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12/06/2024 | FRANCE | N°21/18306

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 12 juin 2024, 21/18306


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 12 JUIN 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/18306 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQSZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Lyon - RG n° 2019J1405



APPELANTES



SAS APIVIA COURTAGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants l

égaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège venant aux droits de la société APIVIA SANTE, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 12 JUIN 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/18306 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQSZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2021 - Tribunal de Commerce de Lyon - RG n° 2019J1405

APPELANTES

SAS APIVIA COURTAGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège venant aux droits de la société APIVIA SANTE, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOURS sous le numéro 391 897 261, dont le siège social est situé [Adresse 2], radiée le 15 octobre 2019 suite à sa fusion-absorption

immatriculée au RCS de Tours sous le numéro 490 625 662

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

SAS APIVIA IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Tours sous le numéro 537 615 684

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

SAS APIVIA COURTAGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège venant aux droits de la société APIVIA PREVOYANCE, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOURS sous le numéro 388 901 910, dont le siège social est situé [Adresse 3], radiée le 15 octobre 2019 suite à sa fusion-absorption

immatriculée au RCS de Tours sous le numéro 490 625 662,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMEE

S.A.R.L. COVERTIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Bourg-en-Bresse sous le numéro 512 420 225

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assistée de Me Charline VUILLERMOZ, avocat au barreau de LYON, toque : 623

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Laure Dallery, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Agnès Bodard-Hermant, première présidente de chambre

M. Julien Richaud, conseiller

Mme Marie-Laure Dallery, magistrat à titre honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Greffiers, lors des débats : M. Maxime Martinez puis Mme Saoussen Hakiri.

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Agnès Bodard-Hermant, présidente de chambre 5.4 et par M. Maxime Martinez, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société Apivia Courtage a pour activité la souscription, l'achat, l'échange, l'administration, la gestion, l'apport et la cession par tous moyens de tous titres de participation dans toutes sociétés quel qu'en soit la forme ou l'objet, toutes prestations de services en matière commerciale financière administrative ou comptable auprès des sociétés du groupe et plus généralement toutes activités de société holding, courtage en assurances en toutes branches ainsi que la réalisation de prestations de services afférentes à des opérations d'assurance et de réassurance. Elle résulte d'une fusion-absorption en 2019 entre les sociétés Apivia Santé et Apivia Prévoyance.

La société Apivia Iard a une activité de courtier en assurance, d'animation et développement d'offres d'assurance après du réseau de mandataires et de courtiers de la branche Courtage, du groupe Smam (devenu Apivia) ou tout autre mandataire ou courtier.

Lors de sa création en 2009 par M. [W], la société Covertis qui a pour activité le courtage en assurance, s'est rapprochée de la Smam, laquelle a accepté d'être porteur de risque et gestionnaire des contrats.

Le 24 juin 2009, Smam Courtage et Covertis ont alors signé une convention de partenariat aux termes de laquelle les parties s'engageaient à collaborer en vue de la commercialisation de contrats d'assurances individuelles et/ou de contrats collectifs à adhésion facultative.

Le 1e mars 2013, les relations commerciales entre Covertis et Smam ont été réorganisées en trois conventions à savoir :

- Une convention de partenariat entre Smam Assurances, Andac Gestion, Smam Courtage, Smam Iard et Smam Prévoyance et Covertis ;

- Des "conventions spéciales courtier Iard" entre Smam Assurances et Smam Iard et Covertis ;

- Des "conventions spéciales courtier santé" entre Smam Assurances et Smam Courtage et Covertis.

En 2016, Smam a été renommée Apivia.

Par un courrier daté du 15 septembre 2017, Apivia a informé Covertis de la résiliation de l'ensemble des contrats en cours et par conséquent de leur partenariat à dater du 31 décembre 2017.

A la suite d'échanges et d'une réunion abordant la question des sommes dues à Covertis en raison de la résiliation des conventions, le dirigeant de la société Apivia a adressé à celui de la société Covertis un courriel du 22 décembre 2017 faisant état d'un montant provisoire d'indemnités dû à Covertis de 140.516,16 €.

En janvier 2018, Apivia a versé un premier montant de 100.000€ à Covertis, le solde devant être versé au cours du mois de mars 2018.

Apivia n'a finalement versé à ce titre que la somme de 19.973,42€ à Covertis.

Covertis a reçu un courrier daté du 12 juin 2018 aux termes duquel Apivia lui a annoncé avoir appris par plusieurs courtiers que ceux-ci faisaient l'objet d'un démarchage par Covertis.

Le 6 juillet 2018, Apivia a adressé à Covertis une demande de remboursement d'un trop perçu d'un montant de 9.196,42€.

Par la suite, Covertis a réclamé à plusieurs reprises à Apivia la copie de l'ensemble des conventions signées entre elles.

C'est dans ces conditions que, par actes des 13 et 14 août 2019, la société Covertis a assigné la société Apivia Santé, Apivia Iard et Apivia Prévoyance devant le tribunal de commerce de Lyon à l'effet d'obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie et le paiement de ses indemnités compensatrices.

Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- Condamné in solidum les sociétés Apivia Santé, Apivia Prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia Courtage, Apivia Iard à payer à la société Covertis la somme de 73.986 euros au titre de l'indemnité de rupture brutale,

- Condamné in solidum les sociétés Apivia Santé, Apivia Prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia Courtage, Apivia Iard à payer le solde à la société Covertis de 121.222,28 euros,

- Condamné in solidum les sociétés Apivia Santé, Apivia Prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia Courtage, Apivia Iard à verser à la société Covertis la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du CPC,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné in solidum les sociétés Apivia Santé, Apivia Prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia Courtage, Apivia Iard aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 20 octobre 2021, les sociétés Apivia Courtage et Apivia Iard ont interjeté appel de ce jugement.

Par des conclusions déposées et notifiées par RPVA le 11 juillet 2022, Apivia courtage et Apivia Iard, demandent à la Cour de :

Vu les pièces versées au débat,

Vu les dispositions du Code Civil, notamment son article 1134 applicable en l'espèce (devenu 1103),

Vu les dispositions du Code de Commerce, notamment son article L 442-6 I 5° devenu L 442-1 II alinéa premier du Code de Commerce,

Vu les dispositions du Code de Procédure Civile, notamment ses articles 15,16, 455 et 458,

- Prononcer la nullité du jugement rendu le 27 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de LYON ou subsidiairement le réformer en toutes ses dispositions c'est-à-dire en ce qu'il a :

* Condamné in solidum les sociétés Apivia santé, Apivia prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia courtage, Apivia Iard à payer à la société Covertis la somme de 73.986 euros au titre de l'indemnité de rupture brutale,

* Condamné in solidum les sociétés Apivia santé, Apivia prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia courtage, Apivia Iard à payer le solde à la société Covertis de 121.222,28 euros,

* Condamné in solidum les sociétés Apivia santé, Apivia prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia courtage, Apivia Iard à verser à la société Covertis la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du CPC,

* Ordonné l'exécution provisoire,

* Condamné in solidum les sociétés Apivia santé, Apivia prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia courtage, Apivia Iard aux dépens.

Statuant à nouveau :

- Dire et juger que la société Covertis a bénéficié d'un préavis suffisant tant au regard des stipulations contractuelles qu'au regard des dispositions de l'article L442-6 I 5° du Code de Commerce,

- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Covertis,

- Reconventionnellement, condamner la société Covertis à verser aux sociétés Apivia courtage et Apivia Iard la somme de 9.196,92 euros, et, à titre subsidiaire, si la Cour s'estime insuffisamment informée sur ce sujet, désigner tel homme de l'Art en vue de confirmer le montant des indemnités compensatrices dues à la société Covertis,

- Condamner la société Covertis à verser à la société Apivia courtage et à la société Apivia Iard une indemnité d'un montant de 10.000 euros chacune par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société Covertis aux dépens,

Par des dernières conclusions déposés et notifiées par RPVA le 15 avril 2022, la société Covertis demande à la Cour de :

Vu l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat,

Confirmer le jugement rendu le 27 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions ;

En toutes hypothèses,

Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions des sociétés Apivia courtage et Apivia Iard ;

I/ Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Condamner in solidum les sociétés Apivia Santé, Apivia Iard et Apivia Prévoyance à payer à la société Covertis la somme de 73.986 € ;

II/ Sur l'indemnité compensatrice

Condamner Apivia Iard à verser à la société Covertis la somme de 38.427,46 € ;

Condamner Apivia Courtage à verser à la société Covertis la somme de 2.545,67€ ;

Condamner subsidiairement in solidum les sociétés Apivia Iard et Apivia Courtage à verser à Covertis la somme de 121.222,28 € ;

III / En tout état de cause

Condamner in solidum les sociétés Apivia Iard et Apivia Courtage à verser à la société Covertis une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner les mêmes aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024.

MOTIVATION

Sur la nullité du jugement

Au soutien de la nullité du jugement, les sociétés Apivia invoquent :

- un défaut de motivation en ce que :

* le tribunal n'a visé que les conclusions n°3 des concluantes (pièce n°9) sans viser la note en délibéré de leur conseil du 22 juin 2021 (pièce n°11)

* le tribunal a retenu qu'Apivia Courtage et Apivia Iard n'avaient pas répondu à la note en délibéré de Covertis ;

- une violation du principe de la contradiction en ce que le tribunal a procédé à un recalcul des indemnités compensatrices sans débat contradictoire préalable.

Covertis rétorque :

- S'agissant du défaut de motivation que :

* aucune mention du jugement ne permet de déduire que le tribunal n'aurait pas tenu compte de cette note en délibéré ;

* au cours de l'audience de plaidoirie, le tribunal a sollicité de Covertis qu'elle produise divers bilans, comptes de résultat et soldes intermédiaires de gestion des exercices

Que Covertis a déféré à cette demande en transmettant ces éléments dans une note de délibéré du 19 mai 2021,

Qu'Apivia a relancé le débat sur la dichotomie entre l'indemnité contractuelle et l'indemnité délictuelle,

Qu'Apivia n'a été autorisée qu'à se prononcer sur les chiffres produits pas Covertis ce qu'elle n'a pas fait.

- S'agissant de la violation du principe de la contradiction que :

* elle avait dument justifié le calcul de l'indemnité compensatrice contractuelle qui lui était due dans ses conclusions de première instance ;

* Le tribunal a tenu compte de ses explications de sorte qu'un débat contradictoire a eu lieu devant le tribunal par le biais d'échange d'écritures.

Réponse de la Cour

Il sera rappelé que lorsque la nullité alléguée concerne non pas la saisine du premier juge mais, comme en l'espèce, une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d'appel, saisi de l'entier litige, est tenu de se prononcer sur le fond du droit, sans même devoir statuer préalablement sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Les sociétés Apivia soutiennent :

- Sur la durée du préavis que :

* Un préavis écrit a bien été notifié à Covertis ;

* Il a été convenu d'un commun accord avec Covertis que la fin des relations contractuelles puisse intervenir en respectant un délai de préavis : ces préavis en fonction des conventions étaient de 2, 3 ou 6 mois (pièces n°1 à 5) ;

* Dans un souci de cohérence, tous les contrats ont été résiliés au 31 décembre 2017 avec un préavis de 3 mois ;

* Qu'à ce préavis formel s'est ajouté un préavis pratique : la perception par Covertis d'une indemnité compensatrice pour assurer une transition dans de bonnes conditions économiques. ;

* Que le préavis a donc été de 12 mois, soit de septembre 2017 à septembre 2018.

- Sur l'indemnité compensatrice contractuelle que :

* Les parties ont stipulé une indemnité compensatrice contractuelle afin de compenser la perte de marge d'intermédiation suite à une résiliation pour dédommager le mandataire de l'arrêt du contrat ;

* Cette indemnité ne peut être entendue comme un rachat des portefeuilles des courtiers ;

* Une indemnité globale de 119.973,42 euros a été versée correspondant à 74% du chiffre d'affaires de l'année 2017 ;

* Covertis a donc reçu une indemnité permettant d'assurer un chiffre d'affaires équivalent à ce qui était réalisé avant la fin du partenariat sur une durée d'environ 9 mois, soit un préavis total de 12 mois.

- Sur le préjudice que :

* Covertis a perçu en 2018 l'équivalent de 9 mois de chiffre d'affaires de sorte qu'il n'existe aucun préjudice ;

* Les digressions de Covertis sur la possibilité de cumuler le préjudice contractuel et le préjudice délictuel n'ont pas d'intérêt car Apivia n'a pas contesté les règles applicables ;

* Le tribunal devait examiner le mécanisme contractuel d'indemnisation pour la détermination d'un bénéfice d'un préavis suffisant au profit de Covertis ;

* Covertis a obtenu une indemnité globale de près de 120.000€ répondant aux critères d'un préavis suffisant, somme supérieure à ce qu'elle réclame au titre de la rupture brutale.

Covertis rétorque :

- Sur la durée du préavis que :

Les relations commerciales avec Apivia étaient établies depuis 9 ans au moment de la décision par Apivia de mettre fin aux relations ;

* Covertis a produit des documents comptables attestant que la majorité de son chiffre d'affaires était réalisé avec Apivia (Pièce n°21) ;

* Qu'Apivia a informé Covertis de sa décision de mettre fin à leurs relations à la fin du mois de septembre 2017 pour une rupture effective au 31 décembre 2017 ne respectant ainsi qu'un préavis de 3 mois.

- Sur l'indemnité compensatrice contractuelle que :

* cette indemnité n'a pas vocation à couvrir le préjudice qu'elle a subi en raison de la rupture brutale ;

* L'indemnité contractuelle vise la rupture de la relation alors que l'indemnité délictuelle vise la brutalité de la rupture ;

* L'indemnité contractuelle a pour unique but le rachat de son portefeuille clients ;

* Le contrat mentionne que l'indemnité contractuelle est due en cas de cessation des fonctions de Covertis pour quelle que cause que ce soit.

- Sur le préjudice que :

*Elle s'est vue privée de 6 mois de préavis ;

* il convient de calculer le montant de marge brute qu'elle aurait dû réaliser au cours de ces 6 mois de préavis :

- Pour ce faire, elle a produit ses comptes de 2015, 2016 et 2017 ainsi qu'une attestation de son expert-comptable démontrant que la marge brute réalisée avec Apivia s'élève à une moyenne de 147.377€ par an ;

- La marge brute correspond au chiffre d'affaires non réalisé dans la mesure où Covertis ne supportait aucun coût direct.

* Les sommes versées au titre de l'indemnité de fin de contrat ne peuvent s'imputer sur les demandes indemnitaires formulées par Apivia.

Réponse de la Cour

L'article L. 442-6, I 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour le producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de celui-ci.

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits ou services en cause.

En l'espèce, l'existence de relations commerciales établies depuis la signature le 24 juin 2009 d'un contrat de partenariat n'est pas contestée jusqu'à la lettre d'Apivia datée du 15 septembre 2017 informant Covertis de la fin du partenariat au 31 décembre 2017.

La lettre de rupture est donc intervenue après 8 ans et trois mois de relations commerciales établies.

Seul un préavis de trois mois a été accordé par Apivia à Covertis.

Ainsi que le tribunal l'a retenu, le préavis accordé est insuffisant au regard de la durée des relations et alors même que la majorité du chiffre d'affaires de Covertis était réalisé avec Apivia (Pièce n°21 de Covertis).

A cet égard, Apivia oppose vainement l'existence d'une indemnité compensatrice contractuelle, de sorte que le préavis total accordé aurait en réalité été de 12 mois alors que l'indemnité contractuelle qui a pour objet la rupture de la relation est distincte de l'indemnité délictuelle qui a pour objet la réparation de la brutalité de la rupture pour absence ou insuffisance de préavis et non la rupture elle-même. (Com 7 décembre 2022, n° 21-17850).

En conséquence, le tribunal a justement retenu qu'un délai de préavis de 9 mois aurait dû être accordé, soit une insuffisance de préavis de 6 mois.

Selon la Cour de cassation :

"le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période" (Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940).

En l'espèce, au vu des pièces comptables produites et de l'attestation de M [X] [V], expert-comptable de la société Covertis (pièces 20 et 15), le tribunal a justement retenu une marge brute de production moyenne sur les années 2015 à 2017 de 147 377 €, soit 12 331 € par mois et condamné in solidum les sociétés APIVIA à verser à Covertis la somme de 73.986 € au titre des six mois de préavis manquant et ainsi au titre de l'indemnité de rupture brutale.

