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13/06/2024 | FRANCE | N°23/12998

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 13 juin 2024, 23/12998


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12998 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIBJG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2023 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 23/80714



APPELANTE



S.A.S.U. TEKNO SHOP DISTRIBUTION société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de Paris sous le nÂ

°452 735 764, représentée par son Président

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOC...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12998 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIBJG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2023 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 23/80714

APPELANTE

S.A.S.U. TEKNO SHOP DISTRIBUTION société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de Paris sous le n°452 735 764, représentée par son Président

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant Me Mehdi CAUSSANEL HAJI de la SELARL HARLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

L'UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES ILE DE FRANCE

Dont le siège social est sis au [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Représentée par Me Florence CHARLUET-MARAIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte Pruvost, président, chargé du rapport, et Madame Valérie Distinguin, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président

Madame Catherine Lefort, conseiller

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par ordonnance du 18 août 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a autorisé l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Ile-de-France (ci-après l'URSSAF) à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la SASU Tekno Shop Distribution.

Par acte de commissaire de justice du 19 août 2022, l'URSSAF a fait pratiquer une saisie conservatoire à l'encontre de la société Tekno Shop Distribution entre les mains de l'AGRASC en garantie d'une créance de 318.682 euros. Cette saisie s'est avérée fructueuse à hauteur de 158.715,03 euros. Elle a été dénoncée à la société Tekno Shop Distribution par acte du 23 août suivant.

Par acte de commissaire de justice du 18 avril 2023, la société Tekno Shop Distribution a fait assigner l'URSSAF devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire litigieuse.

Par jugement du 11 juillet 2023, le juge de l'exécution a :

rejeté la demande tendant au constat de la caducité de la saisie conservatoire du 19 août 2022 ;

rejeté la demande tendant à la mainlevée de cette saisie ;

rejeté la demande tendant à son cantonnement ;

condamné la société Tekno Shop Distribution à payer à l'URSSAF la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Tekno Shop Distribution aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a estimé que la mesure conservatoire n'encourait aucune caducité, l'URSSAF ayant déjà engagé, à la date de la saisie conservatoire, les démarches nécessaires à la délivrance d'une contrainte, titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 6° du code des procédures civiles d'exécution et que, en pareil cas, il n'y avait pas lieu à signification de ces démarches antérieures au tiers saisi.

Sur les demandes de mainlevée et de cantonnement, il a relevé que le montant de la contrainte délivrée le 20 février 2023 s'élevait à la même somme que celle en garantie de laquelle la saisie conservatoire avait été autorisée, rappelant que le juge de l'exécution ne peut apprécier le bien fondé de la créance mais doit se borner à vérifier qu'elle paraît fondée en son principe.

Par déclaration du 21 juillet 2023, la société Tekno Shop Distribution a formé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2023, elle demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

constater la caducité de la saisie conservatoire autorisée le 18 août 2022 et pratiquée le 19 août 2022, faute par l'URSSAF d'avoir, dans le mois suivant l'exécution de la mesure, introduit une procédure ou accompli les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ;

en conséquence, prononcer la mainlevée de ladite saisie ;

constater la caducité de la saisie conservatoire pratiquée sur le fondement de l'ordonnance du 18 août 2022, faute par l'URSSAF d'avoir signifié à l'AGRASC, tiers saisi, une copie des actes attestant les diligences nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, dans le délai de huit jours à compter de leur date ;

en conséquence, prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur le fondement de l'ordonnance précitée ;

A titre subsidiaire,

constater que le montant de la créance justifiant la saisie conservatoire querellée est indéterminé, de sorte que les conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas réunies ;

en conséquence, prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur le fondement de l'ordonnance précitée ;

En tout état de cause,

condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

L'appelante soulève tout d'abord la caducité de la saisie conservatoire, faute par l'URSSAF d'avoir :

dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, introduit une procédure au fond ou accompli les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, la mise en demeure invoquée par l'intimée lui ayant été adressée à une date antérieure et non pas dans le mois suivant la mesure, et la contrainte ne lui ayant été signifiée que le 21 février 2023, soit sept mois après, et non pas dans le prolongement de la mise en demeure ;

dans le délai de huit jours à compter de sa date, signifié au tiers saisi une copie des actes attestant des diligences requises par l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, le premier juge ayant fait prévaloir une « hypothèse » sur ce qui est requis par l'article R. 511-8 du même code.

Ensuite, sur le fond, elle se prévaut, en premier lieu, de l'indétermination du montant de la créance fondant la saisie conservatoire, qu'elle conteste sérieusement tant devant la commission de recours amiable que devant le tribunal judiciaire. En deuxième lieu, elle allègue la disproportion de la saisie critiquée (fructueuse à hauteur de 158.715,03 euros) au regard de l'opposition formée par l'URSSAF le 25 août 2022 au paiement du prix de cession d'un fonds de commerce lui ayant appartenu, soit 180.000 euros, disproportion justifiant le cantonnement de la saisie à 33.026 euros, correspondant à la différence entre le montant des cotisations prétendûment éludées et ce prix de cession. En troisième lieu, elle invoque le non-respect du contradictoire par l'URSSAF, qui s'est abstenue de lui transmettre le procès-verbal de contrôle tant au cours de la procédure de contrôle que devant la commission de recours amiable et le tribunal judiciaire.

Par dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2023, l'URSSAF demande à la cour de :

débouter la société Tekno Shop Distribution de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

condamner la société Tekno Shop Distribution à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A cet effet, l'intimée conteste toute caducité de la mesure conservatoire, les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, en l'espèce une contrainte, ayant été réalisées préalablement à la saisie conservatoire puisque la mise en demeure préalable nécessaire à la délivrance de la contrainte a été adressée le 7 juillet 2022. Elle ajoute que les dispositions de l'article R. 511-8 du code des procédures civiles d'exécution sont inapplicables en pareil cas.

