Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 12 JUIN 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17806 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYSF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 17/14204
APPELANT
Monsieur [U] [I]
[Adresse 12]
[Localité 4]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
ayant pour avocat plaidant : Me Marie-Laure TARRAGANO de la SELEURL TARRAGANO AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1134
INTIMEE
S.E.L.A.R.L. [B] [R] ET ASSOCIES Es-qualité d'administrateur ad'hoc de la SCCV LE HAMEAU DES NOYERS, société radiée du Registre du Commerce de Toulouse où elle était immatriculée sous le numéro 793 286 154
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Bertrand COURRECH de la SCP COURRECH ET ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par
ayant pour avocat plaidant : SCP COURRECH & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Fanny MORISSEAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Madame Perrine VERMONT, Conseillère
Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.
* * * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
M. [U] [I] a acquis un pavillon sis [Adresse 9] à [Localité 14], cadastré section AE n°[Cadastre 6], selon acte notarié du 15 septembre 2000. Le bien a été vendu le 9 mars 2016 à M. [E] [W] & Mme [L] [C] épouse [W].
La parcelle située [Adresse 11] à [Localité 14] était la propriété de M. [K] [N], qui a vendu le 9 décembre 2013 à la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers un ensemble de propriétés bâties et non bâties sis [Adresse 10] et [Adresse 11], section AE n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 5].
La société par actions simplifiée Green City Immobilier a obtenu le 10 décembre 2012 un permis de construire portant sur la démolition d'un ensemble de constructions sis [Adresse 11] à [Localité 14] et la construction d'un ensemble de 27 logements.
Ce permis de construire a été transféré à la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers le 28 juin 2013.
Se plaignant de désordres, de l'atteinte à une servitude de vue et de la perte d'ensolleillement et de luminosité, M. [U] [I] a obtenu la désignation d'un expert en la personne de M. [H] [M] par ordonnance de référé du 14 août 2014 au contradictoire, notamment, des sociétés Green City Immobilier et Le Hameau des Noyers
L'expert, qui s'est adjoint le concours de M. [V] [A], expert en estimations immobilières, déposé son rapport le 15 octobre 2016.
Par acte du 15 mars 2018, M. [U] [I] a assigné la société par actions simplifiée Green City Immobilier et la société AXA France devant le tribunal en ouverture de rapport.
Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Toulouse du 13 mars 2019 la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [B] [R] & associés, en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, a été désignée en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de représenter la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers dans le cadre de la présente procédure.
Par acte du 11 avril 2019, M. [U] [I] a assigné en intervention forcée devant le tribunal la société [B] [R] & associés en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers aux fins de la voir condamner in solidum à lui réparer le préjudice subi.
Les affaires ont été jointe le 6 juin 2019.
M. [U] [I] a demandé au tribunal, pour l'essentiel, de :
- juger que les ouvertures de l'immeuble qui appartenait à M. [U] [I] constituent des servitudes de vues, à tout le moins la terrasse et les fenêtres situées au 1er étage de l'immeuble,
- constater que l'immeuble qui appartenait à M. [U] [I] subi une perte d'ensoleillement imputable à la construction voisine édifiée par la société Green City Immobilier et la société Le Hameau des Noyers,
- juger que la perte d'ensoleillement subi constitue un trouble anormal du voisinage,
- condamner in solidum la société Green City Immobilier et la société [B] [R] et Associés en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers à lui payer la somme de 42.000 € en réparation de son préjudice,
- débouter la société Green City Immobilier et la société [B] [R] et Associés en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum la société Green City Immobilier et la société [B] [R] et Associés en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure.
La société Green City Immobilier et la société Le Hameau des Noyers ont demandé au tribunal, essentiellement, de :
- juger que les conclusions de M. [U] [I] sont mal dirigées,
d'une part, la société Green City n'a pas procédé à la construction de l'ouvrage litigieux elle a seulement déposé et obtenu le permis de construire qu'elle a par la suite cédé à la société Le Hameau des Noyers,
dès lors, on ne peut pas lui reprocher d'avoir généré un trouble anormal de voisinage puisqu'elle n'a jamais pris part aux opérations de construction,
d'autre part, la société Green City n'a jamais été propriétaire de la parcelle litigieuse,
dès lors, les conclusions aux fins de reconnaissance d'une servitude de vue sont mal dirigées à défaut pour la société Green City d'être propriétaire du fonds,
à titre subsidiaire,
- juger que M. [U] [I] n'a pas intérêt à agir contre la société Green City du fait de la transmission de l'action à l'acquéreur par l'effet de la théorie de l'accessoire,
- juger que M. [U] [I] n'a pas un intérêt direct et personnel à solliciter la reconnaissance d'une servitude de vue alors qu'il n'est plus propriétaire du bien,
- déclarer la demande irrecevable,
à titre infiniment subsidiaire, sur le caractère mal fondé du recours,
concernant la reconnaissance de la servitude de vue,
- juger que les ouvertures pratiquées ne sont pas des vues mais des jours,
- juger que les vues de prospect sont insusceptibles d'acquisition par prescription acquisitive,
- débouter M. [U] [I] de sa demande relative à une reconnaissance de servitude de vue au profit du fonds qu'il a cédé,
concernant le trouble anormal de voisinage,
- juger que l'immeuble se situe dans un environnement urbain dans lequel il était prévisible que des constructions s'implantent à proximité de l'immeuble ayant appartenu à M. [U] [I],
- juger que la conception de l'immeuble sur toute la parcelle a exposé l'immeuble à une perte d'ensoleillement dans le cadre du développement de l'urbanisation,
- juger que les troubles affectant le rez-de-chaussée n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage eu égard à la destination des pièces du rez-de-chaussée,
- juger que la diminution de l'ensoleillement du premier étage est minime, en déduire, que la perte d'ensoleillement n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage,
- débouter M. [U] [I] de ses demandes aux fins de condamnation,
sur le préjudice,
- constater que M. [U] [I] n'a subi aucun préjudice dans la mesure où il a cédé son bien immobilier au-dessus de la valeur vénale évaluée par le sapiteur,
- constater qu'il n'existe aucune moins-value et que par conséquent M. [U] [I] n'a subi aucun préjudice,
- débouter M. [U] [I] de ses demandes aux fins de condamnation,
sur les conclusions reconventionnelles,
- juger que M. [U] [I] a mal dirigé ses conclusions,
- juger que M. [U] [I] n'a aucun intérêt à agir,
- juger que le recours de M. [U] [I] est abusif et qu'il caractérise une faute de son droit d'ester en justice,
- juger que le recours abusif est en lien direct avec les préjudices subis par la société Green City,
- condamner M. [U] [I] à verser une somme de 10.000 € au titre du préjudice d'image subi par la société Green City,
en tout état de cause,
- condamner M. [U] [I] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
La société AXA France a demandé au tribunal de :
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner M. [U] [I] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du même code.
Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
- constaté que bien qu'ayant assigné la société AXA, M. [U] [I] ne formule aucune demande et ne s'est pas non plus désisté à son encontre,
- constaté que les autres parties n'ont pas formulé de demande à l'encontre de la société AXA,
- débouté M. [U] [I] de sa demande à l'encontre de la société Green City Immobilier, - débouté M. [U] [I] de sa demande au titre de la reconnaissance de servitude pour défaut d'intérêt à agir,
- débouté M. [U] [I] de sa demande au titre de la réparation de son préjudice,
- débouté la société Green City Immobilier de sa demande au titre de l'abus de droit et en réparation de son préjudice d'image,
- condamné M. [U] [I] à verser :
à la société AXA France Iard, la somme de 1.500 €,
à la société Green City Immobilier, la somme de 2.000 €,
- condamné M. [U] [I] aux dépens (comprenant les frais d'expertise) lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile s'agissant d'AXA,
- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
M. [U] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 8 décembre 2020 à l'encontre de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [B] [R] & associés, en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers.
La procédure devant la cour a été clôturée le 31 janvier 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions notifiées le 6 mai 2021 par lesquelles M. [U] [I], appelant, invite la cour, au visa de la théorie des troubles anormaux du voisinage, à :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
l'a débouté de sa demande au titre de la reconnaissance de servitude pour défaut d'intérêt à agir,
l'a débouté de sa demande au titre de la réparation de son préjudice,
l'a condamné aux dépens (comprenant les frais d'expertise),
- juger que les ouvertures de l'immeuble qui lui appartenait constituent des servitudes de vues, à tout le moins la terrasse et les fenêtres situées au 1er étage de l'immeuble,
- juger que l'immeuble qui lui appartenait a subi une perte d'ensoleillement imputable à la construction voisine édifiée par la société Le Hameau des Noyers,
- juger que la perte d'ensoleillement subi constitue un trouble anormal du voisinage,
- condamner en conséquence la société [B] [R] et Associés, en la personne de M. [B] [R], admnistrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers à lui payer la somme de 42.000 € en réparation de son préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Green City Immobilier de sa demande au titre de l'abus de droit et en réparation de son préjudice d'image,
- débouter la société Green City Immobilier de son appel incident visant à le voir condamner à verser une somme de 10.000 € au titre du préjudice d'image,
- condamner la société [B] [R] et Associés, en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers aux dépens incluant les frais d'expertise, ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la société Green City Immobilier de sa demander formée par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées le 6 septembre 2021 par lesquelles la société [B] [R] & associés, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Le Hameau des Noyers, intimée, invite la cour, au visa de l'article 675 et suivants et 1240 du code civil, à :
sur l'appel de M. [I],
à titre principal,
- déclarer irrecevables les conclusions de M. [I] à l'encontre de la société Green City comme étant mal dirigées,
- confirmer le jugement,
à titre subsidiaire,
concernant la reconnaissance de la servitude de vue,
- débouter M. [I] de sa demande relative à une reconnaissance de servitude de vue au profit du fonds qu'il a cédé,
- confirmer le jugement,
concernant le trouble anormal de voisinage,
- débouter M. [I] de ses demandes aux fins de condamnation,
- confirmer le jugement,
sur le préjudice,
- débouter M. [I] de ses demandes aux fins de condamnation,
- confirmer le jugement,
sur l'appel incident de la société Green City,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Green City de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [I],
- condamner M. [I] à verser une somme de 10.000 € au titre du préjudice d'image subi par la société Green City,
en tout état de cause,
- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :
- constaté que bien qu'ayant assigné la société AXA, M. [U] [I] ne formule aucune demande et ne s'est pas non plus désisté à son encontre,
- constaté que les autres parties n'ont pas formulé de demande à l'encontre de la société AXA,
- débouté M. [U] [I] de sa demande à l'encontre de la société Green City Immobilier ;
Les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquel elle a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants ;
Sur la servitude de vue
L'article 31 du code de procédure civile dispose :
'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé' ;
Au jour de l'introduction de la demande le 15 mars 2018, M. [U] [I] n'était plus propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 14] ;
Il ressort de l'acte de vente du 9 mars 2016 :
'Procédure en cours
...
Convention des parties sur la procédure
Il est expressément convenu entre les parties que le Vendeur conservera le droit d'agir contre la compagnie AXA France, la SCCV Le Hameau des Noyers, et la SA Green City Immobilier, ainsi que toute autre personne susceptible d'engager sa responsabilité, pour les faits sus-indiqués en réparation des préjudices personnels ou réels nés antérieurement au transfert de propriété des biens objets des présentes, qui sera constaté par acte authentique.
Par conséquent, toute décision judiciaire à venir intervenant dans le cadre de la procédure intentée par le vendeur fera sa perte ou son profit, sans recours possible contre l'acquéreur qui en contrepartie ne bénéficiera d'aucune indemnisation et devra faire de son affaire personnelle de la situation et de l'état des biens, connaissance prise du problème et de ses conséquences à venir
Etant ici rappelé que l'acquéreur pourra agir en représentation des éventuels préjudices nés à compter du transfert de propriété des biens objets des présentes' ;
L'acte notarié prévoit donc que M. [U] [I] garde le droit d'agir en responsabilité en réparation des préjudices personnels ;
Comme l'a dit le trubunal, une action en revendication d'une servitude n'est pas une action en responsabilité, mais une action personnelle qui ne peut être exercée que par le propriétaire du fonds ; ici, M. [U] [I] ne démontre pas de sa qualité, ni de son intérêt à agir s'agissant de la reconnaissance d'une servitude ;
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes à ce titre ;
Sur les demandes au titre du trouble de voisinage
En application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ;
Toutefois ce droit est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, le voisin lésé pouvant en demander réparation au propriétaire de l'immeuble d'où provient le trouble ;
La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage implique de caractériser un rapport de voisinage, un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre ce trouble et le préjudice ;
Il appartient au tribunal d'apprécier s'il s'agit d'inconvénients excessifs compte tenu de l'environnement local, caractérisé par le mode normal de vie et d'activité du secteur concerné ;
En l'espèce, la société Le Hameau des Noyers a été propriétaire de la parcelle sise [Adresse 11] à [Localité 14] à compter du 9 décembre 2013 ;
M. [U] [I] était à cette date propriétaire de la parcelle sise [Adresse 9] à [Localité 14] et ce jusqu'au 9 mars 2016, date à laquelle il a vendu son bien ;
Le rapport de voisinage est donc caractérisé ;
Il ressort des opérations d'expertise qu'il existe une perte d'ensoleillement due à la construction voisine du [Adresse 10], affectant principalement l'atelier situé en rez-de chaussée et dans une moindre mesure les bureaux du premier étage ;
L'expert a toutefois noté qu'il n'existait pas de servitude de vue active inscrite dans le titre de propriété construite sur la parcelle [Cadastre 6] ;
Au rez de chaussée, l'expert a noté que les baies vitrées sont édifiées à 2,03m du sol, ont 1,46m de haut, ne permettent pas une vue directe sur le fonds voisin et sont équipées d'un vitrage fixe translucide mais non transparent; et qu'à l'étage, les baies vitrées sont édifiées à 1,70m du sol et ont 0,80m de haut ;
L'expert a précisé en outre :
- le bâtiment de la société Green City Immobilier est implanté à 2,46m de la façade du bâtiment de M. [U] [I] (+ 6cm épaisseur de l'isolation du bâtiment débordant sur le fonds voisin) ;
- pour l'atelier du rez-de-chaussée et les locaux attenants, la luminosité naturelle est donnée par une rangée de baies vitrées sur le côté droit du bâtiment, exposé au Sud-Est ; ce sont les seules baies éclairant l'atelier ;
A l'étage les bureaux sont éclairés par des baies situées en hauteur des deux côtés du bâtiment ainsi qu'en façade rue et par quelques skydômes ;
Le bénéfice de la luminosité est donc fortement réduit pour l'atelier du rez-de chaussée et diminué pour les bureaux situés en façade Sud-Est ; le bâtiment construit par la société Green City Immobilier ayant la même hauteur que celui de M. [U] [I] ;
L'expert a procédé à des modélisations pour déterminer les masques solaires ;
Il a ainsi déterminé que 97% de la surface du rez-de-chaussée était privée de rayonnement direct et que 32% de la surface du premier étage était privée de 86% de rayonnement direct ;
Il a conclu que l'édification de l'immeuble du [Adresse 11] a entraîné une perte du luminosité significative ;
L'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu ;
Il appartient à la juridiction saisie d'apprécier s'il s'agit d'inconvénients excessifs compte tenu de l'environnement local, caractérisé par le mode normal de vie et d'activité du secteur concerné ;
La première juge a exactement énoncé ce qui suit :
'L'ancienne propriété de M. [U] [I] est un local commercial (selon le constat d'huissier), un immeuble à usage d'activité et de bureau (selon le rapport d'expertise) ;
Le rapport d'expertise en valeur vénale relève s'agissant de la commune de [Localité 14] 'il s'agit d'une commune 'dortoir' de la banlieue Est, composée pour l'essentiel de grands ensembles sociaux (51% du parc)', et s'agissant de la [Adresse 15] 'on se trouve dans un secteur mêlant des pavillons avec de grands ensembles sociaux et ici où là des immeubles d'activité. Il faut aussi noter que la [Adresse 15] correspond à la limite de commune entre les communes de [Localité 13] et [Localité 14]. Ainsi de l'autre côté de la rue, la société Logirep, déjà propriétaire d'un ensemble d'habitation social, envisage la construction de 50 logements sociaux supplémentaires. La zone est donc en cours d'urbanisation et de densification.
Pour un local d'activité, la situation est quelconque et ne présente pas d'attrait particulier.' ;
Il s'ensuit que le nouvel ensemble immobilier présente des caractéristiques identiques aux immeubles déjà présents dans l'environnement urbain dans lequel est inséré l'ancien immeuble de M. [U] [I] ;
Ces troubles ne sont donc que la conséquence inévitable de la densification progressive du quartier déjà urbanisé dans lequel se situe l'ancien immeuble de M. [U] [I], étant rappelé que nul n'est assuré de conserver son environnement qui peut toujours être remis en question par le plan d'urbanisme ;
Il en résulte que l'importance des pertes de clarté, d'ensoleillement subies à l'époque par M. [U] [I] du fait de l'édification de l'immeuble de la société Le Hameau des Noyers dans cette zone urbanisée avec immeubles collectifs aux alentours n'excèdent les inconvénients normaux de voisinage ;
Le sapiteur, M. [A] a conclu à une perte de la valeur vénale du bien à la somme de 82.000 € (932.000 - 850.000) ; le bien a été vendu 890.000 et le préjudice de jouissance n'a pas été fixé par l'expert ;
M. [U] [I] produit deux baux commerciaux :
- un de 2008 à une société EMT qui a donné son congé en 2009,
- un de 2014 à une société Lahore Secs qui a donné son congé en 2011 ;
Il n'est pas justifié une quelconque occupation des locaux sur la période de décembre 2013 à mars 2016, période pendant laquelle les deux parties étaient propriétaires ; M. [U] [I] fait valoir qu'il occupait les locaux mais ne produit aucun justificatif à l'appui et il ressort des photographies tant du constat d'huissier en 2014 que du rapport d'expertise en 2016 que les locaux étaient vides ;
Ainsi le caractère anormal des troubles n'est pas démontré, pas plus que le préjudice de jouissance ;
Il en résulte que la perte de luminosité et d'ensoleillement alléguée par M. [U] [I] ne constitue pas des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage' ;
Il convient d'ajouter que la perte de valeur vénale n'est pas davantage démontrée ; M. [A] a estimé la perte de valeur de l'immeuble consécutive à la construction voisine à la somme de 932.000 - 850.000 = 82.000 € ; l'immeuble a été vendu 890.000 € le 9 mars 2016 ; la différence de 42.000 € revendiquée par M. [I] s'explique par les aléas du marché immobilier ;
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] [I] de sa demande d'indemnisation au titre du trouble de jouissance ;
Sur les demandes de la société Green City Immobilier
La société Green City Immobilier forme un appel incident sur le rejet de sa demande de dommage-intérêts pour recours abusif ;
En application des dispositions des articles 32-1 du code de procédure civile, et 1240 du code civil l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute ;
La société Green City Immobilier ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de M. [I] aurait dégénéré en abus ; il convient d'ajouter que M. [I] n'a pas attrait la société Greeen City Immobilier devant la cour puisqu'il ne conteste pas le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande contre la société Green City Immobilier ;
Pour ces motifs et ceux, pertinents et circonstanciés de la première juge que la cour adopte, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la socité Green City de sa demande de dommage-intérêts ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. [U] [I], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [B] [R] & associés, en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [U] [I] et la société par actions simplifiées Green City Immobilier ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne M. [U] [I] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [B] [R] & associés, en la personne de M. [B] [R], administrateur judiciaire, ès qualités de mandataire ad hoc de la société civile de construction vente Le Hameau des Noyers la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT