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12/06/2024 | FRANCE | N°19/09191

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 juin 2024, 19/09191


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 12 JUIN 2024



(n° /2024, 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09191 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARRR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 18/00856





APPELANTE



ASSOCIATION DE SOLIDARITÉ AVEC LES TRAVAILLEURS IM

MIGRES DE [Localité 8] (ASTI)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Auriane MOURET, avocat au barreau de PARIS





INTIMEES



Madame [N] [S]

[Adresse 5]

[Loca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 12 JUIN 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09191 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARRR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 18/00856

APPELANTE

ASSOCIATION DE SOLIDARITÉ AVEC LES TRAVAILLEURS IM MIGRES DE [Localité 8] (ASTI)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Auriane MOURET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [N] [S]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE

SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [T] [P], es-qualité de liquidateur judiciaire de l'Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés 'ASTI'.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST, représentée par sa Directrice, Mme [D] [G]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] [S] a été engagée à compter du 1er août 2015 en qualité de coordinatrice chargée du développement de projets par l'Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés (ASTI) selon contrat à durée indéterminée en date du 17 juillet 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des acteurs du lien social et familial: centres sociaux et socioculturels, associations d'accueil de jeunes enfants, associations de développement social local.

Evoquant des difficultés économiques, l'ASTI a, par courrier du 30 mai 2016, convoqué Mme [S] à un entretien préalable à licenciement fixé au 7 juin 2016.

Par courrier du 10 juin 2016, Mme [S] a été licenciée pour motif économique.

Par courrier du 15 juin suivant, Mme [S] a contesté son licenciement en rappelant à son employeur sa qualité de conseillère prud'homale et ainsi son statut de salarié protégé.

A la suite de ce courrier, le 23 juin 2016, l'ASTI a saisi l'inspection du travail compétente d'une demande d'autorisation de licenciement, laquelle s'est déclarée incompétente par courrier du 18 juillet 2016, la rupture du contrat de travail ayant d'ores et déjà été notifiée et Mme [S] n'ayant pas exprimé son accord sur la renonciation du licenciement.

Par acte du 6 juillet 2016, Mme [S] a assigné l'ASTI devant le conseil de prud'hommes de Longjumeau aux fins de voir, notamment, dire et juger que son ancienneté remonte au 16 janvier 2014, constater que le licenciement est intervenu en violation de son statut de salarié protégé et déclarer en conséquence le licenciement nul.

L'affaire a été radiée le 21 avril 2017, puis réintroduite le 21 septembre 2018.

Par jugement du 27 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a:

- fixé l'ancienneté de Mme [N] [S] au 1er août 2015 ;

- jugé que le statut de cadre de Mme [N] [S] est nul et de nul effet ;

- jugé que le licenciement de Mme [N] [S] est intervenu en violation de son statut de salarié protégé ;

- prononcé, en conséquence, la nullité du licenciement de Mme [N] [S] ;

- ordonné la réintégration de Mme [N] [S] dans son emploi similaire, dans les 8 jours de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros (cent euros) par jour de retard ;

- condamné l'association de solidarité avec les travailleurs immigrés de [Localité 8] (ASTI) prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [N] [S] les sommes suivantes :

* 58.206 euros (cinquante huit mille deux cent soixante euros) au titre des salaires échus depuis le 17 juillet 2016, somme provisoirement arrêtée au 1er août 2018 ;

* 5.826 euros (cinq mille huit cent vingt six euros) au titre des congés payés afférents dont à déduire les revenus de remplacement servis à la salariée depuis le 17 juillet 2016 ;

* 100 euros (cent euros) à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale d'embauche et en cours de contrat ;

* 1.000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016, date de saisine de la juridiction, pour les sommes allouées à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents et à compter du prononcé de la présente décision pour les dommages et intérêts ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes ;

- débouté l'association de solidarité avec les travailleurs immigrés de [Localité 8] (ASTI) de ses demandes reconventionnelles ;

- mis les dépens à la charge de l'association de solidarité avec les travailleurs immigrés de [Localité 8] (ASTI).

Par déclaration du 5 septembre 2019, l'ASTI a interjeté appel de cette décision, intimant Mme [S].

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, l'AGS demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel ;

- débouter Mme [S] de ses demandes, fins et conclusions ;

- rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant et en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d'être fixées ;

- donner acte à la concluante des conditions d'intervention de l'AGS dans le cadre des dispositions du code de commerce rappelées ci-dessus, et des conditions, limites et plafonds de la garantie de l'AGS prévus notamment par les articles L.3253-6 à L.3253-17, L.3253-19 à L.3253-20 du code du travail ;

- rejeter toute demande contraire dirigée à l'encontre de l'AGS ;

- dire en tout état de cause que la décision à intervenir de fixation de créances ne sera opposable à l'AGS que dans les conditions, limites et plafond de sa garantie légale subsidiaire;

- dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2023, Mme [S] demande à la cour de :

Vu les articles 63, 66, 67, 68 et 555 du code de procédure civile, R.1461-1 du code du travail sur l'intervention forcée ;

- joindre la présente instance à l'instance principale enrôlée sous le numéro de répertoire général 19/09191 et distribuée au Pôle 6 - Chambre 4 de la cour ;

Statuant sur l'appel de Mme [N] [S] :

Vu le jugement prononcé le 27 juin 2019 ;

Vu le statut protecteur et la convention collective applicable ;

Vu les très nombreuses pièces produites par l'ASTI démontrant qu'elle agissait sous les directives de l'employeur depuis janvier 2014 ;

Vu la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés prononcée par le tribunal judiciaire d'Evry le 25 novembre 2021 et le jugement du 24 novembre 2022 ;

- recevoir Mme [N] [S] en son appel, l'y déclarer bien fondée,

- réformer le jugement entrepris,

- accueillir Mme [N] [S] en ses demandes d'origine ou les demandes qui s'y substituent conformément à la loi en raison de la liquidation et y faisant droit,

- dire et juger que l'ancienneté de Mme [N] [S] au sein de l'ASTI de [Localité 8] remonte au 16 janvier 2024 ;

- dire et juger que les fonctions dévolues de A.S.T.I. rappelées dans l'avenant tardif de 2015, relevaient nécessairement du statut de cadre tant au sens de la classification PARODI (convention de 1947) et de la convention collective applicable au contrat de travail ;

Vu les dispositions de la convention collective concernant les salaires minima garantis, ayant force de loi,

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés les sommes suivantes :

* 44 778,09 euros pour la période de travail non déclarée du 16 janvier 2014 au 31 juillet 2015,

* 4 477,80 euros au titre des congés payés y afférents,

* 9 301,52 euros pour la période de travail déclarée du 1er août 2015 au 17 juillet 2016,

* 930,15 euros au titre des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau,

- constater que Mme [S] était conseillère prud'homme au moment du licenciement et que l'employeur avait connaissance de cette situation ;

- constater que l'employeur a délibérément violé le statut protecteur en organisant la rupture du contrat de travail sans solliciter préalablement l'autorisation de l'inspection du travail,

Dès lors,

- déclarer le licenciement nul au visa des articles L.2411-1 17°), L.1442-19 du code du travail,

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés aux sommes suivantes :

* pour la période arrêtée au 25 novembre 2021 :

218 860 euros au titre des salaires échus depuis le 17 juillet 2016, date de la rupture annulée, indemnité de congés payés inclus,

* constatant la réintégration impossible du fait de la liquidation judiciaire de l'ASTI :

-fixer les autres créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés aux sommes suivantes :

218 860 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en application de l'article L.1134-4 du code du travail ;

8 496,25 euros à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle ;

Subsidiairement,

- dire et juger le licenciement de Mme [N] [S] dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés aux sommes suivantes :

* 7 282,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 728,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 8 496,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif (L.1235-3-1 et L.1235-55 du code du travail),

En tout état de cause :

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés à la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale d'embauche et en cours de contrat ;

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de mutuelle et de régime de prévoyance obligatoires,

- fixer les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés à la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes à caractère salarial fixé par la Cour produiront intérêt au taux légal à compter de la saisine,

- dire que les indemnités à caractère indemnitaire prononcées par le conseil de prud'hommes produiront intérêt au taux légal à compter du 27 juin 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière conformément à l'article 1343-2 du code civil,

Vu les articles L.3253-6 à L.3253-18-9, D.3253-1 et suivants du code du travail,

- dire que l'AGS CGEA devra garantir l'intégralité des créances alléguées au profit de Mme [N] [S], dans les limites légales et règlementaires, jusque et compris les intérêts de droit,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA ;

- condamner la SELAFA JMA prise en la personne de Me [T] es qualité de mandataire liquidateur de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés à payer à Mme [N] [S] une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELAFA JMA prise en la personne de Me [T] es qualité de mandataire liquidateur de l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés en tous les dépens de première instance et d'appel, y compris ceux exposés au titre de la présente assignation et ses suites.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 23 mai 2023, la Selafa Mja demande à la cour de:

- infirmer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions;

