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12/06/2024 | FRANCE | N°21/06885

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 juin 2024, 21/06885


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06885 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEH2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n°





APPELANT



Monsieur [V] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]
>Représenté par Me Aurélie THEVENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 757





INTIMEE



S.A. KRASH STUDIO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte MOREAU, avocat au ba...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06885 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEH2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n°

APPELANT

Monsieur [V] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Aurélie THEVENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 757

INTIMEE

S.A. KRASH STUDIO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte MOREAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La S.A. Krash studio est spécialisée dans la fourniture de conseils et la vente de produits et de prestations de services informatiques.

Elle a engagé M. [V] [U] suivant contrat à durée indéterminée en date du 12 avril 2017, à effet au 19 avril 2017, en qualité de développeur web, statut cadre, position 2.1, coefficient 105.

Son contrat de travail prévoyait une période d'essai de quatre mois, renouvelable une fois pour une nouvelle durée de quatre mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC).

Au dernier état de la relation de travail, la rémunération mensuelle brute de M. [U] s'établissait à la somme de 2 916,67 euros.

M. [U] a travaillé du 19 avril 2017 au 25 avril 2017 puis a été placé en arrêt de travail en raison de douleurs dorsales à compter du 26 avril 2017.

Par courrier du 30 mai 2017, M. [U] s'est vu notifier la rupture de sa période d'essai, à effet au 1er juin 2017.

Par acte du 5 juillet 2018, M. [U] a assigné la S.A. Krash studio devant le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de la voir, notamment, condamner à lui verser diverses sommes, dont des dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai et discrimination.

Par jugement du 30 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a:

- débouté M. [V] [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la S.A. Krash studio de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [V] [U] aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 juin 2021, M. [U] a interjeté appel de cette décision, intimant la S.A. Krash studio.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021, M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

A titre principal,

- condamner la S.A. Krash studio à lui payer la somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture de la période d'essai ;

- condamner la S.A. Krash studio à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

A titre subsidiaire,

- condamner la SA Krash studio à lui payer la somme de 8 750 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;

En tout état de cause,

- condamner la S.A. Krash studio à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A. Krash studio aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2022, la S.A. Krash studio demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 30 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Et, en conséquence :

- juger que la rupture de la période d'essai de M. [U] n'est ni discriminatoire, ni abusive ;

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [U] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la rupture de la période d'essai

Selon l'article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ....en raison de son état de santé'.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail : 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Il appartient ainsi au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Enfin, s'il est constant au visa de l'article L.1221-20 du même code, que l'employeur n'a pas à indiquer les raisons qui motive sa décision de rompre la période d'essai, il est acquis que les dispositions de l'article L. 1132-1 susmentionnées sont applicables à la période d'essai.

Ainsi si en principe l'employeur est libre de rompre le contrat sans préavis ni formalités au cours de la période d'essai, il ne peut pas fonder sa décision sur l'état de santé ou le handicap du salarié. Dès lors, s'il est constaté que le salarié a été délibérément évincé en raison de son état de santé, la rupture de la période d'essai est nulle.

En l'espèce, M. [U] soutient en substance que la rupture de sa période d'essai décidée le jour même où il a informé son employeur de la prolongation de ses arrêts de travail est en lien direct avec son état de santé et qu'elle ne repose pas sur des considérations liées à ses compétences professionnelles.

Afin d'étayer ses allégations, il verse aux débats :

- son contrat de travail du 19 avril 2017 aux termes duquel la période d'essai renouvelable est fixée à 4 mois;

- l'ensemble de ses arrêts de travail dont il ressort qu'il a travaillé du 19 avril au 25 avril 2017 avant d'être placé en arrêt de travail à compter du 26 avril 2017, le dernier arrêt de travail étant du 27 mai 2017;

- le courrier de rupture de la période d'essai adressé le 30 mai 2017;

- des attestations faisant état de ses compétences professionnelles dans son domaine et de l'expérience vécue par un autre employé dans le cadre d'un contrat d'alternance au sein de la société.

Il en résulte que pris dans leur ensemble, la concommittance des dates entre la prolongation de l'arrêt de travail le 27 mai 2017 faisant suite à plusieurs prolongations et la notification de la rupture de la période d'essai le 30 mai 2017 peuvent laisser présumer l'existence à l'égard de M. [U] d'une discrimination liée à son état de santé.

Il appartient donc à l'employeur de prouver que les agissements invoqués par le salarié ne sont pas constitutifs d'une telle discrimination et que les décisions qu'il a prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

A ce titre, l'employeur objecte pour l'essentiel que sa décision de rompre la période d'essai est motivée par les difficultés d'intégration, de communication du salarié et par ses difficultés d'adaptation au sein d'une petite et jeune société décelées avant son arrêt de travail. Il fait valoir que dès le quatrième jour, il a été constaté le manque de réactivité et de communication de M. [U] en dépit de son acceptation des termes du contrat précisant les compétences attendues d'un développeur web.

A l'appui de ses allégations, l'employeur se prévaut de l'attestation de M. [O], directeur tecnique, lequel relate que pendant la période 'présentielle' de M. [U] du mercredi 19 avril 2017 au 25 avril 2017, soit 5 jours, ' nous avons noté des problèmes de communication et d'intégration au sein de l'équipe technique ainsi que des difficultés d'adaptation au sein de la structure'. Il se réfère également à un échange de mail de M. [U] avec la dirigeante de la société aux termes duquel elle l'exhorte à faire preuve de plus de réactivité ' sur ce genre de problème qui ralentit les tests et qui aura un impact ensuite sur la team'.

La société produit également plusieurs attestations qui vantent les qualités tant de l'entreprise que de ses dirigeants mais ne rapportent aucun fait précis sur les capacités du salarié.

Il sera toutefois relevé que les difficultés évoquées par M. [O] à propos de M. [U] ne sont ni précises ni circonstanciées alors que la période de travail effective n'a été que de cinq jours avant qu'il ne soit placé en arrêt maladie. Le salarié avait en effet juste débuté son activité. S'il peut être admis que le temps dans une petite structure, se développant sur un autre modèle qu'une société plus classique ou de plus grosse taille, se mesure à une autre échelle, il sera relevé que la période au cours de laquelle les qualités du salarié ont pu être appréciées a été de 5 jours pour une période d'essai de 4 mois, renouvelable une fois.

L'employeur échoue en conséquence à démontrer que sa décision de rompre la période d'essai est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en lien avec l'état de santé de M. [U].

En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes est infirmée, et la rupture de la période d'essai est déclarée nulle.

Cette nullité entraîne le paiement de dommages et intérêts réparant le caractère illicite de la rupture. Toutefois, l'article L.1235-3-1 n'est pas applicable dès lors qu'il ne s'agit pas d'un licenciement.

Le salarié ayant retrouvé du travail deux mois après la rupture, une somme de 6000 euros lui sera allouée à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour la perte de son emploi en lien avec la nullité de la rupture.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination

M. [U] sollicite la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination.

Il ne justifie toutefois pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture de la période d'essai.

Il sera en conséquence, par voie de confirmation du jugement, débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Compte tenu du sens du présent arrêt, la décision de première instance sera infirmée sur les dépens.

La société Krash Studio sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera condamnée au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [V] [U] de sa demande de nullité de la période d'essai, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société S.A Krash Studio à payer à M. [V] [U] les sommes suivantes:

- 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture de la période d'essai;

- 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société S.A Krash Studio aux dépens de première instance et d'appel;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/06885
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.06885 ?
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