La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2024 | FRANCE | N°23/06710

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 13 juin 2024, 23/06710


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 13 JUIN 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06710 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHN7C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 15/14149

Remise au rôle de la procédure au fond RG n° 19/08608 (radiée le 10 novembre 2021)





APPELANTS



Mo

nsieur [F] [L]

né le 22 Octobre 1949 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 7]



ET



Monsieur [G] [L]

né le 18 Mars 1954 à [Localité 10] et décédé le 07 novembre 2020



Représentés et a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06710 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHN7C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 15/14149

Remise au rôle de la procédure au fond RG n° 19/08608 (radiée le 10 novembre 2021)

APPELANTS

Monsieur [F] [L]

né le 22 Octobre 1949 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 7]

ET

Monsieur [G] [L]

né le 18 Mars 1954 à [Localité 10] et décédé le 07 novembre 2020

Représentés et assistés à l'audience par Me Patrick VILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1068

INTIMÉE

S.A.S. [Localité 8], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Me Ariane BENCHETRIT de la SELEURL ARIANE BENCHETRIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2405, substituée à l'audience par Me Estelle COIRAL de la SELEURL ARIANE BENCHETRIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2405

PARTIES INTERVENANTES

Madame [J] [H] veuve [L], en qualité d'ayant droit de Monsieur [G] [L]

née le 13 Décembre 1953 à MANDATORICCIO (ITALIE)

[Adresse 4]

[Localité 6]

ET

Monsieur [X] [L], en qualité d'ayant droit de Monsieur [G] [L]

né le 20 Janvier 1981 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

ET

Madame [E] [L], en qualité d'ayant droit de Monsieur [G] [L]

née le 27 Avril 1984 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés et assistés à l'audience par Me Patrick VILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1068

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 04 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 janvier 2012, Mme [W] [I] veuve [L] a conclu un contrat de séjour avec la société [Localité 8] exploitant un établissement d'hébergement pour personnes âgées en situation de dépendance (EHPAD) sous le nom commercial « Les jardins de [Localité 8] » situé à [Localité 8].

Constatant des impayés dès le mois de février 2012, la société [Localité 8] a adressé plusieurs relances à son fils, M. [G] [L], gestionnaire habituel des affaires de sa mère, puis l'a mis en demeure, par lettre recommandée de son conseil en date du 29 novembre 2013, de payer la somme de 14.104,89 euros au titre des frais de séjour impayés de Mme [L].

Par acte d'huissier en date du 2 octobre 2014, la société [Localité 8] a fait assigner Mme [W] [L] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny en paiement de la somme provisionnelle de 14.236,46 euros.

Par ordonnance du 11 septembre 2015, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société [Localité 8] en raison de l'existence d'une contestation sérieuse.

Par acte d'huissier en date du 27 octobre 2015, la société [Localité 8] a fait assigner Mme [W] [L] devant le tribunal de grande instance de Bobigny en paiement de la somme de 18.039,86 euros au titre des frais d'hébergement dus au 1er octobre 2015.

Mme [W] [L] est décédée le 10 juin 2016.

Par courriers recommandés en date du 29 juin 2016, la société [Localité 8] a mis en demeure MM. [F] et [G] [L], héritiers et fils de la défunte, de lui verser la somme de 16.882,23 euros ainsi que de se prononcer sur l'acceptation de la succession de leur mère.

Par actes d'huissier en date des 11 et 14 octobre 2016, la société [Localité 8] leur a fait sommation de prendre parti sur l'acceptation ou la renonciation à la succession de leur mère.

En l'absence de réponse, la société [Localité 8] a fait assigner en intervention forcée M. [G] [L] et M. [F] [L] en qualité d'ayants droit de [W] [L], par actes des 16 et 20 décembre 2016.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 7 mars 2017.

Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclaré sans objet la demande de jonction formée par la société [Localité 8], celle-ci ayant été ordonnée le 7 mars 2017,

- déclaré recevable l'action en intervention forcée de la société [Localité 8] dirigée à l'encontre de M. [F] [L] et de M. [G] [L],

- constaté que la jonction entre la procédure RG n°17/690 et la présente instance a déjà été prononcée le 7 mars 2017,

- condamné M. [F] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 8.441,12 euros correspondant à la moitié du solde restant dû au titre du contrat de séjour du 16 janvier 2012, outre intérêt au taux légal à compter du 27 octobre 2015 et jusqu'à complet paiement,

- condamné M. [G] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 8.441,12 euros correspondant à la moitié du solde restant dû au titre du contrat de séjour du 16 janvier 2012, outre intérêt au taux légal à compter du 27 octobre 2015 et jusqu'à complet paiement,

- condamné in solidum M. [F] [L] et M. [G] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné in solidum M. [F] [L] et M. [G] [L] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté comme non justifiées les demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 18 avril 2019, M. [F] [L] et M. [G] [L] ont interjeté appel de ce jugement.

M. [G] [L] est décédé le 7 novembre 2020.

L'interruption de l'instance a été constatée par ordonnance du 23 juin 2021.

Les diligences nécessaires à la reprise de l'instance à l'encontre des héritiers ou ayants droit de l'intimé décédé n'ayant pas été effectuées dans le délai de quatre mois fixé par l'ordonnance précitée du 23 juin 2021, l'affaire RG 19/8608 a été radiée par ordonnance du 10 novembre 2021.

Par actes d'huissier des 11 et 15 mars 2022, la société [Localité 8] a fait assigner en intervention forcée Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] en qualité d'ayants droit de [G] [L].

L'affaire a été rétablie au rôle de la cour d'appel de Paris le 17 avril 2023, à la demande de la société [Localité 8], sous le numéro RG 23/6710.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 février 2024, M. [F] [L], Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] demandent à la cour de :

- Recevoir M. [F] [L] en son appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 19 mars 2019 et l'y déclarer bien fondé,

- Donner acte à Mme [J] [H], veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] de leur intervention dans la procédure en leur qualité d'héritiers de M. [G] [L], appelant du jugement entrepris et du bénéfice de cet appel,

Et y faisant droit,

- Infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

Vu les demandes de la société [Localité 8],

Vu la preuve des paiements effectués pour le compte de Mme [W] [L],

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu l'arrêté comptable de M. [D] [P], expert-comptable et commissaire aux comptes, versé aux débats (pièce n°12),

- Fixer à néant le compte entre les parties après compensation entre le retrait par la société [Localité 8] du dépôt de garantie actualisé à la somme de 3.069 euros et le solde débiteur des frais d'hébergement expertisé au montant de 2.066,76 euros,

- Débouter la société [Localité 8] de l'ensemble de ses demandes,

- Recevoir M. [F] [L], Mme [J] [H], veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L], venant aux droits de M. [G] [L], en leurs demandes et les y déclarer bien fondés,

- Condamner la société [Localité 8] au paiement des sommes suivantes :

' au profit de M. [F] [L], la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' au profit de Mme [J] [H], veuve [L], la somme de 1.700 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et de 1.700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' au profit de M. [X] [L], la somme de 1.700 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et de 1.700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' au profit de Mme [E] [L], la somme de 1.700 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et de 1.700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- Décharger M. [F] [L] et les consorts [L] venant aux droits de M. [G] [L] de toutes condamnations au profit de la société [Localité 8],

- Condamner la société [Localité 8] en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être directement exercé par Me Patrick Vilbert, avocat à la cour, dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, la société [Localité 8] demande à la cour de :

Vu l'ancien article 1134 du code civil,

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu les articles 731, 734, 771, 772 et 873 et suivants du code civil,

Vu les articles 695, 700 et suivants du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bobigny le 19 mars 2019, en ce qu'il a :

' condamné M. [F] [L] et M. [G] [L] à payer à la société [Localité 8] chacun la moitié du solde restant dû au titre du contrat de séjour du 16 janvier 2012 de leur mère, Mme [W] [L], outre les intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015 et jusqu'à complet paiement,

' condamné in solidum M. [F] [L] et M. [G] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

' condamné in solidum M. [F] [L] et M. [G] [L] aux dépens,

- Réformer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bobigny le 19 mars 2019 et y ajoutant :

- Condamner M. [F] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 6.515,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

- Condamner Mme [J] [H] épouse [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

- Condamner M. [X] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

- Condamner Mme [E] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

- Débouter M. [F] [L], Mme [J] [H] épouse [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] de toutes leurs éventuelles demandes, fins et conclusions,

- Condamner in solidum M. [F] [L], Mme [J] [H] épouse [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum M. [F] [L], Mme [J] [H] épouse [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELARL Ariane Benchetrit.

La clôture a été prononcée le 21 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement de la société [Localité 8]

Le premier juge, en application des articles 1134, 1253, 1256 et 1315 dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, a accueilli la demande en paiement de la société [Localité 8] en considérant que cette dernière avait imputé les paiements à la dette la plus ancienne et que les consorts [L] ne justifiaient pas du paiement de l'ensemble des échéances sur la période de résidence de [W] [L] et ne justifiaient pas que des paiements effectués dans l'intérêt de leur mère n'auraient pas été pris en compte et, par suite, devraient être déduits de la créance de la société [Localité 8].

