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13/06/2024 | FRANCE | N°23/04254

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 13 juin 2024, 23/04254


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04254 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2SW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris - RG n° 21/05701



APPELANT :



Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 21 Mai 1979 à [Localité 5] - TUNISIE



Représenté par Me Jérôme GIUSTI, avocat au barreau de PARIS, toque : R268



INTIMÉES :



Société UBER BV Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en c...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04254 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2SW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2023 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris - RG n° 21/05701

APPELANT :

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 21 Mai 1979 à [Localité 5] - TUNISIE

Représenté par Me Jérôme GIUSTI, avocat au barreau de PARIS, toque : R268

INTIMÉES :

Société UBER BV Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Adresse 4], Pays Bas

S.A.S. UBER FRANCE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 539 454 942

Toutes deux représentées par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente

Monsieur Eric LEGRIS, président

Madame Christine LAGARDE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Paule ALZEARI, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du Code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE, en présence de Madame [C] [J], élève avocat en stage PPI,

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Uber B.V est une société de droit néerlandais dont le siège social est situé à [Localité 3] aux Pays-Bas.

La société Uber France a pour activité la fourniture de services d'assistance, de support et de marketing à l'ensemble des filiales du groupe Uber.

M.[Y] [W] a immatriculé sa société dénommée 'Driver Cab' au registre du commerce et des sociétés le 16 décembre 2016 pour un début d'activité le 3 novembre 2016. L'activité principale est 'Véhicule de tourisme avec chauffeur'.

Il n'est pas contesté qu'il a obtenu auprès de la Préfecture une carte professionnelle lui permettant d'exercer la profession de conducteur de voitures de transport avec chauffeur.

Il n'est pas plus contesté qu'il a conclu par voie électronique avec la société Uber B.V un contrat de partenariat commercial dont l'objet est la mise à disposition d'une application électronique, chaque course effectuée par l'intermédiaire de cette application donnant lieu au versement de frais de service.

Il soutient avoir commencé à travailler en qualité de chauffeurs VTC pour le compte des sociétés Uber à compter du mois de décembre 2016.

Les parties s'accordent pour indiquer qu'il a effectué sa dernière course le 31 mai 2021.

Par requête du 25 juin 2021, M.[Y] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris au contradictoire des sociétés Uber B.V et Uber France aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de partenariat en un contrat de travail à durée indéterminée avec les conséquences indemnitaires découlant de la requalification.

Par jugement en date du 4 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Selon déclaration du 23 mai 2023, il a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par requête du 24 mai 2023, il a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe les deux sociétés.

Par ordonnance en date du 5 octobre 2023, le premier président de la cour d'appel de Paris l'a autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 25 avril 2024 à 13h30.

Les assignations ont été transmises et délivrées les 3 et 29 novembre 2023 puis déposées le 13 mars 2024 .

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions du 24 avril 2024, M.[Y] [W] demande à la cour de :

' Juger M.[Y] [W] recevable et bien fondé en son appel,

' Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris et a laissé les dépens à la charge de M.[Y] [W] ;

En conséquence,

' Juger que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement compétent pour statuer sur le présent litige ;

' Juger que M.[Y] [W] a fourni des services de transport pour le compte des sociétés Uber France et Uber BV dans des conditions le plaçant le temps de l'exécution de chaque service de transport dans un lien de subordination permanent à l'égard de ces dernières ;

' Juger que M.[Y] [W] est salarié des sociétés Uber France et Uber BV ;

' Évoquer le fond du litige en application des articles 88 et 89 du code de procédure civile,

Et statuant de nouveau :

' Juger que les sociétés Uber France et Uber BV sont co-employeurs de M.[Y] [W] ;

En conséquence,

' Requalifier la relation de travail entre M.[Y] [W] et les sociétés Uber France et Uber BV en contrat de travail à durée indéterminée ;

' Juger que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 (IDCC 16) s'applique à la relation de travail ;

' Juger que la rupture unilatérale du contrat de travail par les sociétés Uber France et Uber BV le 31 mai 2021 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre principal,

' Fixer le taux horaire de salaire de base de M.[Y] [W] à la somme de 15,30 € bruts,

' Fixer la moyenne de rémunération brute mensuelle de M.[Y] [W] à la somme de 2983,45 € bruts,

' Condamner solidairement Uber France et Uber BV à verser à M.[Y] [W] les sommes suivantes :

*sur les conséquences légales de la requalification

' 10'442,06 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés ;

' 17'900,70 € nets (6 mois de salaire) de dommages-intérêts pour travail dissimulé, sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

' 17'900,70 € nets à titre de remboursement des frais professionnels engagés par le demandeur au titre de son activité de chauffeurs VTC pour le compte des sociétés Uber ;

' 17'900,70 € nets (6 mois de salaire) de dommages-intérêts en réparation de la violation de l'obligation d'assurer la sécurité et la santé au travail ;

*sur les conséquences conventionnelles de la requalification

' 3052,35 € bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, sur le fondement des articles L. 3121-8 et suivants du code du travail et 12 de la convention collective nationale des transports routiers, outre la somme de 305,23 € bruts au titre des congés payés y afférents (10 %) ;

' 2662,20 € bruts de rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire pour les heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, sur le fondement des articles L. 3121-30 et L. 3121-38 du code du travail et de l'article 12 de la convention collective nationale des transports routiers, outre la somme de 266,22 € bruts au titre des congés payés y afférents (10 %);

' 2983,45 € nets (1 mois de salaire) de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, sur le fondement des articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail ;

' 3315,40 € bruts d'indemnité pour les dimanches travaillés, sur le fondement de l'article 7 quater de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'accord du 15 mai 2019 relatif aux rémunérations conventionnelles pour 2019 ;

' 8497,73 € bruts d'indemnité de repas, sur le fondement des articles 8 et 9 de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'avenant n° 65 du 5 juillet 2016 ;

' 5098,64 € bruts d'indemnité de repas pour service de nuit sur le fondement de l'article 12 de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'avenant n° 65 du 5 juillet 2016 ;

' 10'988,46 € bruts d'indemnisation pour travail de nuit, sur le fondement de l'article 9 de l'accord à ARTT du 18 avril 2002 de la convention collective des transports routiers et selon les taux horaires reconstitués, outre la somme de 1098,84 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

*sur l'indemnisation des mises à pied à titre disciplinaire irrégulières et abusives :

' 298,35 € bruts à titre de rappel de salaire correspondant au salaire moyen qu'il aurait été amené à percevoir en l'absence de désactivation de son compte, outre la somme de 29,84 € bruts au titre des congés payés afférents ;

*sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 5966,90 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis, sur le fondement de l'article 5 de l'annexe I Ouvrier (2 mois) outre la somme de 596,69 € bruts au titre des congés payés y afférents (10 %) ;

' 3294,23 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement, sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail,

' 14'917,25 € nets de dommages-intérêts pour licenciement abusif, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail (5 mois) ;

*sur l'indemnisation du préjudice moral

' 17'900,70 € nets (6 mois) de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

À titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour d'appel de céans devait rejeter la demande de fixation du salaire et du taux horaire de l'appelant sur le fondement des sommes perçues par ce dernier dans le cadre de l'exécution de sa prestation de travail pour le compte des sociétés Uber France et Uber BV ;

' Fixer le taux horaire de l'appelant à la somme de 11,37 € nets ;

' Fixer la moyenne de rémunération brute mensuelle de M.[Y] [W] à la somme de 2003,96 € nets,

En conséquence,

' Condamner solidairement les sociétés Uber France et Uber BV à verser à M.[Y] [W] les sommes suivantes :

*sur les conséquences légales de la requalification

' 7013,87 € nets à titre d'indemnité de congés payés ;

' 12'023,76 € nets (6 mois de salaire) de dommages-intérêts pour travail dissimulé, sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

' 20'953,16 € nets à titre de remboursement des frais professionnels engagés par le demandeur au titre de son activité de chauffeurs VTC pour le compte des sociétés Uber ;

' 12'023,76 € nets (6 mois de salaire) de dommages-intérêts en réparation de la violation de l'obligation d'assurer la sécurité et la santé au travail ;

*sur les conséquences conventionnelles de la requalification

' 2268,32 € bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, sur le fondement des articles L. 3121-8 et suivants du code du travail et 12 de la convention collective nationale des transports routiers, outre la somme de 226,83 € bruts au titre des congés payés y afférents (10 %) ;

' 1978,38 € bruts de rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire pour les heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, sur le fondement des articles L. 3121-30 et L. 3121-38 du code du travail et de l'article 12 de la convention collective nationale des transports routiers, outre la somme de 197,83 € bruts au titre des congés payés y afférents (10 %;

' 2003,96 € nets (1 mois de salaire) de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, sur le fondement des articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail ;

' 3315,40 € bruts d'indemnité pour les dimanches travaillés, sur le fondement de l'article 7 quater de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'accord du 15 mai 2019 relatif aux rémunérations conventionnelles pour 2019 ;

' 8497,73 € bruts d'indemnité de repas, sur le fondement des articles 8 et 9 de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'avenant n° 65 du 5 juillet 2016 ;

' 5098,64 € bruts d'indemnité de repas pour service de nuit, sur le fondement de l'article 12 de l'annexe I Ouvrier de la convention collective des transports routiers et de l'avenant n° 65 du 5 juillet 2016 ;

' 8165,93 € nets d'indemnisation pour travail de nuit, sur le fondement de l'article 9 de l'accord ARTT du 18 avril 2002 de la convention collective des transports routiers et selon les taux horaires reconstitués, outre la somme de 916,59 €nets au titre des congés payés y afférents ;

*sur l'indemnisation des mises à pied à titre disciplinaire irrégulières et abusives

' 200,40 € nets à titre de rappel de salaire correspondant au salaire moyen qu'il aurait été amené à percevoir en l'absence de désactivation de son compte, outre la somme de 20,40 € nets au titre des congés payés afférents ;

*sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 4007,92 € nets d'indemnité compensatrice de préavis, sur le fondement de l'article 5 de l'annexe I Ouvrier (2 mois) outre la somme de 400,79 € nets au titre des congés payés y afférents (10 %) ;

' 2121,82 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement, sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail ;

' 9608,25 € nets de dommages-intérêts pour licenciement abusif, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail (5 mois) ;

*sur l'indemnisation du préjudice moral

' 12'023,76 € nets (6 mois) de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

Sur la demande reconventionnelle des sociétés Uber France et Uber BV :

À titre principal,

' Débouter les sociétés Uber France et Uber BV de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, dont notamment leur demande au titre du prétendu trop-perçu versé par ces dernières à M.[Y] [W] ;

À titre subsidiaire, et si par extraordinaire, la cour d'appel de céans devait faire droit à la demande reconventionnelle des sociétés Uber France et Uber BV relative au remboursement d'un prétendu trop-perçu, il constatera néanmoins que ces dernières se sont rendues coupables d'une faute qui a causé un préjudice important au demandeur,

' Constater que les sociétés Uber France et Uber BV ont commis une faute qui a causé à M.[Y] [W] un préjudice ;

En conséquence,

' Condamner solidairement les sociétés Uber France et Uber BV à verser à M.[Y] [W] la somme de 107'008,40 €;

À titre infiniment subsidiaire,

' Constater que les sociétés Uber France et Uber BV ont indûment retenu 25 % de commission sur l'intégralité des prestations effectuées par M.[Y] [W] ;

' Constater que les sociétés Uber France et Uber BV ont reçu un trop-perçu de 44'541 €de la part de M.[Y] [W] ;

' Condamner solidairement les sociétés Uber France et Uber BV à rembourser à M.[Y] [W] la somme de 44'541 € au titre des frais de services indûment perçus ;

' Procéder, s'il y a lieu, à une compensation judiciaire ;

En tout état de cause,

' Ordonner les intérêts légaux, pour les créances salariales, à compter de la réception de la convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Paris, pour les créances indemnitaires, à compter de la décision ;

' Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil ;

' Condamner in solidum les sociétés Uber France et Uber BV à remettre à M.[Y] [W] l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire rectifiés conformes à la législation, dans les 15 jours de la notification du jugement est passé ce délai sous astreinte de 150 € par jour de retard ;

' Condamner solidairement Uber France et Uber BV à verser à M.[Y] [W] la somme de 5500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner solidairement Uber France et Uber BV aux dépens incluant expressément les frais d'huissier au titre de l'exécution forcée.

Selon dernières écritures du 24 avril 2024, les sociétés Uber B.V. et Uber France demandent à la cour de :

À titre principal :

' Écarter des débats les pièces adverses n° 47,48, 49, O, P, Q , R et S dès lors qu'elles ne concernent pas l'appelant ;

' Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris du 4 avril 2023 en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

' Renvoyer, en conséquence, l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris afin qu'il soit statué sur le fond de l'affaire,

À titre subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement et à juger que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement compétent :

' Renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris afin qu'il soit statué sur le fond de l'affaire,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris, le déclare compétent pour trancher le présent litige, requalifie la relation contractuelle entre l'appelant et la société Uber BV et/ou la société Uber France en contrat de travail et si elle estime nécessaire d'user de sa faculté d'évocation, il lui sera demandé de :

' Débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes,

' Ou, à tout le moins :

' Limiter les condamnations aux montants suivants :

' fixer le salaire moyen de l'appelant à la somme de 842,16 €;

' 1010,59 €au titre des congés payés ;

' 5052,97 €d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

' 1267,45 €d'indemnité de licenciement ;

' 1684,32 €d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 2526,48 €d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' Condamner à titre reconventionnel l'appelant à rembourser à la société Uber BV le trop-perçu de 107'009,40 €et opérer une compensation ;

Ou à défaut,

' Ordonner une expertise et commettre un expert judiciaire figurant sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel de Paris ayant pour mission d'établir les comptes entre les parties par le biais d'un rapport d'expertise établissant notamment :

' les sommes perçues par l'appelant en sa qualité de travailleur indépendant et les sommes qu'il aurait dû percevoir en tant que salarié,

' le traitement comptable, social et fiscal qui a été réservé aux sommes perçues par l'appelant en sa qualité de travailleur indépendant et le traitement comptable, social et fiscal qui aurait dû être appliqué à ces sommes si elles avaient eu la nature de salaire,

' tout autre information qu'il estimerait utile afin d'établir les conséquences comptables, sociales et fiscales de la requalification,

' dire que l'expert devra se faire remettre tous documents qu'il estime utiles à la réalisation de sa mission,

' prononcer, dans l'attente de la remise de ce rapport, un sursis à statuer sur les conséquences financières de la requalification,

En tout état de cause,

' Ordonner la mise hors de cause de la société Uber France,

' Condamner l'appelant à verser la somme de 1000 € aux sociétés Uber BV et Uber France au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS,

Sur la demande des sociétés Uber sollicitant d'écarter des débats les pièces adverses n° 47,48, 49, O, P, Q, R et S :

Les sociétés intimées font valoir que l'appelant verse aux débats des pièces qui ne sont pas inhérentes à la situation personnelle de l'appelant.

