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12/06/2024 | FRANCE | N°20/08017

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 juin 2024, 20/08017


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08017 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCW5T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F 18/01017





APPELANTE



Madame [F] [C]

[Adresse 1]>
[Localité 4]

Représentée par Me Amira MALKIC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1470





INTIMEE



SAS ID LOGISTICS FRANCE 3 agissant poursuites et diligences de son Présid...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08017 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCW5T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F 18/01017

APPELANTE

Madame [F] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Amira MALKIC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1470

INTIMEE

SAS ID LOGISTICS FRANCE 3 agissant poursuites et diligences de son Président en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 janvier 2015, à effet au 5 janvier suivant, Mme [F] [C] a été engagée par la société ID Logistics France 3 en qualité de responsable des ressources humaines, Zone Ile de France Est, moyennant une rémunération mensuelle de 4300 euros, outre une rémunération variable.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Du 26 septembre au 10 décembre 2017, Mme [C] a été placée en arrêt de travail et à la suite d'une visite médicale de reprise en date du 15 décembre 2017, elle a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique.

Le 1er février 2018, Mme [C] a été victime d'un accident du travail et placée en arrêt de travail.

A l'occasion de sa visite de reprise en date du 26 avril 2018, le médecin du travail a déclarée Mme [C] inapte à son poste de travail , précisant que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Mme [C] a fait l'objet, après convocation du 14 mai 2018 et entretien préalable fixé au 25 mai 2018, d'un licenciement le 4 juin 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes, le 7 décembre 2018 aux fins de voir juger, à titre principal, son licenciement nul et à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle a également sollicité la condamnation de la société ID Logistics à lui payer diverses sommes, dont des rappels de rémunérations variables pour les années 2016 et 2017.

Par jugement en date du 15 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a :

- dit que le licenciement est justifié par l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement de Mme [C],

- condamné la société ID Logistics à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

* 4 300 euros (quatre mille trois cents euros) au titre du bonus 2016,

* 7 740 euros (sept mille sept cent quarante euros) au titre du bonus 2017,

* 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [C] du surplus de ses demandes,

- condamné la société ID Logistics aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 26 novembre 2020, Mme [F] [C] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 13 octobre 2023, Mme [C] demande à la cour de :

- dire et juger le licenciement de Mme [C] nul, et dans tous les cas, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la société ID Logistics France 3 a commis des manquements dans l'exécution de ses obligations d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement justifié,

- condamner la société ID Logistics France 3 à payer :

* A titre principal, la somme de 66 506,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et au minimum à la somme de 40 706,49 euros (art. L1235-3-1 du code du travail),

* Subsidiairement, la somme de 22 169 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L1235-3 du code du travail),

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ID Logistics France 3 au paiement de :

* 4 300 euros brut à titre de rappel de part variable (bonus) au titre de l'année 2016,

* 7 740 euros brut à titre de rappel de part variable (bonus) au titre de l'année 2017,

- y ajouter la condamnation au titre des congés payés sur les dits rappels de part variable de 2016 d'un montant de 430 euros et 2017 d'un montant de 774 euros soit la somme totale de 1 204 euros,

avec intérêts au taux légales sur lesdites sommes,

En tout état de cause,

- ordonner la rectification du bulletin de paie d'octobre 2017 comportant la mention inexacte de 'prime exceptionnelle' afin qu'elle comporte la mention 'rappel de salaire',

- ordonner à la société ID Logistics France 3 de délivrer à Mme [C] un bulletin de paie et documents légaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société ID Logistics France 3 au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ID Logistics France 3 aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 21 mai 2021, la société ID Logistics demande à la cour de :

A titre principal :

' constater que les demandes de Mme [C] sont infondées,

En conséquence :

- infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes d'Evry-Courcouronnes en ce qu'il a condamné la société ID Logistics France 3 au paiement des sommes suivantes :

* 4 300 euros au titre du bonus 2016 ;

* 7 740 euros au titre du bonus 2017 ;

* 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

' juger que le licenciement de Mme [C] est justifié par son inaptitude ainsi que son impossibilité de reclassement ;

-constater que Mme [C] n'a pas fait l'objet d'agissements de harcèlement moral ni de discrimination et que son licenciement n'est pas nul ;

- juger que le licenciement de Mme [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

-confirmer le jugement du conseil des prud'hommes d'Evry-Courcouronnes en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [C] est justifié par son inaptitude et impossibilité de reclassement,

A titre subsidiaire :

- limiter le montant des condamnations la somme de 12 145,53 euros,

En tout état de cause :

-condamner Madame Mme [C] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procdure civile ;

- condamner Mme [C] aux entiers dpens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la demande de rappel de la part variable de la rémunération au titre des années 2016 et 2017

Lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable reposant sur l'atteinte d'objectifs, il appartient à l'employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. Par ailleurs, lorsque les modalités de calcul sont déterminées par l'employeur, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues, et il appartient à l'employeur de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour les années de référence ont été atteints. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause.

En toute hypothèse, le droit à rémunération variable, qui est une contrepartie de l'activité du salarié, s'acquiert au fur et à mesure et ne peut être soumis à une condition de présence effective dans l'entreprise à une date déterminée.

Le contrat de travail de Mme [C] prévoit une rémunération variable pouvant atteindre 3 mois de salaire brut mensuel, en fonction de la réalisation d'objectifs annuels fixés à la salariée par sa hiérarchie, calculée au prorata de son temps de présence au cours de l'année civile et sous condition de présence dans les effcetifs au 31 décembre de l'année civile de référence.

1-1 Sur la part variable 2016

En ce qui concerne le bonus 2016 payable en 2017, la salariée indique que ses objectifs lui ont été fixés en mai 2016 et qu'elle a réussi à atteindre tous ses objectifs alors qu'il ne restait que 7 mois pour les atteindre. Elle souligne qu'elle a obtenu la note de 4 sur 5. La salariée conteste que lors de l'entretien d'évaluation du 18 avril 2017, les objectifs atteints/ non atteints aient été abordés.

La salariée précise que dans un premier temps, aucun bonus ne lui a été versé et que suite à l'intervention de son conseil en octobre 2017, son employeur lui a versé la somme de 8600 euros, correspondant à deux mois de bonus. Elle souligne qu'il lui reste dû le 3 ème mois de bonus, soit la somme de 4300 euros, outre la somme de 430 euros au titre des congés payés afférents, étant précisé que le CPH a omis de statuer de ce dernier chef.

L'employeur répond qu'au titre du bonus 2016, la DRH a notifiée à la salariée ses objectifs par mail du 20 mai 2017, ce qu'elle reconnaît.

Cette information, presque 5 mois après le début de l'année, apparaît comme tardive. Or, en application de l'article L1221-1 du code du travail, lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement. La fixation tardive des objectifs s'apparente à un défaut de fixation desdits objectifs.

La salariée peut en conséquence prétendre à son entier bonus. Il lui est dû la somme de 4300 euros de ce chef, outre la somme de 430 euros au titre des congés payés afférents.

1-2-Sur la part variable 2017

La salariée expose qu'elle a d'abord perçue une rémunération variable de 15% au titre de l'année 2017, portée à 40% après ses réclamations.

La salariée soutient qu'elle a pourtant atteint l'ensemble de ses objectifs pour l'année 2017 et sollicite le reliquat d'un montant de 7740 euros, outre la somme de 740 euros au titre des congés payés afférents, étant précisé que le premier juge a omis de statuer de ce dernier chef.

L'employeur soutient que Mme [C] n'a atteint que partiellement, à hauteur de 40% , ses objectifs.

Au titre de l'année 2017, les objectifs assignés à la salariée étaient les suivants:

1-atteinte du budget effectué l'année précédente comptant pour 20% du bonus,

2-la délivrance de deux fiches réflexes (10% du bonus) ,

3- la formalisation du suivi des mobilités et départs suite aux déménagements, fermetures, transferts conformément à la fiche réflexe pour une identification et maitrise des coûts (20% du bonus),

4- la participation active à la mise en place des accords obligatoires et consultations UES et sociétés en fonction de la répartition déterminée ainsi que la tenue des commissions (30% du bonus),

5-la mise en place d'un plan d'action suite aux reclassements effectués sur les mois et années précédentes.

La société explique que la salariée n'a pas atteint les objectfs n° 1, 3 et 5 et qu'elle n'a atteint que partiellement ses autres objectifs (pour 15% cumulés).

La cour constate qu'alors que la société soutient que la salariée n'a atteint que 15% de ses objectifs, elle lui a finalement payé une somme correspondant à 40 % de ses objectifs, sans préciser lesquels auraient été finalement atteints.

Si Mme [C] fait remarquer, aux termes de ses écritures, qu'elle n'était pas chargée du budget, il résulte de la pièce 35 versée aux débats par l'employeur, d'une part qu'elle n'a pas contesté cet élement (qui ne dépend pas que d'elle) et a noté 'en cours' sur la fiche de préparation de son entretien 2016. Il est retenu que cet objectif n'a pas été atteint, l'employeur en justifiant.

S'agissant de l'objectif n°2, la société ne démontre pas qu'elle a informé sa salariée du second thème de la fiche réflexe, cette dernière niant en avoir eu connaissance. Cet objectif doit être considéré comme atteint.

La salariée établit avec ses pièces n° 60 (tableau) et n° 61 (mail) qu'elle a rempli son objectif n°3.

Elle rapporte également la preuve que ses objectifs n° 4 et 5 ont été atteints.

Elle pouvait ainsi prétendre au paiement de 80% de sa rémunération variable pour 2017.

Elle a perçu une somme correspondant à 40 %, il lui reste dû la somme de 5160 euros, outre la somme de 516 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur la quantum. Il sera ajouté au jugement sur chef des congés payés afférents.

2-Sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

La cour constate que le licenciement est intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 4 juin 2018, la société qui a payé l'indemnité spéciale de licenciement, retenant le caractère professionnel de l'inaptitude.

2-1 Sur la nullité du licenciement

Au visa des article L1152-1, L1154-1, L1152-3 et L 1235-3-1 du code du travail, Mme [C] rappelle que nul salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Elle rappelle également que l'article L. 1152-4 du Code du travail met à la charge du chef d'entreprise une obligation de prévention du harcèlement pour en empécher la survenance.

Elle expose enfin que l'article L 1132-1 du code du travail prohibe les discriminations et les différences de traitement entre les salariés et que l'article L. 3221-2 du code du travail affirme le principe, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.

La salariée estime ainsi avoir été victime d'agissements répétés de la part de sa hiérarchie, ayant altéré son état de santé, compromis son avenir professionnel ainsi que d'un traitement discriminatoire. Elle estime que son employeur n'a pas assuré sa protection.

2-1-1 Sur la discrimination

Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.'

En application de l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en matière de discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires.

Aux termes de l'article L 3221-2 du code du travail 'Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.'

Au cas d'espèce, la salariée n'explique aucunement en quoi son licenciement serait discriminatoire et ne vise aucune des causes de discrimination ci-dessus rappelées. En ce qui concerne l'inégalité de traitement, la salariée se contente de mentionner que deux collègues, Mmes [Z] et [E] ont perçu leur bonus contrairement à elle. Le refus de lui régler l'intégralité de ses bonus, sur lequel l'employeur est en partie revenu, n'est en rien discriminatoire mais relève d'une appréciation divergente des parties sur la réalisation des objectifs.

La salariée ne présente pas en conséquence des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ou une inégalité de traitement.

Elle sera déboutée de sa demande.

2-1-2 Sur le harcélement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit, dans sa version applicable à la cause, qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée soutient avoir été victime de harcèlement moral de son employeur

caractérisés par :

1-le refus de lui payer en totalité ses bonus 2015, 2016 et 2017 alors qu'elle avait atteint ses objectifs, refus réitérés de privilégier une solution amiable, qui ont altéré son état de santé,

2-l'accusation d'être malhonnête,

3-aucune action pour la rassurer malgré son alerte sur son appréhension à reprendre le travail et l'absence de préparation de son retour,

4-l'absence de dispense de reprise d'activité, contrairement à l'usage en vigueur, dans l'attente de la visite médicale de reprise,

5-l'absence de contact oral pendant un mois à compter de sa reprise avec sa responsable, Mme [O],

6-le retard à organiser son temps partiel thérapeutique, l'avenant au contrat étant signé début janvier 2018, sans que ses souhaits ne soient respectés,

7-le non respect de son temps partiel thérapeutique, la laissant travailler un jour de repos,

8-une agression verbale le jeudi 1er février 2018 par son employeur dans un contexte de séminaire.

La salariée soutient que l'ensemble de ces agissements ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, le grief n°1 est avéré.

En ce qui concerne le 2ème grief, il est constaté que par mail en date du 24 novembre 2017 relatif à la question du bonus 2016, adressé au conseil de Mme [C], Mme [O] a écrit ' Que [F] soit en désaccord avec l'analyse de l'atteinte ou non de ses objectifs, est une chose, en revanche, alléguer que nous n'avons pas échangé sur le sujet est parfaitement malhonnête'.

La cour constate que la salariée n'est pas destinataire du mail et n'est pas en copie. Compte tenu de la tournure de la phrase, il n'est pas certain que ce qualificatif s'adressait à la salariée, seule l'action d'affirmer l'absence d'échanges au sujet du bonus étant qualifié de 'malhonnête', et ce d'autant qu'il s'agissait d'une réponse à un précédent mail du conseil de la salariée qui qualifiait de déloyale l'absence de paiement des bonus.

Ce grief n'est pas retenu.

