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13/06/2024 | FRANCE | N°23/18198

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 13 juin 2024, 23/18198


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 13 JUIN 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18198 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQKH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Octobre 2023 -Président du TC de [Localité 6] - RG n° 2020028419





APPELANTE



S.A.S. FJMN, RCS de Fréjus sous le n°429 476 740

, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

Technoparc Epsilon II

[Localité 4]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18198 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQKH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Octobre 2023 -Président du TC de [Localité 6] - RG n° 2020028419

APPELANTE

S.A.S. FJMN, RCS de Fréjus sous le n°429 476 740, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

Technoparc Epsilon II

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocats plaidants Me Eric DEUBEL et Caroline GERAULT, avocats au barreau de PARIS, toque : T06

INTIMEE

S.A.S. EMERA EXPLOITATIONS, RCS de [Localité 5] sous le n°451 354 005, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre MERVEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P454

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2024, en audience publique, Michèle CHOPIN, Conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

La société Emera exploitations a une activité de gestion de résidences senior et de maisons de retraites médicalisées (EHPAD).

La société Aplus santé, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société FJMN, est gestionnaire d'EHPAD et codétient avec la société Emera exploitations dix établissements.

Au cours de l'année 2016, ces deux sociétés sont convenues d'un accord de partenariat, complété par avenant du 16 avril 2019 et destiné à mutualiser la gestion opérationnelle et immobilière de certains de leurs établissements.

Un protocole de cession et de partenariat a été ainsi signé entre les parties le 17 février 2016, prévoyant en substance la création d'une société par action simplifiée, (joint-venture ou JV), et la cession de la moitié des parts de la société FJMN outre de la totalité des participations dites Emera (titres détenus dans le capital social de la sas Ehpad Soleil du Levant et dans les sociétés listées) pour la moitié à la JV et pour l'autre moitié à la société FJMN.

La sas Emera Plus Santé en exécution de ce protocole a été constituée et immatriculée au RCS le 17 mars 2016.

Par protocole de cession du 18 avril 2016, les sociétés FJMN, Emera Plus Santé, Emera exploitations et Emera sont convenues de la cession par la société FJMN à la JV de la moitié du capital social qu'elle détient dans sept sociétés, listées en annexe, de la cession par la société Emera exploitations de 66% du capital qu'elle détient dans la société exploitant l'EHPAD du [7], soit 33% à la JV et 33% à la société FJMN.

Par contrat du 4 mai 2016, les parties sont convenues d'un accord de partenariat afin de déterminer leurs droits et obligations, d'organiser leur coopération au sein de la JV et des filiales, et d'organiser les modalités de transferts de titres. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant le 16 avril 2019, aux termes duquel a été prévue la faculté pour la société Emera exploitations de racheter les participations de la société FJMN dans ses filiales et, le cas échéant dans la JV, dans l'hypothèse où la JV changerait de contrôle (Promesse de vente 1 Emera).

Par exploit du 29 mai 2020, la société FJMN a fait assigner la société Emera exploitations devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la nullité de certaines stipulations de l'accord de partenariat du 4 mai 2016, la nullité et la caducité de la Promesse de vente 1 Emera, et la résolution de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 ainsi que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, ces demandes ayant été rejetées par jugement en date du 10 juin 2021 dont il a été interjeté appel.

Par exploit séparé, la société Emera exploitations a fait assigner la société FJMN aux fins d'obtenir notamment l'exécution forcée de la Promesse de vente 1 Emera, le tribunal de commerce de Paris, par jugement en date du 10 juin 2021, ayant déclaré la société Emera exploitations irrecevable en ses demandes, dont il a également été interjeté appel.

Par un arrêt en date du 20 août 2023, la cour d'appel de Paris, après jonction des deux dossiers a débouté la société FJMN de ses demandes, l'a condamnée à exécuter la Promesse de vente 1 Emera et a jugé que le transfert de propriété des titres et l'entrée en jouissance de la société cessionnaire interviendront 15 jours calendaires après la fixation définitive du prix des titres par l'expert, désigné conformément aux dispositions contractuelles.

Par acte du 6 juillet 2020, la société Emera exploitations a fait assigner la société FJMN devant le tribunal de commerce de Paris selon la procédure accélérée au fond aux fins de voir :

- désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de fixer le prix de cession des titres objets de la promesse de vente, à savoir, en ce qui concerne la société FJMN, la totalité des actions suivantes :

*33 actions de la société EHPAD Soleil du Levant ;

*330 actions de la société EHPAD Le mur ;

*1 250 actions de la société Emera EHPAD Augusta ;

*25 000 actions de la société Résidence la tournelle ;

*8 557 actions de la société Maison de retraite de l'Echenau ;

*25 000 actions de la société Urbania ;

*250 actions de la société Emera Le Val fleury ;