Cependant, il doit être relevé que les sociétés intimées ne fondent pas juridiquement cette demande alors que les pièces ont été communiquées dans un délai permettant de s'assurer que le principe du contradictoire a été respecté, que les sociétés Uber ont pu faire valoir toutes observations utiles sur la nature de ces pièces et, qu'en tout état de cause, il appartient au juge d'apprécier la pertinence et la force probante des éléments soumis à son analyse afin de déterminer si les pièces concernant d'autres chauffeurs, ou non renseignées, sont de nature à avoir une incidence sur la qualification juridique de la relation unissant les parties.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur la compétence du conseil de prud'hommes :

M.[Y] [W] fait valoir que :

' le lien de subordination se caractérise par la soumission d'un travailleur aux pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction dans l'accomplissement d'un travail pour le compte d'autrui, alors que la subordination ne procède pas toujours d'une relation de pouvoir entre l'employeur et l'individu pris de manière isolée ;elle peut parfois être fonctionnelle et être caractérisée par le mode d'organisation collective du travail ;ainsi la jurisprudence rappelle de manière constante que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice, et un critère subsidiaire du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. Dans le cadre du service organisé, il n'est alors pas nécessaire de démontrer que le travailleur a lui-même reçu, à titre individuel, des directives dont la bonne exécution a fait l'objet d'un contrôle par l'employeur ; la subordination résulte alors des contraintes collectives imposées à la communauté organisait des salariés ;

' afin de caractériser l'existence de ce lien de subordination, le juge doit apprécier la situation de travail concrètement soit, en recourant à la méthode du faisceau d'indices ;

' Uber est en fait une entreprise de transport faisant travailler des chauffeurs, fictivement indépendants, dans le cadre d'un service qu'elle organise mondialement ;

' la jurisprudence tant administrative que judiciaire reconnaît la qualité de salarié des travailleurs opérant pour une plate-forme numérique de travail ;

' la situation de subordination, doublée d'une dépendance économique, est renforcée par le management algorithmique que les chauffeurs subissent en travaillant avec Uber de sorte que la plate-forme crée à leur égard un lien hiérarchique important ;

' les nouvelles conditions applicables aux chauffeurs contiennent toujours les indices retenus par la chambre sociale de la Cour de cassation pour qualifier un chauffeur travaillant avec Uber de salarié ;

' Uber est sur le marché de l'offre des courses en position de quasi monopsone ce qui lui permet d'imposer des tarifs de course et le montant de sa commission aux chauffeurs sans les consulter.

Les sociétés Uber rappellent les trois éléments constitutifs sans lesquels il ne peut y avoir de contrat de travail :

' la fourniture d'un travail,

' en contrepartie d'une rémunération,

' et l'existence d'un lien de subordination entre les parties se définissant de la manière suivante : l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Elles allèguent que ces trois critères sont manquants.

Sur l'existence d'un lien de subordination :

M.[W] invoque le pouvoir de donner des ordres et des directives de la part des sociétés Uber et un management algorithmique. Il fait valoir que :

' il a été contraint de signer électroniquement divers documents contractuels contenant les règles, ordres et directives prescrits par la société Uber ;

' la charte de la communauté Uber, qui contient une liste de principes à respecter pour l'ensemble des chauffeurs, alors que ces contraintes s'imposent à l'ensemble des chauffeurs puisque le non-respect de l'une des clauses peut constituer une violation substantielle des conditions contractuelles et entraîner la révocation de l'accès à la plate-forme ;

' si la faculté des chauffeurs d'organiser leur temps de travail caractérise un indice d'indépendance, celle-ci doit s'analyser pendant le temps d'exécution de la prestation de travail une fois celle-ci acceptée, et non pendant toute la période d'exécution du contrat de partenariat, l'appréciation des indices d'indépendance devant s'opérer sur la seule période pendant laquelle le travailleur est connecté et utilise les services de la plate-forme ;

' la prétendue faculté d'organiser son travail est fictive alors qu'en pratique les chauffeurs sont contraints de travailler aux heures et lieux où l'application prévoit des majorations de courses via l'algorithme et qu'ils doivent être régulièrement disponibles sur l'application et accepter la majorité des courses pour éviter les sanctions et pouvoir prétendre aux avantages offerts par Uber.

Les sociétés Uber France et Uber B.V soutiennent que la présomption de non-salariat prévue à l'article L.8221-6 du code du travail est applicable en l'espèce et qu'il appartient donc à l'intéressé de renverser la présomption de non salariat en démontrant qu'il exerce son activité dans le cadre d'un lien de subordination juridique permanente.

Elles prétendent à l'absence de pouvoir de direction à défaut, pour elles, d'avoir donné des ordres et des directives à l'appelant.

Elles expliquent que l'appelant a librement fait le choix d'obtenir une licence de VTC puis de constituer une société de transport en l'absence de toute intervention par Uber.

Elles rappellent les dispositions de l'article L. 3141-2 du code des transports aux termes duquel les plateformes de mise en relation s'assurent que les chauffeurs disposent bien de l'ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires ainsi que d'un véhicule conforme.

En l'espèce, il n'est pas contesté que, souhaitant travailler comme chauffeurs VTC, l'appelant a obtenu sa carte professionnelle de conducteur de voitures de transport avec chauffeur et a exercé son activité en qualité d'auto entrepreneur.

Il est donc soumis aux dispositions de l'article L. 8221-6 qui dispose ainsi :

«I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

(')

II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. »

La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M.[W] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'espèce, le chauffeur souhaitant obtenir le statut de VTC doit s'inscrire à une formation afin de pouvoir se présenter à un examen et obtenir son diplôme.

Une fois le diplôme obtenu, le prestataire doit faire une demande auprès de la préfecture afin d'obtenir une carte professionnelle de conducteur de Voiture de Transport avec Chauffeur.

La profession de VTC est une profession réglementée par le code des transports.

Une fois cette qualification professionnelle obtenue, le chauffeur VTC peut constituer sa propre société de transport ou devenir salarié d'une société de transport.

Si le chauffeur a fait le choix de créer une entreprise, il lui faudra obtenir une licence VTC auprès du ministère des transports et sa société sera inscrite au registre des VTC.

Dans cette mesure, il ne peut être utilement considéré que l'intéressé a été contraint de s'inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber alors qu'il a fait le choix de créer sa propre entreprise.

À l'opposé, force est de considérer que l'appelant a fait le choix de créer sa propre entreprise et d'adhérer ensuite à la plate-forme Uber.

