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13/06/2024 | FRANCE | N°23/05330

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 10, 13 juin 2024, 23/05330


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05330 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKIE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2023 -Juge de l'exécution de Paris RG n°22/81936



APPELANT



Monsieur [D] [H] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 1] (SUISSE)



Représenté par Me Jean-christophe BO

YER, avocat au barreau de PARIS

Plaidant par Me Julien DUCLOUX, avocat au barreau de GRASSE, toque : 310



INTIMEE



S.A. BNP PARIBAS

agissant poursuites et diligences de ses représentants lé...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05330 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKIE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2023 -Juge de l'exécution de Paris RG n°22/81936

APPELANT

Monsieur [D] [H] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 1] (SUISSE)

Représenté par Me Jean-christophe BOYER, avocat au barreau de PARIS

Plaidant par Me Julien DUCLOUX, avocat au barreau de GRASSE, toque : 310

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas BAUCH-LABESSE de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0022

Plaidant par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de RENNES, toque : 154

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié du 26 septembre 2007, la SA BNP Paribas a consenti à M. [D] [M] un prêt de 36.800 euros. La banque a prononcé la déchéance du terme le 7 décembre 2009.

Suivant procès-verbal en date du 10 mai 2010, la BNP Paribas a fait pratiquer une saisie-attribution de loyers entre les mains de la société Pierre et Vacances Tourisme Europe en sa qualité de locataire de M. [M], pour avoir paiement d'une somme de 153.720,35 euros. Le 17 mai 2010, elle a adressé au tribunal cantonal de Lausanne un acte de dénonciation de la saisie-attribution à remettre au débiteur, résident suisse. Cette demande a été exécutée le 31 juillet 2010 et la saisie a produit effet jusqu'au mois de septembre 2017.

Le 30 septembre 2021, la BNP Paribas a adressé au tribunal cantonal de Lausanne un commandement de payer valant saisie immobilière aux fins de remise à M. [M]. Le 17 janvier 2022, elle lui a adressé une assignation à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Quimper. Cette procédure est pendante.

Par assignation du 10 novembre 2022, M. [M] a fait citer la BNP Paribas devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en contestation de la saisie-attribution pratiquée le 10 mai 2010.

Par jugement en date du 8 février 2023, le juge de l'exécution a notamment :

- déclaré irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 10 mai 2010 par la société BNP Paribas entre les mains de la société Pierre et Vacances Tourisme Europe,

- déclaré irrecevable la demande de M. [M] en répétition des sommes saisies,

- condamné M. [M] au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a considéré qu'il n'avait plus le pouvoir de connaître de la contestation de la saisie-attribution ni de la demande autonome d'annulation de l'acte de dénonciation dès lors que la saisie-attribution avait cessé de produire effet ; que faute de contestation dans le délai imparti d'une saisie-attribution infondée et ayant produit ses effets, il appartenait au débiteur d'agir devant le juge du fond en restitution de l'indu.

Par déclaration du 16 mars 2023, M. [M] a fait appel de ce jugement.

Par conclusions du 4 août 2023, M. [D] [M] demande à la cour d'appel de Paris de :

réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

déclarer recevables ses demandes,

déclarer nul l'acte de dénonciation de la saisie-attribution envoyée à l'entité requise suisse le 17 mai 2010,

déclarer caduc l'acte de saisie-attribution pratiqué le 10 mai 2010 entre les mains de la société Pierre et Vacances Tourisme Europe, et tous les paiements faits en vertu de cet acte à son préjudice,

ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,

condamner la société BNP Paribas à lui payer la somme de 37.516,17 euros,

débouter la société BNP Paribas de l'intégralité de ses demandes,

condamner la société BNP Paribas aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de ses demandes, l'appelant conteste tout d'abord le moyen d'irrecevabilité que le premier juge a soulevé d'office sans examiner les moyens des parties. Il fait valoir que la mention dans l'acte de dénonce d'une date d'expiration du délai de contestation erronée et expirée lors de la signification de l'acte lui fait nécessairement grief et est sanctionnée par la nullité de l'acte de dénonciation, de sorte qu'il est recevable à contester la saisie-attribution après expiration du délai d'un mois.

Ensuite, en réponse aux moyens d'irrecevabilité invoqués par la banque, il soutient que le juge de l'exécution de Quimper n'est pas saisi de la même demande, que la contestation d'une saisie-attribution n'est pas soumise au délai de prescription de l'article 2224 du code civil, et que la demande de nullité a bien été présentée avant toute défense au fond.

Sur la caducité de la saisie-attribution, il fait valoir que le procès-verbal de dénonce de la saisie-attribution, lui précisant qu'il pouvait la contester au plus tard le 17 juin 2010, lui a été remis par l'entité requise suisse le 31 juillet 2010, ce qui lui a laissé penser qu'il était forclos pour contester la mesure ; que la mention d'une date erronée et expirée lui cause nécessairement grief et doit donc être sanctionnée par la nullité de l'acte de dénonciation.

Par conclusions du 31 août 2023, la société BNP Paribas demande à la cour de :

A titre principal,

constater l'absence d'effet dévolutif attaché à la déclaration d'appel du 16 mars 2023,

confirmer intégralement le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

constater, et au besoin déclarer, M. [M] irrecevable en ses demandes,

ainsi, confirmer le jugement intégralement,

A titre très subsidiaire,

débouter intégralement M. [M],

En conséquence,

rejeter la demande de nullité du dénoncé de la saisie-attribution pratiquée le 10 mai 2010 et à la caducité de ladite saisie-attribution,

rejeter l'ensemble des demandes de M. [M],

En tout état de cause,

condamner M. [M] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la déclaration d'appel de M. [M] ne saisit la cour d'aucune demande d'annulation ou de réformation du jugement, de sorte que l'effet dévolutif ne peut jouer en application de l'article 562 du code de procédure civile et de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Elle soutient en outre que la demande de M. [M] est irrecevable pour plusieurs motifs. Elle explique que la demande est tardive puisqu'ayant reçu la dénonciation le 31 juillet 2010, il avait jusqu'au 31 août 2010 pour contester la saisie, étant précisé qu'il a eu connaissance du délai d'un mois pour la contester ; que la mesure d'exécution contestée ne produit plus d'effet depuis le 28 novembre 2017, ce qui prive le juge de l'exécution de pouvoir juridictionnel ; que M. [M] avait, préalablement à la saisine du juge de l'exécution de Paris, présenté la même demande au juge de l'exécution de Quimper devant lequel il a maintenu sa demande sans se désister ; qu'à supposer que M. [M] ne soit pas tenu par le délai d'un mois, sa demande de nullité de l'acte n'en est pas moins prescrite depuis le 31 juillet 2015 en application de l'article 2224 du code civil ; que la nullité de l'acte n'a pas été invoquée in limine litis par M. [M].

Subsidiairement, sur le fond, elle fait valoir que l'acte de dénonciation est conforme à l'article 58 du décret du 31 juillet 1992 alors applicable, qu'il a été transmis à l'autorité compétente à l'étranger dans le délai de huit jours, que la date d'expiration du délai de contestation d'un mois est impossible à connaître en cas de signification à l'étranger, de sorte qu'il ne peut être fait grief d'avoir mentionné une date erronée ; que l'acte mentionne bien que le délai est d'un mois ; que M. [M] n'a subi aucun grief, d'autant plus qu'il pouvait agir en répétition d'indu devant le juge du fond.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence d'effet dévolutif

Il résulte des dispositions combinées des articles 542, 901 et 54,2° du code de procédure civile que la déclaration d'appel doit mentionner notamment, à peine de nullité, l'objet de l'appel, soit l'infirmation ou l'annulation du jugement, et les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

S'agissant d'un vice de forme, le défaut de mention obligatoire ne peut entraîner la nullité de la déclaration d'appel que si celui qui l'invoque justifie du grief que lui cause cette irrégularité, en application de l'article 114 du code de procédure civile.

Il résulte des articles 542, 562 et 901 du même code que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation d'un jugement sans faire mention des chefs de jugement critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, et ce, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été soulevée, étant ajouté que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

En l'espèce, la déclaration d'appel énumère les chefs du jugement expressément critiqués, de sorte que l'effet dévolutif a bien opéré, contrairement à ce que soutient l'intimée.

Le défaut de mention de ce que l'objet de l'appel est la réformation du jugement n'est qu'une cause de nullité de la déclaration d'appel, laquelle n'est pas sollicitée en l'espèce et ne pourrait en tout état de cause prospérer en l'absence de grief, puisque la demande de réformation du jugement se déduit de l'énumération des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel et de la lecture des conclusions d'appelant dont le dispositif l'indique expressément.

Il convient donc de rejeter la demande de la société BNP Paribas tendant à voir constater l'absence d'effet dévolutif attaché à la déclaration d'appel.

Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution

L'article R.211-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution dispose : « A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. »

Il résulte de l'article 56 du décret du 31 juillet 1992, alors applicable, devenu l'article R.211-3 du code des procédures civiles d'exécution, que l'acte de dénonciation de la saisie-attribution doit, à peine de nullité, contenir notamment « en caractères très apparents, l'indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d'irrecevabilité, dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte par assignation, et la date à laquelle expire ce délai ».

En l'espèce, la saisie-attribution du 10 mai 2010 a été dénoncée le 17 mai 2010 à M. [M], résident suisse, par transmission des actes de saisie et de dénonciation au tribunal cantonal de Lausanne aux fins de remise au débiteur, conformément à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale. L'acte de dénonciation à remettre à M. [M] mentionne notamment que la contestation de cette saisie-attribution doit être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai d'un mois (écrit en lettres capitales) à compter de la date de l'acte. Il ajoute, en caractères gras et en lettres capitales, que le délai de contestation expirera le 17 juin 2010.

Il est bien évident que l'huissier de justice instrumentaire ne pouvait prévoir à quelle date l'autorité requise suisse allait remettre l'acte à M. [M], de sorte qu'il ne pouvait mentionner, comme date d'expiration du délai de contestation, que celle du 17 juin 2010 qu'il connaissait. M. [M] était toutefois valablement informé de ce que le délai de contestation était d'un mois à compter de la dénonciation et il lui était aisé de comprendre, au vu de la date de l'acte de dénonciation du 17 mai 2010, que la date du 17 juin 2010 indiquée correspondait à la date de l'acte + un mois. Nul doute que si M. [M] avait vraiment voulu contester la saisie-attribution dans le délai d'un mois suivant la date à laquelle l'acte lui a été effectivement remis (31 juillet 2010), il aurait été recevable à le faire. Dès lors, l'indication de la date du 17 juin 2020 n'a pas pu lui causer grief. L'acte de dénonciation n'encourt par conséquent aucune nullité.

L'acte de dénonciation du 17 mai 2010 étant valable, il a fait courir le délai de contestation de la saisie-attribution. Dès lors, la contestation formée par assignation du 10 novembre 2022, est largement hors délai, donc irrecevable.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement sur ce point, par motifs substitués.

C'est à juste titre que le juge de l'exécution a également déclaré irrecevable la demande en répétition des sommes saisies, l'article L.211-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d'exécution donnant pouvoir sur ce point au juge du fond et non au juge de l'exécution.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Succombant en son appel, M. [M] sera condamné aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

REJETTE la demande de la SA BNP Paribas tendant à voir constater l'absence d'effet dévolutif attaché à la déclaration d'appel de M. [D] [M] en date du 16 mars 2023,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 février 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [D] [M] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [D] [M] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 23/05330
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.05330 ?
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