Il sera ajouté que s'agissant d'une activité de prestations de services, la mention de l'expert-comptable selon laquelle le chiffre d'affaires correspond à la marge brute de l'entreprise n'apparaît pas critiquable.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur le versement de l'indemnité contractuelle compensatrice

Apivia soutient que :

S'agissant du trop perçu par Covertis :

- Covertis a voulu obtenir une indemnisation cumulée d'un montant de 277.788,85 euros, soit plus de 22 mois de préavis ;

- Elle a versé 3 pièces au dossier décrivant les trois temps des calculs des indemnités contractuelles (pièces 4 à 6) :

* Il était impossible en 2017 de procéder à des calculs définitifs car les dénouements de plusieurs contrats pouvaient être opérés jusqu'au 31 décembre 2017.

* Un deuxième calcul des indemnités contractuelles a été fait établissant un montant total de 119.973,42 euros qui a été versé (pièce n°5).

* Une troisième version a été établie avec cette fois un montant global final de 110.776,50 euros (pièce n°6) en raison de résiliations importantes à l'échéance du 31/12/2017.

S'agissant des modalités de calcul des indemnités contractuelles :

- Les quotités mentionnées par la société Covertis pour contester son chiffrage proviennent des statistiques commerciales d'Apivia qui tiennent compte de l'ensemble des affaires en stock ;

- Les écarts constatés proviennent des affaires antérieurement en stock chez Apivia avant la mise en place des délégations d'animation, alors que Covertis, n'a pas été à l'origine de ces affaires ;

- Covertis n'articule pas une explication fondée sur les bases de calcul qu'elle avance, notamment en ce qu'elle applique un coefficient de 1,77 sur la branche santé pour 2 286 contrats alors que le coefficient moyen calculé pour la brache "prev" est de 1,6023 et qu'elle n'explique pas sur quelle base elle retient ce nombre de contrats ;

- Apivia conteste la règle de trois appliquée comme ne correspondant pas au calcul devant être effectué conformément aux pratiques de la profession.

Covertis rétorque que :

- En vertu des conventions conclues entre les parties, l'indemnité contractuelle est due pour toute rupture du contrat quelle qu'en soit la cause ;

- Le calcul de l'indemnité compensatrice se fait selon cette formule : [commission annuelle déterminée par le nombre de contrats] * [coefficient] = [IC] ;

- Apivia n'a pas calculé les commissions annuelles sur la base du bon nombre de contrats ni respecté les nouveaux taux de coefficient contractualisés entre les parties.

S'agissant de l'état du stock au 31 décembre 2017 :

- Les tableaux communiqués par Apivia ont fait état de chiffres notablement différents

- L'affirmation d'Apivia selon laquelle la base des calculs ne peut être constituée que des commissionnements sur la production nouvelle concernant la délégation de l'animation ne repose sur aucun fondement, les contrats mentionnant expressément que l'indemnité contractuelle est calculée sur la base pour chaque branche de "tous les contrats en cours au jour de la cessation du mandat".

- L'ensemble de la production en stock doit donc servir de base au calcul de la commission annuelle et donc de l'indemnité contractuelle.

* Il appartient à Apivia qui conteste les chiffres attestant l'état du stock au 1e janvier 2018 de fournir les chiffres réels.

* Il est avéré que la production de nouveaux contrats a continué sur le dernier quadrimestre 2017 de sorte que Covertis est en droit d'obtenir les indemnités contractuelles pour cette période.

S'agissant de la détermination du coefficient :

- Apivia a revu les coefficients à la baisse considérant que Covertis avait démarché plusieurs courtiers.

- Les conventions précisent que l'indemnisation serait calculée selon les préjudices occasionnés par le portefeuille déplacé par le mandataire :

* Or, aucun portefeuille n'a été déplacé vers une société concurrente ;

* Covertis disposait d'un réseau d'intermédiaires avant ses relations avec Apivia, réseau qui n'a pas été transféré ;

* Apivia savait que Covertis utilisait son propre réseau pour continuer à assurer des prestations de courtage.

S'agissant du calcul de l'indemnité contractuelle due :

- Le calcul tient compte de l'état réel du stock et du coefficient contractualisé entre les parties.

- Au titre des trois branches d'Apivia, il lui est dû une somme globale de 241.195,70 €.

Réponse de la Cour

L'article XI "INDEMNITE COMPENSATRICE" des trois contrats liant Covertis aux sociétés Apivia (anciennement SMAM) : contrat de mandat d'intermédiaire d'assurance Branche Santé (pièce 1 d'Apivia) Branche IARD (pièce 2 d'Apivia) et Branche Prévoyance (pièce 3 d'Apivia) signés le 30 juin 2015, est ainsi rédigé :

"L'indemnité compensatrice (IC) est un droit de créance que détient le Mandataire d'Intermédiaire d'Assurances (MIA) qui cesse ses fonctions et ses engagements avec le Mandant.

L'I.C. est due au MIA qui cesse ses fonctions pour quelle que cause que ce soit. En cas de décès du MIA, ce même droit est accordé à ses ayants-droit.

L'indemnité compensatrice s'applique sur le portefeuille de contrats [complémentaires santé /IARD/ Prévoyance individuelle et collective] constitués par le réseau d'intermédiaires dont le Mandataire avait en charge l'animation, durant le contrat de Mandat, et toujours en cours à la date de rupture ou de fin du contrat de mandat.

(')"

Le mode de calcul pour chacun des contrats y est précisé.

La Cour retient que pour le calcul de l'indemnité compensatrice tous les contrats dont le mandataire avait en charge l'animation et toujours en cours au 31 décembre 2017doivent être pris en compte.

A cet égard, il résulte du courriel de [U] [C] de Smam Assurances (pièce 6 de Covertis) qu'à compter du 1er juin 2015, Covertis s'est vu confier la mission d'animer l'intégralité du réseau.

En revanche, le coefficient allégué "contractualisé entre les parties" ne peut être retenu, s'agissant d'un "geste commercial" (courriel d'Apivia du 22 décembre 2017- pièce 8 de Covertis) sur lequel APIVIA est revenu (sa lettre du 12 juin 2018- pièce 9 de Covertis).

Dès lors, le calcul de cette indemnité s'établit ainsi qu'il suit à partir du tableau récapitulatif de l'IC au 31/12/2017 annexé au courrier du 6 juillet 2018 d'Apivia (pièce 11 de Covertis) et de la situation au 31 décembre 2018 d'Apivia (pièce 16 de Covertis) pour la région Rhône-Alpes :

- Pour la branche Santé : 2 286 contrats (et non 1199 pour des commissions annuelles de 45 790,64 €), soit un montant de commissions annuelles de 87 303,92 € et après application d'un coefficient de 1,6023, une IC de 139 887 €.

- Pour la branche IARD : 5 175 contrats (et non 3 121 contrats pour des commissions annuelles de 35 052,07€), soit un montant de commissions annuelles de 58 120,62 € et après application d'un coefficient de 1,0029, une IC de 58 289,17 €.

- Pour la branche Prévoyance : 243 contrats (et non 97 pour des commissions annuelles de 1 743,62 €), soit un montant de commissions annuelles de 4 368,03 € et après application d'un coefficient de 1,2917, une IC de 5642,18 €.

Il s'ensuit que l'indemnité compensatrice contractuelle à laquelle Covertis est en droit de prétendre s'élève à la somme totale de 203 818,35 €.

Covertis ayant déjà perçu la somme de 119 973,42 €, les sociétés Apivia doivent être condamnées in solidum à verser à Covertis la somme de 83 844,93 € au titre du solde restant dû.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé sur le quantum de l'indemnité compensatrice.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Apivia qui succombent pour l'essentiel sont condamnés aux dépens et sont déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La somme supplémentaire de 2 000 € est allouée à la société Covertis au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel à la charge in solidum des sociétés APIVIA.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Apivia Santé et Apivia Prévoyance aux droits desquelles vient la société Apivia Courtage et Apivia IARD à verser le solde à la société Covertis, soit la somme de 121 222,28 € ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Condamne in solidum la société Apivia Courtage venant aux droits des sociétés Apivia Santé et Apivia Prévoyance ainsi que la société Apivia IARD à verser à la société Covertis une somme de 83 844,93€ au titre du solde restant dû sur l'indemnité compensatrice contractuelle ;

Condamne in solidum la société Apivia Courtage venant aux droits des sociétés Apivia Santé et Apivia Prévoyance ainsi que la société Apivia IARD aux dépens d'appel et à verser à la société Covertis la somme de 2 000 € au titre de l'article700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/18306
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.18306 ?
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