Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 12 JUIN 2024
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09606 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2TR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2022 - tribunal judiciaire d'Evry - 8ème chambre - RG n° 19/04597
APPELANTE
Madame [F] [N]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie LEHOT-CANOVAS de la SCP SAID-LEHOT-WATREMEZ-CHASSAING, avocat au barreau d'Essonne
INTIMÉS
Monsieur [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Patrice PAUPER de la SELARL CABINET D'AVOCATS PAUPER & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'Essonne, avocat plaidant
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS
[Adresse 3]
[Localité 2]
N°SIRET : 552 002 313
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christophe FOUQUIER de l'ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, avocat au barreau de Paris, toque : R110, substitué à l'audience par Me Bénédicte HIEBLOT, avocat au barreau de Paris du même cabinet
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre entendu en son rapport, et Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
Madame Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
M. [Y] et Mme [N], alors concubins, ont signé une promesse de vente le 23 juillet 2018 en l`étude de Maître [X], notaire à [Localité 7], concernant un bien immobilier sis à [Localité 8], pour un montant de 345.000 euros. Le 6 décembre 2018, la Banque Populaire Rives de Paris leur a adressé une offre de prêt d'un montant de 345 000 euros remboursable sur une durée de 240 mois selon un taux d'intérêt d'1,45%.
En raison d'une erreur informatique selon elle, et en l'absence de signature du contrat, la Banque Populaire Rives de Paris va enregistrer dans son système informatique ce crédit comme étant octroyé.
Le 20 décembre 2018, les consorts [Y] [N] ont signé chez le notaire l'acte de vente, et la banque a adressé les fonds à ce dernier, en l'absence de signature du contrat de crédit.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 avril 2019, la Banque Populaire Rives de Paris a mis en demeure les consorts [Y] [N] d'avoir à restituer la somme de 339.516,93 euros. Ce courrier est resté sans effet. Le 21 janvier 2019 Mme [N] et M. [Y] indiquent s'être séparés.
Par exploit d'huissier du 19 juin 2019, la Banque Populaire Rives de Paris a fait assigner M. [Y] et Mme [N] devant le tribunal judiciaire d'Evry en remboursement du prêt.
Par un jugement contradictoire du 24 mars 2022 le tribunal judiciaire d'Evry a :
-condamné solidairement, Monsieur [K] [Y] et Madame [F] [N] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 339.516,93 € (trois cent trente-neuf mille cinq cent seize euros et quatre-vingt-treize centimes), avec intérêts au taux légal à. compter du 19 juin 2019 ;
- débouté la Banque Populaire Rives de Paris de sa demande de capitalisation des intérêts ;
- débouté Monsieur [K] [Y] et Madame [F] [N] de leurs demandes concernant une indemnité de remboursement ;
- débouté Monsieur [K] [Y] de ses demandes reconventionnelle à l'égard de Madame [F] [N], ainsi que celles de Madame [F] [N] à l'égard de Monsieur [K] [Y] ;
- condamné Monsieur [K] [Y] et Madame [F] [N] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) au titre de l`article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Christophe Fouquier, sur le fondement de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;
- rejeté le surplus des demandes des parties.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 16 mai 2022, Mme [N] a interjeté appel de cette décision contre la Banque Populaire Rive de Paris et M. [Y].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2022, Mme [F] [N] fait valoir :