Par suite, statuant à nouveau,

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- constater que Mme [S] s'est engagée en qualité de bénévole aux côtés de l'ASTI du 16 janvier 2014 au 1er août 2015,

- juger que Mme [S] relevait du statut employé;

- juger que le licenciement est fondé sur un motif économique et ne saurait être frappé de nullité;

- condamner Mme [S] à verser la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à la Selafa Mja, prise en la personne de Maître [T], mandataire liquidateur de l'ASTI;

- condamner Mme [S] à verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la Selafa Mja, prise en la personne de Maître [T], mandataire liquidateur de l'ASTI,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait que le licenciement serait frappé de nullité,

- constater que la réintégration de Mme [S] est impossible et n'est plus sollicitée par Mme [S];

- fixer à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par la salariée au regard de l'abandon de la demande de réintégration et de la fin de la période de protection et fixer l'indemnité de nullité de licenciement à six mois de salaire;

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que les revenus de remplacement et les revenus professionnels de Mme [S] devront être déduits de la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de l'Asti;

- condamner Mme [S] aux entiers dépens.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la date du début de la relation contractuelle

Mme [S] soutient que son ancienneté doit être fixée au 16 janvier 2014 et non au 1er août 2015, date du contrat de travail, aux motifs qu'elle a exercé de manière effective ses fonctions de coordinatrice à compter de cette date.

L'ASTI soutient au contraire que Mme [S] est intervenue en qualité de bénévole au sein de l'association avant d'être embauchée de surcroît dans le cadre d'un contrat unique d'insertion.

En l'absence de contrat de travail pour la période antérieure au 1er août 2015, la salariée a la charge de la preuve de l'existence du contrat de travail en justifiant:

- d'une prestation de travail;

- d'une rémunération;

- d'un lien de subordination avec l'employeur qu'il désigne.

Or, il résulte des pièces communiquées qu'aucune rémunération n'a été versée à Mme [S] avant le 1er août 2015 sans que la salariée ne présente de réclamation.

Mme [S] se prévaut de nombreux courriels échangés dont il ressortirait selon elle qu'elle recevait des directives de son employeur. Or, il sera relevé à la lecture de ces courriels que les intervenants échangeant avec Mme [S] sont pour la plupart des bénévoles et ne peuvent donc être définis comme ayant autorité sur elle ou en mesure de lui donner des directives. L'employeur souligne également que Mme[S] s'est présentée devant le conseil d'administration en tant que bénévole, n'a pas pendant plusieurs mois eu une activité à ce titre, soit du 1er décembre 2014 au 3 mars 2015 puis du 3 mars 2015 au 16 juillet 2015.

Les attestations produites par l'employeur la décrivent comme agissant en tant que bénévole ou ayant été présentée comme intervenant à titre bénévole, l'association ne comptant qu'un très petit nombre de salariés. Ainsi quand bien même Mme [S] aurait échangé des courriels, leur contenu laisse entrevoir une collaboration ou une aide et non pas la transmission d'ordre par un employeur avec pouvoir d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de sa subordonnée.

En l'absence d'élément caractérisant un contrat de travail, c'est à raison que le conseil de prud'hommes a écarté la demande de rappel de salaires.

En conséquence, Mme [S] sera déboutée par voie de confirmation du jugement de sa demande.

Sur la classification en qualité de cadre

Mme [S] sollicite un rappel de salaire aux motifs que l'employeur n'a pas appliqué le salaire minimum garanti par la convention en ne lui faisant pas bénéficier du statut cadre correspondant à ses fonctions.

L'ASTI représentée par son mandataire es qualité oppose que la salariée ne justifie pas que son poste correspondrait aux trois niveau minima requis dans les critères de formation, de complexité et d'autonomie exigées par la convention collective applicable.

Il sera rappelé que la catégorie professionnelle dont relève un salarié se détermine relativement aux fonctions réellement exercées et l'appréciation des fonctions exercées s'effectue par rapport à la grille de classification fixée par la convention collective. Il incombe au salarié, qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente dans le cadre de ses fonctions des tâches et responsabilités relevant de la classification revendiquée.

La détermination de la classification impose l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées au vu des éléments produits par les parties et leur comparaison avec la classification de la convention collective applicable.

En l'espèce, Mme [S] a été engagée en qualité de 'coordinatrice chargée de développement' afin d'assurer les activités d'animation et de développement de projet selon les termes de son contrat de travail.

Aux termes de l'article 1.2 de la convention applicable, 'les emplois rattachés aux emplois repères d''assistants de direction' , de ' comptable' ou de ' coordinateur' ont un statut cadre en fonction de niveaux minima requis dans les critères de formation, complexité et autonomie' selon un tableau comprenant les niveaux requis de formation , complexité et autonomie, les trois conditions s'avérant cumulatives. Selon l'article 1.3,'à défaut en l'absence de rattachement exprès de l'emploi au statut cadre, les dispositions du présent chapitre sont applicables dès lors que l'emploi considéré entre dans la définition posée ci après.. (..) ...salariés qui répondent à l'exclusion de toute considération basée sur les émoluments à l'un au moins des trois critères suivants:

- avoir une formation technique équivalente à celle des cadres des professions nationales similaires et exercer des fonctions requérant la mise en oeuvre des connaissances acquises;

- exercer par délégation de l'employeur l'autorité sur un ou plusieurs salariés ou catégories de salariés;

- exercer des fonctions impliquant initiatives et responsabilités et pouvant être considérées comme ayant délégation de l'autorité de l'employeur'.

En l'espèce, il ressort des termes du contrat de travail de Mme [S] qu'elle avait pour attributions principales d'assurer les activités d'animation et de développement de projets au sein de l'ASTI pour une rémunération brute de 1550 euros payée, compte tenu du contrat unique d'insertion auquel il est adossé, à hauteur de 1041, 08 euros par l'association et complété pour la différence par Pôle Emploi.

Ainsi que le souligne l'employeur, Mme [S] ne justifie pas d'une formation qui viendrait justifier le niveau IV pas plus qu'elle ne démontre que ses fonctions répondaient au degré de complexité exigée. Par ailleurs, si ses fonctions assuraient à la salariée un certain degré d'autonomie et de responsabilités dans l'exercice de ses missions, il n'est en revanche pas démontré qu'elle aurait disposé d'une autonomie dans la prise de décisions et de la capacité à engager l'association.

Enfin, Mme [S] ne fait pas plus la démonstration qu'elle a exercé des fonctions correspondant au moins à l'un des critères de l'article 1.3 susvisé. De même, elle ne disposait pas de pouvoir disciplinaire ou de délégation de pouvoir sur sa seule collègue, Mme [I], comptable, laquelle atteste qu'elle collaborait avec elle sur certains dossiers administratifs concernant les activités de l'association. Il n'est pas plus démontré qu'elle avait un pouvoir de direction ou une délégation de l'employeur à cette fin.

Mme [S] sera en conséquence déboutée de sa demande de reconnaissance de son statut de cadre.

S'agissant du rappel de salaire, il ressort des pièces verées que Mme [S] a été rémunérée à hauteur de 108, 33 heures par mois par l'ASTI, complété par Pôle Emploi dans le cadre du contrat unique d'insertion. L'association démontre également en produisant ses relevés de compte avoir versé par trois chèques les salaires qui étaient dus à la salariée pour les mois manquants (novembre 2015, du 1er juin au 17 juillet 2016). N'ayant pas le statut cadre, le mimimum conventionnel correspondant au statut employé s'élevait à 17 770 euros, étant précisé que l'attribution de la rémunération additionnelle prévue par la convention collective ne peut avoir lieu compte tenu d'une ancienneté inférieure à 12 mois.

Eu égard aux sommes perçues, Mme [S] doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire.

Sur la nullité du licenciement

Mme [S] soutient que son licenciement est nul car il a été prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail et ce alors que son employeur avait connaissance de son mandat de conseiller prud'homal.

L'employeur objecte que la salariée n'a jamais fait état de sa qualité de conseillère prud'homale avant son entretien préalable.

Aux termes de l'article L. 2411-1 17 ° du code du travail dans sa version applicable au litige, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi d'un mandat de conseiller prud'homme.

Le fait de licencier un salarié protégé sans respecter la procédure spécifique entraîne une requalification du licenciement en licenciement nul.

Pour bénéficier d'une protection, le salarié doit rapporter la preuve que son employeur était informé. Aucune exigence n'est imposée quant à la forme que doit revêtir la communication de l'information à l'employeur.

Pour preuve de la connaissance, la salariée se réfère à un courriel adressé par l'employeur faisant état de ce qu'il avait été informé le jour de l'entretien de sa qualité de conseiller prud'homal mais attendait, selon l'accord convenu, la transmission du courrier indiquant son mandat et sa date d'effet.

Lorsque la rupture du contrat n'a pas été autorisée par l'autorité administrative et si le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire. Le salarié protégé a le droit également d'obtenir au titre de la méconnaissance du statut protecteur le montant de la rémunération qu'il aurait du percevoir entre son éviction et l'expiration de sa période de protection mais aussi les indemnités de rupture.

Au vu des pièces versées, il ressort que l'employeur connaissait à la date de l'entretien préalable le statut protecteur de la salariée.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé que ce licenciement était nul.

Sur les conséquences du licenciement

Le conseil de prud'hommes a fait droit à la réintégration sollicitée par Mme [S]. Or depuis lors, l'association a été placée en liquidation judiciaire et la réintégration est en conséquence impossible. Mme [S] ne sollicite d'ailleurs plus cette réintégration.

Elle n'est pas fondée en sa demande de rappel de salaire jusqu'à la date de liquidation, ne pouvant plus prétendre à une indemnisation résultant de sa réintégration. En effet, le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité au titre de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur et à l'indemnisation pour nullité du licenciement.

L'employeur justifie avoir versé à Mme [S] l'indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire.

S'agissant de l'indemnité de licenciement, il sera rappelé que selon l'article L.1234-9, dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Aux termes de l'article R.1234-1 du code du travail, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9 ne peut inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au delà des années pleines.

Selon l'article R1234-2, modifié par décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Mme [S] ayant plus de 8 mois d'ancienneté, soit 10 mois, peut prétendre à une indemnité de licenciement qui sera fixée à la somme de 322, 91 euros.

Par ailleurs, eu égard à la nullité du licenciement, Mme [S] peut prétendre à l'indemnisation du préjudice né de la rupture du contrat et qui sera fixée à la somme de 9300 euros.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Mme [S] sollicite la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire à 218 860 euros au titre des salaires échus depuis le 17 juillet 2016 jusqu'au jour de la liquidation judiciaire. Or, la réintégration n'étant plus possible du fait de la procédure de liquidation judiciaire en cours, cette demande n'est pas fondée.

Elle sera en conséquence déboutée de cette demande.

Sur les autres demandes

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de visite médicale et d'embauche

Il n'est pas contesté que Mme [S] n'a pas fait l'objet d'une visite médicale.

Mais cette absence ne sera de nature à donner lieu à indemnisation pour la salariée que si elle démontre un préjudice.

Or, Mme [S] ne produit aucune pièce à cet égard et ne justifie pas du préjudice liée à cette absence de visite médicale.

Il convient en conséquence par voie d'infirmation du jugement de la débouter de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'affiliation à la mutuelle et au régime de prévoyance

Il ressort des dispositions des articles L. 911-1 et L.911-2 du code de la sécurité sociale que l'employeur est tenu d'affilier son salarié à un régime de prévoyance complémentaire à celui résultant de la sécurité sociale.

L'employeur ne conteste pas ne pas avoir affilié la salariée au régime de prévoyance et à une mutuelle. Il se prévaut de ce qu'elle a accepté par courrier en date du 24 mai 2016 en raison des difficultés de l'association à renoncer à une telle mutuelle.

Mme [S] a, au contraire, dénoncé ' avoir été contrainte de prendre une mutuelle à ses frais et de signer un document en conséquence'.

Pour autant, alors que la salariée indique y avoir été forcée, sa renonciation ne saurait être retenue comme pertinente et de nature à dispenser l'employeur de son obligation à cet égard.

Toutefois, Mme [S] ne justifie pas de l'étendue de son préjudice à hauteur de sa demande de dommages et intérêts.

Au vu des éléments communiqués, son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 200 euros qui sera fixée au passif de la procédure collective.

Sur les intérêts

Il sera rappelé que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

Sur la procédure abusive

Eu égard à l'issue du litige, il ne peut être retenu que Mme [S] aurait par la procédure engagée commis un abus.

La demande présentée à ce titre sera rejetée.

Sur les demandes accesoires

Les dépens seront mis à la charge de la procédure collective.

Eu égard à l'issue du litige et les circonstances économiques, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:

- fixé l'ancienneté de Mme [N] [S] au 1Er août 2015;

- jugé que le licenciement de Mme [N] [S] est intervenu en violation de son statut protégé;

- prononcé la nullité du licenciement de Mme [N] [S];

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE les créances de Mme [N] [S] au passif de la liquidation judiciaire de l'ASTI aux sommes suivantes:

- 9300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 322, 91 euros à titre d'indemnité de licenciement;

- 200 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur en matière d'affiliation au régime de prévoyance et à la mutuelle;

DIT que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce;

ORDONNE la capitalisation des intérêts;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail,

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

MET les dépens à la charge de la procédure collective de l'ASTI;

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/09191
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;19.09191 ?
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