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11/06/2024 | FRANCE | N°21/08869

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 juin 2024, 21/08869


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 11 JUIN 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08869 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERTW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/01302



APPELANTE



S.A.R.L. NAILS & CO

[Adresse 2]

[Loca

lité 4]

Représentée par Me Hélène COURTAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 459



INTIMEE



Madame [C] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine KE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 11 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08869 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERTW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/01302

APPELANTE

S.A.R.L. NAILS & CO

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Hélène COURTAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 459

INTIMEE

Madame [C] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine KESPI-BUNAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire..

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

Mme [C] [J] a été engagée par la S.A.R.L. Nails & co, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 mars 2018, avec prise d'effet au 3 avril 2018, en qualité d'assistante administrative et commerciale, catégorie technicienne qualifiée 2e degré, catégorie D1.

 

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des organismes de formation.

 

Par courriel du 23 juin 2019, Mme [J] a informé la société Nails & co de sa volonté de mettre fin à l'amiable à son contrat de travail, et a proposé de conclure une rupture conventionnelle refusée par la société par courrier du 28 juin 2019.

  

Par lettre datée du même jour, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 16 juillet 2019 et a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 19 juillet 2019, motifs pris d'un comportement intolérable à l'égard de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques, d'un accueil du public aléatoire selon son humeur qui nuit à l'image de la société et de graves erreurs comptables et de suivi de dossiers de clients.

 

A la date du licenciement, Mme [J] avait une ancienneté d'un an et trois mois et la société Nails & co occupait à titre habituel moins de onze salariés.

 

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, Mme [J] a saisi le 11 septembre 2019 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 16 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixe le salaire mensuel brut à la somme de 3027,48 euros,

- condamne la société Nails & co à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 424,15 euros au titre de la mise à pied,

- 42,41 euros au titre des congés payés afférents,

- 6056,96 euros à titre d'indemnités de préavis,

- 605,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 1135,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 6100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2078,29 euros à titre de régularisation de commissions déduites à tort,

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute Mme [J] du surplus de ses demandes,

- déboute la société Nails & co de sa demande reconventionnelle,

- dit que les dépens de la présente instance sont à la charge de la société Nails & co.

Les premiers juges ont retenu que les faits reprochés à Mme [J] étaient prescrits. 

Par déclaration du 22 octobre 2021, la société Nails & co a interjeté appel de cette décision, notifiée le 28 septembre 2021.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2023, la société Nails & co demande à la cour de :

- déclarer la société Nails & co recevable et bien fondée en son appel limité aux chefs du jugement suivants : 

- « requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Fixé le salaire mensuel brut à la somme de 3.027,48 euros,

- Condamné la société Nails & co à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 424,15 euros au titre de la mise à pied,

- 42,41 euros au titre des congés payés afférents,

- 6.056,96 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 605,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.135,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 6.100,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.078,29 euros à titre de régularisation de commissions déduites à tort

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »,

- « débouté la société Nails & co de sa demande reconventionnelle,

- dit que les dépens de la présente instance sont à la charge de la société Nails & co ». 

y faisant droit, 

- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Créteil (RG n°19/01302), en ce qu'il a : 

- « requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel brut à la somme de 3.027,48 euros,

- condamné la société Nails & co à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 424,15 euros au titre de la mise à pied,

- 42,41 euros au titre des congés payés afférents,

- 6.056,96 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 605,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 1.135,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 6.100,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.078,29 euros à titre de régularisation de commissions déduites à tort

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »

- « débouté la société Nails & co de sa demande reconventionnelle,

- dit que les dépens de la présente instance sont à la charge de la société Nails & co ». 

statuant à nouveau, 

- fixer le salaire moyen brut de Mme [J] à la somme de 2.823,48 euros et non pas 3.028,48 euros, 

- juger que le licenciement de Mme [J] repose sur une faute grave, 

- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes, et de son appel incident, 

- confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes, 

- condamner Mme [J] à payer à la société Nails & co la somme de de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, 

- condamner Mme [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Courtaud, Avocat au Barreau du Val de marne, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 avril 2022, Mme [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a : 

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, 

- fixé le salaire mensuel brut à la somme de 3.027,48 euros (trois mille vingt-sept euros quarante-huit centimes), 

- condamné la société Nails & co à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 424,15 euros (quatre cent vingt-quatre euros quinze centimes) au titre de la mise à pied,

- 42,41 euros (quarante-deux euros quarante et un centime) au titre des congés payés afférents,

- 6.056,96 euros (six mille cinquante-six euros quatre-vingt-seize centimes) à titre d'indemnité de préavis,

- 605,69 euros (six cent cinq euros soixante-neuf centimes) au titre des congés payés afférents,

- 1.135,68 euros (mille cent trente-cinq euros soixante-huit centimes) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2.078,29 euros (deux mille soixante-dix-huit euros vingt-neuf centimes),

à titre de régularisation de commissions déduites à tort,

- 1.500,00 euros (mille trois cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

- déboute la société Nails & co de sa demande reconventionnelle, 

- dit que les dépens de la présente instance sont à la charge de la société Nails & co,

- débouter la société Nails & co de l'intégralité de ses demandes, 

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a alloué à Mme [J] la somme de 6.100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 

et statuant à nouveau :

- condamner la société Nails & co à payer à Mme [J] la somme de 36.341,77 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,  

- condamner la société Nails & co à verser à Mme [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la procédure d'appel.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 avril 2024.

 

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation du jugement déféré, la société appelante soutient que le licenciement pour faute grave de Mme [J] est parfaitement justifié.

Pour confirmation de la décision, la salariée intimée qu'aucun des griefs qui lui ont été faits ne sont établis.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige était ainsi essentiellement motivée :

« Nous faisons suite à l'entretien du 16 juillet courant, auquel nous vous avions convoquée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 juin 2019, et auquel vous vous êtes présentée accompagnée d'un conseiller salarial.

Votre comportement et vos agissements au sein de notre entreprise nous ont conduits à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.

En effet, nous avons dû à plusieurs reprises vous rappeler à l'ordre sur votre comportement intolérable à l'égard de vos collègues et supérieurs hiérarchiques.

Depuis juillet 2018, vous avez adopté un comportement intolérable à l'égard de votre collègue, Madame [F], et ce malgré les efforts de cette dernière d'apaiser les choses, et malgré nos demandes en ce sens également.

A titre d'exemple, vous ne lui adressiez que très peu la parole, vous lui tourniez le dos à table, la critiquiez ouvertement auprès de vos collègues, ce qui a généré chez elle une certaine tristesse et un mal-être au travail, que nous ne pouvions pas tolérer.

Nous vous avons demandé à plusieurs reprises d'entamer une discussion pour calmer ces tensions et vous avons averti que ce comportement était intolérable et nuisait au bon fonctionnement de l'entreprise.

Vous n'en avez pas pris compte et avez continué vos agissements, malgré un rappel à l'ordre en date du 31 janvier 2019.

Ainsi, lors d'une réunion d'équipe du 17 mai 2019, au cours de laquelle vous avez remis en question le poste de Madame [F], et ce en sa présence, ce qui m'a obligée à vous rappeler que la médisance n'était ni acceptable ni constructive.

Outre les remarques déplaisantes à l'égard de cette collègue, nous ne pouvons que déplorer de graves tensions avec vos supérieurs hiérarchiques.

Votre irrévérence à l'égard de votre hiérarchie n'a fait qu'empirer avec l'arrivée de Monsieur [K], Directeur de l'entreprise, dont vous ne tolérez aucun ordre ni aucune remarque, n'hésitant pas à manifester votre mécontentement et à contester son autorité devant les autres salariées.

Vous dénigrez systématiquement et ouvertement, devant les autres membres de l'entreprise mais également les prestataires extérieurs et les stagiaires, la gestion de mon entreprise, remettant en cause mon autorité, mes choix et décisions, allant même jusqu'à faire des commentaires sur ma vie privée.

Malgré le rappel à l'ordre du 31 janvier 2019, vous contestez systématiquement mes directives, allant jusqu'à m'accuser à tort, d'erreurs qui vous incombent, dans des mails parfois très agressifs.

Non seulement vous profitez de mon absence, entre 8 heures 30 et 9 heures, pour recevoir vos collègues dans votre bureau, au lieu de travailler, mais surtout vous profitez de ce moment pour dénigrer Monsieur [K], et moi-même, ce qui n'est pas tolérable.

Nous avons plusieurs fois eu l'occasion de vous rappeler, notamment lors de la réunion du 17 mai 2019, qu'un tel comportement est inacceptable, mais votre attitude désagréable et irrespectueuse à mon égard et à l'égard de Monsieur [K] persiste.

Un rappel verbal général a eu lieu le vendredi 21 juin 2019 à 8H45 de ma part, lorsque je suis arrivée et qu'une fois de plus, vous n'étiez pas en train de travailler mais en pause-café.

De même, au mois de juin 2019, vous avez dénigré ouvertement et sans aucun fondement Madame [W], formatrice microblading, devant les stagiaires, vos collègues, Monsieur [K] et moi-même.

Vous avez demandé à cesser tout partenariat avec cette dernière alléguant qu'elle serait «dangereuse '' (selon vos dires exacts) et m'avez informée ne plus accepter de faire la promotion de cette formation sous ce prétexte.

Un tel comportement à l'égard d'un prestataire extérieur est inadmissible et a des répercussions négatives pour notre entreprise.

Cette insubordination dont vous faites preuve depuis plusieurs mois a des conséquences néfastes sur le reste de l'équipe, que vous avez d'ailleurs cherché à « liguer » contre la direction.

Vous n'hésitez pas non plus à encourager les stagiaires à écrire des mails ou courriers de réclamation qui sont injustifiée et qui nuisent à l'image de notre entreprise.

Notre société ne peut plus tolérer vos écarts de comportement à l'égard de votre hiérarchie,

de vos collègues, des stagiaires et de tous autres intervenants extérieurs-

En outre, votre accueil du public est aléatoire selon votre humeur et nuit à l'image de la Société.

Vous ne parlez pas correctement aux clients, que ce soit par téléphone ou devant eux, en vous permettant de souffler pour manifester votre mécontentement.

Vous ne répondez pas non plus à tous les mails ni aux demandes des clientes ou potentielles stagiaires, ce qui génère un manque à gagner évident pour notre entreprise.

Enfin, vous commettez de graves erreurs comptables et de suivi des dossiers des clients qui, non seulement témoignent d'une incompétence certaine aux fonctions qui sont les vôtres, mais également nous laissent à penser que nous ne pouvons pas avoir confiance dans votre travail.

Ainsi, lorsque vous indiquez qu'une facture a été payée dans son intégralité alors que tel n'est pas le cas, ou lorsque vous ne contactez pas les clients pour leur demander leur RIB.

Non seulement cela ne permet pas une gestion efficace des impayés, mais cela fausse également vos primes sur objectifs, en vous permettant de toucher une prime plus importante que celle réellement due.

A ce jour et compte tenu de vos erreurs, vous avez reçu un trop-perçu de commissions de 2262,05 euros.

Encore une fois, mes remarques verbales, notamment le 21 juin 2019, et par mails (les 14 février et 3 juin 2019 notamment) n'ont pas modifié votre comportement.

Nous sommes constamment obligés de vous rappeler les règles de base et le procédé des tâches pourtant simples (création d'avoir par exemple), que vous ne savez toujours pas réaliser en toute autonomie.

Nous avons également dû, à plusieurs reprises, retourner à la banque car vous aviez omis de vérifier le bon remplissage de chèques et nous recevons régulièrement des retours de dossiers de Cofidis car les dossiers que vous avez envoyés étaient incomplets.

Tout cela démontre un manque évident d'application et d'implication.

Votre conduite met en cause le bon fonctionnement de notre entreprise, et les explications que vous avez fournies lors de l'entretien préalable du 16 juillet 2019 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation a ce sujet.

C'est la raison pour laquelle, compte tenu de la gravité de votre comportement et de ses conséquences, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible.

Pour les mêmes raisons, nous vous confirmons votre mise à pied à titre conservatoire, dont vous faites l'objet depuis le 15 juillet 2019, cette période n'étant pas rémunérée.

Le licenciement prendra donc effet immédiatement à compter de la première présentation de la présente, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Au terme de votre contrat, vous recevrez par courrier recommandé avec avis de réception votre attestation POLE EMPLOI, votre certificat de travail et votre solde de tout compte.(...) »

Il en résulte qu'il a été reproché à Mme [J] un comportement intolérable à l'égard de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques, un accueil du public aléatoire selon son humeur et qui nuit à l'image de la société et de graves erreurs comptables et de suivi de dossiers de clients.

