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10/06/2024 | FRANCE | N°22/06940

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 10 juin 2024, 22/06940


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 10 JUIN 2024



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06940 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTEK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2020012934





APPELANTS



Madame [X] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localit

é 10]



Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

Représentée par Me Julia LAMBERTINI, avocat au barreau de PARIS



Madame [F] [L] épouse [Z]

[Adresse 7]

[Adress...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 10 JUIN 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06940 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2020012934

APPELANTS

Madame [X] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 10]

Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

Représentée par Me Julia LAMBERTINI, avocat au barreau de PARIS

Madame [F] [L] épouse [Z]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

née le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 11]

Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

Représentée par Me Julia LAMBERTINI, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [G] [Z]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9]

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

Représenté par Me Julia LAMBERTINI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3] / FRANCE

né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 13]

Représenté par Me Shirly COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0486

Société CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE)

société anonyme de droit étranger dont le siège est au Luxembourg,

venant aux droits de la sté CNA Insurance Company Limited

[Adresse 8]

[Adresse 8]

N° SIRET : 844 115 030

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Représentée par Me Morgane DOLHEM Avocat plaidant substituant Me QUETTIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Xavier BLANC, Président

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Xavier BLANC, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Aristophil, créée en 2003, a proposé à un réseau de courtiers et de conseillers en gestion de patrimoine jusqu'en 2014, de commercialiser un produit dénommé 'Aristophil' consistant à acquérir en pleine propriété (convention Amadeus) ou en indivision (convention Coraly's) des collections de lettres et manuscrits anciens appartenant à la société Aristophil et constituées par cette dernière.

Aux termes d'un ensemble contractuel en date du 4 juin 2011, ensemble qui était constitué d'un bon de commande, d'un contrat de vente dénommé Amadeus et d'une convention de garde et de conservation, Mme [X] [U], par l'intermédiaire de M. [K] [J], a acquis en pleine-propriété auprès de la société Aristophil, pour la somme de 30 000 euros, une collection d''uvres d'art non déterminées lors de la conclusion de cet ensemble contractuel. La convention de garde et de conservation contenait une promesse unilatérale de Mme [U] s'engageant à vendre les 'uvres dans lesquelles elle avait investi à la société Aristophil au prix de vente majoré de 8,30% par année de garde pour un dépôt ayant eu une durée d'au moins sept années.

Egalement par l'intermédiaire de M. [K] [J], M. [G] [Z] et son épouse, Mme [F] [L], ont conclu, le 25 septembre 2013, une convention Coraly's Prestige portant sur une part de 15 000 euros d'une indivision intitulée « Duologie des grandes académies et oeuvres manuscrites ». Ils ont signé le même jour la copie d'un contrat de garde et de conservation préalablement conclu entre la société Aristophil et la gérante de l'indivision, afin d'attester en avoir pris connaissance.

Le 23 avril 2014, M. [G] [Z] a également conclu une convention dénommée 'Corpus Scriptural Prestige' portant sur trois parts de 5 000 euros chacune d'une indivision intitulée « [Adresse 12] ». Il a signé le même jour la copie d'un contrat de garde et de conservation préalablement conclu entre la société Aristophil et la gérante de l'indivision, afin d'attester de son accord.

Au printemps 2014, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a diligenté une enquête sur les investissements proposés par la société Aristophil, à l'issue de laquelle le parquet a diligenté une enquête préliminaire.

Le 16 février 2015, la société Aristophil a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation le 5 août 2015.

Le 8 mars 2015, M. [S] [R], son président, a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux, abus de confiance et pratiques commerciales trompeuses.

Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date des 27 novembre et 2 décembre 2019, Mme [X] [U] et les époux [Z] ont, par l'intermédiaire de leur conseil, adressé une mise en demeure aux fins d'indemnisation à M. [K] [J] pour cause de manquements à ses obligations d'information, de conseil et de vigilance dans le cadre de la souscription des investissements susvisés.

Par actes des 11 et 13 février 2020, Mme [X] [U] et M. et Mme [Z] ont fait assigner M. [K] [J] en responsabilité et ont exercé l'action directe à l'encontre de la société anonyme CNA Insurance Company (Europe) devant le tribunal de commerce de Paris.

'

Par jugement rendu le 11 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :

'- Dit l'action de Mme [X] [U] et M. [G] [Z] et Mme [F] [Z] irrecevable car prescrite.

- Condamne Mme [X] [U], d'une part, et M. [G] [Z] et Mme [F] [Z], d'autre part, à payer chacun par moitié, 800 euros à M. [K] [V] et 2 000 euros à la SA CNA Insurance Company (Europe) S.A, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne Mme [X] [U], d'une part, et M. [G] [Z] et Mme [F] [Z] à régler par moitié les dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 137,37 euros dont 22,68 euros de TVA.'

'

Par déclaration du 4 avril 2022, Mme [X] [U], Mme [F] [L] épouse [Z]' et M. [G] [Z] ont interjeté appel du jugement.

'

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2023, Mme [X] [U] et M. et Mme [Z]' demandent à la cour de :

'Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Et, statuant à nouveau :

- Déclarer Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] recevables en leur action dirigée contre Monsieur [K] [J] et la société CNA Insurance Company (Europe),

- Condamner in solidum Monsieur [K] [J] et la société CNA Insurance Company (Europe) à verser les sommes suivantes, lesquelles ont vocation à réparer le préjudice de perte de chance de ne pas souscrire le contrat litigieux subi :

- S'agissant de Madame [X] [U] : 22 500 €, somme produisant intérêt légal à compter du 27 décembre 2019, avec capitalisation des intérêts,

- S'agissant de Madame [F] [Z] et de Monsieur [G] [Z] : 22 500 €, somme produisant intérêt légal à compter du 27 décembre 2019, avec capitalisation des intérêts,

- Condamner in solidum Monsieur [K] [J] et la société CNA Insurance Company (Europe) à verser les sommes suivantes, lesquelles ont vocation à réparer le préjudice de perte de chance de faire fructifier le capital investi dans Aristophil dans un produit d'épargne plus avantageux subi :

- S'agissant de Madame [X] [U] : 5 000 €, somme produisant intérêt légal à compter du 27 décembre 2019, avec capitalisation des intérêts,

- S'agissant de Madame [F] [Z] et de Monsieur [G] [Z] : 4 000 €, somme produisant intérêt légal à compter du 27 décembre 2019, avec capitalisation des intérêts,

- Condamner in solidum Monsieur [K] [J] et la société CNA Insurance Company (Europe) à verser à Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] une somme de 2 000 € chacun visant à réparer le préjudice moral subi du fait des manquements professionnels commis par Monsieur [J],

- Condamner la société CNA Insurance Company (Europe) à verser à Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] les sommes susmentionnées par application de la police d'assurance FN 1925,

- Condamner in solidum Monsieur [K] [J] et la société CNA Insurance Company (Europe) à verser à Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.'

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, M. [V] demande à la cour de :

'Vu l'assignation délivrée le 13 février 2020 à la requête de Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] à l'encontre de Monsieur [K] [J],

Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 mars 2022,

Vu l'appel interjeté par Madame [X] [U], [C]

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'article 563 du code de procédure civile,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu l'article L 622-13 du code de commerce,

Vu l'article L 113-3 du code des assurances.

In limine litis,

Déclarer les demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K] [J] irrecevables en cause d'appel.

Au fond:

A titre principal:

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 11 mars 2022, en ce qu'il a :

- Dit l'action de Madame [X] [U] et Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z] irrecevable car prescrite ;

- Condamné Madame [X] [U], d'une part et Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z], d'autre part, à payer chacun par moitié, 800 € à Monsieur [K] [J] et 2.000 € à la SA CNA Insurance Company (Europe) S.A au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné Madame [X] [U], d'une part et Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z], d'autre part, à régler par moitié les dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 137,37 € dont 22,68 de TVA.

A titre subsidiaire :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l'article 1242 alinéa 5 du code civil.

- Ecarter des débats les pièces communiquées par les appelants n° 3-3, 3-4, 3-5 et 3-5b,

- Ordonner la communication des déclarations de créance de Madame [X] [U], Madame [F] [Z] et Monsieur [G] [Z] dans le cadre des procédures collectives de liquidation judiciaire des sociétés Aristophil et Finestim,

- Juger que Monsieur [K] [J] n'a, en qualité de salarié, pas eu de lien direct avec la société Aristophil,

- Juger qu'en sa qualité de salarié, la responsabilité de Monsieur [K] [J] ne peut être recherchée,

Par conséquent,

Débouter Madame [X] [U], Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z] de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de Monsieur [K] [J].

A titre infiniment subsidiaire :

- Juger que Monsieur [K] [J] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- Juger que Madame [X] [U], Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z] ne disposent d'aucun préjudice certain.

Par conséquent,

- Débouter Madame [X] [U], Monsieur [G] [Z] et Madame [F] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre très infiniment subsidiaire :

- Condamner la SA CNA Insurance Company (Europe) à garantir Monsieur [K] [J] de toute condamnation en principal, frais et accessoires qui serait prononcée à son encontre.

- Condamner solidairement les époux [Z] et Madame [X] [U] au paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à tous les dépens.'

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société CNA Insurance Company (Europe) SA demande à la cour de :

'Vu l'assignation délivrée le 11 février 2020 à la compagnie CNA Insurance Company (Europe) et à monsieur [J],

Vu le jugement rendu le 11 mars 2022 par le tribunal de commerce de Paris,

Vu les articles 1353 et 2224 du code civil,

Vu l'ancien article 1147 du code civil,

Vu les articles L.112-1, L. 112-6, L. 121-4, L. 124-3 et L. 124-6 du code des assurances,

Vu les articles 564 et 910-4 du CPC,

Vu les pièces versées aux débats.

A titre principal:

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 mars 2022 en ce qu'il a :

- Dit l'action de madame [X] [U], monsieur [G] [Z] et madame [F] [Z] irrecevable car prescrite,

- Condamné madame [X] [U], d'une part, et monsieur [G] [Z] et madame [F] [Z], d'autre part, à payer chacun par moitié 2 000 € à la société CNA Insurance Company (Europe) SA, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Mme [X] [U], d'une part, et M. [G] [Z] et Mme [F] [Z], d'autre part, à régler par moitié les dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 137,37 € dont 22,68 € de TVA.

A titre subsidiaire :

- Déclarer Monsieur [K] [J] irrecevable et en toute hypothèse mal fondé en sa demande de garantie à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA';

- Juger que Monsieur [K] [J] et la société Finestim n'ont pas la qualité d'assuré au sens de la police d'assurance n° FN 1925 invoquée par madame [U] et les époux [Z].

En conséquence,

Débouter madame [U] et les époux [Z], ainsi que Monsieur [K] [J] de leur action à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA.

'

A titre très subsidiaire :

- Juger que la garantie subséquente de la police n° FN 1925 ne peut bénéficier à Monsieur [J] ;

- Juger qu'en tout état de cause, les garanties contractuelles de la police n° FN 1925 ne peuvent bénéficier à la société Finestim.

En conséquence,

- Débouter Madame [U] et les époux [Z] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA.

'

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater que monsieur [J] et la société Finestim n'ont pas commis de faute dans l'exercice de leur mission ;

- Constater qu'en toutes hypothèses, les préjudices invoqués par les appelants ne sont ni justifiés, ni dans un lien de causalité avec les fautes alléguées.

En conséquence,

Débouter Madame [U] et les époux [Z] de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de la compagnie société CNA Insurance Company (Europe) SA.

A titre très infiniment subsidiaire :

- Juger que la société CNA Insurance Company (Europe) SA ne saurait être tenue à garantir monsieur [J] et la société Finestim au-delà des termes de la police n° FN 1925 souscrite auprès d'elle' et donc après application d'une franchise de 3 000 euros ;

- Juger que l'ensemble des réclamations formées par les personnes ayant investi dans des collections constituées par la société Aristophil par l'intermédiaire de la société Art Courtage ou de ses mandataires, assurés par la police n° FN 1925, constituent un seul et même sinistre, soumis au plafond de garantie par sinistre prévu à la police n° FN 1925 de 2.000.000 € ;

Ou, si la qualification de sinistre sériel est écartée,

A titre principal,

- Juger que la police n° FN 1925 a cessé de produire ses effets à compter du 31 décembre 2014 (date de sa résiliation) ou subsidiairement du 31 décembre 2015 (date de la dernière période de tacite reconduction) et que les réclamations de madame [U] et des époux [Z] doivent être rattachées à la période de garantie de cinq ans ;

- Constater que la société CNA Insurance Company (Europe) a d'ores et déjà réglé ou séquestré au titre de cette période d'assurance subséquente des condamnations pour un montant de deux millions d'euros égal au plafond de garantie de la police n° FN 1925 applicable à cette période d'assurance subséquente ;

- Débouter, en conséquence, madame [U] et les époux [Z] de leurs demandes de condamnation à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) ;

- Juger en revanche que madame [U] et les époux [Z] pourront prétendre, en concurrence avec les autres investisseurs bénéficiant de la garantie de la société CNA Insurance Company (Europe) au titre de la période d'assurance subséquente de la police n° FN 1925, au bénéfice des condamnations séquestrées par la société CNA Insurance Company (Europe), ces sommes devant être réparties au marc l'euro des indemnités allouées par les décisions de justice définitives bénéficiant auxdits investisseurs ;

A titre subsidiaire,

- Juger, si la cour retient que la police n° FN 1925 s'est tacitement reconduite d'année en année, que les réclamations de madame [U] et des époux [Z] doivent être rattachées à la période d'assurance de 2019 ;

- Constater que la société CNA Insurance Company (Europe) a d'ores et déjà réglé ou séquestré au titre de la période d'assurance de 2019 des condamnations pour un montant de deux millions d'euros égal au plafond de garantie de la police n° FN 1925 applicable à cette période d'assurance ;

- Débouter, en conséquence, madame [U] et les époux [Z] de leurs demandes de condamnation à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) ;

- Juger en revanche que madame [U] et les époux [Z] pourront prétendre, en concurrence avec les autres investisseurs bénéficiant de la garantie de la société CNA Insurance Company (Europe) au titre de la période d'assurance de 2019 de la police n° FN 1925, au bénéfice des condamnations séquestrées par la société CNA Insurance Company (Europe), ces sommes devant être réparties au marc l'euro des indemnités allouées par les décisions de justice définitives bénéficiant auxdits investisseurs.

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant à verser la somme de 4.000 euros à la société CNA Insurance Company (Europe) SA, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner tout succombant aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Enoncé des moyens

La société CNA Insurance Company (Europe) SA fait valoir que l'action de Mme [U] et des époux [Z] est prescrite au motif que le délai de prescription applicable est le délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil délai qui a pour point de départ la date de conclusion des contrats d'acquisition des collections ou des parts des indivisions de collections de lettres et manuscrits de la société Aristophil car c'est à cette date que le dommage résultant du manquement à l'obligation d'information et de conseil de M. [J], qui consiste en la perte de chance de ne pas contracter, s'est réalisé.

Elle fait valoir que ce n'est que par exception, lorsqu'il est démontré que la victime d'un fait dommageable ne pouvait pas avoir connaissance, au jour de la conclusion du contrat, du dommage dont elle sollicite réparation, que le point de départ de la prescription peut être repoussé. Elle soutient qu'en l'espèce, les manquements allégués par Mme [U] et les époux [Z] à l'encontre de M. [J] étaient décelables par nature au jour de la souscription de l'investissement puisqu'ils consistent en la non remise d'information ou de supports d'information et que le mécanisme de l'opération d'investissement n'a pas évolué et existait depuis le jour de la conclusion du contrat, de sorte que son éventuelle complexité pouvait être appréciée à ce moment-là. Plus spécifiquement concernant le mécanisme de la promesse de vente de la collection acquise ou des parts dans les indivisions détenant les collections Aristophil à l'issue de la période de garde de cinq ou sept ans, la société CNA Insurance Company (Europe) SA fait valoir qu'il étaient explicité sans ambiguïté dans les contrats qui ne précisaient jamais que la société Aristophil avait une obligation de rachat au terme de la période de garde.

La société CNA Insurance Company (Europe) SA soutient que s'il devait être fait référence à la découverte d'une surévaluation de la valeur des oeuvres et non à l'absence de garantie de rachat de la collection ou des parts à terme par la société Aristophil à un prix convenu, alors la prescription à l'encontre de l'assureur de l'intermédiaire financier serait tout autant acquise car le point de départ de la prescription resterait inchangé. Elle fait valoir que la question de la surévaluation des oeuvres acquises ne concerne aucunement le principe du préjudice de perte de chance de ne pas contracter les investissements litigieux mais influe sur le montant du préjudice subi par les investisseurs. Elle soutient que l'ensemble des informations fournies relatives aux biens acquis était de nature à témoigner du sérieux des évaluations fournies et que, si une tromperie devait finalement être caractérisée, elle ne saurait être imputable aux conseillers financiers puisqu'elle résulterait uniquement des agissements de la société Aristophil. Au surplus, elle soutient que des manquements relatifs à l'information portant sur la valeur des collections seraient nécessairement réalisés au moment de la conclusion des contrats et seraient donc visibles au jour de leur signature.

A titre subsidiaire, la société CNA Insurance Company (Europe) SA soutient que le point de départ du calcul de la prescription est au plus tard la date à laquelle l'enquête pénale ouverte à l'égard de la société Aristophil a été révélée au public par des articles de presse émanant de journaux ou magazines d'information ayant une diffusion nationale. Elle soutient que, dès le mois d'octobre 2014 ou la fin de l'année 2014, en considération d'une lettre circulaire adressée par la société Aristophil aux investisseurs le 4 décembre 2014, Mme [U] et les époux [Z] ne pouvaient ignorer que la société Aristophil ne pourrait lever l'option d'achat des collections et des parts d'indivisions dont ils bénéficiaient.

M. [K] [J] ajoute pour sa part que Mme [U] et les époux [Z] avaient connaissance des conditions de souscription des contrats au moment de leur conclusion puisque des documents clairs et précis leur avaient été remis, notamment des documents attestant des garanties souscrites par la société Aristophil, et qu'en outre de nombreuses publications faisaient état alors de la qualité des oeuvres, lettres et manuscrits détenus par la société Aristophil, de sorte qu'aucun manquement ne peut lui être reproché.

Il fait sien les moyens présentés par la société CNA Insurance Company (Europe) SA sur la connaissance de la situation d'Aristophil par les appelants au plus tard au mois d'octobre 2014.

En réponse, Mme [U] et les époux [Z] font valoir que le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 2224 du code civil doit être fixé à la date à laquelle le dommage est révélé à la victime, c'est-à-dire la date de découverte de leur dommage car ce n'est qu'à ce moment qu'ils ont pu déceler un possible manquement de M. [J] à ses obligations d'information et de conseil et établir le lien de causalité.

Ils soutiennent qu'ils étaient des investisseurs non avertis, non juristes et ignorants du marché de l'art, qu'ils ne pouvaient comprendre, sans alertes claires de M. [J], le mécanisme de la promesse unilatérale de vente et l'absence d'obligation de rachat à terme par la société Aristophil alors que les contrats sont ambigus comme en atteste le fait qu'ils constituent l'élément matériel de l'infraction de pratiques commerciales trompeuses pour laquelle leur rédacteur a été mis en examen. Ils soutiennent également qu'ils attendaient l'échéance de la période de garde pour obtenir le paiement du prix de revente incluant la plus-value mise en avant par M. [J] lors de la commercialisation des produits Aristophil.

Mme [U] et les époux [Z] font valoir que seule la déconfiture de la société Aristophil a permis aux investisseurs de prendre conscience des défaillances de l'investissement et des informations fournies par l'intermédiaire financier. Ils soutiennent que ce n'est qu'à la date de la notification reçue du mandataire judiciaire désigné dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Aristophil, le 27 février 2015, qu'ils ont pu prendre conscience du fait que la société Aristophil serait incapable de racheter les collections et parts d'indivision à l'échéance des périodes de garde et qu'ils ne pourraient percevoir le rendement annoncé.

Quant à la découverte de la surévaluation des oeuvres, Mme [U] et les époux [Z] soutiennent qu'elle n'a pu être découverte que lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le 5 mars 2015, ouvrant la possibilité aux investisseurs de se constituer partie civile et d'accéder au dossier pénal. Ils soutiennent en revanche que les informations divulguées dans des articles de presse à compter du mois d'octobre 2014 ne peuvent caractériser une connaissance des faits de leur part, aucun particulier n'ayant l'obligation de s'informer par voie de presse. Ils contestent en outre avoir été destinataire de la lettre de la société Aristophil du 4 décembre 2014.

Ils en concluent que leur action en responsabilité n'est pas prescrite.

Réponse de la cour

Le délai pour exercer l'action directe à l'encontre de l'assureur de responsabilité civile du co-contractant est identique au délai applicable à l'action en responsabilité engagée à l'encontre de ce dernier.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Le point de départ de ce délai de prescription est défini par l'article 2224 du code civil qui dispose que :« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de exercer. »

S'agissant d'une action en responsabilité, les faits permettant à la victime d'exercer son action sont la commission de la faute et la réalisation du dommage causé par cette faute. Il en résulte en particulier que le délai de prescription d'une telle action ne peut commencer à courir avant que la victime ait eu connaissance, ou ait dû avoir connaissance, de la réalisation du dommage qu'elle invoque.

Le manquement d'un conseil en gestion de patrimoine à ses obligations d'information, de conseil et de vigilance à l'égard de son client, potentiel investisseur, sur le risque de pertes présenté par une opération d'investissement, prive l'investisseur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes et de mieux investir ses capitaux.

Or, pour être indemnisable, la perte de chance doit être certaine. Elle est en lien nécessaire avec le dommage principal, contrairement à ce que soutient en l'espèce la société CNA Insurance Company (Europe) SA, puisqu'elle n'est une cause d'action que lorsqu'une perte est subie en l'occurrence dans le cadre de l'investissement atypique dans des collections d'oeuvres d'art acquises en pleine propriété ou en indivision dont la souscription a été préconisée par le conseil en gestion de patrimoine.

L'exactitude des informations fournies par le conseil en gestion de patrimoine, l'adéquation du conseil qu'il a donné et/ou la suffisance et la réalité des diligences qu'il a accomplies afin de connaître le produit commercialisé et en informer l'investisseur, à la date de la souscription du produit financier, relèvent du fond du litige mais ne peuvent utilement être prises en compte pour déterminer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité à l'encontre du conseiller car, à cette date, le dommage susceptible de résulter d'un manquement à l'une ou plusieurs de ces obligations est hypothétique.

Il en est ainsi tant des pertes susceptibles d'être subies dans le cadre de l'exécution du contrat d'investissement que de la perte de chance d'éviter ces pertes si les manquements imputés au conseil en gestion de patrimoine à ses obligations d'information, de conseil et de vigilance n'étaient pas survenus, quel que soit le mérite de ces griefs de l'investisseur à l'égard du conseiller.

En l'espèce, Mme [U] et les époux [Z] n'ont pu avoir connaissance de la réalisation du dommage qu'ils invoquent à l'encontre du conseil en gestion de patrimoine qu'au jour où il est apparu que le rachat par la société Aristophil de la collection d'oeuvres d'art dont Mme [U] a fait l'acquisition et des parts d'indivision de telles collections acquises par M. et Mme [Z] n'était plus susceptible d'intervenir selon les modalités et au prix annoncé pour l'exercice de la promesse de vente unilatérale convenus dans les contrats de garde et de conservation.

Cette date ne peut pas être celle des premières diffusions dans la presse nationale d'informations relatives à l'ouverture d'une enquête pénale à l'égard de la société Aristophil et ses dirigeants puisque, d'une part, le fait que Mme [U] et les époux [Z] aient eu connaissance de ces articles de presse à la date de leur publication demeure une simple hypothèse invérifiable et que, d'autre part et en tout état de cause, les informations contenues dans ces articles de presse sont générales et ne sont pas de nature à renseigner Mme [U] et les époux [Z] sur le fait qu'il en résulte nécessairement pour eux un dommage direct et certain.

De même, la lettre de la société Aristophil du 4 décembre 2014 destinée à informer des investisseurs du blocage de ses comptes bancaires à la suite de l'ouverture de l'information judiciaire ne peut servir à déterminer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité de Mme [U] et des époux [Z] à l'encontre du conseil en gestion de patrimoine dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils en aient été rendus destinataires.

La date à laquelle Mme [U] et les époux [Z] ont eu connaissance, ou à tout le moins aurait dû avoir connaissance, des faits leur permettant d'agir en responsabilité à l'encontre du conseil en gestion de patrimoine se situe donc à la date de l'information qui leur a été donnée par l'administrateur judiciaire de la société Aristophil, par lettre du 23 mars 2015 (pièce n°3-23 b des appelants), que toute opération d'achat ou de rachat des lettres et manuscrits était suspendue.

Mme [U] et les époux [Z] ayant introduit l'action directe à l'encontre de société Insurance Company (Europe) SA par assignation signifiée le 11 février 2020 et à l'encontre de M. [J] par assignation signifiée le 13 février 2020, soit avant que le délai de prescription de cinq ans ne soit expiré, leur action est recevable.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'elle a déclaré l'action de Mme [U] et des époux [Z] irrecevable comme étant prescrite.

2.- Sur l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre de M. [K] [J] en appel

Enoncé des moyens

M. [J] fait valoir qu'aux termes de leurs dernières conclusions déposées devant le tribunal de commerce de Paris, Mme [U] et les époux [Z] ne formaient plus de demandes indemnitaires à son encontre, dès lors qu'ils avaient expressément renoncé à leurs moyens développés au soutien de leur demandes initiales après avoir pris acte du fait qu'il n'était pas intervenu en qualité de professionnel indépendant pour assurer la commercialisation des produits Aristophil mais en qualité de salarié de la société Finestim.

Au visa de l'article 563 du code de procédure civile, M. [J] en conclut que Mme [U] et les époux [Z] ne sont plus recevables à former à nouveau leurs demandes indemnitaires initiales à son encontre en cause d'appel après avoir expressément renoncé aux moyens destinés à les soutenir.

Mme [U] et les époux [Z] n'ont pas conclu en réponse sur cette irrecevabilité de leurs demandes en cause d'appel.

Réponse de la cour

La procédure est orale devant le tribunal de commerce.

Il en découle que le tribunal est saisi par les conclusions écrites des parties réitérées oralement à l'audience des débats, en application de l'article 446-1 du code de procédure civile.

Par suite, la renonciation à une prétention ou à un moyen de droit ou de fait ne peut être retenue en appel que dans la situation où la partie qui avait formé cette prétention ou présenté ce moyen y a expressément renoncé devant les premiers juges dans ses écritures réitérées oralement lors des plaidoiries.

En l'espèce, Mme [U] et les époux [Z] ont expressément renoncé devant les premiers juges aux moyens fondant la responsabilité de M. [J] en qualité d'agent commercial ou d'intermédiaire indépendant mandaté par la société Finestim ou la société Art Courtage et n'ont pas soutenu qu'il pouvait encourir une responsabilité personnelle en qualité de salarié de la société Finestim, qualité qu'ils ont reconnue comme établie.

En effet, Mme [U] et les époux [Z] ont conclu comme suit dans leurs dernières écritures déposées à l'audience de procédure du tribunal de commerce de Paris du 21 octobre 2021 :

'Il y a ainsi lieu de retenir que les manquements ci-avant relatés, commis par Monsieur [J] dans le cadre de l'exercice de ses fonctions salariées, sont de nature à engager le responsabilité de son commettant, la société Finestim sur le fondement de l'article 1242 alinéa 5 du code civil.

La société Finestim ayant été liquidée par jugement en date du 29 janvier 2015, les demandeurs entendent toutefois faire valoir leur droit sur l'indemnité d'assurance due par la société CNA Insurance Company (Europe) sur le fondement de l'article L.124-3 alinéa 1er du code des assurances.' (Pièce n°8 de M. [J], page 25)

Sur le fondement de ces moyens, Mme [U] et les époux [Z] n'ont finalement formé de demandes indemnitaires en première instance qu'à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe).

Les premiers juges ont fait mention des moyens présentés par Mme [U] et les époux [Z] au soutien de leurs demandes en précisant qu'ils soutenaient que 'c'est en qualité de salarié de Finestim que M. [J] a entrepris son activité de commercialisation du produit Aristophil' et que 'les manquements de M. [J] en sa qualité de salarié de son commettant est de nature à engager la responsabilité de Finestim sur le fondement de l'article 1242-1 du code civil (...)'.

En application de l'article 563 du code de procédure civile, Mme [U] et les époux [Z] ne peuvent donc se prévaloir en appel des moyens qu'ils ont soulevés puis abandonnés en première instance pour former à nouveau des demandes indemnitaires à l'encontre de M. [K] [J] au motif qu'il intervenait 'comme professionnel indépendant en tant que salarié de Finestim' et qu'il 'agissait toujours pour le compte d'Art Courtage, investi par cette dernière d'un mandat pour vendre le produit' (page 28 des dernières conclusions des appelants).

Par suite, Mme [U] et M. et Mme [Z] seront déclarés irrecevables en leurs demandes indemnitaires formées à titre principal à l'encontre de M. [K] [J] en cause d'appel.

3.- Sur la qualité d'assuré de M. [J] et /ou de la société Finestim au titre de la police n°FN 1925 souscrite auprès de la société CNA Insurance Company (Europe) SA

Enoncé des moyens

La société CNA Insurance Company (Europe) SA fait valoir qu'il appartient au tiers qui sollicite la mobilisation d'un contrat d'assurance de démontrer que ce contrat a été conclu au bénéfice de la personne dont la responsabilité est recherchée.

Elle fait valoir qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de démontrer l'existence d'un mandat exprès reçu par M. [J], pris en qualité d'intermédiaire indépendant, ou par la société Finestim de la part de la société Art Courtage pour commercialiser les produits Aristophil, de sorte qu'il n'est pas établi par les appelants que les garanties de la police d'assurance n°FN 1925 soient mobilisables en l'espèce.

En réponse, Mme [U] et M. et Mme [Z] soutiennent que la société Aristophil a confié la distribution exclusive de ses produits d'investissement à la société Art Courtage et que cette dernière a mandaté plusieurs professionnels pour y procéder, l'activité de la société Art Courtage comme celle de ses mandataires étant garantie au titre de la police d'assurance de responsabilité civile professionnelle n°FN 1925.

Ils font valoir que M. [J] est intervenu en qualité de professionnel indépendant exerçant en nom propre pour le compte de la société Art Courtage puisqu'il a indiqué dans les contrats Aristophil qu'il intervenait en qualité de 'conseiller' de la 'société exploitante'.

Concernant la société Finestim, ils soutiennent que M. [J] est intervenu comme salarié de cette dernière mais en agissant pour le compte de sa filiale, la société Art Courtage, dans le cadre d'une organisation intra-groupe, les sociétés Finestim et Art Courtage ayant les mêmes dirigeants et l'enquête pénale ayant révélé que la société Art Courtage a rétrocédé des commissions à la société Finestim pour un montant de 1 522 262 euros.

Réponse de la cour

Il résulte de la combinaison des articles L.112-6 et L.124-3 du code des assurances que le droit de la victime puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance. La définition de l'étendue de la garantie due par l'assureur est opposable au tiers lésé.

S'il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que les conditions requises par le contrat pour la mise en jeu de la garantie sont réunies, la victime, exerçant l'action directe, qui est un tiers par rapport au contrat d'assurance, peut rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de celui-ci par tous moyens.

Lorsqu'il est satisfait à cette exigence de preuve par la victime, il incombe alors à l'assureur de démontrer, en versant la police aux débats, que son assuré ne bénéficie pas de sa garantie pour le sinistre, objet du litige.

Mme [U] justifie que M. [J] a spécifié dans le mandat de recherche de produits d'art et de collection qu'elle lui a donné le 4 juin 2011 qu'il est intervenu alors en tant que 'mandataire (conseiller)' de la société Finestim (pièce n°3-2 des appelants). M. [G] [Z] justifie également que M. [J], pour le second investissement Aristophil réalisé le 23 avril 2014, a utilisé une fiche de connaissance du client établie par la société Art Courtage qu'il a signé en qualité de 'mandataire (conseiller)' en indiquant 'Art Courtage' comme 'cabinet partenaire' (pièce n°3-13 des appelants).

Par ailleurs, il ressort de la documentation publicitaire de la société Aristophil, mise à la disposition des distributeurs de ses produits d'investissement, que cette dernière y mentionnait

qu'une 'garantie responsabilité civile professionnelle de l'ensemble des mandataires habilités à conseiller les produits Aristophil' avait été souscrite (pièce n°1-10 des appelants) et que la directrice du développement de la société Aristophil avait déclaré dans la presse dans un article publié le 19 octobre 2012 que cette assurance était souscrite auprès de la société CNA Insurance Company Limited (pièce n°1-14 des appelants).

Il en résulte que Mme [U] et M. et Mme [Z] apportent la preuve de l'existence d'une police d'assurance souscrite auprès de la société CNA Insurance Company Limited, devenue CNA Insurance Company (Europe) SA, pour la garantie de la responsabilité civile professionnelle des intermédiaires procédant à la distribution des produits Aristophil.

La société CNA Insurance Company (Europe) SA verse aux débats une copie des conditions particulières de la police d'assurance n°FN 1925 souscrite par la société Art Courtage (pièce n°1-1 de l'intimée) ainsi qu'une copie de l'intégralité du contrat d'assurance FN 1925 comprenant une fiche d'information, des conditions spéciales et les conditions générales de la police.

Selon les termes des conditions particulières, le souscripteur de la police d'assurance est défini comme étant la société Art Courtage et les assurés sont définis comme suit :

'- Le souscripteur,

- Les agents commerciaux ayant reçu mandat express d'Art Courtage'

La société CNA Insurance Company (Europe) SA conteste, au vu des pièces versées aux débats, que la société Finestim ait reçu mandat exprès d'agent commercial de la part de la société Art Courtage.

Par la production d'une copie du contrat d'agent commercial conclu le 15 juin 2011 entre la société Aristophil et la société Art Courtage, en présence de la société Finestim (pièce n°1-46 des appelants), Mme [U] et M. et Mme [Z] justifient que la société Aristophil a confié à la société Art Courtage le mandat exclusif de la représenter sur le territoire de la France métropolitaine et des départements et territoires d'Outremer pour la négociation et la vente des 'produits contractuels' définis comme étant constitués par 'des conventions comportant des contrats de vente et des contrats de garde portant sur d'authentiques manuscrits rares, livres anciens et éditions originales ou en série limitée, oeuvres graphiques originales, oeuvres picturales et assimilées ou des parts de collections de tels oeuvres ou documents constituées en indivision.' (articles 1.1 à 1.3 du contrat d'agent commercial).

L'article 2.4 du contrat d'agent commercial de la société Art Courtage prévoit que cette dernière pourra sans autorisation préalable de la société Aristophil 'recruter des préposés ou mandataires (agents commerciaux/courtiers) rémunérés par [elle] et placés sous [sa] seule responsabilité', lesquels constituent 'le Réseau de l'Agent commercial [ la société Art Courtage]'.

Cet article prévoit également que la société Art Courtage 's'engage à faire obligation aux membres de son Réseau de suivre la formation dispensée par la société Finestim'.

Le contrat d'agent commercial conclut entre la société Aristophil et la société Art Courtage ne prévoit donc pas une intervention de la société Finestim, pourtant présente au contrat, comme un agent commercial agréé pour la distribution des produits Aristophil. Son rôle est au contraire expressément limité à la formation des agents commerciaux de la société Art Courtage.

Mme [U] et M. et Mme [Z] versent également aux débats l'extrait Kbis de la société Finestim et de la société Art Courtage (pièce n°1-27 des appelants). Il en ressort que la société Finestim a les activités principales suivantes :'Animation commerciale, formation, assistance comptable, juridique, commerciale.' alors que l'activité principale de la société Art Courtage est : 'Conseils dans le domaine de la gestion de patrimoine'.

Le fait que les sociétés Art Courtage et Finestim aient des dirigeants communs ne suffit pas à établir une fictivité de la personne morale de l'une ou l'autre de ces sociétés et opérer une confusion de leur objet social respectif.

Il n'est donc pas établi que la société Finestim puisse agir en qualité d'agent commercial indépendant, faute d'avoir cette qualité.

En outre, la nature de la relation contractuelle entre les sociétés Aristophil et Art Courtage, caractérisée en l'espèce par le contrat d'agent commercial produit par Mme [U] et les époux [Z], justifie a priori que des règlements soient effectués par la société Art Courtage à la société Finestim au titre de son activité de formation des membres du réseau d'agents agréés de la société Art Courtage, sans qu'il puisse être déduit de ce seul élément de fait que la société Finestim faisait également partie des agents commerciaux mandatés par la société Art Courtage pour distribuer les contrats Aristophil.

Au vu des contrats souscrits en l'espèce par Mme [U] et les époux [Z], il ne peut être exclu que M. [J], en qualité de salarié la société Finestim, exerçant la fonction d'animateur régional de cette dernière, soit intervenu en dehors des prévisions contractuelles applicables entre la société Aristophil et la société Art Courtage. Toutefois, un tel fait n'est pas opposable à l'assureur de responsabilité civile de la société Art Courtage et ne peut, à son égard, conduire à la mise en oeuvre de la garantie d'assurance de responsabilité civile des agents commerciaux ayant reçu un mandat exprès de la société Art Courtage afin de distribuer les produits Aristophil.

Par ailleurs, il est acquis qu'à la date de souscription des investissements Aristophil en litige par Mme [U] et les époux [Z], M. [K] [J] était salarié de la société Finestim en exécution d'un contrat de travail conclu le 5 janvier 2010 et entré en vigueur le 15 février 2010 (pièces n°2 à 4 de M. [J]).

Mme [U] et les époux [Z] justifient que M. [J] était également inscrit au répertoire SIRENE depuis le 1er janvier 2010 en qualité d'intermédiaire indépendant exerçant les activités principales suivantes : 'agences immobilières' et 'autres intermédiaires du commerce en produits divers' (pièce n°3-1a des appelants).

Toutefois, aucune pièce produite par Mme [U] et M. et Mme [Z] n'établit que M. [J] ait reçu un mandat exprès d'agent commercial de la société Art Courtage pour la commercialisation des produits d'investissement Aristophil. Le seul fait que pour le dernier investissement réalisé par M. [Z] le 23 avril 2014, M. [J] ait pu utiliser une fiche de renseignement sur le client établie par la société Art Courtage ne suffit pas à établir l'existence d'un mandat d'agent commercial confié par cette dernière alors qu'en qualité d'animateur régional de la société Finestim M. [J] avait accès à l'ensemble de la documentation commerciale de la société Art Courtage qu'il devait utiliser pour la formation des courtiers et agents de cette dernière. Les mentions apposées par M. [J] dans cette fiche de renseignement remise à M. [Z] le 23 avril 2014 ne suffisent donc pas à établir l'existence d'un mandat exprès d'agent commercial confié par la société Art Courtage susceptible d'être opposé à l'assureur de responsabilité civile professionnelle de cette dernière.

Par suite, la garantie d'assurance résultant de la police n° FN 1925 n'est pas acquise à M. [J] et à la société Finestim. Mme [U] et les époux [Z] seront donc déboutés de leur action directe engagée à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA.

4.- Sur les frais du procès

En considération de l'issue du procès, la décision déférée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes en appel, Mme [U] et M. et Mme [Z] seront déboutés de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés in solidum aux dépens d'appel, en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à M. [K] [J] et la somme de 3 000 euros à la société CNA Insurance Company (Europe) SA.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes indemnitaires formées par Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z],

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déclare recevables car non prescrites les demandes formées par Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z],

Déclare irrecevables Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z] en leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre de M. [K] [J] en cause d'appel,

Déboute Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z] de leur action directe formée à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z] aux dépens de l'instance d'appel,

Déboute Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z] de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [X] [U], M. [G] [Z] et Mme [F] [L] épouse [Z] à payer la somme de 2 000 euros à M. [K] [J] et la somme de 3 000 euros à la société CNA Insurance Company (Europe) SA en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette le surplus des demandes formées par M. [K] [V] et la société CNA Insurance Company (Europe) SA sur ce fondement,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ X.BLANC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 22/06940
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;22.06940 ?
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