Il a, en conséquence, condamné M. [F] [L] et M. [G] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 8.441,12 euros chacun correspondant à la moitié du solde restant dû au titre du contrat de séjour s'élevant à la somme de 16.882,23 euros.

Il a par ailleurs débouté MM. [F] et [G] [L] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les consorts [L] reprochent au premier juge d'avoir estimé que la preuve de la créance de la société [Localité 8] se trouvait suffisamment rapportée par les pièces fournies aux débats eu égard aux incohérences dans la tenue des comptes de la société [Localité 8], et d'avoir validé la méthode choisie par la société [Localité 8] d'imputer les paiements effectués à d'autres factures que celles évoquées par eux qui avaient fait l'objet d'autres règlements. Ils estiment rapporter la preuve qu'ils se sont libérés de leur obligation au paiement des sommes réclamées par la société [Localité 8]. Ils font valoir que la reconstitution du compte depuis la signature du contrat de séjour, le 16 janvier 2012, réalisée par M. [D] [P], expert-comptable et commissaire aux comptes, établit un solde débiteur en faveur de la société [Localité 8] de 2.066,76 euros. Ils en déduisent qu'après déduction du dépôt de garantie d'un montant de 3.069 euros, ils ne sont redevables d'aucune somme.

Ils estiment que la persistance de la société [Localité 8] dans ses réclamations infondées, sur la base d'éléments contradictoires, "peu clairs et peu exploitables", selon l'opinion déjà émise par le magistrat des référés et ne tenant pas compte de la nécessaire imputation des sommes versées constitue un abus du droit d'agir au sens de l'article 32-1 du code de procédure civile. Ils relèvent à cet égard que les demandes de la société [Localité 8] ont été modifiées à la baisse devant la cour pour la somme globale de 13.031,52 euros au lieu des 16.882,24 euros réclamés en première instance.

La société [Localité 8] fait valoir que les consorts [L] ne démontrent pas s'être libérés de la dette de [W] [L]. Elle relève que le relevé comptable produit par les consorts [L] comporte des erreurs s'agissant du montant de certaines factures ; qu'en outre, le dépôt de garantie d'un montant de 3.069 euros (et non 2.500 euros comme indiqué par leur expert-comptable) ayant été déduit du solde de tout compte, il ne saurait être déduit une deuxième fois. Elle conteste deux règlements inscrits sur le tableau comptable (un paiement par chèque n° 4095512 de 3.512,10 euros le 10 octobre 2012 et un paiement par chèque n° 4095608 de 3.411,89 euros) et relève qu'il appartient aux consorts [L] de justifier des paiements allégués, ce qu'ils ne font pas. Elle reconnaît la réception d'un virement de 3.850,51 euros postérieurement au décès de [W] [L] et au dernier relevé récapitulatif produit dans le cadre de la procédure de première instance et soutient être créancière de la somme de 13.031,72 euros à l'égard de la succession de [W] [L] au titre de ses frais d'hébergement impayés. Elle sollicite en conséquence la condamnation de M. [F] [L] à lui payer la somme de 6.515,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015, ainsi que de Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] à lui payer, chacun, la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015.

Sur ce

Le contrat de séjour ayant été conclu le 16 janvier 2012, il convient de se référer aux dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n'étant applicable qu'aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

L'article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En application des articles 1253 et 1256 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter. Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point. Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

En l'espèce, le contrat de séjour signé par [W] [L] le 16 janvier 2012 prévoit notamment en son article 6.1 intitulé « conditions de facturation » que :

« Le prix des prestations générales afférent à l'Hébergement est facturé mensuellement à terme à échoir.

Le tarif des prestations afférent à la perte d'autonomie est facturé mensuellement à terme à échoir.

Les prestations au choix du Résident sont facturées mensuellement à terme échu.

La facturation s'arrête à la libération de la chambre et par le constat de l'état des lieux de sortie.

(')

Les factures sont transmises mensuellement au Résident et/ou à son Représentant légal avant la date d'échéance (fin du mois précédent pour les facturations à terme à échoir et fin du mois pour les factures à terme échu).

Elles sont payables le 5 du mois suivant au plus tard pour les règlements par chèque ou le 15 du mois suivant au plus tard pour les prélèvements automatiques ».

Il prévoit en outre en son article 6.2 qu'un dépôt de garantie, non productif d'intérêts, est versé au moment de l'admission et sera restitué lors de la sortie définitive du résident dans un délai maximum de deux mois suivant la fin du contrat, déduction faite des sommes dues par le résident à l'établissement.

Pour établir sa créance, la société [Localité 8] produit :

- l'intégralité des factures (notes de séjour) et avoirs pour la période de janvier 2012 à juin 2016, étant précisé que l'avoir n° 17520 du 1er juin 2016 d'un montant de 1.908,74 euros correspond à la régularisation de la note de séjour n° 17465 du mois de juin 2016 suite au décès de [W] [L] le 10 juin 2016 et que l'avoir n° 17521 du 1er juin 2016 d'un montant de 3.069 euros correspond à la restitution du dépôt de garantie ;

- le solde de tout compte « Résident » faisant état d'un solde débiteur de 16.882,23 euros à la date du 10 juin 2016, avec cette précision « Explication du comptable sur le solde : le solde comptable correspond au trop-perçu sur les factures de janvier 2012, février 2013 et de mars 2013 (590,01 €) à la facture 12984 de mai 2013, à la facture 13481 d'octobre 2013, à la facture 13859 de janvier 2014, à la facture 16477 de novembre 2015, à la facture 16855 de janvier 2016, à la facture 17144 de mars 2016 et à la facture 17465 de juin 2016 » ;

- un tableau récapitulatif des factures (date de facturation, numéro de facture et montant), des paiements effectués (montant, date, moyen de paiement, numéro de chèque/virement) et du montant des impayés, qui mentionne un solde débiteur de 13.031,72 euros après un dernier règlement de 3.850,51 euros effectué postérieurement au décès de [W] [L] par virement du 22 juin 2016 (et non 2019 comme indiqué par erreur sur le document) ;

- un extrait du Grand Livre Auxiliaire pour la période du 18 janvier 2012 au 22 juin 2016 qui reprend également les numéros et montants des factures émises par la société [Localité 8] ainsi que les paiements effectués et leur imputation.

Il ressort des justificatifs ainsi produits que la société [Localité 8] a imputé les paiements à la dette la plus ancienne, cette imputation s'avérant toutefois neutre dès lors qu'aucun intérêt n'est sollicité pour la période antérieure à la dernière échéance et prouve donc l'existence d'une obligation au paiement, par les consorts [L], des frais de séjour de [W] [L] à hauteur de la somme de 13.031,72 euros arrêtée au 22 juin 2016.

Il appartient donc aux consorts [L], qui affirment s'être libérés de leur dette, d'en rapporter la preuve.

Or, il apparaît que les paiements dont ils justifient par la production de certains relevés de compte de [W] [L] ont bien été pris en compte par la société [Localité 8] (chèque n°4095613 d'un montant de 3.629,17 euros débité le 17 juillet 2013, chèque n° 9856735 d'un montant de 3.580,20 euros débité le 19 novembre 2013, chèque n° 9856740 d'un montant de 3.697,39 euros débité le 12 mars 2014, chèque n° 5118901 d'un montant de 3.801,22 euros débité le 12 janvier 2016, chèque n° 5118902 d'un montant de 3.801,22 euros débité le 11 février 2016, chèque n° 5118908 d'un montant de 3.850,51 euros débité le 7 juin 2016 et virement du 21 juin 2016 d'un montant de 3.850,51 euros).

Les consorts [L] font état d'autres paiements pour les mois de février, mars, avril et mai 2013, sans en préciser les montants (chèques n° 4095606, 4095609 et 4095613 et virement du 3 mai 2013) pour lesquels aucun justificatif n'est produit mais qui figurent bien sur le tableau récapitulatif produit par la société [Localité 8].

Ils produisent enfin en pièce n° 12 un « relevé comptable » arrêté au 10 juin 2016, établi par M. [D] [P], expert-comptable et commissaire aux comptes, qui fait état d'un solde débiteur de 2.066,76 euros et mentionne que « le relevé comptable émanant de la société [Localité 8] SAS est erroné, en effet les notes de séjour réclamées ont été réglées ». Il s'agit d'un tableau récapitulatif des factures émises et des règlements effectués.