qu'en vertu de l'article 1303 du code civil et de la jurisprudence, l'action in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri. Une simple faute suffit à priver l'appauvri de son droit à restitution peu important que cette dernière soit simple, lourde ou intentionnelle. Selon les articles L.313-34 et L.313-35 du code de la consommation, aucun versement ne doit intervenir entre l'établissement de crédit et l'emprunteur avant l'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur, à défaut la banque commet une faute. Or en l'espèce, Mme [N] et M. [Y] ont sollicité de la Banque Populaire l'octroi d'un crédit immobilier, ils ont constaté des erreurs formelles dans l'offre de prêt réceptionnée. Ils ont alors refusé de la transmettre signée à la banque, mais la banque a procédé malgré tout à l'octroi des fonds entre les mains du notaire instrumentaire le 13 décembre 2018 soit avant l'expiration du délai de réflexion. Un tel versement est intervenu en contravention aux dispositions du code de la consommation. Dès lors, il ne saurait s'agir que d'une simple erreur informatique, mais d'un manquement qui n'a pu être que délibéré. Ce manquement est fautif et préjudiciable à Mme [N] et M. [Y]. Mme [N] a sollicité, à plusieurs reprises, la banque pour que celle-ci lui adresse une offre de prêt conforme afin de pouvoir y apposer sa signature. Mme [N] a pris d'elle-même l'initiative de contacter le service immobilier de la Banque Populaire afin de trouver une solution sans dommage pour quiconque. Elle n'a jamais eu aucune intention sournoise ou malveillante à l'encontre de la banque qu'elle n'a eu de cesse de contacter avant la signature de la vente et par la suite pour que lui soit enfin adressé un contrat conforme aux conditions négociées. La banque a été négligente puisqu'elle a attendu plusieurs mois avant de se saisir de ce dossier, alors même qu'elle a été alertée à de nombreuses reprises par Mme [N]. Subsidiairement, la faute commise par la banque a fait subir un préjudice à Mme [N] qui ne bénéficie pas des dispositions protectrices du droit de la consommation et notamment de la possibilité de rembourser l'emprunt par échéances. En tout état de cause, en raison des négligences répétés de la banque, celle-ci doit être déboutée de ses demandes de versement des intérêts et de la capitalisation des intérêts,
qu'il ressort des conclusions de la banque que M. [Y] n'a jamais adressé l'offre de prêt signé à l'établissement de crédit. De plus, Mme [N] a démontré sa bonne foi aux travers de ses échanges avec la banque. En outre Mme [N] et M. [Y] ont acquis la maison d'habitation en indivision de sorte que M. [Y] est propriétaire de 50% de la maison d'habitation et que corrélativement il est redevable, si la cour devait entrer en voie de condamnation, de la moitié de la somme réclamée. Toute condamnation de Mme [N] à relever garantie M. [Y] de l'ensemble des sommes dues enrichirait de façon injustifiée ce dernier au détriment de Mme [N].
que M. [Y] sollicite sur le fondement de l'article 815-9 du code civil un indemnité de jouissance à compter de janvier 2019 de 1 200 euros. Or Mme [N] et ses enfants n'ont pas résidé immédiatement dans la résidence commune, comme en atteste le contrat de déménagement et le contrat de réexpédition de courrier. De plus, la maison est, en l'état, complètement inhabitable et insalubre, de sorte que Mme [N] ne peur en jouir paisiblement. M. [Y] est responsable de cet état, car il est lié aux travaux qu'il a initié, puis, en quittant Mme [N], empêchant leur réalisation. Si Mme [N] disposait de moyens financiers suffisants, elle habiterait dans une autre maison d'habitation. En l'absence de possibilité d'habiter paisiblement l'habitation et a fortiori de la louer, la valeur locative du bien est nulle. Ainsi la demande de versement d'une indemnité n'est pas fondée ni justifiée en son montant.
Mme [N] fait valoir que conformément à l'article 815-3 du code civil, elle sollicite le remboursement par M. [Y] de la moitié des frais engagés pour le compte du bien indivis qui correspondent aux travaux engagés sous la supervision et la direction de Monsieur [Y] et réglés ultérieurement par Mme [N] ; aux travaux de mise aux normes du bien indivis et aux autres frais engagés par Mme [N] pour le compte de l'indivision. Comme le démontrent plusieurs courriels, c'est M. [Y] qui a ordonné les travaux que Mme [N] a assumé seule. Mme [N] a dû assumer d'autres travaux impérativement nécessaires pour la mise aux normes de la maison d'habitation. Enfin elle a pris en charge les factures EDF, d'eau, Free, de la MAAF jusqu'au mois de mai 2019 alors même qu'elle ne résidait pas dans la maison commune et a réglé l'assurance moto de M. [Y]. Mme [N] a versé au notaire en vue de l'acquisition de la résidence commune la somme de 15 500 € alors que M. [Y] n'a versé que la somme de 10 700 €. Enfin, Mme [N] a proposé de conserver le bien en rachetant la part de M. [Y], déduction faite de la créance qu'elle détient à l'égard de ce dernier et demande à la cour, au visa des articles 815-9, 815-13 et 1303 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile de :
-infirmer le jugement rendu le 24 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Evry dans toutes ses dispositions, et, ce faisant :
-dire et juger que les demandes de Madame [F] [N] sont recevables ;
-débouter la société Banque Populaire Rives de Paris ainsi que Monsieur [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
-dire et juger que la société Banque Populaire Rives de Paris a commis une faute en procédant au déblocage des fonds sans offre et hors délai ;
-débouter en conséquence la société Banque Populaire Rives de Paris de sa demande de restitution de la somme de 339 516,93 €, outre les intérêts ;
Subsidiairement, si la Cour devait entrer en voie de condamnation ;
-dire et juger que Madame [F] [N] ne peut être condamnée solidairement et ne pourra être tenue de restituer à la demanderesse que 50% des sommes débloquées par celle-ci ;
-en tout état de cause,
-débouter la société Banque Populaire Rives de Paris de toutes demandes et pénalités plus amples et accessoires et notamment la capitalisation des intérêts ;
-débouter Monsieur [Y] de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de Madame [N] ;
-dire et juger que Madame [N] n'a rejoint le bien indivis qu'en mai 2019 ;
-dire et juger que le bien indivis est insalubre et qu'il ne peut faire l'objet d'une location en l'état ;
-débouter Monsieur [Y] de sa demande de versement d'une indemnité de jouissance par Madame [N] ;
-condamner Monsieur [Y] au versement de la somme de 47 993,89 € à Madame [N] au titre des frais engagés par cette dernière pour le compte de l'indivision ;
-condamner tout succombant à verser à Madame [N] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner tout succombant aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2023, la Banque Populaire Rives de Paris expose :
- que M. [Y], qui a la charge de la preuve de ses affirmations, n'apporte aucunement la démonstration qu'il aurait déposé une demande de financement le 4 juillet 2018, d'autant que la promesse de vente n'a été signée que le 23 juillet 2018. Dès lors, il n'est pas démontré que la banque ait commis une faute en tardant à émettre une offre de prêt. Par ailleurs, M. [Y] n'a jamais retourné l'offre de prêt signée et l'offre produite par M. [Y] n'est pas signée. La jurisprudence invoquée par M. [Y] et Mme [N] n'est pas transposable à l'espèce puisque les prétendues fautes reprochées bénéficient exclusivement aux consorts [Y]-[N] puisque grâce à celles-ci, ils ont obtenu la somme de 345 000 euros pour acquérir un bien immobilier. Ils ont accepté de recevoir cette somme alors qu'ils savaient parfaitement que les offres de crédit n'avaient pas été retournées signées. Ainsi faire droit à leurs demandes aurait pour conséquence de leur permettre d'obtenir la propriété d'un bien immobilier gratuitement et serait en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation. A titre complémentaire, l'article 1303-2 du code civil laisse la faculté au juge, à supposer qu'une faute ait été commise, de modérer le droit à indemnisation en fonction des circonstances de l'espèce. Dès lors, les prétendues fautes reprochées à la banque ne permettent pas à M. [Y] et Mme [N] de voir les demandes de la banque rejetées. Sur le délai de réflexion, l'article L313-35 du code de la consommation n'a pas lieu de s'appliquer en l'absence de lien contractuel entre les parties. Surabondamment, la méconnaissance du délai de réflexion est sanctionnée, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, par la nullité du crédit, ce qui a des effets qui sont strictement identiques à la demande de restitution (puisque seules les sommes dues en capital sont sollicitées par la banque). En l'espèce, aucune offre de crédit n'ayant été signée, il n'y a aucune annulation encourue. Toutefois, au titre des sommes versées indument, la banque ne sollicite que les seules sommes dues en capital. La situation est donc parfaitement analogue à celle issue d'une application de l'article L 313-5 du code de la consommation. En second lieu, M. [Y] et Mme [N], ont bénéficié tous deux des fonds reçus sans fondement contractuel. C'est la totalité des fonds débloqués qui doit être réglée et M. [Y] est mal fondé à tenter de se prévaloir de règlements partiels correspondant à sa prétendue quote-part. En troisième lieu, la majorité des courriels communiqués par Mme [N] pour justifier de la réalité des contacts qu'elle a eus avec la banque sont postérieurs à la signature de l'acte authentique de vente du bien immobilier. Les trois seuls courriers antérieurs confirment que Mme [N] n'a pas informé avant la signature de la vente immobilière la banque de l'erreur commise qu'elle invoque aujourd'hui au titre des offres de crédit et qu'elle a accepté que les fonds soient versés au notaire alors qu'elle n'avait pas retourné les offres de crédit, ce qui établit sa mauvaise foi. En quatrième lieu, les consorts [Y]-[N] n'ont effectué aucun règlement partiel depuis mars 2019. Enfin, en dernier lieu, M.[Y] et Mme [N] ont signé l'acte d'acquisition en décembre 2018 chez le notaire sans informer ce dernier que les fonds reçus de la banque par erreur ne résultaient d'aucun contrat de crédit et ils n'ont pas ensuite davantage contacté la banque pour tenter de régulariser leur situation. Sur le quantum, les consorts [Y]-[N] en acceptant de recevoir la somme pour acquérir le bien immobilier, ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude, pour invoquer l'existence d'une quelconque prétendue faute commise par la banque. De plus la créance dont se prévaut la banque est une créance de restitution, qu'il n'y a pas lieu de modérer car les consorts [Y]-[N] ne contestent pas avoir reçu la somme de 345 000 euros et que la créance de la banque correspond au versement de cette somme à laquelle ont été déduites les sommes perçues par la banque. Le paiement des intérêts aux taux légal à compter de la date de la mise en demeure, soit le 4 avril 2019, n'est pas abusive car les consorts [Y]-[N] ont bénéficié depuis décembre 2018 de la somme de 345 000 euros. Ces intérêts au taux légal dus de plein droit sont d'autant plus justifiés que les consorts [Y]-[N] ne procèdent à aucun remboursement depuis mars 2019.
De même, la condamnation in solidum des consorts [Y]-[N] s'impose puisque les fonds versés par la banque leur ont profité indistinctement, rien ne justifie que Mme [N] ou M. [Y] ne soient condamnés chacun qu'à hauteur de 50% des sommes réclamées et rien ne justifie que cette restitution se fasse qu'après l'éventuel rachat de la part de M. [Y] et d'un hypothétique accord. La banque n'entend pas faire partie d'un accord qui ne la concerne pas. A titre infiniment subsidiaire, la condamnation à restitution à hauteur de 50% chacun sera assorti des intérêts à taux légal à compter du 4 avril 2019 à l'égard de M. [Y] et outre intérêt de retard à l'égard de Mme [N], de soret qu'elle demande au visa des articles 1303 et 1303-1 du code civil de :
-confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire d'Evry du 24 mars 2022 sauf en ce que ledit jugement a fixé le point de départ des intérêts au taux légal au 19 juin 2019.
Ce faisant,
-condamner in solidum ou solidairement Monsieur [K] [Y] et Madame [F] [N] à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 339.516,93 € outre intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 date de mise en demeure.
-Débouter Monsieur [K] [Y] et Madame [F] [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire,
Si la Cour estime que les deux codébiteurs ne peuvent être condamnés solidairement au paiement des sommes susvisés, alors :
-condamner Monsieur [K] [Y] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 169.758,46 € outre intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019, date de mise en demeure.
