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13/06/2024 | FRANCE | N°22/04397

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 13 juin 2024, 22/04397


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04397 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLXF



Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2022 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/05139





APPELANT



Monsieur [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Né le

[Date naissance 1] 1973 à [Localité 9]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





INTIMEES



Société XL INSU...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04397 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLXF

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2022 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/05139

APPELANT

Monsieur [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEES

Société XL INSURANCE COMPANY SE

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Me Marc HALFON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1211

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE

[Adresse 2]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 juin 2012, M. [V] [H], piéton, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurance (la société Axa), aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société XL Insurance Company (la société XL Insurance).

M. [H] a été gravement blessé dans l'accident et a dû subir une amputation trans-tibiale gauche.

Par ordonnances en date des 1er septembre 2015 et 11 février 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [T] et alloué à M. [H] une provision de 20 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

L'expert désigné, qui s'est adjoint le concours de Mme [S], architecte et de Mme [G], ergothérapeute, en qualité de sapiteurs, a établi son rapport le 5 décembre 2016.

Par actes d'huissier en date du 21 août 2017, M. [H] et son épouse, Mme [B] [H], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [K], [E] et [W] [H] (les consorts [H]), ont assigné la société Axa en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la CPAM).

Par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné la société Axa à payer à M. [H] la somme de 894 358, 55 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Axa à payer à Mme [H] la somme de :

* 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection

* 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence,

- condamné la société Axa à payer à M. et Mme [H], en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs :

- pour [K] [H] :

* 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection

* 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence

- pour [E] [H] :

* 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection

* 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence

- pour [W] [H] :

* 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection

* 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence

- réservé les demandes au titre de la prothèse principale, des prothèses de sport et des manchons,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Axa à payer à M. [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 5 mai 2017 et jusqu'au jugement devenu définitif,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et à payer aux consorts [H], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Par un second jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné la société XL Insurance venant aux droits de la société Axa à payer à M. [H]:

* la somme de 117 264, 65 euros au titre de l'acquisition d'une prothèse tibiale, d'une lame de course à pied et d'une prothèse de ski, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

* une rente annuelle de 24 379, 75 euros au titre de renouvellement de ces matériels, payable à compter du premier renouvellement avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent jugement,

* la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société XL Insurance venant aux droits de la société Axa aux dépens de l'instance, distraits au profit de Mâitre Linglart.

Par déclaration du 24 février 2022, M. [H] a interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément chacune de ses dispositions.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de M. [H], notifiées le 31 janvier 2024, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

- infirmer la décision rendue le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

*condamné la société XL Insurance venant aux droits de la société Axa à payer à M. [H] :

- la somme de 117 264, 65 euros au titre de l'acquisition d'une prothèse tibiale, d'une lame de course à pied et d'une prothèse de ski, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour

- une rente annuelle de 24 379,75 euros au titre du renouvellement de ces matériels, payable à compter du premier renouvellement avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent jugement

- la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

et ce faisant, déboute M. [H] du surplus de ses demandes,

- condamné la société XL Insurance venant aux droits de la société Axa aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- condamner la société XL Insurance, venant aux droits de la société Axa, à verser à M. [H] la somme de 1 031 953,21 euros en indemnisation de l'acquisition et du renouvellement des prothèses principale et de sport, et de leurs accessoires, outre les intérêts légaux à compter de l'arrêt,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM,

- condamner la société XL Insurance, venant aux droits de la société Axa, à verser au concluant une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens de l'instance, distraits du profit de Maître Boccon-Gibod, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société XL Insurance, notifiées le 27 février 2024, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'indemnisation sous forme de rente viagère,

- infirmer le jugement sur les modalités et liquider le préjudice comme suit :

A/ calcul du premier versement :

- prothèse principale : 79 891, 47 euros pour la prothèse compte tenu d'une prise en charge par la sécurité sociale de 3 677, 42 euros

+ 14 885, 55 euros pour les emboîtures renouvelables tous les ans soit 2 977, 11 euros x 5 ans

+ 9 113, 06 euros pour les manchons en silicone renouvelables tous les 6 mois soit 828,46 euros x 11 renouvellements

- lame de course à pied : 8 501, 12 euros compte tenu d'une prise en charge par la sécurité sociale de 4 087, 35 euros

- prothèse de ski : 5 701, 91 euros compte tenu d'une prise en charge par la sécurité sociale de 4 087, 35 euros

- total : 118 093, 11 euros (103 093,11 euros + 8 501,12 euros + 5 701,91 euros)

- juger que la somme de 118 093, 11 euros sera versée dans le mois du prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel,

B/ calcul des arrerages à échoir de la rente

- liquider le montant de la rente annuelle pour l'ensemble des appareillages comme suit :

* prothèse principale : 20 612, 32 euros par an soit 118 093, 11/ 6 ans de fréquence de renouvellement

* lame de course à pied : 1.700,22 € par an soit 8.501,12 € / 5 ans de fréquence de renouvellement.

* prothèse de ski : 1.140,38 € par an soit 5.701,91 € / 5 ans de fréquence de renouvellement.

* total : 23 452, 92 euros

- juger que cette rente de 23 452, 92 euros sera versée toute la vie durant de M. [H] et prendra fin au jour de son décès,

- juger que cette rente aura une fréquence annuelle et sera versée tous les ans selon un terme à échoir et à la date anniversaire du versement du capital précèdent de 118 093, 11 euros,

- juger que cette rente sera automatiquement revalorisée selon les dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985,

- rejeter la demande de M. [H] pour le surplus,

- rejeter la demande de M. [H] au titre de l'article 700,

- condamner M. [H] à payer 3 000 euros à la société XL Insurance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] aux dépens, dire qu'ils pourront être recouvrés par Maître Halfon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier du 19 avril 2022, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Seule reste en discussion devant la cour l'indemnisation du poste du préjudice corporel de M. [H] lié aux dépenses de santé futures relatives aux frais de prothèses.

Sur les dépenses de santé futures relatives au matériel prothétique

Aux termes du jugement déféré, le tribunal a indemnisé le coût de la première acquisition d'une prothèse tibiale, d'une lame de course et d'une prothèse de ski, à hauteur de la somme totale de 117 264,65 euros et alloué à M. [H] une rente annuelle de 34 379,75 euros au titre du renouvellement de ces matériels, payable à compter du premier renouvellement.

Pour justifier une indemnisation sous forme de rente, le tribunal a retenu qu'il s'agissait de matériels renouvelables régulièrement et qu'il convenait de tenir compte de l'aléa touchant à l'espérance de vie de chaque personne.

M. [H], qui critique le jugement sur ce point, soutient que le tribunal a conditionné son indemnisation à la production des justificatifs du renouvellement de ses prothèses, alors que le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit exclut le contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition, et que l'indemnité allouée au titre de l'appareillage prothétique de la victime doit être évaluée en fonction des besoins et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes.

Il fait valoir, en outre, qu'une indemnisation sous forme de rente est défavorable à la victime qui est privée du bénéfice des fruits d'un placement en capital et est soumise à l'impôt sur les revenus.

Il ajoute que certaines victimes se heurtent à d'importants retards dans le versement des échéances, les privant de toute possibilité de financer le matériel médical indispensable et sollicitent ainsi, en infirmation du jugement, une indemnisation des frais de prothèses principale et de sport sous forme de capital.

Il expose, par ailleurs, que le Docteur [T] avait considéré que la mise à disposition de prothèses comportant un pied électronique de dernière génération était conditionnée par une prescription délivrée par un médecin spécialisé en appareillage qui pourra apprécier la pertinence de cet apport technologique, et que le Docteur [D], médecin spécialisé en rééducation et réadaptation fonctionnelle qu'il a consulté, a établi le 3 février 2020 un certificat médical dont il résulte qu'il a testé avec succès l'utilisation du pied Empower sur sa prothèse tibiale gauche.

Il ajoute que la prothèse principale doit être renouvelée tous les cinq ans, comme l'a retenu l'expert, et qu'il convient également de renouveler l'emboîture en carbone tous les ans et les manchons en silicone tous les six mois.

Il estime également justifié de pouvoir bénéficier d'une lame de course à pied et d'une prothèse de ski, dont il indique qu'elles ne sont pas prises en charge par la CPAM, ainsi qu'il résulte du décompte de créance définitif de cet organisme en date du 10 avril 2017.

Il réclame ainsi, après déduction de la fraction des frais de prothèse principale prise en charge par la CPAM à hauteur de 5 559,14 euros, une indemnité en capital d'un montant total de 1 031 953,21 euros, calculée en faisant application du barème de la Gazette du palais 2022 au taux de -1 %.

La société XL Insurance ne s'oppose pas sur le principe de l'indemnisation d'une prothèse tibiale avec pied Empower à renouveler tous les 5 ans, d'une emboîture en carbone à renouveler tous les ans, de deux manchons en silicone annuels, d'une lame de course et d'une prothèse de ski, sauf à déduire les montants pris en charge par la sécurité sociale.

Elle évalue le coût initial de ce matériel à la somme de 118 093,11 euros se décomposant comme suit :

- prothèse principale : 79 891,47 euros, compte tenu d'une prise en charge de la sécurité sociale de 3 677,42 euros

- emboîtures renouvelables tous les ans : 14 885,55 euros (2 977,11 euros x 5 ans)

- manchons en silicones renouvelables tous les six mois : 9 113,06 euros (828,46 euros x 11 renouvellements)

- lame de course à pied : 8 501,12 euros compte tenu d'une prise en charge par la sécurité sociale de 4 087,35 euros

- prothèse de ski : 5 701,91 euros compte tenu d'une prise en charge par la sécurité sociale de 4 087,35 euros.

La société XL Insurance demande que les frais de renouvellement de ces matériels soient indemnisés pour l'avenir sous forme de rente viagère.

Elle estime que M. [H] met à profit un libellé imprécis du dispositif du jugement pour réclamer une indemnisation sous forme de capital, alors que l'indemnisation sous forme de rente permet de protéger la victime et d'éviter un placement hasardeux et la disparition des fonds en quelques années.

Elle considère, en outre, que ce mode de réparation permet, comme l'a retenu le tribunal, de prendre en considération l'aléa relatif à l'espérance de vie de chaque personne, ce qu'un barème de capitalisation, établi en fonction de données statistiques non individualisées ne peut pas faire.

A titre subsidiaire, la société XL Insurance, propose d'évaluer l'indemnité revenant à M. [H] à la somme de 708 495,66 euros, calculée en faisant application du barème BCRIV 2023.

*************

Sur ce, si le principe de la réparation intégrale n'implique aucun contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition, et que l'indemnité allouée au titre de l'appareillage prothétique doit être évaluée en fonction des besoins, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes, ces principes ne font pas obstacles à ce que le juge opte pour une indemnisation sous forme de rente, sous réserve que son versement ne soit pas subordonné à la justification préalable de la dépense engagée.

Il convient donc d'apprécier, dans le cas de l'espèce, quel est le mode de réparation le plus adapté à la situation de M. [H].

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ni la circonstance que le matériel prothétique dont M. [H] a besoin doit être renouvelé périodiquement, ni le fait que l'espérance de vie de toute personne est affectée d'un aléa, ne justifie de recourir à une indemnisation sous forme de rente, étant observé qu'en cas d'indemnisation sous forme de capital cet aléa est pris en compte par l'application d'un barème de capitalisation établi en fonction d'une table de mortalité.

Il convient ainsi, comme le demande M. [H], d'indemniser les dépenses de santé futures liées aux frais de prothèses demeurant à sa charge, sous forme de capital.

Le jugement sera infirmé.

Il ressort du décompte de créance définitif établi par la CPAM le 10 avril 2017 que cet organisme prend en charge :

- une prothèse tibiale gauche renouvelée tous les cinq ans, avec emboîture en carbone, manchon en silicone et pied de classe 3 pour un montant total de 5 559,14 euros

- une prothèse de secours avec ses accessoires à hauteur de 4 081,66 euros.

Il convient d'observer que M. [H] ne formule aucune prétention au titre de la prothèse de secours, intégralement prise en charge par la sécurité sociale.

* Sur la prothèse principale

L'expert judiciaire, le Docteur [T], a relevé dans son rapport que M. [H] bénéficiait d'une prothèse principale et d'une prothèse de secours inscrites sur la LPPR (liste des produits et prestations remboursables).

Il a estimé dans son rapport que la mise à disposition d'une prothèse tibiale avec un pied électronique de dernière génération devait être validée par un médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation (MPR) qui pourra apprécier la pertinence de tel ou tel apport technologique.

Dans un certificat médical établi le 3 févier 2020, le Docteur [D], médecin spécialisé en médecine physique et de réadaptation, a indiqué que M. [H] avait testé avec succès l'utilisation du pied M Power (également désigné pied Empower) sur sa prothèse tibiale gauche.

Il a ajouté avoir constaté le jour de l'examen une absence de blessure au niveau du moignon en raison d'une moindre sollicitation de celui-ci avec l'usage de ce pied prothétique, et a également noté que M. [H] était plus à l'aise pour marcher sur tous les terrains, plats ou accidentés, que ce pied lui apportait davantage de confort, en particulier en position assise, et qu'il l'aidait dans la montée des escaliers.

Il est ainsi établi que la prothèse de dernière génération équipée d'un pied électronique Empower constitue l'appareillage le plus adapté à la situation de M. [H] et que ce dernier est fondé à en obtenir l'indemnisation à compter de la date à laquelle le besoin a été caractérisé, soit à compter du 3 février 2020.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais le 30 octobre 2022 avec un taux d'intérêts de 0 %, lequel est le plus approprié comme s'appuyant sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

M. [H] verse aux débats le devis établi le 10 février 2020 par la société Rhône orthopédie qui mentionne que le coût initial d'une prothèse tibiale avec pied Empower, emboîture provisoire et manchon en silicone s'élève à la somme totale de 83 568,89 euros.

Il convient de retenir, comme l'a fait l'expert, une périodicité de renouvellement de la prothèse endosquelettique et du pied électronique tous les cinq ans.

Il y a également lieu de tenir compte des frais de renouvellement tous les ans de l'emboîture en carbone, et des frais de renouvellement tous les six mois des manchons en silicone, conformément à l'avis de M. [U], orthoprothésiste au sein de la société Rhône orthopédie (pièce n° 7).

Selon les devis versés aux débats, établis par la société Rhône orthopédie, le coût unitaire d'une emboîture en carbone s'élève à la somme de 2 977,11 euros et celui d'un manchon en silicone à celle de 828,46 euros.

Le besoin d'une prothèse tibiale avec pied électronique de dernière génération ayant été caractérisé par le certificat médical du Docteur [D] en date du 3 février 2010, le préjudice de M. [H] au titre des frais de prothèse principale et de ses accessoires s'établit de la manière suivante à compter de cette date :

- dépense initiale sur cinq ans:

* prothèse principale restant à charge (incluant le premier manchon) : 78 009,75 euros (83 568,89 euros - 5 559,14 euros pris en charge par la CPAM),

* 9 manchons : 7 456,14 euros (828,46 euros x 9)

* 5 emboîtures : 14 885,55 euros (2 977,11 euros x 5)

soit un total de 100 351,44 euros

- dépense annuelle : 20 070,29 euros (100 351,44 euros / 5)

- arrérages échus à ce jour : 87 506,46 euros (20 070,29 euros x 4,36 ans)

- arrérages à échoir :

* 20 070,29 euros x 30,329 (euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 51 ans à la date de la liquidation comme étant né le [Date naissance 3] 1973) = 608 711,83 euros

Soit une somme totale de 696 218,29 euros (87 506,46 euros + 608 711,83 euros).

* Sur les prothèses de sport

L'expert a estimé que les prothèses de sport devaient faire l'objet d'une prescription médicale d'un médecin spécialiste en médecine physique et de réadaptation, afin d'apprécier si la victime avait réglé les problèmes d'adaptation de son moignon à l'emboîture prothétique.

M. [H] a consulté le Docteur [D] qui, dans deux certificats médicaux établis le 3 février 2020, a prescrit une lame de course pour prothèse tibiale gauche avec emboîture carbone et manchon en silicone, et pour la pratique du ski, un dispositif Procarve pour prothèse tibiale gauche, avec emboîture carbone, manchon en silicone et genouillère de suspension.

Si le décompte définitif de créance de la CPAM en date du 10 avril 2017 ne fait mention que de la prise en charge d'une prothèse principale référencée sous le numéro P106ZSA63 et d'une prothèse de secours, il ressort des deux devis établis par la société Rhône orthopédie, le 10 février 2020, qu'à l'exception de la lame de course d'un coût de 7 955,20 euros, du système Procarve, d'un montant de 5 326,99 euros et des frais d'adaptation et de réglage de ces appareillages, les autres éléments prothétiques (prothèse endosquelletique, manchons et emboîtures) sont mentionnés avec l'indication de leur référence LPPR.

Le devis relatif à la prothèse de ski opère d'ailleurs une distinction selon que les articles sont ou non référencés sur la LPPR et fait état d'une prise en charge en fonction du tarif de base de la sécurité sociale à hauteur de 4 087,35 euros.

Le devis relatif à la prothèse de course fait également état d'une prise en charge en fonction du tarif de base de la sécurité sociale pour un montant de 4 087,35 euros.

Par ailleurs, les deux devis versés aux débats incluent pour chaque prothèse de sport, outre les éléments mentionnés par le Docteur [D], une prothèse endosquellettique référencée P106ZSA63, correspondant à l'appareillage pris en charge sous cette même référence par la CPAM.

Au vu de ces éléments, la cour ne dispose pas des informations suffisantes pour apprécier si M. [H] a besoin pour la pratique de la course et du ski de deux prothèses complètes ou seulement d'une lame de course pour prothèse tibiale gauche avec emboîture carbone et manchon en silicone, et du dispositif Procarve pour prothèse tibiale gauche, avec emboîture carbone, manchon en silicone et genouillère de suspension.

Elle ne dispose pas non plus d'informations suffisantes pour déterminer si tout ou partie des éléments prothétiques nécessaires à la pratique de la course à pied et du ski, peut faire l'objet d'une prise en charge par la CPAM.

Il convient ainsi, sur ce point, d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter M. [H] à fournir les éléments d'information permettant à la cour de statuer sur sa demande, tels que mentionnés dans le dispositif du présent arrêt.

Sur les demandes annexes

Compte tenu de la réouverture des débats ordonnée, il convient de réserver les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Infirme le jugement en ses dispositions relatives aux frais de prothèses,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société XL Insurance Company à payer à M. [V] [H] la somme de 696 093,41 euros, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, en réparation du poste de préjudice de dépenses de santé futures liées aux frais de prothèse principale,

- Avant dire droit sur les demandes de M. [V] [H] au titre des prothèses de sport, ordonne la réouverture des débats, à l'audience du jeudi 10 octobre 2024 à 14 heures, salle Tocqueville, escalier Z, 4ème étage.

- Invite M. [V] [H] à produire :

- un certificat médical précisant s'il a besoin pour la pratique de la course et du ski de deux prothèses complètes ou seulement d'une lame de course pour prothèse tibiale gauche avec emboîture carbone et manchon en silicone, et du dispositif Procarve pour prothèse tibiale gauche, avec emboîture carbone, manchon en silicone et genouillère de suspension,

- tout élément justificatif (devis d'un prothésiste ou attestation de son organisme social) permettant de déterminer si tout ou partie des éléments prothétiques nécessaires à la pratique de la course à pied et du ski, peut faire l'objet d'une prise en charge par l'organisme social auquel il est affilié,

- Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 22/04397
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.04397 ?
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