*2 520 actions de la société Résidence Sainte-Anne ;

*1 850 actions de la société Emera Résidence senior Augusta et,

en ce qui concerne Aplus santé espana SL, la totalité des actions de la société de droit espagnol Geros azur SL qu'elle détient (étant précisé que la société FJMN détient le contrôle d'Aplus santé espana SL), ensemble, les "actions Aplus sous promesse" ;

- rappeler que conformément aux stipulations contractuelles, l'expert désigné sera lié par les règles de détermination du prix prévues par les stipulations du partenariat en son article 6.1.2, que sa décision liera les parties, et ne pourra faire l'objet d'aucune contestation sauf erreur grossière ;

- fixer la provision à valoir sur les frais d'expertise et la répartir par moitié entre les parties, étant précisé qu'en cas de refus par une partie de s'acquitter du paiement lui incombant, la partie non défaillante pourra s'y substituer ;

- dire que l'expert devra rendre sa décision dans les trois mois du paiement complet de la provision accordée ;

- faire supporter la charge définitive des frais d'expertise à la partie dont le prix notifié à l'autre (10.482,554 euros notifié par Emera à la société JFMN, et 21 945,150 euros notifié par la société FJMN à Emera) sera le plus éloigné du prix fixé par l'expert.

Par ordonnance dite de référé du 20 octobre 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- constaté le désaccord entre les parties sur le prix de cession des parts sociales objet de la promesse de vente 1 Emera ;

- constaté l'absence d'accord entre les parties sur la désignation d'un expert indépendant ;

- nommé M. [V] comme expert judiciaire afin de déterminer le prix de cession des titres suivants :

*33 actions de la société EHPAD Soleil du Levant ;

*330 actions de la société EHPAD Le mur ;

*1 250 actions de la société Emera EHPAD Augusta ;

*25 000 actions de la société Résidence la tournelle ;

*8 557 actions de la société Maison de retraite de l'Echenau ;

*25 000 actions de la société Urbania ;

*250 actions de la société Emera Le Val fleury ;

*2 520 actions de la société Résidence Sainte-Anne ;

*1 850 actions de la société Emera Résidence senior Augusta

*la totalité des titres de la société de droit espagnol Geros azur SL détenus par la société Aplus santé Espana ;

conformément aux dispositions contractuelles liant les parties, notamment le protocole de cession en date du 18 avril 2016, et l'accord de partenariat du 4 mai 2016 ;

- laissé à la charge de chacune des parties leurs frais irrépétibles ;

- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

- mis la charge de la société Emera exploitations les dépens de l'instance, dont ceux recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 73,94 euros TTC dont 12,06 euros de TVA.

Par déclaration du 10 novembre 2023, la société FJMN a interjeté appel de cette décision.

Par exploit du 14 décembre 2023, la société FJMN a fait assigner la société Emera exploitations à bref délai devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater que la formule mathématique de calcul de prix figurant à l'annexe 6 visée par la clause 6.1.2 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 est entachée d'une erreur de plume tenant à un mauvais positionnement des parenthèses et de juger que celle-ci s'interprète au regard de la commune intention des parties comme suit :

« % participation x (multiple EBE x EBE -dette nette) » au lieu de « (% participation x multiple EBE x EBE) - dette nette ».

Le tribunal de commerce de Paris par jugement rendu le 22 mars 2024 a dit la société FJMN irrecevable en sa demande au motif que « seul le dépôt du rapport du tiers évaluateur est susceptible de conférer un caractère actuel au préjudice allégué de FJMN », la société FJMN ayant interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2024, la société FJMN demande à la cour, au visa des articles 377, 378 du code de procédure civile, 1592, 1188 et 1189 du code civil, de :

In limine litis,

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la cour d'appel de Paris statuant sur l'appel interjeté par la société FJMN à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 mars 2024, relative à l'interprétation de la formule de calcul de prix stipulée à l'annexe 6 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 ;

A titre principal :

- annuler l'ordonnance de référé du 20 octobre 2023 pour excès de pouvoir ;

A titre subsidiaire :

- infirmer l'ordonnance de référé du 20 octobre 2023 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- désigner un expert au sens de l'article 1592 du code civil afin de déterminer le prix de cession des titres suivants

*33 actions de la société EHPAD Soleil du Levant ;

*330 actions de la société EHPAD Le mur ;

*1 250 actions de la société Emera EHPAD Augusta ;

*25 000 actions de la société Résidence la tournelle ;

*8 557 actions de la société Maison de retraite de l'Echenau ;

*25 000 actions de la société Urbania ;

*250 actions de la société Emera Le Val fleury ;

*2 520 actions de la société Résidence Sainte-Anne ;

*1 850 actions de la société Emera Résidence senior Augusta ;

*la totalité des titres de la société de droit espagnol Geros azur SL détenus par la société Aplus santé Espana,

conformément aux dispositions contractuelles liant les parties, notamment le protocole de cession en date du 18 avril 2016, et l'accord de partenariat du 4 mai 2016, et en particulier la formule de calcul de prix stipulée à l'annexe 6 telle qu'interprétée par la juridiction saisie au fond ;

En tout état de cause :

- débouter la société Emera exploitations de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Emera exploitations à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Emera exploitations aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 avril 2024, la société Emera exploitations demande à la cour, au visa des articles 562 du code de procédure civile, 1103, 1104 et 1592 du code civil, de :

- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour sur le sursis à statuer ;

En tout état de cause :

- confirmer l'ordonnance du 20 octobre 2023 ;

- débouter la société FJMN de l'ensemble de ses éventuelles, fins et conclusions contraires et supplémentaires ;

- condamner la société FJMN à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.

SUR CE,

L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.

La demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure (Cass., 2e Civ., 27 septembre 2012, pourvoi n° 11-16.361, Bull. 2012, II, n° 156 ; Cass., Com., 7 janvier 2014, pourvoi n° 11-24.157, Bull. 2014, IV, n° 5 ; Cass., 2e Civ., 25 juin 2015, pourvoi n°14-18.288, Bull. 2015, II, n° 165).

Le sursis à statuer prévu par le texte précité constitue une simple faculté.

L'article 1592 du code civil, dans sa version applicable au litige, prévoit que le prix d'une cession peut être laissé à l'estimation d'un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente.

La société FJMN expose in limine litis que, sur le fondement de l'article 1592 du code civil, le juge n'a la faculté que de désigner un expert, ce qui exclut l'interprétation du contrat, de sorte que le sursis à statuer s'impose en attendant l'arrêt à rendre par la cour d'appel au fond. Elle précise que l'ordonnance du 20 octobre 2023 doit être annulée pour excès de pouvoir puisqu'en désignant un expert judiciaire par ordonnance de référé en date du 20 octobre 2023 alors que, par ordonnance de référé en date du 29 octobre 2020, un sursis à statuer dans l'attente des décisions au fond, le président du tribunal de commerce de Paris a statué par deux fois, en qualité de juge des référés, et non selon la procédure accélérée au fond, alors que la société Emera exploitations l'avait saisi via cette procédure le 6 juillet 2020, que le président du tribunal de commerce de Paris a commis un second excès de pouvoir en désignant un expert chargé de fixer le prix de cession conformément aux dispositions contractuelles contenant la clause litigieuse qui nécessite une interprétation. Elle fait valoir enfin qu'en cas d'annulation de l'ordonnance rendue, la cour statuant à nouveau, seul un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil pourra être désigné, et non un expert judiciaire au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

La société Emera exploitations soutient pour sa part que l'action de la société FJMN a pour unique finalité l'interprétation de la formulée de prix stipulée par les parties et que celle-ci n'en tire aucune conséquence de fait ou de droit. Elle indique que le président du tribunal de commerce a bien été saisi en procédure accélérée au fond, l'intitulé de l'ordonnance résultant d'une erreur matérielle du greffe sans incidence.

S'agissant, à titre liminaire, de la recevabilité de l'action de la société FJMN, la société Emera soulève en réalité une fin de non-recevoir qui s'attache à l'action de la société appelante qui a saisi à bref délai le président du tribunal de commerce afin de voir juger que la clause de calcul du prix stipulée à l'annexe 6 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016, tel que modifié par avenant du 16 avril 2019, s'interprète au regard de la commune intention des parties comme suit : % participation (multiple EBE xEBE- dette nette). Elle n'a donc pas d'objet dans la présente procédure qui tend à voir désigner un expert sur le fondement de l'article 1592 du code de procédure civile. Elle doit être par conséquent écartée.

Ensuite, l'article 6.3 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 prévoit qu'à défaut d'accord amiable entre les associés à l'issue d'un délai de 15 jours calendaires suivant la date de contestation, le prix de cession sera fixé à dire d'expert désigné en application de l'article 1592 du code civil d'un commun accord ou à défaut, par le président du tribunal de commerce de Paris statuant comme en matière de référé saisi à la requête de l'associé le plus diligent. L'expert déterminera le montant du prix contesté en faisant uniquement application des règles de détermination stipulées qui lieront l'expert.

L'article 6.3 alinéa 6 de cet accord prévoit que les opérations d'expertise auront lieu de la façon suivante : « l'expert déterminera le montant du prix contesté en faisant uniquement application des règles de détermination stipulées aux présentes (souligné par la cour) qui lieront l'expert. Il devra fixer et notifier le montant du prix de cession dans les plus brefs délais. A cet effet, l'expert pourra réunir les associés afin qu'ils exposent leurs prétentions de manière contradictoire. La décision d'expert liera définitivement les associés et ne pourra plus faire l'objet d'aucune contestation sauf erreur grossière ».

Même si l'acte fait état de la désignation d'un expert et non d'un tiers arbitre, il se réfère expressément à l' article 1592 du code civil ce qui implique que la demande de désignation d'un expert en application des dispositions contractuelles constitue bien une demande de désignation d'un tiers arbitre ou estimateur au sens de l' article 1592 avec les effets qui s'y rattachent.

Il est constant que les parties s'opposent sur la méthode de détermination du prix de cession, étant observé que la société FJMN soutient que la clause 6.1.2 de l'accord de partenariat du 4 mai 2016 est entachée d'une erreur de plume et doit être interprétée selon la commune intention des parties qui est révélée par les usages en matière comptable et financière, la politique d'investissement prévue par les parties, l'ensemble contractuel et l'objectif poursuivi à savoir la construction d'un partenariat sur le long terme, tandis que la société Emera exploitations s'abstient de se positionner sur l'existence ou non d'une telle erreur.

Précisément, selon la société FJMN, la formule mathématique visée comporterait un mauvais positionnement des parenthèses, qui indiquerait :

« ( % participation x multiple EBE x EBE) - dette nette ».

Alors que la formule à retenir serait :

« % Participation x (multiple EBExEBE - dette nette) ».

Lorsque les parties conviennent de s'en remettre à l'estimation faite par un expert en application de l'article 1592 du code civil, la détermination du prix faite par l'expert s'impose à elles sans qu'elles puissent remettre en cause le résultat de l'expertise, sauf à démontrer que l' expert aurait commis une erreur grossière. Il apparaît ainsi que, pour ce qui concerne la fixation du prix, les parties ont décidé d'avoir recours à l'arbitrage d'un tiers, désigné si besoin est par le président du tribunal de commerce, et de laisser à l' expert ainsi désigné la détermination, définitive, du prix en lui laissant toute latitude pour ce faire, à condition qu'il respecte les principes de détermination du prix fixés à l'acte.

Il apparaît cependant que le protocole de cession et de partenariat qui a précédé au 17 février 2016 cet accord de partenariat du 4 mai 2016 prévoit dans son article 4.2.1 que « l'ajustement positif est calculé à chaque période d'ajustement et égal au titre de chaque société cédée par la société FJMN à la différence positive entre :

Le prix formule et le prix entrée de base,

où « prix formule » désigne le montant égal à 50% x (10 x EBE) - dette financière nette,

Prix entrée désigne le prix de cession FJMN payé par la JV au titre de la société concernée (prix de base augmenté du complément de prix).

Le protocole de cession du 18 avril 2016 prévoit pour sa part dans son article 3.2.1 la formule de calcul suivante :

« L'ajustement positif, calculé pour chaque société cédée par la société FJMN à l'issue de la clôture de son exercice de référence sera égal à la différence positive entre :

Le prix formule et le prix entrée,

où « prix formule » désigne le montant égal à 50% x (10 x EBE des comptes de référence) - dette financière nette des comptes de référence,

Prix entrée désigne le prix de cession Aplus payé par la JV au titre de la société concernée (prix de base augmenté du complément de prix). »

Ainsi, la formule de prix est identique dans le protocole de cession et de partenariat du 17 février 2016 et dans le protocole de cession du 18 avril 2016.

L'accord de partenariat du 4 mai 2016 précise que le prix de cession des titres détenus par la société FJMN sera égal au prix formulé conformément à l'annexe 6 en utilisant comme multiple EBE le multiple EBE ressortant de l'opération ayant déclenché de changement de contrôle Emera.

Ladite annexe 6, intitulée également Prix formule mentionne la formule suivante :

(% participation x multiple EBE x EBE) - dette nette.

Il en résulte que cette dernière formule diverge des précédentes par un positionnement différent des parenthèses, lequel est de nature à fournir un résultat très différent, de sorte qu'au-delà de la formule utilisée, le litige porte bien sur l'interprétation des clauses contractuelles et l'analyse de la commune intention des parties qui seules permettront de déterminer si cette formule est erronée ou si elle doit être retenue.

Dès lors, alors que la formule de calcul du prix de cession est une donnée objective, choisie par avance d'un commun accord entre les parties, que l'expert est tenu d'appliquer, que la compétence du président du tribunal de commerce statuant selon la procédure accélérée au fond est strictement limitée à la désignation d'un expert, la cour ne peut, en présence d'une telle contestation sur la détermination du prix et des conventions qui lient les parties, que surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur l'appel interjeté par la société FJMN à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 mars 2024.

PAR CES MOTIFS

Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur l'appel interjeté par la société FJMN à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 mars 2024,

Réserve les dépens et les frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/18198
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.18198 ?
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