-condamner Madame [F] [N] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris la somme de 169.758,46 € outre intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019, date de mise en demeure.
En tout état de cause,
-confirmer le jugement de 1ère instance au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et des dépens et condamner ainsi Monsieur [K] [Y] et Madame [N] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris une somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles de 1ère instance ainsi que les entiers dépens de 1ère instance.
Y ajoutant
-condamner Monsieur [K] et Madame [F] [N] à payer à la Banque Populaire Rives de Paris une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maitre Christophe Fouquier, avocat, sur le fondement de l'article 699 du CPC,
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2022, M. [Y] fait valoir :
que s'il ne conteste pas que la banque ait droit au remboursement de la somme versée, la banque a commis une faute manifeste. L'enrichissement sans cause suppose un enrichissement au moment où la demande est présentée, que celui qui a procuré l'enrichissement se soit corrélativement appauvri, que l'enrichissement soit injustifié, que la demande de remboursement de l'enregistrement injustifié soit la seule action susceptible de pourvoir à l'indemnisation de l'enrichissement et que la somme remboursée à l'appauvri est égale à l'enrichissement mais ne peut pas dépasser le montant de son appauvrissement. Selon la jurisprudence, l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute de l'appauvri. Or en l'espèce, si M. [Y] a accepté cette offre qui lui paraissait conforme aux accords pris, Mme [N] a refusé de signer celle-ci au motif que celle-ci comportait des erreurs formelles. La banque prétend avoir procédé au déblocage des fonds en raison d'une erreur informatique mais ne justifie pas cette erreur. Il est certain qu'il s'agit d'une erreur humaine commise soit au niveau de l'agence commerciale soit auprès du service prêts en charge de monter le dossier de financement. En tout état
de cause, à aucun moment les fonds ne devaient être versés au notaire avant la réception des offres de prêt formalisées et régulièrement paraphées et signées par M. [Y] et Mme [N]. La banque tente de reporter la faute sur M. [Y] et Mme [N] alors qu'elle a tardé à émettre les offres alors qu'elle connaissait la date butoir du 23 octobre 2018, qu'elle a émis des offres non conformes et qu'elle a débloqué les fonds auprès du notaire sans disposer des offres signées de ses clients et sans s'assurer du respect du délai de réflexion de 10 jours. La banque a commis une faute certaine, peu importe qu'elle soit qualifiée de légère ou lourde. M. [Y] pensait que l'erreur matérielle serait rapidement régularisée par la banque et le dossier mis à jour. L'acte de vente devait être réitéré initialement au plus tard le 23 octobre 2018 et que le dossier a mis 2 mois supplémentaires, le notaire ne pouvait pas reculer ou décaler car le vendeur exigeait la signature. Il s'agit donc d'une faute manifeste de la banque et non une simple erreur. Si la banque avait agi du début à la fin sans faire de faute Mme [N] aurait signé l'offre de prêt et la banque aurait pu, en cas de défaut de remboursement, engager sans délai une procédure de saisie immobilière pour recouvrer sa créance. La faute de la banque justifie la modulation de l'indemnité de remboursement, conformément à l'article 1303-2 du code civil. Par ailleurs, M [Y] et Mme [N] ne sont chacun propriétaire qu'à hauteur de 50 % de ce bien immobilier, de sorte qu'ils ne peuvent être condamnés à verser 100 % de la somme versée à tort, d'autant que, conformément à l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. De plus, rien ne justifie que M. [Y] soit condamné à régler des intérêts de retard à la banque depuis le mois d'avril 2019, pas plus que cela justifie qu'il soit condamné au remboursement de tout ou partie des frais et honoraires dont la banque a dû faire l'avance par sa faute. Des intérêts ne peuvent courir de la date de la mise en demeure ou de la date de l'assignation car la créance de la banque est de nature délictuelle. Ainsi, en vertu de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts légaux ne peuvent courir qu'à compter du 24 mars 2022, date du jugement de première instance,
