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13/06/2024 | FRANCE | N°21/11195

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 13 juin 2024, 21/11195


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 13 JUIN 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD32L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 - Tribunal de Commerce de Creteil, 2ème chambre - RG n° 2019F00752





APPELANTE



S.A.R.L. [Localité 11] OPERATIONS SPECIALES agissant poursuites et diligences de ses représe

ntants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 811 864 008

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Frédéric Ingold de l...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD32L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2021 - Tribunal de Commerce de Creteil, 2ème chambre - RG n° 2019F00752

APPELANTE

S.A.R.L. [Localité 11] OPERATIONS SPECIALES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 811 864 008

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric Ingold de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055

Assistée de Me Pauline Lecointre de SIMON Associés, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

S.A.R.L. AC2E prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 519 197 040

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 12]

Représentée par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de Paris, toque : L0034

Assistée de Me Louve Boutron Marmion de l'AARPI BOUTRON-MARMION, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5

Mme Christine Soudry, conseillère

Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marilyn Ranoux-Julien dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5 et par M. Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société AC2E est une société spécialisée dans la distribution de denrées alimentaires.

La société [Localité 11] Opérations Spéciales (la société POS) est une société spécialisée dans le transport de marchandises, notamment alimentaires, nécessitant l'utilisation de véhicules industriels et/ou réfrigérés.

La société POS a conclu avec la société AC2E trois contrats de location de véhicules industriels avec chauffeurs, en date des 6 et 20 novembre et 12 décembre 2017, pour une durée de 3 ans, tacitement renouvelable.

Les trois contrats, qui avaient pour but d'acheminer les produits de restauration de la société AC2E depuis [Localité 12] jusqu'au domicile de ses clients, comportaient les mêmes obligations, mais concernait trois chemins de livraison différents (les « tournées 1, 2, 3 »).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2019, la société AC2E a notifié à la société POS la résiliation des trois contrats.

Par acte d'huissier du 19 août 2019, la société POS a assigné en indemnisation et en paiement de factures la société AC2E devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :

- Condamné la société AC2E à payer à la société POS la somme de 9 625,40 euros, au titre de la rupture des contrats des 6 novembre 2017, 20 novembre 2017 et 12 décembre 2017, et débouté la société POS du surplus de sa demande à ce titre,

- Débouté la société POS de sa demande de paiement de la somme de 35 880,93 euros, au titre des factures impayées,

- Débouté la société POS de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Condamné la société POS à payer à la société AC2E la somme de 7 711,76 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier, et débouté la société AC2E du surplus de sa demande formée de ce chef.

- Ordonné la compensation entre les différentes condamnations,

- Débouté la société AC2E de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement,

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes formées de ce chef.

- Dit que chaque partie conservera les dépens qu'elle a engagés dans cette instance.

- Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 83,09 euros TTC (dont 20% de TVA).

Par déclaration du 16 juin 2021, la société [Localité 11] Opérations Spéciales a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Limité à la somme de 9 625,40 euros le montant de la condamnation de la société AC2E à payer à la société POS, au titre de la rupture des contrats des 6 novembre 2017, 20 novembre 2017 et 12 décembre 2017, et débouté la société POS du surplus de sa demande à ce titre,

- Débouté la société POS de sa demande de paiement de la somme de 35 880,93 euros, au titre des factures impayées,

- Débouté la société POS de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Condamné la société POS à payer à la société AC2E la somme de 7 711,76 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier,

- Ordonné la compensation entre les différentes condamnations,

- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement,

- Débouté la société POS de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que chaque partie conservera les dépens qu'elle a engagés dans cette instance.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2022, la société [Localité 11] Opérations Spéciales demande, au visa des articles 1103, 1212 et 1217 du code civil, de :

Réformer le jugement du 18 mai 2021 en ce que :

- Il n'a pas considéré fautive la résiliation des 3 contrats liant les sociétés AC2E et POS ;

- Il a débouté la société POS de sa demande de paiement de la somme de 35 880,93 euros, au titre de factures impayées ;

- Il a débouté la société POS de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- Il n'a condamné la société AC2E à payer à la société [Localité 11] Operations Spéciales que la somme de 9 625,40 euros, au titre de la rupture des contrats des 6 novembre 2017, 20 novembre 2017 et 12 décembre 2017 et a débouté la société POS du surplus de sa demande à ce titre ;

- Il a condamné la société POS à payer à la société AC2E la somme de 7 711,76 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier.

Statuant à nouveau de :

- Juger la société POS recevable et bien-fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Juger que la société AC2E n'a pas respecté les termes de l'article 15 des contrats signés les 6 novembre, 20 novembre et 12 décembre 2017 encadrant les conditions d'une résiliation anticipée pour faute,

- Juger que la société AC2E ne justifie d'aucun manquement grave qui l'aurait autorisée à ne pas respecter la clause résolutoire des contrats signés les 6 novembre, 20 novembre et 12 décembre 2017.

- Juger fautive la résiliation faite par la société AC2E des contrats signés les 6 novembre, 20 novembre et 12 décembre 2017,

Par conséquent

A titre principal :

- Condamner la société AC2E à payer à la société POS les montants correspondant aux mensualités échues ou à échoir entre les lettres de rupture illicite et le terme du contrat (3 ans à compter de la signature) soit :

* concernant la tournée n°1 : 21 mois x 6 839,10 euros = 143 621,10 euros ;

* concernant la tournée n°2 : 20 mois x 6 839,10 euros = 136 782 euros ;

* concernant la tournée n°3 : 26,5 mois x 7 599 euros = 201 373,5 euros.

Soit un total d'abonnement dû de 481 776,60 euros.

- A titre subsidiaire, si la cour estimait que la société POS, du fait de l'arrêt des contrats, ne supporte plus les coûts afférents aux « tournées », il conviendrait de l'indemniser à hauteur de son taux de marge, calculé à 35%, soit 168 621 euros.

En toute hypothèse :

- Sur le solde client de la société AC2E dans les livres de la société POS :

- Constater la production des extraits du grand-livre comptable de la société POS et l'attestation de leur exactitude par un expert-comptable quant au solde « client » de la société AC2E ;

- Condamner la société ACE2 à payer la somme de 35 880,93 euros au titre des factures émises par la société AC2E ;

- Sur le préjudice moral de la société POS et l'article 700 du code de procédure civile :

- Condamner la société AC2E à payer à la société POS la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral découlant de la mauvaise foi subie dans l'exécution du contrat ;

- Condamner la société AC2E au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

- De manière générale, débouter la société AC2E de son appel incident.

- Enfin, sur le préjudice financier de la société AC2E :

- Réformer la décision du tribunal en ce qu'elle a octroyé un préjudice financier à la société AC2E ;

- Constater l'absence totale de preuve 1) de la perte réelle de 70 clients ; 2) d'un lien de causalité certain et direct entre les reproches faits par cette société à la société POS et lesdites ruptures de relation, ou perte d'activité, avec ces prétendus 70 clients ;

- Rejeter la demande indemnitaire de la société AC2E ;

- Sur le préjudice moral de la société AC2E :

- Confirmer la décision en ce qu'elle a débouté la société AC2E de ses demandes quant à son préjudice moral.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2021, la société AC2E demande, au visa de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 18 mai 2021 en ce qu'il a :

* Débouté la société POS du surplus de sa demande de condamnation de la société AC2E au titre de la rupture des contrats,

* Débouté la société POS de sa demande de paiement de la somme de 35 880,93 euros, au titre de factures impayées,

* Débouté la société POS de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral,

- Débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 18 mai 2021 en ce qu'il a :

* Condamné la société AC2E au paiement de la somme de 9 625,40 euros à la société POS,

* Condamné la société POS au paiement de dommages et intérêts pour un montant insuffisant au regard du préjudice financier subi par la société AC2E, à savoir à la seule somme de 7 711,76 euros,

* Rejeté la demande de dommages et intérêts de la société AC2E au titre du préjudice moral subi,

- Statuant à nouveau,

- Condamner la société POS à payer à la société AC2E la somme de 245 878,82 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier,

- Condamner la société POS à payer à la société AC2E la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

En tout état de cause,

- Condamner la société POS à payer à la société AC2E la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société POS aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions exposées au dispositif et que les «dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en que ces demandes ne confèrent pas de droits à la partie qui les requiert hors les cas prévus par la loi, en conséquence la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens évoqués.

Sur la résiliation des contrats par la société AC2E et ses conséquences :

Le périmètre des obligations de la société POS

D'après la société POS, ses obligations se limitent aux « opérations de conduite », c'est-à-dire celles relatives au véhicule lui-même dans ses aspects techniques (relatives à son état, son entretien, sa conduite etc), à l'exclusion des « opérations de transport », c'est-à-dire celles d'ordre commercial (organisation des déplacements, délais de livraison, établissement des documents d'accompagnement des marchandises etc), qui incombent à la société AC2E.