Il doit être précisé que le fait d'accepter de signer un contrat proposé avec la société Hinter , partenaire d'Uber permettant au chauffeur de bénéficier de l'utilisation de la carte professionnelle de VTC en attendant d'obtenir la leur est indifférent, étant relevé qu'aucun engagement à l'égard de la société Hinter n'est démontrée au cas d'espèce.

Il doit y être ajouté, qu'en l'absence d'une quelconque procédure de sélection ou de recrutement initiée par les sociétés intimées, le critère d'intuitu personae, qui est de l'essence même du contrat de travail, fait nécessairement défaut.

S'agissant des ordres et directives de nature administrative, la société Uber est tenue, en application de l'article L. 3141-2 du code des transports, de vérifier la qualification, les inscriptions les autorisations nécessaires pour exercer l'activité de chauffeur VTC.

Dès lors, cette vérification nécessaire ne peut être assimilée à un indice de subordination alors qu'il s'agit d'obligations légales pour la société.

Il en est de même s'agissant du véhicule utilisé qui doit répondre aux exigences fixées par le code des transports.

À cet égard, il n'est pas contesté que le chauffeur a la liberté de choisir le véhicule qu'il entend utiliser, étant indiqué qu'il est justifié par le procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l'application Uber du 29 juillet 2022 produit par les intimées que le chauffeur a le choix de recourir à son véhicule personnel.

Une fois la situation administrative vérifiée et l'inscription validée, le chauffeur a accès à l'application Uber.

La proposition du choix d'un itinéraire 'efficace', peut être suivie ou non avec les incidences connues et contractuellement acceptées s'agissant des conditions de facturation.

En tout état de cause ces éléments ne sont pas l'expression de l'exercice du pouvoir de direction à l'encontre de l'appelant.

Les recommandations comportementales (courtoisie, respect de l'espace, sécurité, notation') attendues tant des utilisateurs que des chauffeurs mis en relation par le biais de l'application font partie des conditions générales acceptées tant par les chauffeurs que par les clients, dont le non-respect est susceptible d'entraîner la résiliation du compte (du client ou du chauffeur), les conditions générales étant acceptées à 'chaque clic'.

En outre, en l'espèce, l'appelant ne produit aucun message qui soit de nature à démontrer l'existence d'ordres et de directives, ni davantage la soumission à un management algorithmique.

De fait, tant les clients que les chauffeurs doivent respecter les règles comprises dans la Charte de la communauté Uber aux fins de « garantir aux passagers et aux chauffeur une expérience cinq étoiles lorsqu'ils utilisent l'application Uber », ces exigences n'étant pas l'expression d'ordres et de directives dans le cadre d'une relation salariée mais celle des conditions du prestataire de mise en relation à l'égard de ses utilisateurs (personnes transportées et chauffeurs).

Enfin, s'agissant de la recommandation faite au chauffeur d'attendre 10 minutes le client afin d'améliorer la satisfaction de ce dernier, il ne s'agit que d'une recommandation, non sanctionnée en tant que telle.

S'agissant des incitations pour effectuer les prestations dans telle ou telle situation de temps ou d'espace, par le biais de primes ou de majorations de courses, ces incitations ne sont pas l'expression du pouvoir de donner des ordres des directives mais celle du choix proposé au chauffeur des modalités d'exercice de son activité via la plate-forme et partant, des conditions financières afférentes.

En effet, les chauffeurs ne sont pas contraints de rester connectés, ni d'exercer leur activité sur un horaire ou un secteur géographique particulier puisque ils décident, en fonction de choix qui leur sont personnels, d'effectuer leurs prestations de transport dans de telles conditions pouvant avoir des incidences sur l'ouverture à un service particulier offert par Uber à ses chauffeurs ou ayant un effet sur le prix de la course.

Ainsi, ils peuvent accepter ou non d'adhérer aux offres commerciales proposées par Uber s'agissant, à titre d'exemple, du système Uber pro et, de façon plus générale, ils peuvent se connecter à l'application ou non, rester déconnectés pendant une longue période sans recevoir de demande de connexion de la société Uber et, lorsqu'ils sont connectés pour recevoir les propositions de course, ils peuvent se déconnecter dès qu'ils le souhaitent.

Sur la géolocalisation :

M.[W] estime que le système d'exploitation par géolocalisation illustre le pouvoir de contrôle d'Uber par l'exécution de la prestation de transport, le chauffeur étant surveillé et géolocalisé par l'intermédiaire de l'application conducteur et du GPS.

Il précise que la société Uber s'autorise ainsi à contrôler que le trajet effectué est conforme aux indications données par le GPS.

Les sociétés intimées contestent le fait que la géolocalisation des chauffeurs soit un moyen de contrôle de leur activité.

Elles expliquent qu'il s'agit en réalité d'un moyen technique essentiel au fonctionnement de l'application.

Le contrat de prestation de services auquel est annexée l'Annexe chauffeurs, prévoit effectivement la géolocalisation des chauffeurs lorsque ces derniers sont actifs sur l'application Uber.

Cette géolocalisation est prévue à des fins de sécurité, de sûreté et pour des raisons techniques.

De fait, la géolocalisation permet nécessairement de mettre en relation les utilisateurs de l'application, eux-mêmes géolocalisés, avec les chauffeurs les plus proches et ce, afin de réduire le temps d'attente de l'utilisateur.

Il doit être précisé que la géolocalisation des chauffeurs est pratiquée par Uber mais également par l'ensemble des plates-formes numériques comme par les centrales de taxi .

En effet, le dispositif de géolocalisation s'avère nécessairement utile au bon fonctionnement d'une plate-forme et ne caractérise pas, en soi, un lien de subordination.

Ainsi, en l'espèce, à défaut de plus amples éléments autres que contractuels, il n'est nullement démontré que la géolocalisation est destinée à permettre le contrôle des ordres et directives qui seraient donnés.

Dès lors que la géolocalisation est intrinsèque au fonctionnement de l'application et qu'il n'est pas justifié qu'elle soit utilisée pour permettre un contrôle en temps réel de l'activité des chauffeurs, il ne peut être utilement soutenu qu'elle constituerait l'un des indices d'un lien de subordination.

En outre, dès lors qu'il n'utilise pas l'application, le chauffeur n'est pas tenu d'être géolocalisé et donc, connecté en permanence.

Le relevé d'état des courses concernant l'intéressé permet de constater que celui-ci a alterné des périodes de forte activité, de moindre activité et même d'absence d'activité, ce qui est de nature à établir une absence de permanence quant à la connexion et à la géolocalisation.

Si les messages « êtes-vous encore là » apparaissent suite à trois refus de course, cette simple interrogation tend à s'assurer que le chauffeur souhaite toujours recevoir des propositions de courses et, est de nature à faciliter la mise en relation du chauffeur avec les clients.

De même, l'invitation à se déconnecter 'tout simplement'si le chauffeur ne souhaite plus recevoir de propositions de courses ne constitue pas l'expression d'un pouvoir de contrôle mais traduit un objectif d'optimisation du service technologique auquel le chauffeur a adhéré.

Il n'est donc nullement justifié que l'appelant doive se tenir à la disposition permanente de la Société.

Sur le contrôle de la rémunération du chauffeur :

M.[W] soutient que la société Uber exerce un contrôle complet sur ce point puisqu'elle perçoit directement le prix de la course, prélève un pourcentage, émet la facture et reverse le solde au chauffeur.

Il explique que le chauffeur est sous le contrôle économique de la société Uber qui se place en unique décisionnaire du prix de la course et donc de la rémunération.

Il précise que le prix des courses est contractuellement fixé par un mécanisme prédictif au moyen des algorithmes de la plate-forme Uber.

Il ajoute qu'il doit systématiquement revenir vers la société Uber en cas de divergence sur les tarifs et ne peut directement régler le problème avec le passager.

Il estime être sous le contrôle économique de la société Uber qui se place en unique décisionnaire du prix de la course et donc de sa rémunération.

Les sociétés Uber répondent que le prix minimal garanti proposé par Uber est un prix recommandé que le chauffeur peut, après négociation avec le client, négocier à la baisse.

Le prix de la course résulte de l'application de la grille tarifaire sur le trajet estimé par un algorithme entre un point A et un point B.

Ainsi, elles font valoir que le chauffeur ne peut jamais, sauf s'il en décide ainsi avec le passager, percevoir pour une course qu'il a accepté un prix inférieur à celui affiché au moment de la proposition de course acceptée.

À l'opposé, il peut percevoir un prix supérieur si la course est finalement plus longue que prévue.

Elles en déduisent que la fixation du prix de la prestation par Uber ne saurait s'analyser en un indice de subordination du chauffeur alors que cette pratique est expressément prévue par l'article L. 7342-1 du code du travail.

Elles ajoutent qu'il n'est procédé à des ajustements tarifaires qu'en cas de situations problématiques telles qu'une accusation de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n'ont pas eu lieu.

Effectivement, la fixation du prix par la plate-forme est légalement prévue en application des articles L. 7341-1 et suivants du code du travail s'agissant des dispositions applicables aux travailleurs indépendants recourant pour l'exercice de leur activité professionnelle à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique.

Ainsi, la fixation des tarifs par la plate-forme ne révèle pas, en soi, l'existence d'un lien de subordination, puisque le prestataire peut accepter ou refuser de contracter après information de la rétribution proposée par la plate-forme.

Enfin, s'agissant de la facturation établie par la société Uber, au nom et pour le compte des chauffeurs par le biais de l'application , elle n'est pas plus un indice de nature à caractériser l'existence d'un lien de subordination.

En effet, ce service fait partie intégrante des services d'intermédiation rendus par la société Uber alors que ce mode de facturation offert aux travailleurs indépendants est parfaitement licite et s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article 289-I-2 du code général des impôts concernant le mandat de facturation.

Le contrat type de prestation de services prévoit expressément l'hypothèse de situations problématiques, en cas d'accusations de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n'ont pas eu lieu , dans lesquelles la Société est autorisée à ajuster ou à annuler totalement les tarifs utilisateurs ou les frais supplémentaires de la course.

Enfin, la fixation d'un tarif maximum n'est pas susceptible, à elle seule, de démontrer la réalité d'un lien de subordination alors que ce fait traduit uniquement la volonté de la Société, en tant qu'intermédiaire, d'assurer une harmonisation du prix des prestations fournies dans le cadre de l'application.

D'évidence, cette volonté d'harmonisation est conforme à l'intérêt du client.

La possibilité de fixation unilatérale du prix par un cocontractant n'est pas susceptible, en soi, de caractériser l'existence d'un lien de subordination.

Sur le contrôle par la notation du chauffeur :

M.[Y] [W] fait valoir qu'il existe un système de notation des chauffeurs par nombre d'étoiles de la part des utilisateurs.

Lorsque la note est jugée trop basse, des chauffeurs Uber reçoivent un e-mail de rappel à l'ordre et peuvent être suspendus, ce qui s'analyse en une sanction disciplinaire.

Les sociétés intimées exposent que la finalité du système de notation n'est pas de contrôler l'activité des chauffeurs mais d'assurer un fonctionnement harmonieux de l'application avec des chauffeurs et des passagers qui en épousent les standards.

Elle précise que ce système de notation croisée est aujourd'hui particulièrement usuel dans les différents types de plateformes de mise en relation et ne peut en aucun cas constituer un indice de subordination.

De fait , la fixation d'une note moyenne minimale est prévue par les stipulations contractuelles alors que le règlement prévoit qu'une note inférieure à 4,5/5 peut entraîner une désactivation de l'accès à l'application.

Il est aussi prévu une notation de la personne transportée par le chauffeur.

Cependant, ces dispositions relatives aux conditions d'utilisation de l'application ne relèvent pas d'un pouvoir de sanction de l'employeur alors qu'il doit être rappelé que les évaluations émanent des clients.

Cette pratique de l'évaluation des prestations commerciales est actuellement très répandue de telle sorte que le professionnel le mieux noté est le plus fréquemment choisi.

En l'espèce, il n'est nullement établi ni d'ailleurs allégué que la Société a mis un terme à la relation en raison d'une insuffisance de l'intéressé au regard de la notation.

Sur le pouvoir de sanction exercé par Uber :

M.[W] se réfère aux dispositions de l'article L. 1331-1 du code du travail.

Il invoque en premier lieu le pouvoir de connexion lorsque le chauffeur est empêché de se connecter à l'application soit, parce qu'il n'a pas signé les conditions de partenariat ou les modifications de ces conditions soit, parce qu'il n'a pas mis en ligne les documents exigés par la société Uber.

Les Sociétés font valoir que trois cas peuvent donner lieu à restriction ou à la désactivation de l'accès au regard des conditions de conformité, de sécurité et de qualité.

Le contrat type de prestation de services stipule ainsi :

« Afin de pouvoir utiliser l'application chauffeur et les services et que votre accès ne soit pas révoqué, vous chauffeur et vous devez être titulaires et conserver l'ensemble des autorisations requises par la loi ou le règlement pour exercer l'activité de transport routier de personnes concernée et effectuer des courses dans le territoire ; et vous conformer à l'ensemble des exigences légales et réglementaires applicables à l'activité de transport routier de personnes concernée. Vous devez vous assurer qu'à tout moment vos chauffeurs détiennent et conservent un permis de conduire de la catégorie adéquate, en cours de validité. »

Ainsi qu'il a été rappelé précédemment, l'obligation pour Uber de s'assurer que les chauffeurs présents sur l'application disposent bien de l'ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires est une obligation légale.

Dans cette mesure, ce pouvoir de connexion ne peut s'apparenter à un pouvoir de sanction directement imputable à l'employeur.

Sur le pouvoir de sanction économique :

M.[W] soutient que ce pouvoir s'exerce au travers de l'ajustement des tarifs par le service client de la société Uber si le chauffeur ne respecte pas le trajet qui lui est imposé.

Il résulte effectivement des dispositions contractuelles que 'Uber se réserve le droit d'ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport (par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace, si le chauffeur n'a pas dûment mis fin à un service de transport dans l'application chauffeur, en cas d'erreur technique dans les services Uber (') ou d'annuler le tarif utilisateur pour un particulier de services de transport, en cas de plainte d'un utilisateur.'

Cependant, ce pouvoir de sanction économique évoqué n'est pas susceptible, en soi, de caractériser l'existence d'un contrat de travail s'agissant, en réalité, d'une notion de droit économique qui a vocation à s'appliquer dans le cadre de relations commerciales, économiques ou d'affaires.

