Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 12 JUIN 2024
(n° 2024/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07992 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMNV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/05284
APPELANT
Monsieur [R] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Madou KONE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0771
INTIMEE
S.A.S. EB
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [F] [D] (Délégué syndical patronal)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Stéphane MEYER, président
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [R] [C] a été engagé en qualité d'aide-cuisinier, pour une durée indéterminée à compter du 1er juillet 2007, par la société Lamfe, aux droits de laquelle la société EB se trouve actuellement.
La relation de travail est régie par la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.
Par lettre du 6 mars 2020, Monsieur [C] aurait été convoqué pour le 17 mars à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui aurait été notifié le 26 mars suivant pour faute grave, caractérisée par une absence injustifiée à la suite de ses congés.
Le 29 juillet 2020, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 7 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [C] de ses demandes.
Monsieur [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 septembre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 octobre 2023 par voie électronique à la cour et par lettre au défenseur de la société EB, Monsieur [C] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société EB à lui payer les sommes suivantes :
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 23 093,88 € ;
- indemnité légale de licenciement : 7 216,83 € ;
- indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 924,49 € ;
- indemnité compensatrice de préavis : 1 924,49 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 192,44 € ;
- indemnité pour licenciement vexatoire : 3 000 € ;
- en remboursement des sommes indument retenues sur son salaire : 14 250 € ;
- indemnité pour frais de procédure : 3 000 € ;
- les intérêts au taux légal ;
- Monsieur [C] demande également que soit ordonnée la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte de 100 € par jour et par document.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [C] expose que :
- son retour de congés était prévu pour le 17 mars 2020, alors qu'il se trouvait, au Mali, au chevet de son père malade, qui est décédé le 14 février 2020 ;
- la pièce n°5 produite par l'employeur est un faux ;
- en raison de la situation de confinement, il n'a pu revenir en France, ce qui constitue un cas de force majeure qui justifie son absence ;
- l'employeur ne prouve pas avoir adressé la lettre de licenciement à la date qu'il évoque ;
- les avertissements produits par l'employeur sont douteux ;
- le licenciement présente un caractère vexatoire ;
- le barème légal d'indemnisation est contraire à la Convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et de la Charte sociale européenne ;
- l'employeur a indûment continué à prélever 250 euros par mois sur son salaire, en remboursement d'un prêt soldé depuis longtemps.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie postale le 14 mars 2022, la société EB demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [C] et sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €. Elle fait valoir que :
- il résulte des lettres échangées entre les parties que Monsieur [C] devait reprendre son poste le 17 février 2020, ce qu'il n'a pas fait malgré une lettre de mise en demeure qu'elle lui a envoyée ;
- il ne rapporte pas la preuve des empêchements allégués ;
- les faits sont d'autant plus constitutifs d'une faute grave que Monsieur [C] avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires pour absences injustifiées ;
- le barème légal d'indemnisation doit s'appliquer et Monsieur [C] ne justifie pas du préjudice allégué ;
- la procédure de licenciement a été respectée ;
- le licenciement ne présente pas de caractère vexatoire ;
- les sommes prélevées sur le salaire de Monsieur [C] correspondent à des remboursements de plusieurs prêts qu'elle lui a accordés.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024.
La société EB a transmis de nouvelles conclusions le 8 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les dernières conclusions de la société EB
Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 du même code, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, les conclusions transmises par la société EB le 8 avril 2024 étant postérieures à l'ordonnance de clôture prononcée le 2 avril 2024, sont donc irrecevables.
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 26 mars 2020, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, reproche à Monsieur [C] une absence injustifiée depuis le 17 février précédent, date prévue de son retour de congés, malgré une lettre du 25 février.
Contrairement à ce que prétend Monsieur [C], la société EB produit les preuves d'envoi en recommandé avec accusés de réception tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de cette lettre de licenciement, ainsi que de leur retour avec la mention " pli avisé et non réclamé ".
Elle produit également la copie de la lettre du 25 février 2020, le mettant en demeure de reprendre son poste, ainsi que, là encore, la preuve de son envoi en recommandé avec accusé de réception et de son retour avec la mention " pli avisé et non réclamé ".
Monsieur [C] soutient que son retour de congés était prévu pour le 17 mars 2020, alors qu'il se trouvait, au Mali, au chevet de son père malade, qui est finalement décédé le 14 février 2020.
Il produit à cet égard l'acte de décès de son père mais ne rapporte néanmoins pas la preuve d'un accord de l'employeur pour prolonger ses congés au-delà du 17 février, preuve qui lui incombe, dès lors qu'il ne conteste pas la réalité de son absence mais argue de son caractère justifié.
Bien au contraire, la société EB produit la lettre que Monsieur [C] avait adressée à l'entreprise le 26 janvier 2020, demandant un congé de quatre semaines à compter du 31 janvier, ce qui aurait eu pour conséquence un retour au plus tard le 1er mars et non le 17 mars comme il le prétend.
A titre surabondant, il convient de relever que la société EB produit une lettre datée du 31 janvier 2020, aux termes de laquelle elle lui donnait son accord pour qu'il prenne des congés à compter du soir-même mais ajoutait qu'il devait impérativement reprendre son travail le 17 février au matin.
Cette lettre porte la mention d'une remise en mains propres et d'une signature attribuée à Monsieur [C], lequel prétend qu'il s'agit d'un faux, précisant que ni la signature de l'employeur, ni la sienne ne sont authentiques.
Il convient toutefois de relever, d'une part, que la signature attribuée à Monsieur [C] figurant sur cette lettre est similaire à celle apparaissant sur sa lettre précitée du 26 janvier et d'autre part qu'il n'avait pas contesté l'authenticité de cette pièce en première instance, alors qu'il était déjà assisté par son conseil.
Monsieur [C] ne rapporte d'ailleurs pas davantage la preuve, ni même n'allègue, avoir demandé à son employeur un report de sa date de retour à la suite du décès de son père.
Monsieur [C] soutient également être resté bloqué au Mali en raison de la crise sanitaire liée à la Covid.
Il ne rapporte toutefois pas la preuve de cette allégation, laquelle lui incombe, étant au surplus relevé que cette argumentation est quelque peu contradictoire avec la précédente.
Il résulte de ces considérations que les faits reprochés à Monsieur [C] aux termes de lettre de licenciement sont établis.
La fourniture d'un travail constituant la première obligation d'un salarié, l'absence injustifiée de Monsieur [C], pendant plus d'un mois, malgré une lettre de mise en demeure, présentait un degré de gravité telle qu'elle justifiait la rupture de son contrat de travail.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé que la faute grave était établie et a en conséquence débouté Monsieur [C] de ses demandes relatives à la rupture.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, Monsieur [C] fait valoir que son licenciement lui a été notifié brutalement devant ses collègues.
Cependant, il ne rapporte pas la preuve de cette allégation, alors que le licenciement a été notifié par lettre recommandée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Monsieur [C] ne fournissant aucune explication au soutien de sa demande d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.
Sur la demande de remboursement des sommes indument retenues sur salaire
Au soutien de cette demande, Monsieur [C] expose que, bien que le prêt de 3 000 euros que l'employeur lui avait accordé en octobre 2013 ait été soldé en 2014, ce dernier a continué à effectuer des prélèvements mensuels pendant 5 ans, pour un montant injustifié de 14 250 euros.
Cependant, sans être contredite sur ce point, la société EB rapporte la preuve de la réalité d'un prêt de 1 500 € consenti en janvier 2015, d'un deuxième, de 2 400 €, consenti en avril 2015, ainsi que de versements d'acomptes sur salaire pour des montants totaux de 6 850 € en 2013, de 8 690 € en 2014, de 6 450 € en 2015, de 3 920 € en 2016, de 850 € en 2017, ce qui représente un total bien supérieur à la somme dont il demande le remboursement.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur les frais hors dépens
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Monsieur [C] ayant pu se méprendre sur ses droits.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevables les conclusions transmises par la société EB le 8 avril 2024 ;
CONFIRME le jugement déféré
DÉBOUTE Monsieur [R] [C] de ses demandes ;
DÉBOUTE la société EB de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;
CONDAMNE Monsieur [R] [C] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT