de son appel, le juger infondé,

- Recevoir M. [R] en son appel incident et en ses demandes,

A titre principal,

- Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état de la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de sursis à statuer de M. [F],

' rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale,

' condamné M. [F] aux dépens de l'incident,

' ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- L'infirmer en ce qu'elle a :

' condamné M. [F] à verser à M. [R] une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel d'un montant de 28.000 euros,

' condamné M. [F] à verser à M. [R] la seule somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau sur ces chefs :

- Condamner M. [F] à verser à M. [R] une provision de 103.382,50 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 10.000 euros à M. [R] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

.

A titre subsidiaire,

- Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état de la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de sursis à statuer de M. [H] [F],

' rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale,

' condamné M. [F] aux dépens de l'incident,

' ordonné l'exécution provisoire de la décision,

' condamné M. [F] à verser à M. [R] une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel d'un montant de 28.000 euros,

- Infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état de la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris du chef du quantum de la condamnation de M. [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ce faisant,

- Condamner M. [F] au paiement de la somme de 10.000 euros à M. [R] en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

En tout état de cause et y ajoutant :

- Condamner M. [F] à verser à M. [R] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.

La clôture a été prononcée le 13 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

M. [F] reproche au juge de la mise en état d'avoir rejeté sa demande de sursis à statuer en vertu du principe de bonne administration de la justice et maintient que celui-ci est nécessaire en faisant valoir que :

- l'expert ne s'est pas prononcé sur la réalité des préjudices de M. [R] mais s'est contenté de retranscrire les seules allégations de celui-ci et de procéder à une évaluation sur la base de ses seules déclarations,

- l'arrêt de la cour d'appel de Paris à venir aura une incidence sur la présente instance dès lors que sa décision déterminera l'opportunité du renvoi devant la 19ème chambre, d'autant plus que les chances d'infirmation du jugement de la 4ème chambre devant la Cour d'appel sont sérieuses, les allégations de M. [R] n'étant corroborées par aucune pièce probante et les faits étant prescrits.

Il soutient que sa demande n'est pas dilatoire mais uniquement guidée par l'intérêt d'une bonne administration de la justice puisque le renvoi devant la 19ème chambre civile n'a d'objet que si la cour d'appel confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire.

Il invoque enfin les conséquences manifestement excessives du rejet de sa demande de sursis à statuer en expliquant qu'il est anéanti psychiquement par les accusations mensongères extrêmement graves portées à son encontre et par l'acharnement injustifié et monté de toutes pièces dont il fait l'objet. Il estime qu'une condamnation pécuniaire avant la décision de la Cour sur sa responsabilité aggravera la situation financière précaire dans laquelle il est plongé depuis le début de ce « cauchemar » et que l'absence de sursis à statuer ainsi que l'octroi d'une provision viennent appuyer sa responsabilité alors que seul l'arrêt d'appel pourra en décider. Il rappelle enfin que sa demande de sursis à statuer est conforme à la jurisprudence constante de la 19ème chambre du tribunal judiciaire de Paris.

M. [R] demande la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état de ce chef et soutient qu'un sursis à statuer serait en l'espèce, compte tenu de la gravité

et de l'ancienneté des faits visés, manifestement inopportun et contraire à l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Il invoque le caractère dilatoire de cette nouvelle demande de sursis à statuer formulée par M. [F], s'ajoutant aux autres incidents dilatoires formés par ce dernier devant la 4ème chambre du tribunal judiciaire de Paris.

Sur ce

En vertu de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

L'opportunité d'un sursis dépend directement de la portée que l'événement invoqué peut avoir sur l'instance en cours, cette portée étant laissée à l'appréciation du juge, en considération des besoins propres à une bonne administration de la justice.

En l'espèce, une expertise médicale a été diligentée par le docteur [D], désigné par ordonnance de référé du 8 octobre 2018 à la demande de M. [R]. Pour faire droit à cette demande, le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, a estimé M. [R] produisait des éléments concrets et plausibles de nature à justifier l'action civile qu'il souhaitait engager et donc d'un motif légitime à voir ordonner une expertise, rappelant néanmoins qu'une expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile n'impliquait aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être engagé. Il a précisé que l'expertise avait vocation, non seulement à apprécier l'existence d'un traumatisme mais, dans l'affirmative, à évaluer son préjudice et à déterminer s'il est ou non consolidé, élément primordial pour déterminer s'il y a ou non prescription. Il a estimé que le complément de mission sollicité par M. [F] se rapportant à l'appréciation de la crédibilité de M. [R] ne pouvait être intégré dans la mission de l'expert.

Le docteur [D], après avoir répondu aux dires des parties, a déposé son rapport définitif le 18 mars 2019 dans lequel il a relevé l'absence d'état antérieur, fixé la consolidation au 21 juin 2018, date de l'assignation en référé, et retenu des souffrances endurées de 4/7 ainsi qu'un déficit fonctionnel permanent de 8 %.

Le jugement du 17 novembre 2022 (et non 22 janvier 2022 comme indiqué par erreur dans l'ordonnance entreprise) a retenu que les faits d'agression sexuelle dénoncés par M. [R] à l'égard de M. [F] étaient établis, en ce compris l'agression nocturne survenu à l'été 1990 et les attouchements commis à l'occasion de balades en voiture, que ces faits, non consentis et commis sur un mineur, étaient susceptibles de qualification pénale lorsqu'ils n'étaient pas prescrits et étaient également constitutifs d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil. Il a par ailleurs estimé, au vu des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que M. [R] justifiait de dommages causés par les agressions commises par M. [F] et a, en conséquence, jugé que la responsabilité civile de ce dernier était engagée.

Comme l'a rappelé le juge de la mise en état, ce jugement, revêtu de l'exécution provisoire, aurait pu liquider les préjudices de M. [R] sur la base du rapport d'expertise en date du 18 mars 2019 mais l'organisation interne du tribunal judiciaire de Paris a conduit la 4ème chambre, qui s'est prononcée sur la responsabilité pleine et entière de M. [F] dans les préjudices de M. [R], à renvoyer devant la 19ème chambre pour statuer sur la liquidation de ses préjudices.

L'appel de M. [F] à l'encontre de ce jugement ayant retenu sa responsabilité civile ne saurait, du fait de l'organisation interne du tribunal judiciaire de Paris, retarder encore l'indemnisation de M. [R] eu égard à l'ancienneté des faits et son action judiciaire au fond ayant été introduite en 2019, il y a maintenant plus de cinq ans, quand bien même il est incontestable qu'en cas de réformation du jugement par la cour d'appel de céans, les demandes d'indemnisation de M. [R] seraient sans objet.

C'est en conséquence à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, l'ordonnance déférée étant confirmée de ce chef.

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires de M. [R] en l'absence de mise en cause de la CPAM

Le juge de la mise en état a rejeté ce moyen et invité néanmoins M. [R] à mettre en cause son organisme social afin que le jugement lui soit déclaré opposable après avoir relevé :

- que M. [F] s'était désisté de ce moyen devant la 4ème chambre,

- que le défaut de mise en cause ne constituait, non une cause d'irrecevabilité de l'action mais une cause de nullité du jugement,

- que le recours de la sécurité sociale ne s'exerçait plus désormais sur le poste de déficit fonctionnel permanent,

- que si M. [R] sollicitait une indemnisation au titre des seuls postes extra-patrimoniaux, non soumis au recours des organismes sociaux, il lui appartenait néanmoins de mettre en cause ces derniers afin qu'ils soient en mesure d'exercer leur recours subrogatoire sur leur éventuelle créance contre le responsable.

M. [F] reproche au juge de la mise en état d'avoir statué ainsi et fait valoir que l'absence de mise en cause des organismes sociaux n'est pas uniquement une cause de nullité du jugement mais entraîne également l'irrecevabilité des demandes tendant à l'indemnisation des préjudices soumis à recours, et notamment les demandes formées au titre du déficit fonctionnel permanent. Il soutient que le recours des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les postes de préjudices patrimoniaux, mais également extra-patrimoniaux si une prestation indemnisant ces postes de préjudices a été versée, de sorte que la réparation du dommage corporel allégué est irrecevable en l'absence de mise en cause de l'organisme de sécurité sociale. Il relève que M. [R] sollicite la réparation, non pas d'un préjudice moral, mais de déficits fonctionnels temporaire et permanent, postes qui sont incontestablement soumis à recours.

M. [R] rétorque qu'aucun des préjudices subis par lui n'a été pris en charge par une caisse, ceux-ci étant purement de caractère personnel. Il ajoute que, même si ses préjudices avaient été pris en charge par une caisse, l'absence de mise en cause de la CPAM ne serait pas une cause d'irrecevabilité de ses demandes mais ouvrirait seulement le droit à la CPAM de demander la nullité du jugement sur le fond dans un délai de deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement sera devenu définitif.

Il ajoute que M. [F] s'est désisté de ce moyen devant la 4ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris, de sorte qu'en application du principe de l'autorité de la chose jugée, son action en responsabilité quasi-délictuelle formée à l'encontre de M. [F] a d'ores et déjà été jugée recevable par le tribunal judiciaire de Paris le 17 novembre 2022 et ne saurait donc être aujourd'hui valablement contestée devant la Cour statuant sur l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état de la 19ème chambre civile, laquelle est uniquement saisie de l'indemnisation du préjudice.

Sur ce

Il ressort de la lecture du jugement rendu le 17 novembre 2022 par la 4ème chambre, 2ème section du tribunal judiciaire de Paris que, sur la question de la recevabilité de l'action, les premiers juges ont, sur le moyen tiré de la prescription, retenu que l'action n'était pas prescrite et qu'elle était par conséquent recevable.

Sur le moyen tiré de l'absence de mise en cause de la CPAM, les premiers juges ont constaté que M. [F] s'était manifestement désisté de ce moyen, le paragraphe consacré à cette demande, aux termes de ses dernières conclusions, étant barré. Ils ont toutefois précisé que le défaut de mise en cause de la CPAM constituait non une cause d'irrecevabilité de l'action mais une cause de nullité du jugement. Aucune autorité de la chose jugée ne peut donc être invoquée de ce chef.

Par ailleurs, si le juge de la mise en état n'a pas relevé son incompétence pour statuer sur cette fin de non-recevoir, le nouvel article 789 du code de procédure civile issu de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui donne compétence exclusive du magistrat chargé de la mise en état jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur les fins de non-recevoir, étant applicable uniquement aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, il a néanmoins, par des motifs pertinents que la cour approuve, rejeté ce moyen et invité M. [R] à mettre en cause son organisme social afin que le jugement lui soit déclaré opposable.

Le jugement en conséquence confirmé de ce chef.

Sur la demande de provision de M. [R]

Le juge de la mise en état a considéré que la demande n'était pas sérieusement contestable au regard du rapport d'expertise et du jugement du 17 novembre 2022 (et non 22 janvier 2022 comme indiqué par erreur) et que, dès lors, l'octroi d'une provision était justifié au regard de l'ancienneté des faits et du rapport d'expertise. Compte tenu de l'évaluation de l'expert sur les souffrances endurées à 4/7 et du déficit fonctionnel permanent fixé à 8%, M. [R] étant âgé de 41 ans lors de la consolidation médico légale, il lui a alloué une provision de 28.000 euros, rappelant que la provision ne saurait être égale au montant total de l'indemnisation sollicitée.

M. [F] demande le rejet de cette demande au regard du sursis à statuer qui devra être prononcé. En tout état de cause, il fait valoir que cette demande de provision formée devant le juge de la mise en état ne saurait être accueillie dès lors qu'il existe une contestation sérieuse tant sur les faits que sur l'existence des préjudices allégués, relevant que les demandes indemnitaires reposent sur un rapport déclaratif dont le caractère sérieux devra être discuté au fond.

M. [R] sollicite, à titre principal, l'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a condamné M. [F] à lui verser une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel d'un montant de 28.000 euros et demande une provision de 103.382,50 euros. Il rappelle que seule la constatation de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable est exigée comme condition à l'octroi d'une provision au créancier et que le montant de la provision que le juge de la mise en état peut accorder n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de l'obligation.

Il soutient qu'en l'espèce, ainsi que l'a jugé au fond le tribunal judiciaire de Paris le 17 novembre 2022, M. [F] s'est rendu coupable d'actes d'agressions sexuelles à son préjudice et que de cette faute découle un préjudice qu'il convient de réparer. Il ajoute que la nature et l'ampleur du préjudice qu'il a subi ont été évaluées par un expert missionné par le président du tribunal judiciaire de Paris et que cette expertise permet de chiffrer la totalité du préjudice subi à la somme de 103.382,50 euros qui, s'appuyant sur les constatations de l'expert, n'est pas sérieusement contestable.

A titre subsidiaire, il demande la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état qui lui a alloué une provision de 28.000 euros.

Sur ce

Selon les dispositions de l'article 789,3°, du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent depuis sa désignation jusqu'à son dessaisissement pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision qui peut être allouée n'a alors d'autre limite que celui non sérieusement contestable de la créance alléguée

En l'espèce, au regard du jugement du 17 novembre 2022, certes non définitif mais revêtu de l'exécution provisoire, qui a déclaré M. [F] responsable des conséquences dommageables subies par M. [R] du fait des fautes commises à son encontre et du rapport d'expertise qui a évalué les souffrances endurée à 4/7 et le déficit fonctionnel permanent à 8 %, l'obligation de M. [F] d'indemniser M. [R] n'est pas sérieusement contestable, de sorte que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a fait droit à la demande de provision formée par M. [R] et l'a justement évaluée à la somme non sérieusement contestable de 28.000 euros.

L'ordonnance déférée sera, dès lors, également confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de l'instance incidente, mis à la charge de M. [F], seront confirmées.

M. [F], qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, M. [F] sera en outre condamné à payer à M. [R] la somme de 2.500 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne M. [H] [F] à payer à M. [O] [R] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [F] aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/19251
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.19251 ?
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