Il n'est donc pas révélateur d'un indice de subordination mais plutôt d'un indice de subordination économique qui n'est pas, en tant que tel, inhérent à une relation de travail.

En effet, le fait que 'Uber se réserve le droit d'ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport, par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace', ne s'apparente pas à un pouvoir de sanction de la part d'un employeur mais, résulte des conditions d'utilisation du service d'intermédiation proposé par la plate-forme telles qu'elles ont été acceptées par l'intéressé.

À l'aune des conditions contractuelles, ce droit exercé par Uber relève, non pas du droit disciplinaire mais, éventuellement, d'une appréciation de ce droit au regard d'un éventuel abus de position économique.

Au surplus ce, au cas d'espèce, M. [W] ne justifie, sur l'ensemble de la période, que d'un réajustement à la baisse en raison d'événements rencontrés lors de cette course.

Ce seul événement n'est pas de nature à caractériser un pouvoir de sanction économique.

Sur le pouvoir de déconnexion :

M. [W] estime que la déconnexion, même temporaire, doit être analysée en une sanction.

Il ajoute que la charte de la communauté Uber à laquelle le chauffeur est tenu d'adhérer prévoit toute une série de principes à respecter, dont certains peuvent entraîner une suspension (temporaire) ou une désactivation (définitive) du compte du chauffeur.

Il indique qu'il a vu son compte désactivé, sans avoir été averti au préalable qu'il ne pouvait plus se connecter à son compte, ni recevoir, ni accepter aucune course.

Il fait valoir que la société Uber dispose d'une part du pouvoir de déconnexion du chauffeur et d'autre part de la décision quant à la durée de la déconnexion alors que le chauffeur ne dispose d'aucun recours.

Il ajoute que le pouvoir de sanction concerne également l'exécution même de la prestation puisque si le chauffeur annule trop de courses, suivant un seuil fixé par la société Uber, il peut se voir déconnecté.

Il estime que la société Uber s'est arrogée un pouvoir absolu de contrôle de sanction discrétionnaire et disciplinaire ainsi que cela résulte du contrat de partenariat et de l'annexe de chauffeur ou encore des conditions de partenariat du 1er juillet 2013.

Les sociétés intimées exposent qu'afin d'assurer un fonctionnement optimal de l'application, il convient de considérer qu'après trois refus de courses par le chauffeur, ce dernier ne souhaite plus recevoir des propositions de course.

Elles précisent qu'il serait en effet inutile de continuer à proposer des courses au chauffeur qui ne souhaite plus travailler par le biais de la plate-forme et ce, afin de ne pas léser les passagers et les autres chauffeurs.

Le chauffeur est néanmoins invité à se reconnecter ultérieurement et peut se reconnecter par un simple clic.

Elles font une distinction entre le refus de courses et l'annulation de la course.

En premier lieu, il convient d'observer que le pouvoir de sanction invoqué n'est pas lié à l'existence d'ordres et de directives fournis par la Société.

Il doit être rappelé que l'existence d'un lien de subordination se caractérise par le pouvoir de contrôle et son corollaire, le pouvoir de sanction.

Au cas d'espèce, la déconnexion ou désactivation est corrélée au respect ou non par l'utilisateur des règles régissant la plate-forme.

S'agissant du non-respect des règles édictées par la charte de la communauté Uber, respect auquel s'est engagé le cocontractant, la déconnexion/désactivation constitue, non pas le pouvoir de sanction dévolue à l'employeur mais, la faculté donnée à l'une des parties de mettre un terme à la relation dans des conditions qui ont été fixées lors de la conclusion du contrat.

Il doit être considéré que le chauffeur dispose de 15 secondes pour accepter ou refuser la course alors qu'il n'est pas contesté qu'il est libre de refuser une course.

La faculté de refuser une course est établie par la lecture du procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l'application Uber du 29 juillet 2022.

La faculté d'accepter ou de refuser une mission ou tâche offerte par l'employeur présumé ou d'en fixer unilatéralement un nombre maximal est nécessairement exclusive d'un lien de subordination et donc d'une relation de travail.

À cet égard, les sociétés intimées font utilement valoir que depuis le mois de juillet 2020, l'application Uber a évolué afin de se conformer aux nouvelles dispositions de la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019.

Ainsi, depuis cette date, le chauffeur voit apparaître, au moment de la proposition de la course:

' le prix minimal de la course net de frais de services Uber,

' le temps et la distance pour récupérer le passager,

' le temps et la distance de la course.

Ainsi, le contrat de prestation de services prévoit que 'vos chauffeurs et vous décidez quelles demandes de courses ils peuvent accepter, refuser ou ignorer.'

L'annexe chauffeur prévoit que 'le chauffeur reconnaît qu'Uber ne contrôle pas, et ne prétend pas contrôler : le moment ou la durée de l'utilisation par le chauffeur de l'application chauffeur ou des services Uber ; ou la décision du chauffeur, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, de tenter d'accepter ou de refuser la demande de services de transport d'un utilisateur, ou d'annuler une demande de service de transport acceptée, par l'intermédiaire de l'application chauffeur, sous réserve des politiques d'annulation alors en vigueur d'Uber.'

Les sociétés intimées reconnaissent que la déconnexion peut intervenir après trois refus de courses afin de ne pas pénaliser le fonctionnement du système au regard des chauffeurs qui souhaitent travailler mais également des passagers.

Il n'est pas pertinemment contredit que le chauffeur peut se reconnecter ultérieurement par un simple clic alors qu'il est invité par la plate-forme à se reconnecter.

L'invitation à se reconnecter ultérieurement ne constitue nullement une sanction à l'égard du chauffeur alors que le chauffeur qui a été déconnecté automatiquement peut se reconnecter presque immédiatement.

Au demeurant l'article L. 1326-2 du code des transports fait interdiction aux plateformes de mettre fin à la relation contractuelle au motif que les travailleurs ont refusé une ou plusieurs propositions.

À cet égard, il n'est nullement justifié ni d'ailleurs allégué d'une rupture de la relation contractuelle en lien avec les refus de proposition de prestation de transport.

À l'opposé, au cas d'espèce, il est justifié de deux messages ayant entraîné une suspension temporaire du compte de l'appelant en juillet 2020 et février 2021.

La suspension temporaire est intervenue en raison d'un taux d'annulation abusif en raison d'un grand nombre de courses annulées notamment , au regard du taux d'annulation moyen des autres chauffeurs.

Il a été rappelé à l'intéressé que des annulations répétées engendrent une mauvaise expérience pour les passagers et pénalisent l'ensemble des chauffeurs utilisant l'application alors que la répétition d'annulations non justifiées peut entraîner la suspension du compte chauffeur.

En outre, il doit être considéré que le compte du chauffeur a été systématiquement réactivé ainsi que cela est établi par les messages produits.

Dans cette mesure, ces deux suspensions temporaires du compte, à défaut de plus amples éléments, ne caractérise pas une sanction prononcée dans le cadre d'une activité salariée mais, est l'illustration du nécessaire respect des conditions du contrat de partenariat accepté par le chauffeur.