Sur les conditions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, elle relève que la société Tekno Shop Distribution ne conteste pas l'existence de circonstances menaçant le recouvrement de la créance ; que le montant de sa créance au titre des cotisations éludées ne varie nullement au cours de la procédure (lequel a d'ailleurs été retenu par la cour d'appel dans un arrêt du 30 juin 2022), mais seulement celui des majorations, de sorte qu'elle justifie d'un principe de créance.

Quant au cantonnement sollicité à titre subsidiaire, elle rappelle que l'opposition au prix de cession du fonds de commerce n'est qu'un acte conservatoire mais ne lui offre aucune garantie.

Enfin les développements de l'appelante quant à l'absence de communication du procès-verbal de travail dissimulé n'intéressent que la procédure au fond pendant devant le pôle social de la cour.

MOTIFS

Sur la demande tendant à voir prononcer la caducité de la saisie conservatoire

Aux termes de l'article R. 511-7 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

Il est de jurisprudence constante que si le créancier a déjà engagé une procédure en vue de l'obtention d'un titre exécutoire avant d'avoir fait procéder à la mesure conservatoire, il n'est pas tenu de réitérer son action dans le délai d'un mois. (Civ. 2e, 8 déc. 2005, n°04-14.526)

En l'espèce, l'URSSAF a bien adressé à la société Tekno Shop Distribution le 7 juillet 2022 une mise en demeure, laquelle introduit la procédure tendant à obtenir une contrainte, titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 6° du code des procédures civiles d'exécution. Cet acte introductif étant antérieur à la saisie conservatoire pratiquée le 19 août 2022, l'URSSAF n'avait donc pas à réitérer cette démarche à la suite de la mesure conservatoire.

Il est également constant que la dénonciation au tiers saisi, prévue à l'article R. 511-8 du même code, ne s'impose pas lorsque la mesure conservatoire a été pratiquée alors qu'une instance au fond était déjà pendante et que, par voie de conséquence, le créancier n'avait pas à introduire une nouvelle procédure, l'article R. 511-7 alinéa 1er se trouvant alors sans objet.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de la société Tekno Shop Distribution tendant à voir constater la caducité de la saisie conservatoire.

Sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 19 août 2022

Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Il résulte en outre de l'article L. 512-1 du même code que, si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas ou plus réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

La cour relève que dans leurs écritures déposées devant elle comme devant le premier juge, aucune des parties ne conteste l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.

En revanche, l'appelante soulève le caractère indéterminé de la créance. Mais qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution ni, partant, à la cour statuant avec les pouvoirs de celui-ci, pour statuer sur une demande de mainlevée de saisie conservatoire, d'établir la preuve d'une créance liquide et exigible et encore moins d'en apprécier le quantum (Cass. Civ., 13 oct. 2016, n°15-13.302), seule l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe devant être démontrée.

En l'espèce, l'URSSAF justifie par la production de :

la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à la société Tekno Shop Distribution le 17 mars 2022, contenant description des opérations de contrôle ;

la lettre d'observations adressée par l'URSSAF en courrier recommandé avec avis de réception le 24 mars 2022 à la société Tekno Shop Distribution conformément aux articles L. 243-7-1 A, L. 243-7-5 et R. 243-59 et suivants du code de la sécurité sociale ;

la lettre de réponse aux observations formulées par la société Tekno Shop Distribution, adressée par l'URSSAF le 23 mai 2022 ;

l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction le 30 juin 2022, ordonnant la mainlevée de la saisie pénale opérée pour les mêmes causes, mais constatant toutefois l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la société Tekno Shop Distribution à des faits de travail dissimulé, pour lesquels cette dernière était renvoyée devant le tribunal correctionnel ;

que la créance dont se prévaut l'URSSAF à l'encontre de la société Tekno Shop Distribution paraît suffisamment fondée en son principe, constituant la première des conditions prévues aux articles L. 511-1 et R. 512-1 précités, peu important la détermination exacte de son montant, qui relève des pouvoirs du juge du fond.

Quant à la demande de cantonnement, fondée sur une prétendue disproportion, dont le fondement juridique n'est pas lui-même indiqué, il faut considérer qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, selon lesquelles le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance, sous réserve que l'exécution de ces mesures n'excède pas ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

Or le contexte de suspicion de fraude et le fait que la saisie conservatoire n'a été fructueuse qu'à hauteur d'une somme de 158.715,03 euros ne rendent nullement disproportionné le cumul de la présente saisie conservatoire avec la mesure d'opposition au prix de vente d'un fonds de commerce sis [Adresse 1] à [Localité 5], qui appartenait à la société Tekno Shop Distribution, et que l'URSSAF a mise en 'uvre le 25 août 2022.

Enfin le manquement au principe de la contradiction que reproche la société Tekno Shop Distribution à l'URSSAF dans le cadre de la procédure de contrôle et devant la commission de recours amiable et la juridiction du fond saisie est un moyen de fond, d'ailleurs développé devant les instances précitées, qui n'est pas de nature à remettre en cause la réunion des conditions posées pour faire procéder à une mesure conservatoire et rappelées précédemment.

Il y a donc lieu, en définitive, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur les demandes accessoires et de condamner la société Tekno Shop Distribution, qui succombe en son appel, aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement à l'URSSAF d'une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne la SASU Tekno Shop Distribution à payer à l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Ile-de-France la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SASU Tekno Shop Distribution aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/12998
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.12998 ?
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