Le grief n° 3 n'est pas retenu dans la mesure ou la salariée ne dit pas ce que l'employeur aurait dû faire pour 'la rassurer'. Par ailleurs, il est établi par un mail du 12 janvier 2018 qu'il a été laissé à la salariée la liberté de s'organiser au mieux .

En ce qui concerne le grief n°4, et contrairement à ce qu'affirme Mme [C], il n'est pas d'usage de dispenser le salarié d'activité professionnelle dans l'attente de la visite de reprise, une telle dispense relevant d'une simple possibilité pour l'employeur. La visite de reprise a eu lieu dans les 8 jours de la reprise de la salariée.

Le grief n'est pas établi.

Le grief n°5 ne peut être retenu dans la mesure ou par mail du 18 décembre 2017, Mme

[O] qui avait prévu de voir la salariée l'informe qu'en raison de l'hospitalisation de sa fille, elle ne pourra venir à [Localité 5], ce dont l'employeur justifie. Par ailleurs, Mme [O] avait proposé à la salariée de l'appeler au téléphone dès le lendemain de sa reprise, étant elle-même en congé le jour de cette reprise.

Relativement au fait n°6, la salarié a repris son travail le 10 décembre 2017 et a vu le médecin du travail le 15 décembre 2017 . Les parties s'accordent pour indiquer que le médecin du travail a prescrit une reprise à temps partiel thérapeutique, avec : ' travail le lundi, mardi et mercredi. Repos le jeudi et le vendredi. A mettre en place en concertation avec la salariée. A revoir dans 2 mois' (cette mention n'apparaît sur aucun des exemplaires de la visite de reprise versées aux débats). Un avenant au contrat de travail a été signé le 22 décembre 2017 tandis que des échanges par mail ont eu lieu entre les parties les 18 et 19 décembre 2017 sur les modalités du travail, l'employeur demeurant, compte tenu de son pouvoir de direction, le seul à pouvoir décider sur quels sites la salariée serait amener à travailler. La salariée a, au demeurant, été associée à cette décision.

Ce fait n'est pas établi.

Le grief n°7 est établi, Mme [C] ayant été amenée à travailler au moins un jeudi, le 1er février 2018.

En ce qui concerne le grief n°8, la salariée explique que la société a souhaité qu'elle assiste au séminaire ROADMAP réunissant tous les cadres de l'entreprise à [Localité 6], le jeudi 1er février 2018, ce qu'elle a fait. Elle indique qu'elle a été verbalement agressée lors de la pause de 10h30, par Mme [N] [K], nouvelle DRH du groupe laquelle lui a reproché, aux yeux de tous , dans le couloir, d'être revenue dans l'entreprise alors qu'elle lui avait payé ses bonus et qu'elle aurait alors dû démissionner. Elle indique que la DRH lui a alors dit qu'elle était malhonnête et déloyale. Elle précise qu'elle a alors 'craqué ' devant Mme [O], pleurant en sa présence et lui faisant part de son incompréhension.

Pour établir cet élément, la salariée précise que suite à cet événement, elle a été plaçée en arrêt de travail pour accident du travail par son médecin traitant pour être ensuite déclarée inapte par le médecin du travail et justifie de son arrêt de travail à compter du 2 février 2018.

Elle souligne que Mme [O] a été témoin des faits, et verse aux débats le mail qu'elle a envoyé à cette dernière, le 2 février 2018 à 19h32, récapitulant l'incident. Elle justifie enfin que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de son arrêt de travail, suite à cet événement.

Le fait est établi.

La salariée justifie de l'altération de son état de santé en produisant diverses pièces médicales.

Ces éléments, pris ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient dès lors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

En réponse, l'employeur fait valoir qu'il n'a pas réglé l'intégralité des bonus de Mme [C] pour la seule raison qu'il considérait qu'elle n'avait pas atteint l'ensemble de ses objectifs. Il a été dit plus haut que pour 2017, la salariée n'avait effectivement pas réalisé 100% de ses objectifs. Par ailleurs, l'employeur justifie de nombreux échanges entre les parties établissant des désaccord objectifs entre elles. L'employeur justifie ainsi que ce fait est étranger à tout harcélement.

Concernant l'invitation à se rendre au séminaire des cadres en date du 1er février 2018,

l'employeur indique que la salariée a été rendue destinataire de l'invitation à y assister 'comme les autres cadres'. Si l'employeur justifie qu'il a, par mail circulaire, invité l'ensemble des cadres à ce séminaire, il aurait néanmoins dû, dans la mesure ou le jeudi est un jour de congé pour Mme [C], soit la dispenser de séminaire soit recueillir son accord exprès pour travailler ce jour là, alors qu'elle était en repos, en contrepartie d'un autre jour de la semaine.

En ce qui concerne les faits du 1er février 2018, l'employeur produit aux débats deux attestations de Mme [O] selon laquelle, elle n'a pas été témoin des échanges entre Mme [K] et la salariée, le 1er février 2018. Ces seules attestations ne permettent pas d'établir que le fait reproché est étranger à tout harcèlement moral, d'autant qu'il est étonnant que Mme [O] n'ait pas, à la suite du mail de la salariée du 2 février 2018 lui rappelant le déroulement des faits répondu en contestant les dires de Mme [C].

Ainsi l'employeur échoue à justifier que l'invitation faite à la salariée de participer à un séminaire et de l'agression verbale de la nouvelle directrice des ressources humaines sont étrangers à tout harcélement moral.

L'existence d'un harcèlement moral est établi.

L'inaptitude d'origine professionnelle de Mme [C] étant lien direct avec le harcèlement moral ainsi que cela résulte des pièces, notamment médicales, versées aux débats, son licenciement est nul.

3-Sur l'indemnité pour licenciement nul

En application de l'article L1235-3-1 du code du travail, en cas de nullité du licenciement pour harcèlement moral, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C] de son âge au jour de son licenciement (38 ans), de son ancienneté à cette même date (2 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, sans qu'elle ne justifie des conséquences financières du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer la somme de 23216,78 euros (6 mois de salaire rémunération variable 2017 incluse) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

4-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

par l'employeur

Aux termes de l'article L 1222-1 du code du travail ' le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

La salariée sollicite la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts à fin de réparer le préjudice moral résultant de la souffrance psychologique qu'elle a endurée.

La salariée reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé sa part variable, de n'avoir pas veillé à respecter les dispositions de son avenant au contrat de travail relatif à son temps partiel thérapeutique et de ne pas lui avoir versé l'intégralité des sommes auxquelles elle avait droit à la suite de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur s'oppose à cette demande, soulignant que les griefs sont infondés et qu'en tout état de cause, la salariée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral et matériel distinct de celui allégué au titre de son licenciement.

La salariée qui a obtenu partiellement gain de cause au titre des bonus, ne justifie d'aucun

préjudice autre que celui déja réparé par le paiement d'une partie du bonus par la société, aux termes des discussions des parties entre elles, ou de la présente condamnation. Elle ne justifie pas plus d'un préjudice moral au titre de ses autres reproches.

Elle est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé à cet égard.

5-Sur la demande de rectification du bulletin de paie d'octobre 2017

La salariée demande que la mention inexacte de 'prime exceptionnelle' soit remplacée par la mention 'rappel de salaire'.

Il est fait droit à cette demande, le rappel de bonus correpondant effectivement à un rappel de salaire.

Le jugement est infirmé de ce chef

6-Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie et d'une attestation Pôle Emploi, devenue France Travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

7- sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le

remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation. Il sera ajouté au jugement déféré de ce chef.

8-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la SAS ID LOGISTICS France 3 est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [F] [C] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SAS ID LOGISTICS France 3 est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a:

- condamné la SAS ID LOGISTICS France 3 à payer à Mme [F] [C] la somme de 4300 euros au titre du bonus 2016, celle de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Mme [F] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et a rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile présentée par la société,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT nul le licenciement de Mme [F] [C] pour inaptitude et impossibilité de reclassement,

CONDAMNE la SAS ID LOGISTICS France 3 à payer à Mme [F] [C] les sommes suivantes :

-23216,78 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

-5160 euros au titre du bonus 2017, outre la somme de 516 euros au titre des congés payés afférents,

-430 euros au titre des congés afférents au bonus 2016,

ORDONNE à la SAS ID LOGISTICS France 3 de remettre à Mme [F] [C] un bulletin de paie pour octobre 2017 portant la mention 'rappel de salaire' au lieu de 'prime exceptionnelle',

ORDONNE à la SAS ID LOGISTICS France 3 de remettre à Mme [F] [C] une attestation destinée au Pôle Emploi, devenu France Travail et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

ORDONNE d'office à la SAS ID LOGISTICS France 3 le remboursement à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à Mme [F] [C] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

DIT que conformément aux dispositions des articles L. 1235-4 et R. 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi, devenu France Travail, du lieu où demeure le salarié,

CONDAMNE la SAS ID LOGISTICS France 3 à payer à Mme [F] [C] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

DÉBOUTE la SAS ID LOGISTICS France 3 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS ID LOGISTICS France 3 aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/08017
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;20.08017 ?
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