qu'il a justifié de sa bonne foi depuis de l'origine puisqu'il avait accepté les conditions de l'offre de prêt et qu'il a procédé, dès le mois de janvier, à l'alimentation du compte joint ouvert à la suite de cette acquisition. Il a également souhaité régulariser la situation avec la banque nonobstant la séparation avec Mme [N]. Cette dernière occupe le bien gratuitement depuis le mois de janvier de 2019. Mme [N] ne peut soutenir avoir pris possession en mai 2019. M. [Y] est bien fondée à solliciter que Mme [N] soit condamnée à le garantir et relever indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Mme [N] a toujours refusé la solution alternative consistant soit à mettre en vente le pavillon, soit de racheter les parts et portions de M. [Y] et de monter un nouveau dossier de financement pour rembourser la banque,
- M. [Y] a saisi le juge aux affaires familial du tribunal judiciaire d'Evry Courcouronnes pour mettre fin à cette indivision. La cour est donc incompétente pour statuer et demande, en conséquence, au visa des articles 815-9 et 815-13 du code civil, de l'article l.213-3 du code de l'organisation judiciaire, des article 1103 et 1303 et suivant du code civil, des articles 1310 et suivants du code civil et de l'article 1231-7 du code civil de :
-juger irrecevable et mal fondée Madame [G] [N] en ses demandes relatives à l'indivision [Y]-[N].
-en conséquence confirmer le jugement déféré de ce chef et l'inviter à mieux se pourvoir devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes.
Sur le fond
-juger irrecevable et subsidiairement mal fondée la Banque Populaire Rives de Paris en ses demandes.
-juger que la Banque Populaire Rives de Paris a commis une faute certaine en procédant au déblocage des fonds sans offre et hors délai.
-juger que cette faute justifie de débouter et subsidiairement limiter le droit à indemnisation de la Banque Populaire Rives de Paris.
-voir ainsi et en conséquence la Cour fixer l'indemnité de remboursement à de plus justes proportions.
-rejeter la demande de condamnation solidaire.
-juger que les intérêts ne pourront courir qu'à compter de la date du jugement.
-condamner Madame [F] [N] à garantir et relever indemne Monsieur [K] [Y] de l'ensemble des condamnations prononcées tant en principal, frais et intérêts.
-débouter la Banque Populaire Rives de Paris et Madame [F] [N] de leurs demandes plus amples ou accessoires.
-condamner tout succombant à verser à Monsieur [K] [Y] une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture rendue le 26 mars 2024.
MOTIFS
Sur la procédure
Le conseil de Mme [F] [N] a sollicité, par message RPVA du 11 avril 2024, le report de la clôture qui a été prononcée le 26 mars précédent en indiquant qu'après que Mme [N] n'avait plus de nouvelles de son avocat plaidant depuis plusieurs mois, son conseil s'était fait confirmer, par courrier du 10 avril 2024 pour le compte du Bâtonnier des Sables d'Olonnes que l'avocat plaidant avait démissionné le 7 mars 2023.
Outre que la cour n'est pas saisie par voie de conclusions, il ne ressort pas de ce message une cause grave postérieure à la clôture justifiant sa révocation, étant observé que l'appelante a conclu le 11 août 2022, la banque le 9 septembre 2022 et M. [Y] le 13 novembre 2022 sans réplique de Mme [N] et que la cour est en possession du dossier de plaidoirie de l'appelante conforme au bordereau de pièce annexé à ses écritures.
Sur les demandes de la Banque Populaire Rives-de-Paris
Ensuite d'une demande de prêt faisant elle-même suite à la signature par Mme [N] et Mme [Y], alors concubins comme ils l'expliquent, d'une promesse de vente notariée d'un bien immobilier en indivision à hauteur de la moitié indivise chacun du 23 juillet 2018, la Banque Populaire leur a adressé une offre de prêt le 6 décembre 2018.
A la demande de la préposée de la banque, faite par courriel du 13 décembre 2018, s'enquérant de la réception de l'offre, M. [K] [Y] a répondu par l'affirmative le lendemain 14 décembre en ajoutant 'maintenant nous attendons le délai() pour les signer et vous les retourner en A/R', Mme [F] [N] ajoutant le même jour 'pour précision, le notaire a fait l'appel de fonds.'
L'acte notarié d'acquisition a été établi le 20 décembre 2018, date à laquelle la banque avait effectué le virement du 13 décembre 2018, à la demande d'appel de fonds du notaire du 11 décembre précédent.
Il est constant qu'à cette date les offres de prêt n'avaient pas été retournées à la banque - et qu'elles ne l'ont jamais été depuis lors - puisque, comme cela résulte d'un courriel ultérieur de Mme [N] du 31 janvier 2019, elle s'était abstenue de signer l'offre au motif, d'une part, que contrairement aux promesses faites en l'agence, l'offre ne comportait pas de dispense de paiement d'une indemnité en cas de remboursement anticipé et, d'autre part, que le numéro du compte devant servir au paiement des échéances étaient celui de M. et Mme [Y] - M. [Y] étant alors en instance de divorce - et non celui des concubins.
Par courriel en date du 24 janvier 2019, Mme [N] a fait part à la banque de sa situation 'inconfortable' en l'absence de contrat de prêt et s'est vue répondre dès le 26 janvier 2019 puis le 7 février 2019 que le numéro du compte de prélèvement avait été modifié et qu'il le serait conventionnellement au moyen d'un avenant dès le retour des offres signées, Mme [N] ayant répondu qu'elle voulait un contrat avant de répondre à une invitation à se rendre en l'agence du 20 février 2019, puis, s'agissant d'une rendez-vous le 13 mars 2019 qu'elle souhaitait être reçue seule sans M. [Y] 'au vu de la situation dans laquelle il m'a mise avec mes enfants + son non investissement dans la réfection de notre maison'.
Il n'a ensuite pas été déféré à la demande de restitution de la somme objet du prêt de 345 000 diminuée des sommes perçues par la banque soit le solde de 339 516,93 euros faite par son conseil - avec lequel il était demandé à Mme [N] de se mettre en relation- par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 avril 2019.
L'article 1303 du code civil applicable en la cause dispose que 'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement', son article 1303-1 que 'l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale'.
L'article 1302 dispose que 'Il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel. L'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement procède d'une faute de l'appauvri.'
Ainsi que l'a retenu le tribunal, qu'en convient expressément M. [Y] et que n'en disconvient par Mme [N], les conditions de l'action en restitution sont réunies dès lors que le versement des fonds par erreur par la banque ne procède pas de son intention libérale et que le contrat de prêt n'avait pas été conclu du fait du défaut de signature des offres, de sorte que Mme [N] et M. [Y] sont tenus, en principe, d'une obligation de restitution.
C'est à juste titre que le tribunal a retenu que le virement par la banque de la somme qu'elle avait offert de prêter à Mme [N] et M. [Y] avant l'acceptation de l'offre de prêt constitue, en elle-même une erreur commune excusable dès lors qu'il ne ressort d'aucun élément qu'elle aurait entendu abréger le délai de réflexion des emprunteurs mais que c'est par une simple méprise que le service de paiement a considéré, à tort, l'offre comme d'ores et déjà acceptée.
Il est exact que, ce faisant, elle a contrevenu aux dispositions de l'article L 313-35 du code de la consommation qui prohibe le versement d'une quelconque somme avant l'expiration du délai de réflexion mais l'invocation de cette disposition est toutefois sans emport dès lors que sa sanction est la faculté pour les emprunteurs de solliciter la nullité du contrat de prêt qui, en l'espèce, n'a pas été conclu, étant ajouté que la conséquence d'une telle nullité entraînerait également une obligation de restitution des sommes.