Enfin, au cas d'espèce, il est également établi que la désactivation définitive du compte de l'intéressé est intervenue en raison 'd'une masturbation devant un passager'.

Sur ce point, il ne peut être que constaté que ce comportement , dénoncé par un client de l'application, ne peut être que qualifié d'un grave non-respect des règles de la Charte de la communauté.

Dans cette mesure, la désactivation définitive du compte de l'appelant ne peut s'analyser en l'exercice d'un pouvoir de sanction dans le cadre d'une activité salariée puisqu'elle constitue, dans les faits , la possibilité pour l'un des deux contractants de résilier le contrat au regard du non-respect flagrant par l'autre contractant des engagements contractuels.

Sur le travail au sein d'un service organisé par la société Uber :

M.[W] expose que :

' le chauffeur intègre une société de transport, et non un simple intermédiaire, qui organise entièrement un service de prestation de transport de personnes et ne peut constituer sa propre clientèle ;

' il a été contraint de s'inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber qui détermine seule les termes du contrat et a la faculté de les modifier ;

' la société Uber régit la relation entre le chauffeur et le passager alors que la tarification des courses est également définie par Uber ;

' la rémunération de la course, calculée par l'algorithme, est variable suivant les jours et heures de collection du chauffeur ;

' la société Uber mobilise les chauffeurs par un système d'incitations financières sous forme de bonus afin de pallier une forte demande de courses ;

' la mise en place d'un programme de fidélisation contribue à l'effectivité du pouvoir de direction de la société Uber.

Les sociétés intimées expliquent que l'application Uber a fondamentalement évolué depuis le mois de juillet 2020 .

Elles expliquent que la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a réaffirmé le statut d'indépendant tout en essayant de renforcer les droits sociaux des travailleurs indépendants auquel ont recours les plates-formes de mise en relation par voie électronique.

L'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation a permis aux travailleurs indépendants ayant recours aux plateformes d'élire des représentants chargés de négocier avec des représentants des plateformes numériques afin d'assurer un meilleur équilibre entre les acteurs.

Cette ordonnance a été ratifiée par la loi du 7 février 2022 et l'ordonnance du 6 avril 2022 a renforcé l'autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité et mis en place l'organisation du dialogue social de secteur.

Ainsi, les sociétés intimées font valoir que l'appelant ne fournit aucun travail pour le compte d'Uber B.V alors qu'au contraire cette dernière réalise une prestation technologique pour l'appelant.

Elles expliquent qu'Uber B.V n'est pas une entreprise de transports qui sous-traiterait aux chauffeurs les prestations de transport mais un intermédiaire mettant en relation des chauffeurs indépendants et des utilisateurs proposant, à chacun d'eux, ses services technologiques.

Le contrat de transport est conclu directement entre la société de transport et le passager.

Il résulte des pièces produites aux débats que la société Uber ne rémunère pas l'appelant pour la prestation de transport qu'il réalise par l'intermédiaire de l'application mais, prélève sur le prix de la course la commission due en contrepartie de la prestation technologique fournie.

En pratique, la société Uber collecte le prix de la course auprès de l'utilisateur et rétrocède ensuite à la société de transport ou au chauffeur en retenant une commission en rémunération de sa propre prestation technologique.

S'agissant de l'obligation de s'inscrire au registre des métiers, il a été précédemment reconnu que l'intéressé avait fait librement le choix d'obtenir une licence de VTC puis de constituer une société de transport et ce, en l'absence de toute intervention de la société Uber.

De même, le chauffeur a le libre choix de l'acquisition ou de la location d'un véhicule sous réserve qu'il soit conforme aux conditions légales pour que celui-ci puisse être utilisé dans le cadre d'une activité de VTC.

Ainsi, il en résulte que l'appelant a choisi de créer son activité indépendante et d'utiliser l'application Uber afin d'avoir accès au vivier de clients potentiels et de bénéficier des prestations technologiques.

S'agissant de l'intégration à un service organisé, il doit être rappelé que cette intégration constitue simplement un indice mais, est insuffisante , à elle seule , afin de caractériser une relation salariale.

En effet, le fait d'effectuer son travail au sein d'un service organisé ne constitue pas en soi un indice de l'existence d'un lien de subordination si le travailleur a la liberté d'organiser son activité, n'est astreint à aucune contrainte horaire ni à aucune directive autre qu'organisationnelle au regard de l'utilisation de la plate-forme.

Au demeurant, les chauffeurs utilisateurs de la plate-forme Uber ne sont liés par aucune obligation de non-concurrence ou d'exclusivité.

Ainsi, ils ont la liberté de s'inscrire et travailler par le biais d'autres applications ou bien, d'exercer leur activité en dehors de toute application numérique.

Bien plus, le chauffeur a la possibilité de ne pas se connecter ou se déconnecter de l'application afin d'effectuer des courses en dehors de la plate-forme ou au titre de sa clientèle personnelle.

En outre, le chauffeur qui vient d'effectuer une course via la plate-forme Uber peut, avec ou sans déconnexion sur Uber, se connecter à une autre plate-forme effectuer une autre course via cette autre application.

Le contrat de prestation de services avec l'annexe chauffeur rappelle ainsi sans ambiguïté la liberté des chauffeurs de travailler en dehors de l'application :

« Vous êtes entièrement libres de choisir exercer votre activité de manière indépendante (auprès de votre clientèle personnelle) ou en ayant recours aux services notre centrale de réservation ou de toute autre catégorie intermédiaire, y compris des concurrents d'Uber. En particulier, vos chauffeurs sont libres d'utiliser une application mobile éditée par tout concurrent d'Uber, alors même qu'ils utilisent application. »

Cette absence d'obligation d'exclusivité a d'ailleurs été constatée par le procès verbal de constat sur le fonctionnement de l'application Uber.

Dans le procès-verbal de constat du 29 juillet 2022, le chauffeur déclare ' être totalement libre d'effectuer des courses via l'application Uber mais également pour les plateformes concurrentes de son choix au cours d'une même journée.'

À titre d'exemple, il est précisé que 'le chauffeur vient de terminer une course via l'application Uber, avec ou sans déconnexion de l'application Uber, et se connecte à Freenow et effectue une course via cette application.'

À l'opposé, les sociétés intimées mettent en exergue qu'elles ont créé la catégorie de 'chauffeur favori'qui permet au passager, satisfait d'une course, d'inscrire le chauffeur concerné dans ses 'chauffeurs favoris'.

Ainsi, lorsqu'un passager souhaite pré-réserver une course, celle-ci sera en priorité proposée à ses 'chauffeurs favoris'.

L'objectif de cette nouvelle fonctionnalité est formellement de permettre la création d'un lien privilégié entre les chauffeurs et les passagers permettant ainsi de développer la clientèle personnelle de ces derniers.

À cet égard, les dispositions contractuelles s'agissant du contrat de prestation de services et de la Charte de la Communauté prohibent uniquement le fait pour le chauffeur de contacter le passager sans l'accord de celui-ci et ce, pour des raisons évidentes de sécurité.

En effet, le contrat de prestation de services prévoit uniquement que 'ni vos chauffeurs ni vous ne devez contacter, sauf accord exprès de sa part, aucun utilisateur ni utiliser ces informations personnelles à d'autres fins que la fourniture de la course concernée', étant précisé que cette clause concerne tant les chauffeurs que les clients.

Dans ces conditions, ces éléments établissent que l'appelant a contracté au service d'intermédiation proposée par la société Uber et n'a pas intégré une société de transport.

Au demeurant, l'appelant ne peut utilement soutenir que l'appréciation des indices d'indépendance doit s'opérer sur la seule période pendant laquelle il est connecté et utilise les services de la plate-forme alors qu'en étant connecté , il peut effectuer des courses pour une autre plate-forme.

Sur le caractère fictif du statut d'indépendant du chauffeur :

M. [W] soutient que son indépendance n'est qu'apparente alors qu'il n'a pas le choix de la course et du client.

S'agissant de l'obligation de travailler, il fait valoir que le droit du travail n'interdit pas que le salarié décide du moment où il se tient à la disposition de l'employeur.

Il estime que l'obligation de se tenir à la disposition de l'employeur n'est pas un critère de qualification du contrat de travail mais un effet du contrat de travail.

À ce titre, il maintient qu'à partir du moment où il se connecte à l'application, il se tient à la disposition de la société Uber et que dans cette mesure, dans l'attente d'une course et jusqu'au moment où le client arrive à destination, il est sous la subordination de la société Uber.

Quant à la liberté du chauffeur de choisir le moment où il se tient à la disposition de la société Uber, il estime que cette liberté est indifférente pour la Société qui dispose en permanence d'une réserve de main-d''uvre disponible.

Par ailleurs, il considère qu'il n'est pas libre de décider quand il travaille puisque c'est la société Uber qui attribue les courses.

Cependant, le contrat de prestation de services dispose ainsi :

« Sauf accord contraire entre vous et vos chauffeurs, ces derniers sont responsables du choix de la manière la plus efficace et la plus sûre pour se rendre à destination. Vos chauffeurs ou vous devez aussi fournir (à vos frais) l'ensemble de l'équipement, des outils et du matériel requis, à l'exception de l'application chauffeur que nous fournissons. »

L'annexe chauffeur du contrat de prestation de services indique , s'agissant de la relation entre le chauffeur et Uber, que 'Uber ne contrôle ni ne dirige le chauffeur, et ne sera pas réputée diriger ou contrôler le chauffeur, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne l'exécution des services de transport ou l'entretien de quelconques véhicules.'

Il en résulte que le chauffeur est totalement indépendant dans la réalisation de sa prestation de transport alors qu'il n'est nullement établi par l'appelant que la société Uber formule des directives ou des ordres durant l'exécution de la prestation de transport.

En effet, les règles édictées par la charte de la communauté, relatives à un comportement approprié et professionnel, ne sauraient à elles seules s'apparenter à un pouvoir de direction de la part de l'employeur alors qu'il s'agit d'une adhésion nécessaire au regard de l'application des règles légales en matière de transport mais également en considération d'éventuelles infractions pénales.

Au demeurant, il convient de relever que la charge de la communauté ne peut s'analyser en un règlement intérieur alors qu'elle concerne tant les chauffeurs que les usagers.

En outre, il doit être rappelé les dispositions de l'article L. 7342-8 du code du travail qui dispose pour les travailleurs en lien avec des plateformes telles que définies à l'article L. 7341-1 et exerçant l'activité de conduite d'une voiture de transport avec chauffeur.

Ainsi l'article L. 7342-9 de ce code dispose que « dans le cadre de sa responsabilité sociale à l'égard des travailleurs mentionnés à l'article L. 7342-8, la plate-forme peut établir une charte déterminant les conditions et modalités d'exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation (') ».

Au-delà de la seule liberté de se connecter ou non à l'application, il convient également de relever qu'une fois connecté, l'appelant est, conformément à l'article L. 1326-4 du code des transports aux termes duquel 'les travailleurs choisissent leurs plages horaires d'activité et leurs périodes d'inactivité et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d'activité alors que les plateformes ne peuvent mettre fin au contrat lorsqu'un travailleur exerce ce droit', libre de déterminer le temps qu'il souhaite utiliser l'application Uber.

À cet égard, il doit être rappelé qu'il est non contesté que le chauffeur est libre de choisir ses périodes de travail, ses congés, son secteur géographique d'activité ainsi que ses horaires de course et le volume de son activité.

De même, le travail au sein d'un service organisé ne peut établir, à lui seul, le caractère fictif du statut d'indépendant et ce , en l'absence de démonstration que l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Ainsi, l'appelant ne démontre nullement qu'il est sous la subordination juridique de la société Uber durant le temps où il assure le transport d'un client.

Il convient d'y ajouter que le critère de la dépendance économique n'est pas de nature, à lui seul, à caractériser l'existence d'un contrat de travail et ce, en l'absence de démonstration d'une subordination juridique.

L'absence de choix de la course n'est pas établie alors qu'à l'opposé, il est justifié que l'appelant reçoit des proposition de course en fonction de sa localisation et de celle du passager.

En l'espèce, une course est proposée en priorité au chauffeur se trouvant le plus proche de l'utilisateur.

L'appelant dispose donc du pouvoir d'accepter ou de refuser la proposition de prestation.

À cet égard, il doit être rappelé les nouvelles conditions de l'application Uber depuis le mois de juillet 2020 telles qu'elles ont été détaillées précédemment.

Au regard de ces nouvelles dispositions, le chauffeur dispose donc d'un certain nombre d'informations sauf s'agissant de l'identité du client qui, par définition, n'est pas connue du chauffeur antérieurement à une première prise en charge.

À cet égard, l'absence de choix du client en tant que tel n'est donc pas déterminant au regard du lien de subordination étant rappelé qu'à côté de l'application Uber, le chauffeur a la possibilité, par la fidélisation de clients, de créer sa propre clientèle alors qu'à l'opposé, la société Uber ne fait pas le choix du client mais, est simplement un intermédiaire entre le chauffeur VTC et l'usager.

Enfin la clause contractuelle selon laquelle le chauffeur ne peut pas transporter d'autres personnes que l'utilisateur et s'engage à ce que tous les utilisateurs soient transportés directement vers leur destination convenue sans interruption ou arrêt non autorisé, relève de la fixation d'un cahier des charges dont les modalités ont été librement acceptées par l'appelant et qui tendent à garantir la qualité et la sécurité de la prestation qui s'effectue par le recours, tant par le chauffeur que par le passager, à l'application Uber, et ne saurait donc être qualifiée de la mise en 'uvre par l'employeur d'un pouvoir de direction, étant rappelé à nouveau, que la charte s'impose également aux passagers.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [W] échoue à renverser la présomption de non salariat édictée par l'article L. 8221-6 du code du travail et donc à établir l'existence d'un contrat de travail qui le lierait aux sociétés intimées.

Le jugement est donc confirmé en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en considération de la nature commerciale du contrat liant les parties.

En l'état de la confirmation du jugement déféré, il n'y a donc pas lieu à statuer par évocation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M.[Y] [W] , qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

À l'opposé, aucune raison d'équité ne commande l' application de cet article au profit des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande des sociétés Uber France et Uber BV de voir écarter des débats les pièces adverses n° 47, 48 , 49 , O, P, Q, R et S,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE M.[Y] [W] aux dépens d'appel,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/04254
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.04254 ?
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