Cependant, comme le relève à juste titre la société [Localité 8], ce « relevé comptable » comporte de nombreuses erreurs :

- le dépôt de garantie est indiqué pour un montant de 2.500 euros et mentionné comme « offert » alors qu'il s'élève à 3.069 euros et doit être versé au moment de l'admission comme le prévoit l'article 6.2 précité du contrat de séjour ;

- le montant de certaines factures est erroné (la facture du mois d'avril 2013 s'élève à la somme de 3.580,20 euros et non à la somme de 3.512,10 euros et les factures des mois de mai 2013, juin 2013, octobre 2013 et mars 2016, indiquées respectivement comme s'élevant à 3.629,17 euros, 3.512,10 euros, 3.580,20 et 3.850,51 euros s'élèvent en réalité à 3.699,54 euros, 3.580,20 euros, 3.768,36 euros et 3.878,64 euros) ;

- la facture du mois d'août 2012 d'un montant de 3.629,17 euros et son paiement du même montant par chèque n° 6226236 du 6 août 2012 n'ont pas été reportés dans le relevé comptable ;

- les factures de régularisation n° 11596 du mois de mai 2012 d'un montant de - 66,15 euros, n° 11951 du mois de septembre 2012 d'un montant de - 17,75 euros et n° 16855 du mois de janvier 2016 d'un montant de 19,22 euros ne figurent pas non plus sur le relevé comptable et il n'y a pas lieu, comme le demandent les consorts [L], de les exclure au motif qu'elles n'auraient pas été communiquées alors qu'elles sont produites par la société [Localité 8] en pièce n° 21, qu'elles figurent dans le tableau récapitulatif et l'extrait du Grand Livre Auxiliaire produits par la société [Localité 8] et que les consorts [L] n'ont soulevé aucun incident de communication de pièces tant en première instance qu'en appel ;

- le relevé comptable mentionne à deux reprises un paiement de 3.221,91 euros effectué par chèque n° 9856754 en règlement de la facture du mois de novembre 2014 et du mois de décembre 2015 ;

- le relevé comptable mentionne un paiement par chèque n° 4095512 d'un montant de 3.512,10 euros en date du 10 octobre 2012 et un paiement par chèque n° 4095608 d'un montant de 3.411,89 euros en date du 20 mars 2013 que la société [Localité 8] conteste avoir reçus et qui ne sont justifiés par aucune pièce des consorts [L] (relevé de compte ou photocopie du chèque).

Au regard de ces nombreuses erreurs, ce « relevé comptable » n'a aucune valeur probante et force est donc de constater que les consorts [L] ne justifient pas que des paiements effectués dans l'intérêt de [W] [L] n'auraient pas été pris en compte dans le Grand Livre Auxiliaire.

Il convient d'ajouter que durant la période de séjour de [W] [L], les règlements étaient très souvent effectués en retard et pour des montants inférieurs à celui des factures, ce qui a nécessairement complexifié la tenue de la comptabilité.

Il doit enfin être précisé que, comme l'explique la société [Localité 8], la somme de 13.031,72 euros qu'elle réclame devant la cour tient compte d'un virement de 3.850,51 euros effectué le 22 juin 2016, soit postérieurement au décès de [W] [L] et au dernier relevé récapitulatif produit dans le cadre de la procédure de première instance.

Ainsi, par infirmation du jugement sur le montant de la créance de la société [Localité 8], celle-ci sera fixée à la somme de 13.031,72 euros.

Il y a lieu, en conséquence, de condamner M. [F] [L] à payer à la société [Localité 8] la moitié de cette somme, soit 6.515,86 euros, Mme [J] [H] épouse [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L], ayants droit de [G] [L], étant tenus au paiement de l'autre moitié, chacun pour un tiers, soit la somme de 2.171,95 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 27 octobre 2015.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

La demande en paiement de la société [Localité 8] ayant été accueillie, l'abus de droit n'est pas établi. Il convient de débouter les consorts [L] de leurs demandes formées à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge des consorts [L].

Succombant, les consorts [L] supporteront les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Ariane Benchetrit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Ils se trouvent dès lors redevables au profit de la société [Localité 8] d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, qui sera équitablement fixée à la somme de 4.000 euros, et ne peuvent eux-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [F] [L] et M. [G] [L] à payer chacun à la société [Localité 8] la somme de 8.441,12 euros,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [F] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 6.515,86 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

Condamne Mme [J] [H] épouse [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

Condamne M. [X] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

Condamne Mme [E] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 2.171,96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015,

Déboute M. [F] [L], Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

Condamne in solidum M. [F] [L], Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] à payer à la société [Localité 8] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [F] [L], Mme [J] [H] veuve [L], M. [X] [L] et Mme [E] [L] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Ariane Benchetrit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/06710
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.06710 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award