Surtout, il ne peut qu'être retenu, comme le fait valoir la banque à juste titre, que les emprunteurs auraient dû obvier aux conséquences de l'erreur de la banque et s'en sont délibérément abstenus en dissimulant au notaire ayant établi l'acte de vente le 20 décembre 2018 qu'ils n'avaient pas accepté l'offre de prêt.
Ce faisant, ils ne se sont pas trouvés dans la situation d'une victime à laquelle il ne saurait être reproché de n'avoir pas agi pour éviter un dommage imputable à la banque mais dans celle d'un cocontractant qui s'abstient fautivement de révéler à l'officier ministériel une circonstance qui l'aurait conduit à ne pas instrumenter.
En conséquence, ils ne peuvent se prévaloir de l'erreur de la banque et d'un préjudice en lien avec un manquement pour voir diminuer leur droit à restitution.
Cependant, s'agissant de cette restitution, l'article 1310 du code civil dispose que 'la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas' et il résulte de sa combinaison d'avec l'article 815-17 du code civil que même des dettes nées du fonctionnement de l' indivision ne sont solidaires entre indivisaires que par l'effet de la loi ou celui d'une stipulation expresse, la solidarité ne s'attachant ni à la qualité d'indivisaire ni à la seule circonstance que chacun des indivisaires a tiré profit de la dette contractée par l'indivision.
En l'espèce donc, faute de disposition légale et à défaut pour la banque de pouvoir se prévaloir de la clause de solidarité qui figurait dans le contrat de prêt non souscrit, elle ne peut obtenir la condamnation de chacun des indivisaires qu'à hauteur de la moitié de la somme, représentant sa part dans l'indivision stipulée dans l'acte d'acquisition immobilière, puisque la somme a entièrement servi à ladite acquisition et a donc profité à chacun des indivisaires dans cette mesure.
En conséquence, il y a lieu de condamner, chacun, Mme [F] [N] et M. [K] [Y] à payer à la société Banque Populaire la somme de (339 516,93 euros/2)= 169 758,46 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande de restitution du 4 avril 2019 dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit de la moindre des valeurs citées par l'article 1303 du code civil.
La capitalisation des intérêts, de droit en vertu de l'article 1343-2 du code civil, doit être ordonnée à compter de la justification de la demande en justice, soit les conclusions de première instance de la banque du 4 mai 2021.
Sur les demandes entre Mme [F] [N] et M. [K] [Y]
C'est à juste titre que le tribunal, faisant application de L 213-3 2° du code de l'organisation judiciaire, a retenu la compétence exclusive du juge aux affaires familiales pour statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des concubins, M. [Y] indiquant avoir d'ores et déjà saisi le tribunal judiciaire d'Evry à cet effet, une médiation étant en cours, de sorte que le jugement doit seulement être réformé en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes, lesquelles doivent être déclarées irrecevables, de même que celles de M. [Y] à son encontre.
Il y a lieu de condamner Mme [F] [N] aux dépens de l'appel ainsi qu'à payer à la société Banque Populaire Rives-de-Paris la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commandant de ne pas prononcer d'autre condamnation de ce chef.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [F] [N] et M. [K] [Y] de leur demande tendant à la diminution de l'indemnité en restitution à raison de la faute de la société Banque Populaire Rives-de-Paris ainsi que sur le sort des frais irrépétibles et des dépens ;
Le RÉFORME pour tout le surplus et, statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme [F] [N] et M. [K] [Y], chacun, à payer à la société Banque Populaire Rives-de-Paris la somme de 169 758,46 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter du 4 mai 2021 ;
DÉBOUTE la société Banque Populaire Rives-de-Paris du surplus de ses demandes ;
DÉCLARE irrecevables les demandes respectives de Mme [F] [N] à l'égard de M. [K] [Y] et de ce dernier à l'encontre de celle-ci ;
CONDAMNE Mme [F] [N] à payer à la société Banque Populaire Rives-de-Paris la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une autre condamnation au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE Mme [F] [N] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître [T] [V], comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT