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11/06/2024 | FRANCE | N°21/04226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 juin 2024, 21/04226


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 11 JUIN 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04226 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVTS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS/FRANCE - RG n° 19/01163



APPELANTE



S.A.S. AUXILIADOM

[Adresse 1]

[Loc

alité 6]

Représentée par Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : G225



La SCP CBF prise en la personne de Me [D] [N] ès-qualités de commissaire à l'exécution du pla...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 11 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04226 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVTS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS/FRANCE - RG n° 19/01163

APPELANTE

S.A.S. AUXILIADOM

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : G225

La SCP CBF prise en la personne de Me [D] [N] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la S.A.S. AUXILIADOM

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : G225

INTIMEES

Madame [O] [L]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Abdelaziz MIMOUN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 89

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [O] [L], née en 1961 a été engagée par la S.A.S. Auxiliadom suivant un contrat à durée indéterminée à temps partiel écrit en date du 14 mars 2014 avec prise d'effet au 17 mars 2014 pour une durée annuelle à temps partiel de 1559 heures en qualité d'aide à domicile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services à la personne.

Dans le cadre de ses fonctions, il lui a été mis à disposition un véhicule de société selon une convention régularisée le 7 avril 2014.

Par un avenant en date du 4 mars 2015, la durée du travail de Mme [L] a été fixée à 1800 heures annuelles.

Par un avenant en date du 10 novembre 2016, la durée de travail de Mme [L] a été fixée à temps plein, celle-ci étant alors promue au poste d'assistante de vie et de responsable secteur.

Le 22 décembre 2017, Mme [L] était victime d'un accident de travail en se blessant au dos à l'occasion de la manipulation d'un des clients de la société Auxiliadom.

Mme [L] a fait l'objet d'arrêts de travail prolongés et a bénéficié d'une visite médicale de reprise le 20 avril 2018, au terme de laquelle le médecin de travail l'a déclarée inapte au poste, en précisant que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, dispensant l'employeur de l'obligation de reclassement.

Par un courrier du 15 mai 2018, la société Auxiliadom écrivait à Mme [L] en lui indiquant que selon les conclusions de la médecine du travail, la société était dispensée de la recherche de reclassement et qu'elle allait procéder à sa convocation à un entretien préalable.

Le 14 mai 2018, les délégués du personnel ont été consultés à propos de la situation de Mme [L].

Par un courrier en date du 17 mai 2018, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable le mercredi 30 mai 2018.

Le 11 juin 2018 la société Auxiliadom notifiait à Mme [L] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

A la date du licenciement, Mme [L] avait une ancienneté de 4 ans et 2 mois et la société Auxiliadom occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Demandant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein et diverses indemnités, outre le remboursement des acomptes retenus au titre des procès-verbaux d'infractions, le rappel d'heures supplémentaires, et des dommages et intérêts pour non respect des limites hebdomadaires de travail et du droit à repos consécutives à la rupture du contrat, Mme [L] a saisi le 11 février 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 22 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- qualifie le contrat de travail en contrat à temps plein,

- fixe à la somme de 3667,08 € le salaire brut moyen,

- condamne la société Auxiliadom à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

- 11 001,96 € bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires 2016 et 2017,

- 1100,19 € bruts à titre des congés payés afférents,

- 7000 € bruts à titre de repos compensateurs,

- 700 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 1500 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives au temps de repos,

- 3390,75 € bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 339,07 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 3003,35 € nets à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

- condamne la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire en application de l'article R1454-28 du code du travail,

- déboute Mme [L] du surplus de ses demandes,

- condamne la société Auxiliadom aux dépens.

La société Auxiliadom a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ordonnée par jugement du tribunal de commerce de Paris le 23 mars 2021 publiée au Bodacc le 7 avril 2021, Mmes [N] [D] et [H] [T] ont respectivement été désignées aux fonctions d'administrateur et mandataire judiciaire de la société Auxiliadom.

Par déclaration du 4 mai 2021, la société Auxiliadom a interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes notifiée le 29 avril 2021.

Par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 mars 2023, un plan de continuation de la société Auxiliadom a été arrêté, et il a été mis fin aux mandats des organes de la procédure.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 février 2024, la société Auxiliadom, la SELARL Athena ès qualités de mandataire judiciaire de la société, ainsi que la SCO CBF ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Auxiliadom demandent à la cour de :

- mettre hors de cause la SCP CBF ès qualités d'administrateur judiciaire et la SELARL Athena ès qualités de mandataire judiciaire du fait de la fin de leurs mandats,

- mettre hors de cause les AGS CGEA IDF du fait de l'adoption d'un plan de continuation de la société Auxiliadom redevenant in bonis,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré infondée la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un temps plein à compter du 1er aout 2014,

- juger prescrite la demande tendant à voir condamner la société Auxiliadom pour dépassement de la durée maximale de travail,

- juger prescrite la demande de requalification du contrat de travail en un temps plein,

en conséquence,

- déclarer irrecevables la demande d'indemnité pour dépassement de la durée maximale de travail et de requalification du contrat de travail en un temps plein,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] des dommages et intérêts à hauteur de 1500 euros au titre du non-respect des limites hebdomadaires de travail et du droit au repos,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de rappels de salaires du 1er janvier au 11 février 2016,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 11 1001,96 € à titre de paiement d'heures supplémentaires du 11 février 2016 au 31 décembre 2017,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 7000 € à titre de contrepartie obligatoire en repos,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 3390,75 € à titre de complément d'indemnité de préavis et 339 € à titre de complément de congés payés sur préavis,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 3003,35 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom aux entiers dépens de première

instance,

- condamner Mme [L] à verser à la société Auxiliadom la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 novembre 2021, Mme [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 22 février 2021 en ce qu'il a condamné la société Auxiliadom dans les termes suivants :

- qualifie le contrat de travail en temps plein,

- fixe à la somme de 3.667,08 € le salaire brut moyen

- condamne la société Auxiliadom à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

- 3.003,35 € d'indemnité légale de licenciement,

- 3.390,75 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 339,07 € de congés payés sur préavis,

- 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et des sommes au titre des heures supplémentaires 2016 et 2017, de congés payés afférents, au titre du repos compensateur, de congés payés afférents, dommages et intérêts pour non-respect des repos,

- l'infirmer sur les quantum alloués, au titre des heures supplémentaires 2016 et 2017, de congés payés afférents, au titre du repos compensateur, de congés payés afférents et des dommages et intérêts pour non-respect des repos,

- l'infirmer en ce qu'il a débouté Mme [L] au titre du travail dissimulé et des retenues sur salaire,

statuant de nouveau sur les chefs de demande à infirmer :

- condamner la société Auxiliadom à verser à Mme [L] à verser les sommes suivantes:

- remboursement des acomptes retenus au titre de procès-verbaux d'infractions : 534,00 € nets,

- condamner la sas Auxiliadom à verser à Mme [L] à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents du 1 er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et congés payés afférents les sommes de 15.141,82 € et 1.514,18 €,

- condamner la sas Auxiliadom à verser à Mme [L] à titre de contrepartie obligatoire en repos et congés payés afférents les sommes de 9.867,48 € et de 986,74 €,

- condamner la SAS Auxiliadom à verser à Mme [L] à titre de dommages et intérêts pour non-respect des limites hebdomadaires de travail et du droit à repos la somme de 3.000,00 €,

- condamner la société Auxiliadom à verser à Mme [L] à titre d'indemnité pour travail dissimulé la somme de 22.002,51 €,

- condamner la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 3.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil avec capitalisation,

- condamnation la société Auxiliadom aux entiers dépens y compris ceux d'exécution ainsi que les honoraires d'huissier.

Le 1er septembre 2022, Mme [L] a assigné en intervention forcée l'association UNEDIC délégation AGS IDF Ouest, laquelle n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 4 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève qu'il n'est pas interjeté appel des chefs du jugement condamnant la société Auxiliadom à verser à Mme [L] les sommes de 3.003,35 euros d'indemnité légale de licenciement, 3.390,75 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 339,07 € de congés payés sur préavis.

Sur la demande de rappel de salaire et le temps plein

La société Auxiliadom soutient que puisque l'action relative à la requalification en temps plein porte sur l'exécution du contrat de travail, elle se prescrit par deux ans. Elle fait donc valoir que lors de la saisine de Mme [L] le 11 février 2019, celle-ci ne pouvait solliciter une requalification qu'à partir du 11 février 2017, or elle demande une requalification dès le 1er août 2014 ; que la demande couvrant la période antérieure au 11 février 2017 est donc prescrite, tandis que la postérieure est inutile, Mme [L] ayant été engagée à temps plein dès le 4 mars 2015.

Mme [L] réplique que le délai de deux ans n'a couru qu'à compter de la rupture du contrat, soit du 11 juin 2018, date de notification de son licenciement et que l'action n'était donc pas prescrite. Elle prétend avoir effectué 643,8 heures supplémentaires en 2016 alors que 252,08 heures complémentaires sont mentionnées sur ses bulletins de salaire, et 461,02 heures supplémentaires en 2017 alors que sont mentionnées 706,27 heures complémentaires, dont 573 majorées à 10% et qui lui ont été payées,

Il est de droit que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Mme [G] sollicite la requalification de son contrat de travail en temps plein à l'appui de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 de telle sorte que c'est bien la prescription triennale de l'article L 3245-1 du code du travail qui est applicable.

La durée du travail étant annualisée, c'est à l'expiration de la période de référence, à savoir l'année, que la salariée a connaissance de son droit à réclamer éventuellement le paiement d'heures réalisées mais non rémunérées.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 11 février 2019 de telle sorte que son action n'est pas prescrite et sa demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat intervenue le 11 juin 2018.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Vu la convention collective nationale des entreprises à la personne.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, la salariée présente les éléments suivants :

- l'avenant du 4 mars 2015 au contrat de travail du 14 mars 2014 fixant la durée du travail à 1800 heures annuels ;

- l'avenant du 31 mars 2015 au même contrat de travail fixant la base horaire à 12,05 euros;

- l'avenant du 10 novembre 2016 précisant qu'à compter du 1er novembre 2016, la salariée travaillera à temps plein ;

- l'accord d'entreprise concernant les heures supplémentaires du 23 novembre 2016 précisant en son article 3 que les heures de travail effectives réalisées par les salariés à temps plein sur la période de référence au-delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires actuellement fixé à 1607 heures par an, constituent des heures supplémentaires ; elles peuvent en l'absence d'aménagement du temps de travail être celle qui sont effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou mensuelle (35/ heures / 151,67 heures) ;

- les feuilles de route journalières ;

- un décompte des heures de travail réalisées et des heures supplémentaires ;

- les bulletins de salaire.

Mme [L] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société Auxiliadom qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.

A cet effet, la société Auxiliadom fait valoir que la demande de rappel de salaire n'a pas cessé de varier au cours de la procédure ; que les éléments produits par la salariée se contredisent ; que la salariée ne prouve pas que des heures supplémentaires auraient été effectuées sans lui avoir été réglées ; que les feuilles de route versées aux débats par la salariée retracent les missions confiées mais pas forcément réalisées.

La société verse aux débats un état des interventions validées de Mme [L] pour les mois de juillet à décembre 2017. Elle oppose également à la salariée un accord d'entreprise du 23 novembre 2016 qui prévoit une majoration de 10 % du salaire de base pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures.

Mme [L] soutient à cet égard que l'accord du 23 novembre 2016 ne lui est pas opposable aux motifs que la société ne démontre pas la régularité des opérations électorales, qu'elle n'établit pas que l'accord a été affiché et porté à la connaissance des salariés ni que l'accord a été publié conformément aux règles de publicité.

La cour retient que, comme le souligne la salariée, la société ne justifie pas du dépôt d'un exemplaire de l'accord litigieux au greffe du conseil de prud'hommes de Nanterre, en violation de l'article D. 2231-12 du code du travail dans sa version applicable et de l'accord lui même, ni de son affichage sur les panneaux d'information des salariés de l'entreprise et procède à cet égard par simples allégations. La cour en déduit que l'accord du 23 novembre 2016 fixant le taux de majoration des heures supplémentaires à hauteur de 10% n'est pas opposable à la salariée et relève également que des bulletins de paie mentionnent des majorations à 10% mais aussi à 25% et 50%.

En conséquence, eu égard aux éléments présentés par la salariée et aux observations de l'employeur, la cour a la conviction que Mme [L] a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées ou du moins pas intégralement avec l'application du bon taux de majoration et après analyse des pièces produites, par infirmation du jugement déféré, condamne la société Auxiliadom à lui verser la somme 12 190,64 euros brut à ce titre pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 outre la somme de 1 219,06 euros brut de congés payés afférents.

En outre, en application de l'article 10 de la convention nationale des entreprises à la personnes, la cour relève en outre que Mme [L] était à temps plein à compter du 4 mars 2015, l'avenant prévoyant alors une durée annuelle de travail de 1800 heures.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Pour infirmation de la décision, la société Auxiliadom expose qu'en application de l'article D. 3121-24 du code du travail, elle n'est pas recevable à solliciter un repos compensateur de remplacement au titre de l'année 2017 du fait de la mise en place de l'annualisation du temps de travail.

Sur appel incident quant au quantum alloué, la salariée fait valoir qu'en application des articles L. 3121-56 et D. 3121-24, elle est fondée à obtenir paiement de la contrepartie obligatoire en repos ; qu'en effet, les salariés visés sont soit les cadres, soit les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail, ce qui n'était pas le cas de la salariée qui n'était ni cadre, ni autonome, son temps de travail étant dicté par des plannings et des interventions particulièrement cadrées ; que l'article D. 3121-4 du code du travail qui n'est qu'une disposition supplétive du Paragraphe 1 de la Sous section 2 relative au contingent d'heures supplémentaires et ne fait qu'écarter le contingent légal de 220 heures à défaut d'autres dispositions, notamment conventionnelles.

L'article L. 3121-56 du code du travail dispose que tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l'année, dans la limite du nombre d'heures fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :

1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.

L'article D 3121-24 du même code précise qu'à défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié.

Le premier alinéa ne s'applique pas aux salariés mentionnés à l'article L. 3121-56 qui ont conclu une convention de forfait en heures sur l'année.

La contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'art. L. 3121-11 est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.

S'agissant de la convention collective des entreprises de services à la personne, l'article 3 prévoit le principe de l'annualisation en ces termes : 'Le principe de l'aménagement du temps de travail sur l'année est de répartir la durée du travail, dans le respect des plages d'indisponibilité du salarié, sur une période de référence annuelle, afin d'adapter le rythme de travail des salariés à l'activité irrégulière de l'entreprise. Par la nature de leurs activités, les entreprises de services à la personne ne peuvent pas définir à l'avance les périodes hautes et basses d'activité. De ce fait, les contrats de travail mentionneront la durée du travail mensuelle de référence et la durée annuelle sur la période de référence. La période de référence annuelle correspond soit à l'année civile : du 1er janvier au 31 décembre ; soit la période de l'exercice comptable de l'entreprise sans que celle-ci ne puisse excéder 12 mois.'

L'article 11 précise que les heures de travail effectives, réalisées par le salarié sur la période de référence, au-delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires actuellement fixé à 1 607 heures par an, constituent des heures supplémentaires. Le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé est fixé à 200 heures par an et par salarié.

Dès lors, c'est en vain que la société Auxiliadom oppose l'annualisation du temps de travail. La cour ayant retenu que la salariée, qui ne dispose pas d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, a réalisé des heures au delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires fixé à 1607 heures, il convient d'examiner si le contingent annuel de 200 a été dépassé.

En l'espèce, eu égard aux heures supplémentaires retenues par la cour, par infirmation de la décision déférée, condamne la société Auxiliadom à verser à Mme [L] la somme de 10 854,22 euros en ce compris les congés payés.

Sur la demande d'indemnités pour dépassement des durées maximales de travail

La société Auxiliadom soutient que la demande d'indemnités pour dépassement des durées maximales de travail porte sur l'exécution du contrat de travail et se prescrit par deux ans ; que Mme [L] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 11 février 2019, elle ne pouvait solliciter d'indemnités qu'à partir du 11 février 2017, or sa demande fait référence à son temps de travail dès le 1er août 2014 ; que la demande couvrant la période antérieure au 11 février 2017 est prescrite, tandis que la postérieure est inutile, Mme [L] ayant été engagée à temps plein dès le 4 mars 2015.

Mme [L] soutient que le délai de deux ans ne court qu'à compter de la rupture du contrat, soit du 11 juin 2018, date de notification de son licenciement, que l'action n'était donc pas prescrite.

En application de l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Compte tenu de l'annualisation du temps de travail, c'est à l'issue de la période de référence que Mme [L] a connu ou aurait dû connaître le dépassement de la durée maximale de travail.

La cour en déduit que la demande de dommages-intérêts afférentes à l'année 2016 est prescrite depuis le 1er janvier 2019. En revanche, Mme [L] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 11 février 2019, la demande pour l'année 2017 n'est pas prescrite, le délai de prescription ayant commencé à courir que le 1er janvier 2018.

Les décomptes des heures réalisées par la salariée n'établissent pas que son temps de travail a dépassé plus de 44 heures par semaine sur une période de 12 semaines consécutives durant l'année 2017.

Par infirmation de la décision critiquée, la cour déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du dépassement de la durée maximale de travail.

Sur le travail dissimulé

Mme [L] soutient qu'elle a effectué en seulement 24 mois plus de 440 heures supplémentaires, outre les 573 heures régularisées par la société démontrant l'ampleur de ses manquements.

La société Auxiliadom réplique avoir toujours rémunéré les heures supplémentaires effectuées par Mme [L] et fait valoir en tout état de cause que cette dernière ne démontre aucune intention frauduleuse de la part de la société.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article'L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article'L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article'L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il n'est pas établi que c'est de manière intentionnelle que l'employeur a dissimulé une partie de l'activité de Mme [L].

La décision des premiers juges déboutant la salariée de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé sera confirmée.

Sur le remboursement des acomptes retenus au titre des contraventions routières

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [L] soutient que le véhicule de service qu'elle utilisait dans le cadre de son activité professionnelle pouvait être affecté à d'autres salariés, qu'ainsi aux dates visées, rien n'indique qu'elle était la conductrice du véhicule ; qu'en tout état de cause, en procédant à au moins neuf reprises à des retenues sur salaire, sanctions pécuniaires prohibées, la société a agi illégalement.

La société Auxiliadom réplique que le calcul de Mme [L] est erroné ; qu'en tout état de cause elle se heurte en partie à la prescription triennale, Mme [L] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 11 février 2019 et sollicitant entre autre le remboursement de sommes retenues en 2014 et 2015 ; que pour le reste des sommes, Mme [L] n'apporte la preuve d'aucune retenue sur salaire, les bulletins de salaires mentionnant " acompte versé ".

L'objet du litige étant des retenues sur salaire, ce sont les dispositions de l'article L. relatives à la prescription de l'article L. 3245-1 du code du travail qui s'appliquent.

Les prélèvements litigieux sont mensuels de telle sorte que le délai de prescription court à compter de la date à laquelle le salaire objet du prélèvement est devenu exigible, soit la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise.

La cour en déduit que les demandes de la salariée relatives aux prélèvement antérieurs au 11 février 2016 sont prescrites.

Les bulletins de salaire de mars et juillet 2016 révèlent un prélèvement de 217 euros et 17 euros à titre d'acompte versé', et les bulletins de salaire avril, juin et juillet 2017, un prélèvement de 203 euros, 17 euros et 170 euros au même titre. Procédant par simples allégations, la société Auxiliadom prétend que ces sommes ont été prélevées en raison d'infractions commises par la salariée avec le véhicule mis à sa disposition en application de la convention conclue entre les parties sans démontrer d'une part la réalité de ces infractions ni d'autre part que ces soi-disant infractions sont imputables à Mme [L].

En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, la cour condamne la société Auxiliadom à rembourser à Mme [L] la somme de 534 euros dans la limite de la demande.

Sur les frais irrépétibles

La société Auxiliadom sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la condamnation prononcée en 1ère instance de ce chef étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Dans les limites des chefs du jugement critiqués ;

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [L] de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé et en ce qu'il a condamné la SAS Auxiliadom à verser à Mme [O] [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Auxiliadom à verser à Mme [O] [L] les sommes suivantes :

- 12 190,64 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;

- 1 219,06 euros de congés payés afférents ;

- 10 854,22 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- 534 euros au titre des prélèvements sur salaire de mars 2016 à juillet 2017 ;

DÉBOUTE Mme [O] [L] de sa demande de dommages-intérêts au titre du dépassement de la durée maximale de travail ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure emporte arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations en application posée par l'article L622-28 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde ;

CONDAMNE la SAS Auxiliadom aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS Auxiliadom à verser à Mme [O] [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04226
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;21.04226 ?
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