Elle rappelle que le contrat de location de véhicules industriels avec conducteur est un type de contrat particulier, qui se distingue du contrat de transport en ce que l'obligation qu'il engendre n'est pas le déplacement des personnes ou des biens, mais la mise à disposition du véhicule et du conducteur.

La société AC2E réplique qu'en se référant au contrat-type pour la location de véhicules industriels inapplicable en l'espèce, la société POS tente d'apporter une confusion qui n'a pas lieu au regard de la clarté des clauses contractuelles. Elle rappelle que l'application de ce contrat type n'est prévue qu'à titre subsidiaire, à défaut d'accord entre les parties.

L'article L3223-1 du code des transports dispose que : « Tout contrat de location de véhicule industriel avec conducteur comporte des clauses précisant les obligations respectives des parties dans les conditions d'emploi du conducteur et dans l'exécution des opérations de transport. Ce contrat assure la couverture des coûts réels du service rendu dans des conditions normales d'organisation et de productivité. À défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées au premier alinéa, les clauses de contrat types s'appliquent de plein droit. ».

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi entre les parties.

Les contrats stipulent :

i) Que la société POS en qualité de « Loueur » fixerait « les modalités d'exécution des transports » et assumerait « la gestion technique des véhicules » :

ii) Que la société POS assumerait la maîtrise des opérations de transport (conduite, assurances, préparation technique du véhicule, du chargement, des véhicules de remplacement en cas de panne') et des moyens humains (salariés ayant les titres et compétences nécessaires) et matériels (véhicule équipé de manière adéquate) nécessaires ainsi que la responsabilité du respect des lois et règlements applicable à ces activités ou personnes ;

iii) Que la prestation de transport comportait : le chargement des produits, le transport au lieu précisé par AC2E, les encaissements et le déchargement des retours ;

iv) Que le « Loueur » s'engagerait également à respecter les lieux de livraison, la clientèle livrée, les horaires de livraison, l'intégrité de la marchandise, le contrôle du chargement, les délais de livraison, l'encaissement et plus généralement les directives de AC2E ;

v) Que ces directives pouvaient concerner la quantité, la nature des marchandises à livrer, les itinéraires, les points de chargement/déchargement, les délais de livraison ;

vi) Que le client s'engageait quant à lui à remettre les marchandises, dans un emballage approprié.

Les parties ont défini les obligations incombant à chacune, distinctes des clauses du contrat type, et c'est à la lumière des stipulations contractuelles que doivent être recherchées les éventuelles défaillances de la société POS dans l'exécution du contrat.

Sur les inexécutions contractuelles

La société AC2E fait valoir que les manquements de la société POS dans sa prestation de transport sont multiples et graves. D'après elle, la société POS n'a pas réagi malgré ses mises en garde répétées, ce qui l'a conduite à résilier les contrats par courrier recommandé du 8 mars 2019.

La société POS fait valoir que la société AC2E ne justifie d'aucun manquement grave au regard du volume des prestations accomplies, la plupart des points soulevés par la société AC2E étant injustifiés ou ayant été réglés. Elle admet que 5 dysfonctionnements n'ont pas abouti à une solution immédiate et ont donné lieu à des avoirs, ce qui représente une fraction infinitésimale rapportés au nombre de prestations effectuées par la société POS.

Au soutien de ses affirmations, la société AC2E justifie avoir transmis à la société POS de nombreux mails et courriers faisant état d'incidents dans l'exécution du contrat. Les dysfonctionnements rapportés sont relatifs à des absences de chauffeurs ou refus de livraison, à des retards ou la non-conformité de livraisons, à des pertes ou vols de marchandises, la dégradation d'un véhicule mis à sa disposition, des comportements non appropriés vis-à-vis de la clientèle ou de ses propres salariés.

Sur les retards ou absences des chauffeurs :

Le 8 mars 2018, la société AC2E écrit par lettre recommandée à la société POS qu'au cours du mois précédent, à 4 reprises l'un des chauffeurs a été absent ou la tournée a été partielle. Dans un courriel du 8 avril 2018, elle déplore l'absence d'un chauffeur à 2 reprises depuis le début du mois.

