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12/06/2024 | FRANCE | N°21/07988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 12 juin 2024, 21/07988


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9





ARRET DU 12 JUIN 2024



(n° 2024/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07988 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMNK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/11539



APPELANTE



S.A.S. LAMPING

[Adresse 2]
>[Localité 3]

Représentée par Me Valentine GUERRERO, avocat au barreau de PARIS, toque : L252



INTIME



Monsieur [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Maria SEVERIN LE F...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 12 JUIN 2024

(n° 2024/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07988 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMNK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/11539

APPELANTE

S.A.S. LAMPING

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Valentine GUERRERO, avocat au barreau de PARIS, toque : L252

INTIME

Monsieur [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Maria SEVERIN LE FOURN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1692

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Stéphane MEYER, président

Fabrice MORILLO, conseiller

Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [L] [O] a été engagé par la société Lamping en qualité d'ouvrier qualifié, pour une durée indéterminée à compter du 6 janvier 2011.

La relation de travail est régie par la convention collective du Bâtiment de la Région parisienne.

Monsieur [O] a cessé de se rendre à son travail à compter de mars 2018, dans des conditions sur lesquelles les parties s'opposent, l'employeur soutenant qu'il avait démissionné, ce que le salarié conteste.

Le 26 décembre 2019, Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 7 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a dit que la démission de Monsieur [O] s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société Lamping à payer à Monsieur [O] 7 500 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ains qu'une indemnité pour frais de procédure de 1 500 € et les dépens et a débouté les parties de leurs plus amples demandes.

La société Lamping a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 septembre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 mai 2022, la société Lamping demande l'infirmation du jugement, que la demande de requalification de la démission en licenciement, ainsi que les demandes d'indemnités de rupture soient déclarées prescrites, que Monsieur [O] soit débouté de ses autres demandes, ainsi que sa condamnation à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €. Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société Lamping expose que :

- Monsieur [O] lui a donné sa démission par lettre du 26 mars 2018 et est sorti de ses effectifs le 8 avril 2018 à l'issue de son préavis, a reçu ses documents de fin de contrat et n'a plus donné de signe de vie pendant un an ;

- ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail sont donc prescrites et sont en tout état de cause injustifiées;

- la demande de dommages et intérêts pour obligation de travailler lors des arrêts de travail n'est pas justifiée car Monsieur [O] ne l'a jamais informée de ses arrêts de travail ;

- la demande d'indemnité de repas n'est pas fondée car Monsieur [O] ne prouve pas l'existence de frais professionnels dont il demande le remboursement et a perçu des primes de repas lorsque les chantiers le nécessitaient.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 février 2022, Monsieur [O] demande la confirmation du jugement, que son action soit jugée recevable, ainsi que la condamnation de la société Lamping à lui payer les sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 040 € ;

- indemnité pour travail effectué pendant les arrêts de travail pour maladie : 7 000 € ;

- indemnité pour non-paiement de l'indemnité de repas :12 052 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 3 900 €.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [O] fait valoir que :

- Il n'a jamais eu l'intention de démissionner de son poste de travail et la lettre de démission produite par la société Lamping est un faux ;

- son action n'est pas prescrite ;

- il a travaillé pendant ses arrêts de travail pour maladie, dont les avis avaient été transmis à l'employeur ;

- ayant été envoyé sur des chantiers loin de son domicile, il avait droit aux indemnités de repas.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

Aux termes de l'article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

En, l'espèce, la société Lamping soulève la prescription de l'action de Monsieur [O] en faisant valoir qu'il a démissionné le 26 mars 2018, ce que ce dernier conteste, et qu'en outre, son certificat de travail et son attestation Pole Emploi ont bien été établis le 8 avril 2018, date de fin de préavis.

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat de travail peut être rompu par la démission du salarié. Toutefois, cette démission doit être dépourvue d'équivoque.

En l'espèce, la société Lamping produit une lettre dactylographiée, datée du 26 mars 2018, attribuée à Monsieur [O] et aux termes de laquelle ce dernier déclare démissionner avec un préavis d'une semaine " pour raisons d'ordre personnel ".

Il convient toutefois de relever, ainsi que le relève Monsieur [O], que la signature apparaissant sur ce document ne ressemble à aucune de ses autres signatures apparaissant sur les autres pièces du dossier.

Il convient d'ajouter que lorsque, par lettre du 18 avril 2019, Monsieur [O] a demandé à la société Lamping de lui envoyer ses fiches de paie en indiquant qu'il figurait toujours dans ses effectifs, cette dernière lui a répondu par lettre du 6 mai suivant qu'elle était sans nouvelles de lui depuis plus d'un an et qu'il ne faisait donc plus partie de ses effectifs, sans faire la moindre allusion à une lettre de démission qu'il aurait signée.

La société Lamping produit l'attestation de Monsieur [S], beau-frère et collègue de Monsieur [O], qui déclare que ce dernier lui a fait part de son intention de démissionner, ce qu'il a fait le 26 mars 2018, ainsi que huit attestations de personnes résidant en Roumanie, déclarant que Monsieur [O] s'y était installé, y travaillait et leur avait déclaré avoir démissionné en France.

Cependant, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir la réalité d'une volonté dépourvue d'équivoque de démissionner, manifestée à l'égard de l'employeur.

La prescription n'a donc pu courir à compter du 26 mars 2018.

Par ailleurs, la date du 8 avril 2018, figurant sur les documents de fin de contrat, ne peut davantage constituer le point de départ du délai de prescription, puisqu'il résulte des propres explications de la société Lamping que ce document n'a été remis que le 12 juin 2019, qui plus est à la nièce de Monsieur [O] et non pas à lui-même.

Seule la lettre du 6 mai 2019, aux termes de laquelle la société Lamping a indiqué à Monsieur [O] qu'elle considérait qu'il ne faisait plus partie de ses effectifs matérialise la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [O] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 26 décembre 2019, sa demande n'est pas prescrite ainsi que l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes.

Sur la qualification de la rupture et ses conséquences

Il résulte des explications qui précèdent que la démission imputée à Monsieur [O] est équivoque et que la rupture du contrat de travail est intervenue le 6 mai 2019 à l'initiative de l'employeur.

La rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement, lequel est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail.

Monsieur [O] justifie de huit années d'ancienneté et l'entreprise emploie habituellement moins de 11 salariés.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1 560 euros.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 2 et 8 mois de salaire, soit entre 3 120 euros et 12 480 euros.

Au moment de la rupture, Monsieur [O] était âgé de 42 ans et il ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture du contrat de travail, alors que, de son côté, l'employeur produit les attestations susvisées, établissant qu'il est parti s'installer en Roumanie pour y exercer son activité.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 5 000 euros, infirmant le jugement quant au montant retenu.

Sur la demande d'indemnité pour travail effectué pendant les arrêts de travail

Au soutien de sa demande, Monsieur [O] produit ses arrêts de travail, dont la société Lamping prétend n'avoir jamais eu connaissance.

Faute, pour Monsieur [O] de prouver avoir informé son employeur de ses arrêts de travail pour maladie, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande relative aux paniers-repas

Aux termes de l'article 6 code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.

En l'espèce, Monsieur [O] se prévaut des dispositions de l'article 5 de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne, aux termes desquelles les ouvriers doivent percevoir une indemnité de repas pour chaque journée de travail, qui ajoute que cette indemnité a pour objet d'indemniser le supplément des frais occasionnés par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier et qu'elle n'est pas due par l'employeur lorsque :

- l'ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle ou lorsqu'il est logé gratuitement par les soins de l'entreprise sur le chantier ou dans un rayon de 1,5 ;

- un restaurant d'entreprise existe sur le chantier et le repas est fourni avec une participation financière de J'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas ;

- le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas.

Monsieur [O] soutient avoir été envoyé sur des chantiers loin de son domicile, sans que l'une de ces exceptions ne soit remplie.

Cependant, ainsi que la société Lamping le fait valoir à juste titre, alors que ses fiches de paie mentionnent le paiement d'indemnités de repas, Monsieur [O] ne fournit aucune explication sur le montant qu'il réclame, n'indiquant pas le nombre de jours faisant l'objet de sa demande et n'effectuant aucune déduction des indemnités versées, mettant la cour dans l'impossibilité de vérifier le bien fondé de sa prétention.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les frais hors dépens

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Lamping à payer à Monsieur [O] une indemnité de 1 500 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait plus ample application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DÉCLARE Monsieur [L] [O] recevable en ses demandes ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce point infirmé ;

CONDAMNE la société Lamping à payer à Monsieur [L] [O] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 5 000 euros ;

DÉBOUTE Monsieur [L] [O] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la société Lamping de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Lamping aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/07988
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.07988 ?
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