Aux termes de l'article 1232-1 du Code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions des article L 1234-6 et L 1234-9 du code du travail que le salarié licencié pour faute grave n'a pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

La preuve des griefs reprochés au salarié doit être rapportée par l'employeur.

Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article 12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Au soutien de la réalité de la faute grave dont la preuve lui incombe, la société appelante s'agissant du comportement de Mme [J] à l'égard de ses collègues évoque les situations de Mme [F], de Mme [W] et pour finir de Mme [Z].

S'agissant des difficultés relationnelles avec Mme [F] elle produit l'attestation de Mme [W] qui témoigne que lors d'une réunion de présentation le 17 mai 2019 peu après son arrivée,Mme [J] aurait déclenché une polémique stérile contestant que [E] [[F]] puisse être adjointe. Outre le fait que Mme [W] a rencontré elle-même des difficultés avec Mme [J], il ressort clairement d'un courriel de Mme [F] produit aux débats, (pièce 10 salariée) adressé à cette dernière, dans lequel elle affirme avoir elle-même été étonnée d'être présentée comme adjointe qu'elle ne faisait état d'aucune acrimonie de ce fait à l'égard de celle-ci, soulignant en revanche avoir été surprise de l'agressivité de la gérante à l'égard de la salariée. S'agissant des difficultés relationnelles avec Mme [W], la société appelante s'appuie d'une part sur le témoignage de la victime elle-même qui se borne à affirmer que le comportement de Mme [J] à son égard n'a fait qu'empirer et qu'elle contribuait à une mauvaise ambiance sans plus de détail ainsi que d'autre part sur celui de M. [K] qui ne peut être considéré comme probant en tant que directeur général et compagnon de la gérante. S'agissant de la relation avec Mme [Z], l'appelante affirme sans l'établir que Mme [J] avait sans en avoir la légitimité souhaité que la société se sépare de cette formatrice alors même qu'elle reconnaît que celle-ci ne donnait pas satisfaction en raison des documents qu'elle fournissait aux stagiaires, truffés de faute d'orthographe et que leur collaboration a cessé.

S'agissant enfin du comportement intolérable à l'égard de la hiérarchie, la société s'appuie essentiellement sur le témoignage de M. [K] précité et sur des courriels adressés à la gérante Mme [Y], par Mme [J] qui ont été considérés comme témoignant d'un manque de respect flagrant (courriel du 3 juin 2019 pièce 13 société et du 23 juin 2019, pièce 5 salariée). La cour retient à la lecture de ces courriels, que le ton employé est courtois et sans agressivité et que dans celui du 23 juin 2019, Mme [J] faisant le constat d'une dégradation de la situation depuis l'arrivée de M. [K] dans l'entreprise (dont les propos selon lesquels « il était prêt à creuser un trou si on ne va pas dans sa direction » ont été confirmés par Mme [F] pièce 10 précitée) a demandé dans des termes dépourvus d'animosité une rupture conventionnelle. Ainsi l'insubordination reprochée à Mme [J] n'est pas rapportée, le courriel de Mme [S] daté du 27 juin 2019 se bornant à évoquer des propos inadaptés de Mme [J] relatifs à l'entreprise et son management inexistant, est trop vague pour être probant (pièce 11, société). La cour relève que le dénigrement de la société par Mme [J] auprès de prestataires extérieurs n'est pas plus établi et qu'il ne peut être reproché à cette dernière de conseiller aux stagiaires de se rapprocher de la direction en cas de difficulté rencontrée au cours de leur formation. La cour en déduit que ce grief n'est pas établi.

L'accueil du public aléatoire reposant essentiellement sur le témoignage de M. [K] (pièce 6 société précitée) est en outre contredit par les témoignages de satisfaction dont se prévaut Mme [J] émanant de clientes mais aussi d'anciennes collègues attestant de son professionnalisme, et dont rien ne permet de douter de la sincérité (pièce 15 et 19 à 22 salariée), le témoignage de Mme [M] prouvant au contraire que son dossier avait été particulièrement bien suivi malgré ses difficultés financières. Ce grief n'est pas établi.

S'agissant pour finir des graves erreurs comptables et de suivis des dossiers clients, la société se rapporte à des liasses de pièces comptables (factures, avoirs et devis) produites en pièces 37 à 44, peu explicites, pour affirmer que Mme [J] a omis des erreurs grossières dans l'exécution de son travail, n'utilisait pas correctement le logiciel de l'entreprise et qu'elle avait procédé à des manipulations comptables pour s'attribuer des devis qu'elle n'avait pas traités en indiquant des factures payées alors que tel n'était pas le cas et détourner des commissions à son profit.

La cour relève outre le fait que que la lettre de licenciement évoque essentiellement une insuffisance professionnelle qui en principe n'est pas fautive et ne vise en effet pas des irrégularités ou manipulations, que ce faisant la société ne justifie pas de document d'un comptable extérieur à l'entreprise attestant des erreurs relevées ou du trop-perçu éventuel de commissions et que Mme [J] explique sans être contredite que si son nom figure sur des dossiers engagés par celle qui l'avait précédée dans le poste, c'est parce-qu'elle en a pris la suite.

La cour retient à l'instar des premiers juges que la réalité de ce grief n'est pas rapportée et que le licenciement de Mme [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions financières

Sur la demande de remboursement de la régularisation des commissions sur vente de formations

Pour infirmation du jugement déféré, l'appelante fait valoir que Mme [J] a bénéficié d'un trop-perçu de 1845,77 euros de commissions entre son embauche et son départ selon le tableau produit en pièce 19.

Pour confirmation de la décision, Mme [J] conteste la régularisation à laquelle la société a procédé sur sa fiche de paye à hauteur de 2078,29 euros sans en justifier.

Outre que le montant retenu ne correspond pas au total présenté par l'employeur au titre des commissions trop versées à Mme [J] (pièce 19 société) la cour retient que ce tableau émanant de la société n'est conforté par aucun document comptable et que le bien-fondé de la régularisation pratiquée par l'employeur n'est pas justifié. C'est à bon droit que le jugement déféré a fait droit à a demande de remboursement, il sera confirmé.

C'est par conséquent à juste titre que le jugement déféré a pris en compte un salaire mensuel moyen, hors toute retenue de commissions, de 3027,48 euros et a alloué à la salariée les sommes suivantes :

-424,15 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée majorée de 42,21 euros de congés payés ;

-6056,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis majorée de 605,69 euros de congés payés afférents ;

-1135,68 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Mme [J] estimant que les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de la loi est contraire à l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT et à l'article 24 de la charte sociale européenne réclame une indemnité de 12 mois de salaire pour assurer l'indemnisation adéquate de son préjudice.

La société réplique que le barème a désormais été validé par la Cour de cassation statuant en assemblée plénière et qu'il ne saurait être valablement contesté. Elle ajoute que la salariée ne justifie pas de son préjudice et de sa situation actuelle.

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris, eu égard à l'ancienneté du salarié, entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte, soit entre 3 mois et 12 mois de salaire en l'espèce. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Il est constant que les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Aux termes de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT), si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Il est de droit que les stipulations de cet article 10 qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne. En effet, la Convention n° 158 de l'OIT précise dans son article 1er : « Pour autant que l'application de la présente convention n'est pas assurée par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, elle devra l'être par voie de législation nationale. »

Selon la décision du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

En outre, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter le barème fixé par l'article L.1235-3.

Au jour du licenciement, Mme [J] âgée de 38 ans, bénéficiait d'une année complète d'ancienneté. Elle justifie avoir rencontré des difficultés pour bénéficier des indemnités de chômage à la suite de la rupture du contrat de travail (pièce 46)

En conséquence, au vu des bulletins de salaire produits, la cour alloue dans les limites du barème précité une indemnité de 6000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision sera infirmée dans cette limite.

Sur les autres dispositions

Partie perdante, la société Nails & co est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement étant confirmé sur ce point et à verser à Mme [J] une indemnité de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel en sus de la somme accordée en première instance sur ce fondement également confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et statuant du seul chef infirmé et y ajoutant :

CONDAMNE la SARL Nails&co à payer à Mme [C] [J] les sommes suivantes :

- 6000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

CONDAMNE la SARL Nails&co aux entiers dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/08869
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;21.08869 ?
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