Dans un courriel du 10 avril 2018, la société AC2E écrit : « nous avons encore une absence ce matin sans être prévenu, nous sommes dans l'obligation d'assurer nous-même la tournée avec notre personnel (') ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons dans cette situation et que nous devons prendre le relais. Entre les bacs perdus, la marchandise perdue et jamais retrouvée, les chauffeurs en retard quasiment tous les jours, comment être sûr de votre collaboration ' Sans compter que le samedi nous n'avons aucun interlocuteur ».

Elle écrit à nouveau le 22 mai 2018 : « ce matin nous avons encore un problème avec le planning chauffeur. En principe nous avons trois chauffeurs à disposition, deux d'entre eux étaient là, le troisième était absent, bien entendu nous n'avons pas été prévenus. Il nous a fallu réorganiser les livraisons, nos clients ont été livrés extrêmement en retard (') c'est de pire en pire. Nous ne pouvons accepter sans arrêt de tels manquements. »

Dans un message du 29 mai 2018, elle alerte la société POS : « je viens vers vous pour vous signaler de nouveaux incidents ('). Lundi 29 mai le chauffeur a refusé de livrer la tournée 2. Aujourd'hui, une nouvelle fois, il refuse de livrer 2 autres clients il a fallu insister pour avoir gain de cause. Je vous demande de ne plus nous mettre à disposition cette personne, il nous menace de ne plus venir travailler le lendemain, importune nos préparateurs de commande, il s'énerve et balance les bacs dans le frigo. ».

Le 2 juin 2018, elle écrit : « le 1er juin le livreur de la tournée 2 n'a pas livré 2 clients Prince Racine Etienne Café, n'a pas du tour respecté l'ordre de la tournée demandée (') » « à retirer aujourd'hui un chauffeur 270 car problème mécanique je fais venir notre joker » ; le 4 juin 2018 : « ne pas compter la livraison du 2ème chauffeur samedi c'était une catastrophe, à livrer les CRT de client A à client B / ZB Fil Rouge a reçu les CRT d'un autre. »

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2018, la société ACE2 écrit « encore une fois de plus le mercredi 29 août le livreur [O] n'est pas à son travail. Nous avons appelé à plusieurs reprises le responsable M. [V] et comme assez souvent il ne nous a pas répondu ni trouvé de solution. Ces attitudes sont inacceptables. Nous avons été obligés de trouver les moyens de nous dépanner alors que c'est votre mission. (') Nous vous mettons en demeure de trouver une solution très rapidement. (') Si dans une semaine aucun rendez-vous n'est fixé nous mettrons un terme prématuré à notre contrat ».

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2018, la société ACE2 écrit « Nous faisons appel à vos services pour effectuer des livraisons à nos clients restaurateurs et nous sommes au regret de vous faire part à nouveau et à maintes reprises de notre très vif mécontentement concernant les prestations effectuées par vos chauffeurs. En effet nous rencontrons tous les jours, toutes les semaines des problèmes de livraison, des absences non prévenues' (') Ces comportements sont préjudiciables au bon fonctionnement de notre société. (') Malgré de nombreux avertissements et rappels de notre part, par mail, par courrier, nous constatons qu'il n'y a aucune amélioration. Vous ne répondez nullement à nos besoins et nos attentes. Nous vous serions gré de bien vouloir nous informer par retour de courrier des dispositions que vous comptez prendre pour nous assurer une meilleure qualité de service ».

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2018, la société ACE2 écrit « encore une fois il y a eu un problème avec [O] qui n'est pas venu. Pas prévenu, nous avons pris du retard et nous avons été obligé de faire une partie de la ramasse nous-même. Bien entendu, M. [V] était aux abonnés absents. Nous vous avons mis en garde que cela ne se reproduise plus et nous voyons que rien n'est fait ».

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2018, la société ACE2 écrit « le samedi 8 septembre 2018, [O] n'est encore une fois pas venu travailler nous mettant dans l'embarras (') ceci est inacceptable, de plus aucun responsable ne s'est empressé de nous donner une solution. Par la présente nous arrêtons cette tournée de ramasse à compter du 15 septembre 2018. (') Nous souhaitons une nouvelle réunion afin de mettre un terme à nos contrats dans plus brefs délais au vu des fautes lourdes que nous avons à vous reprocher ».

Dans un courriel du 18 février 2019, la société AC2E écrit : « à 9h59 je suis prévenue par un chauffeur et non pas son responsable d'une panne de camion, la tournée est arrêtée (') autant dire que 12 clients n'auront pas à 12h leur marchandise. Si je n'insiste pas pour appeler le responsable des chauffeurs, si je n'insiste pas pour qu'il me réponde, je n'ai aucun élément en main pour rassurer les clients ».

Sur la perte ou la rétention des marchandises :

M. [H], chauffeur-livreur pour la société POS du 26 janvier 2018 au 3 mai 2019, atteste : « Un jour le coordinateur des chauffeurs M. [Y] nous a guetté à la sortie de la société AC2E, j'allais partir en livraison mon camion était chargé de 25 clients environ, les ordres étaient de nous interdire d'aller sur [Localité 11] pour livrer les clients, alors M. [Y] nous a dit de le suivre jusqu'à [Localité 6], chez Warning, en attendant qu'AC2E fasse un virement (') on est resté au siège pendant un très long moment (') et puis M. [Y] nous a dit de repartir livrer les clients ça a duré tout une partie de l'après-midi les clients étaient furieux on s'est fait gronder par une bonne partie des clients, certains ne voulaient plus de leurs marchandises il a fallu les ramener à la société AC2E ».

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2018, la société ACE2 écrit « 2/07 (') sur [9], le livreur a perdu : foi de veau, bavette, onglet (') mardi marchandise manquante livraison 2 rôtis de porc cuits et 1 c'ur (') le 21/06 le client [4] manque 20 kg de train de côte de b'uf (') le 5/07 client [10] il manquait 7,5 kg de filet de poulet halal, le 5/07 manque pour le client [7] 5,2 kg de cheveux d'anges (') samedi livreur a perdu 6 kg onglet sur le client [5] alors que notre préparateur lui a donné en mains propres (') pour les pertes de poids je vous signale que c'est le chauffeur de la tournée 2 ».

M. [A], restaurateur, client de la société AC2E atteste qu'il lui a souvent « manqué de la marchandise lors que la livraison (') je n'ai plus de problèmes depuis avril 2019 ».

M. [K], restaurateur, client de la société AC2E depuis 2011, atteste : « sur la période de février à mi-2018, les livraisons de marchandises n'étaient pas en rapport avec les BL. Régulièrement, il manquait entre 4 et 7kl de produits. Cela fut très préjudiciable pour mon entreprise car je travaillais avec AC2E en confiance et je n'avais jamais vu cela. »

Mme [W], restauratrice, cliente de la société AC2E, atteste : « j'ai constaté à plusieurs reprises qu'il me manquait des produits (s'agit-il d'un vol ou autre je ne sais pas) ».

M. [Z], chef de cuisine, atteste que « à plusieurs reprises avec les chauffeurs de votre société nous avons constaté que la marchandise manquait dans les bacs de livraison, je suis parti regarder dans le camion et elle y était (') ».

Sur le non-respect de la réglementation sanitaire et de la chaîne du froid :

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2018, la société ACE2 écrit « sur la tournée 3, sur le client Gloria, le livreur a laissé la marchandise dehors alors que nous avions dit de la laisser chez le voisin au frais ; a été retrouvée le soir chaude ».

Dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2018, la société ACE2 écrit « nous allons devoir vous facturer une palette de saucisses congelées qui auraient dû être déposées par [O] à notre entrepôt frigorifique chez Cfroid. Le travail n'a pas été fait, cette palette de saucisse est décongelée et non consommable ».

M. [B], chef de cuisine, atteste que le livreur a « déposé les poches de viande sur les fauteuils club ou à même le sol devant la clientèle du comptoir de la brasserie ».

Mme [W], restauratrice, atteste : « le livreur de la société AC2E a déposé à plusieurs reprises des cartons de marchandises à même le sol (denrées périssables) ».

Sur les comportements inappropriés vis-à-vis de la clientèle et des salariés de la société AC2E :

Dans un courriel adressé à la société AC2E le 21 août 2018, M. [U], gérant du café [8] écrit : « (') je vous demande de ne plus me faire livrer par cette personne et que s'il se présente devant mon affaire, je considère cela comme une menace' ça fait plusieurs de vos livreurs qui agissent de manière cavalière donc je ne supporte plus si vous ne réagissez pas rapidement je serais contraint de quitter vos services au bout de 7 ans ».

M. [D], chef chez un client de la société AC2E atteste qu'un livreur lui a dit « Dépêche-toi je n'ai pas que ça à faire tu n'es pas tout seul ».

M. [B], chef de cuisine, atteste que le livreur est « un matin de printemps 2018, arrivé dans un état agressif en me disant que nous ne savions pas nous organiser pour le recevoir. Il ne doit jamais attendre, même jusqu'à tamponner le bordereau de livraison lui-même (') ».

M. [R], restaurateur, atteste que le 10 janvier 2019, il a constaté que « le livreur est arrivé sans dire un mot, et en mettant à mal la marchandise et le mobilier de l'établissement, et est reparti sans vérification ni excuses de sa part en jetant sur le comptoir le bon de livraison. »

M. [Z], chef de cuisine, atteste que le chauffeur « a refusé de contrôler les marchandises et a refusé que je les contrôle. Ce sont des pratiques incorrectes et intolérables, heureusement que nous connaissons le sérieux de votre commercial, [I] [J], sinon nous aurions immédiatement cessé notre collaboration ».

Est enfin versé aux débats la plainte pénale du 14 févier 2019 de Mme [F], préparatrice de commande chez la société AC2E qui témoigne que « l'un des chauffeurs livreurs, un nommé [E] me parle mal depuis 5 mois (') il m'a demandé de coller un colis et je lui ai dit d'attendre une seconde car je faisais autre chose. Il m'a dit alors ton travail c'est de la merde il faut que tu changes de travail car tu fais de la merde et t'as un cerveau de pute (') j'ai peur quand il va venir chercher la marchandise qu'il me la jette sur les jambes ou autre mais s'il se passe quoi que ce soit, j'ai prévenu les patrons que j'appellerai la police (') ».

Par ses courriers et courriels, corroborés par des témoignages précis et concordants de plusieurs clients et d'un ancien salarié de la société POS, ainsi que par la plainte pénale de l'une de ses salariés, la société AC2E démontre que la société POS a failli, de façon répétée, dans l'exécution de ses obligations. Ces manquements présentent une gravité certaine puisque, outre la désorganisation de l'entreprise, ils sont de nature à altérer l'hygiène des denrées transportées, à détériorer les conditions de travail de l'une de ses salariés, et ils portent atteinte à l'image commerciale de la société AC2E.

Contrairement à ses affirmations, la société POS ne justifie pas, au travers de ses courriels du 10 avril 2018 et 18 janvier 2019, et par ses courriers du 11 janvier 2018, 10 avril 2018, et du 27 novembre 2018, avoir corrigé les dysfonctionnements mis en lumière par la société AC2E, puisqu'aucun d'entre eux ne fait état des mesures prises pour remédier durablement aux difficultés. Le remplacement d'un chauffeur en septembre 2018 et l'émission de 5 avoirs apparaissent largement insuffisants au regard de la gravité des manquements constatés et de leur répétition.

Il convient en conséquence d'imputer la rupture des 3 contrats conclus les 6 et 20 novembre et 12 décembre 2017 aux torts exclusifs de la société POS, en confirmant le jugement sur ce point.

Sur la portée de la clause résolutoire prévue contractuellement en cas de rupture unilatérale du contrat

L'article 15 des contrats stipule :

« Chaque partie pourra résilier le contrat en cas de survenance d'un des évènements suivants :

(a) En cas d'inexécution par une partie de l'une quelconque de ses obligations principales au titre du présent contrat, à moins qu'il soit remédié à ce manquement dans un délai de quinze jours après mise en demeure

(b) Une disposition substantielle du contrat se révèle nulle et cette nullité est de nature à empêcher la bonne exécution par une partie de ses obligations au titre du contrat

(c) Une partie modifie, suspend ou cesse d'exercer une partie substantielle de son activité et que cette modification, suspension ou arrêt de l'activité et de nature à empêcher la bonne exécution par l'une quelconque des parties de ses obligations au titre du présent contrat.

La résiliation prononcée en application du présent article pourra être effectuée à tout moment moyennant un préavis de 5 jours par l'envoi d'une notification adressée à la partie défaillante, laquelle lettre devra spécifier la date à compter de laquelle la résiliation prend effet, à moins qu'il ne soit remédié au manquement avant l'expiration dudit préavis. »

S'appuyant sur cette clause, la société POS soutient que la société AC2E n'a pas respecté la procédure de résiliation prévue, à savoir : l'envoi d'une mise en demeure décrivant les manquements, un délai de 15 jours pour remédier aux manquements, une notification par LRAR du constat de la défaillance et de la résiliation, et un délai de 5 jours laissé au contractant pour remédier aux manquements.

D'après elle, la résiliation du conseil de la société AC2E par sa lettre du 8 mars 2019 n'a pas de valeur juridique car seul le gérant de la société a le pouvoir de résilier un contrat, sauf en cas de production d'un mandat spécial écrit, qui n'est pas produit.

Elle affirme que les ruptures des contrats sont fautives et engagent sa responsabilité. La société POS demande la condamnation de la société AC2E à lui payer les mensualités restant à courir entre la rupture fautive et le terme des trois contrats, soit un total d'abonnement dû de 481 775, 60 euros.

A titre subsidiaire, la société POS demande une indemnisation à hauteur de son taux de marge, calculé à 35%, soit 168 621 euros.

Elle demande enfin qu'il lui soit alloué la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral.

La société AC2E réplique avoir respecté les termes des clauses de résiliation anticipée prévues aux contrats de 2017, qui ne précisent rien quant aux conditions de forme à respecter pour l'émission de la mise en demeure préalable à la résolution du contrat concerné. De plus, la société AC2E dit avoir respecté les délais contractuels requis puisqu'il s'est écoulé plus d'un an entre sa première lettre faisant part des manquements contractuels de la société POS et la lettre de notification de la rupture. En tout état de cause, la société AC2E affirme qu'elle pouvait résoudre unilatéralement le contrat pour manquement grave de la société POS.

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution du contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'une inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Aux termes de l'article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire son engagement dans un délai raisonnable.

La société AC2E justifie avoir mis en demeure à la société POS d'avoir à remédier aux dysfonctionnements constatés à de multiples reprises.

Le tribunal a jugé que la clause résolutoire des contrats stipulait des délais de préavis de 15 et 5 jours et a condamné la société AC2E à payer à la société POS les loyers attachés aux trois contrats durant cette période. Toutefois, au regard de la gravité des manquements de la société POS, la société AC2E était en droit, en application de l'article 1224 al 2 du code civil, de s'affranchir de la clause résolutoire prévue à l'article 15 du contrat, et de notifier la résiliation immédiate des trois contrats par courrier recommandé du 8 mars 2019, dont il importe peu qu'il ait été transmis par son conseil, à qui elle avait donné mandat.

La rupture du contrat étant intervenu à ses torts exclusifs, il convient par voie d'infirmation de rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de la société POS au titre de son préjudice financier et moral.

Sur les demandes indemnitaires de la société AC2E :

La société AC2E soutient avoir subi un préjudice financier suite aux défaillances de la société POS, en raison de l'émission d'avoirs, et de la perte d'une cinquantaine de clients, représentant un quart de sa clientèle. Elle fait valoir qu'elle a perdu l'opportunité de poursuivre ses engagements financiers avec les clients perdus. Elle estime le montant total de sa moins-value à la somme de 983 515,25 euros. Elle affirme que sa perte de chiffre d'affaires ne se limite pas aux seuls clients directement impactés en 2018 et elle demande que soit constatée une perte de chance, correspondant à 25% du montant total de la moins-value. La société AC2E soutient avoir subi un préjudice moral du fait de l'atteinte à son image professionnelle et à la qualité de ses prestations.

La société POS réplique que la société AC2E ne rapporte pas la preuve que la rupture de ses relations avec ses clients est liée aux dysfonctionnements de la société POS. L'absence de maintien de ces contrats ne constitue pas un préjudice indemnisable au titre de la perte de chance. Elle affirme que la preuve d'un préjudice moral n'est pas rapportée.

Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre sa propre obligation,

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation,

- obtenir une réduction du prix,

- provoquer la résolution du contrat,

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Sur le préjudice financier de la société AC2E :

La société AC2E verse aux débats un extrait du compte client « addict factory » faisant état de la délivrance de plusieurs avoirs entre le 9 mai 2018 et le 1er février 2019, et elle expose avoir dû engager une procédure de recouvrement à son encontre, le client n'ayant plus payé ses factures. Elle n'établit cependant pas l'existence d'un lien de causalité entre les avoirs et la procédure de recouvrement et les manquements de la société POS dans l'exécution du contrat.

La société AC2E verse par ailleurs aux débats un tableau confectionné par ses services représentant 55 clients qui auraient été impactés par les dysfonctionnements de la société POS, ainsi qu'un extrait du grand livre et de leurs comptes clients.

La lecture de ces documents fait ressortir une baisse brutale de son chiffre d'affaires entre 2018 et 2019 (de 230 002,61 à 36 457,26 euros).

Toutefois, la société AC2E ne rapporte pas la preuve que la perte de clientèle alléguée soit imputable à la société POS, même si des incidents affectant les livraisons sont documentés. Il n'est produit aucun écrit de clients relatant avoir rompu les relations avec la société AC2E en raison de dysfonctionnements affectant les livraisons.

En l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les carences de la société POS, il convient de rejeter la demande indemnitaire de la société AC2E au titre de sa perte de chance de gains. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société POS à verser à la société AC2E la somme de 7 711,76 euros à ce titre.

Sur le préjudice moral de la société AC2E :

La société AC2E justifie que son image commerciale a été altérée par les dysfonctionnements répétés de la société POS lors des livraisons, ainsi qu'il ressort des attestations de ses clients versées aux débats.

Il en résulte indubitablement un préjudice et la cour dispose d'éléments suffisants pour condamner, par voie d'infirmation, la société POS à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre.

Sur la demande de la société POS au titre des factures impayées :

La société POS soutient qu'au titre de ses prestations, la société AC2E reste lui devoir la somme de 35 880,93 euros, dont elle réclame le paiement.

La société AC2E réplique que la demande de la société POS est irrecevable au vu des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, et qu'elle ne justifie pas sa créance.

Aux termes des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date des assignations objet du litige, « L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.

Elle comprend en outre l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Elle vaut conclusions ».

Il s'ensuit que les seules mentions prescrites à peine de nullité de l'assignation sont énumérées aux 1° à 4° des dispositions précitées et qu'aucune sanction n'est prévue s'agissant de la mention des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

L'absence de recours amiable de la société POS concernant sa créance est en outre justifié par la dégradation des relations des parties, notamment au regard de la lettre de résiliation du contrat transmise par la société AC2E le 8 mars 2019.

En conséquence, la demande en paiement de la société POS sera dite recevable.

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

L'article L.110-3 du code de commerce consacre le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants.

La société POS verse aux débats une attestation de son expert-comptable, certifiant le calcul du solde comptable « client AC2E ». Cette attestation reproduit les extraits du grand-livre comptable de la société POS.

La société AC2E n'apporte aucune pièce qui pourrait établir le paiement de la somme réclamée.

Au vu de ces éléments, la créance de la société POS est justifiée et il convient, par voie d'infirmation, de condamner la société AC2E à payer à la société POS la somme de 35 880,93 euros.

Sur la demande de la société POS au titre de son préjudice moral :

La société POS soutient que la mauvaise foi de la société AC2C au cours de la relation contractuelle lui a causé un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 15 000 euros.

La société AC2E conclut au rejet de cette demande.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait ayant causé un dommage à autrui oblige celui par lequel le dommage est arrivé à le réparer.

La société POS ne démontre cependant pas l'existence de son préjudice ni de la faute de la société AC2C qu'elle allègue. Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui l'a déboutée de ce chef.

Sur les mesures accessoires :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Chacune des parties ayant succombé partiellement, elles seront tenues pour moitié aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dans la limite de l'appel,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 18 mai 2021 sauf en ce qu'il a :

- Condamné la société AC2E à payer à la société [Localité 11] Opération Spéciale la somme de 9 625,40 euros, au titre de la rupture des contrats des 6 novembre 2017, 20 novembre 2017 et 12 décembre 2017 ;

- Débouté la société [Localité 11] Opération Spéciale de sa demande de paiement de la somme de 35 880,93 euros, au titre des factures impayées ;

- Condamné la société [Localité 11] Opération Spéciale à payer à la société AC2E la somme de 7 711,76 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier ;

- Débouté la société AC2E de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette les demandes de la société [Localité 11] Opérations Spéciales au titre de la rupture des contrats ;

Rejette la demande de la société AC2E en dommages et intérêts au titre d'un préjudice financier ;

Condamne la société [Localité 11] Opération Spéciale à payer à la société AC2E la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Dit la demande de la société [Localité 11] Opération Spéciale au titre des factures impayées recevable ;

Condamne la société AC2E à payer à la société [Localité 11] Opération Spéciale la somme de 35 880,93 euros au titre des factures impayées ;

Rejette les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait masse des dépens d'appel et dit que chaque partie en supportera la moitié.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/11195
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;21.11195 ?
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