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07/06/2024 | FRANCE | N°22/09834

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juin 2024, 22/09834


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juin 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09834 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGX33



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Janvier 2016 par le Tribunal de l'incapacité de PARIS RG n° 112015006702AT



APPELANTE

Société [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Frédériqu

e BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0881



INTIMEE

Société CPAM DU [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

dispensée de comparaitre



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dis...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juin 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/09834 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGX33

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Janvier 2016 par le Tribunal de l'incapacité de PARIS RG n° 112015006702AT

APPELANTE

Société [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0881

INTIMEE

Société CPAM DU [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

dispensée de comparaitre

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

M Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [3] d'un jugement rendu le 5 janvier 2016 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Monsieur [P] était salarié de la société [3] (désignée ci-après 'la Société') depuis le 1er janvier 1993 en qualité de formateur de métier aéronautique et audit lorsque, le 26 septembre 2012, il a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (ci-après désignée 'la Caisse') en ces termes « la victime a déclaré 'en descendant de la voiture, a ressenti une douleur dans le dos ; siège des lésions : dos ; nature des lésions : lombalgie ».

Le certificat médical initial, établi le 26 septembre 2012 par le docteur [G] [H], faisait état d'une « d. [douleur] lombaire » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 29 septembre suivant.

La Caisse a reconnu le caractère professionnel de cet accident puis a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. [P] au 16 janvier 2015, lequel avait, entre temps, subi une arthrodèse lombaire sur L4-L5 le 27 février 2013.

Considérant qu'il subsistait des séquelles, la Caisse, après avis de son médecin-conseil, a fixé à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P] au regard de « la persistance de phénomènes douloureux, une limitation des amplitudes, un lasègue bilatéral et une gène fonctionnelle sur un état antérieur » et de l'incidence professionnelle.

La Société a reçu notification de cette décision le 24 juillet 2016 qu'elle a contestée devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris

Par jugement du 5 janvier 2016, le tribunal a :

- déclaré recevable en la forme le recours de la société [3],

- confirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5],

- jugé qu'à la date du 16 janvier 2015, les séquelles présentées par M. [Y] [P] ont été correctement évaluées au taux de 10 %.

La Société a fait appel de cette décision devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail - maladies professionnelles, laquelle, par arrêt du 7 novembre 2022, a :

- ordonné son dessaisissement au profit de la cour d'appel de Paris,

- ordonné le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris,

- dit que le dossier de l'affaire sera transmis par les soins du secrétariat de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail à la cour d'appel de Paris, ainsi qu'une copie de la présente décision.

Préalablement à son dessaisissement, la CNITAAT avait ordonné, dans le cadre de la mise en état, une expertise médicale qu'elle avait confiée au docteur [U], qui le 12 février 2019, concluait que le taux de 10 % était conforme au barème.

L'affaire a alors été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22-9834 et les parties ont été convoquées à l'audience du 3 avril 2024 lors de laquelle la Caisse a entendu bénéficier d'une dispense de comparution.

La Société, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du 5 janvier 2016 du tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris,

- déclarer inopposable à son égard la décision de la Caisse d'attribuer un taux d'IPP de 10 % à M. [P].

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que le taux d'IPP de M. [P] doit être fixé à 0 % dans les rapports Caisse-employeur ou, à titre très infiniment subsidiaire, à 5 %.

En tout état de cause, la Société demande à la cour de :

- dire que la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] devra communiquer à la CARSAT compétente l'ensemble des informations nécessaires à la rectification des taux de cotisations AT/MP de la société [3] ;

- débouter la Caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La Caisse, au visa de ses observations écrites, demande à la cour, de :

- confirmer le jugement du TCI de Paris du 05 janvier 2016 maintenant le taux d'IPP de M. [Y] [P] à 10 %,

- dire que les séquelles de l'accident de travail de M. [Y] [P] du 26 septembre 2012 justifient l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % opposable à la société [3],

- débouter la société [3] de l'ensemble de ses demandes.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 3 avril 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 7 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Moyens des parties

Au soutien de son recours, la Société fait valoir que la décision de la Caisse d'attribuer à M. [P] un taux d'IPP de 10 % est fondée sur les séquelles d'un traumatisme lombaire ayant nécessité une réparation chirurgicale par arthrodèse. Or cette chirurgie est intervenue le 27 février 2013 et relève d'un état antérieur sans rapport avec l'accident du travail du 26 septembre 2012. La Société précise que par un jugement du 3 avril 2023, aujourd'hui définitif, le tribunal de Meaux, qu'elle avait saisi d'une contestation sur la durée des arrêts de travail et des soins prescrits à M. [P] à la suite de l'accident du travail a entériné le rapport de l'expert qu'il avait commis et qui avait conclu que « Monsieur présente un état antérieur rachidien dégénératif objectivé à l'IRM du 22 12 2012 et l'état antérieur rachidien a nécessité l'intervention chirurgicale le 27 02 2013, Ainsi, le fait accidentel a dolorisé transitoirement un état antérieur dégénératif et les soins et- arrêts de travail imputables à l'accident du travail sont du 26 09 2012 au 1011 2012 ». Le médecin-conseil ne pouvait donc pas retenir un taux de 10 % en tenant compte de l'arthrodèse. Subsidiairement, la Société demande à la cour de tenir compte de l'avis de son médecin consultant, le docteur [L], qui propose de retenir un taux de 5 %. Il rappelle qu'initialement, le salarié a souffert d'une douleur lombaire et que ce n'était que secondairement qu'une iconographie lombaire avait révélé un état antérieur de discopathies évoluées, une lyse isthmique et surtout un spondylolisthésis qui fera l'objet de la chirurgie par arthrodèse.

Le médecin conteste l'aggravation de l'état antérieur par l'accident estimant que pour l'affirmer, il aurait fallu déterminer les lésions anatomiques en lien avec cet accident, ce qui n'a pas été le cas.

La Caisse rappelle qu'aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux médical d'incapacité permanente partielle est déterminé selon un barème indicatif d'invalidité qui fixe des taux moyens d'incapacité en fonction de différents critères reposant sur la nature de l'infirmité, l'âge, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime et ses aptitudes et ses qualifications professionnelles.

Au cas de M. [P], elle rappelle qu'à la date de consolidation il présentait des séquelles d'un traumatisme lombaire ayant nécessité une réparation chirurgicale par arthrodèse, consistant en la persistance de phénomènes douloureux, une limitation des amplitudes, un Lasègue bilatéral et une gêne fonctionnelle sur un état antérieur. Le barème prévoyant un taux compris entre 5 et 15 % en cas de persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle discrète il s'en déduit que le médecin-conseil n'a pas opté pour la borne haute malgré l'existence des séquelles objectivées par l'examen clinique. Elle fait valoir que si l'état antérieur est indiscutable, il n'a été révélé qu'à la suite de l'accident de travail et a conduit à la réalisation d'une intervention chirurgicale le 27 février 2013 consistant en une arthrodèse lombaire, laquelle doit donc être prise en compte dans la fixation du taux d'incapacité permanente partielle. Enfin, elle rappelle qu'il existe une incidence professionnelle résultant de l'aménagement du poste de travail du salarié qui, âgé de 51 ans au moment de la consolidation, n'a plus été en état de poursuivre son activité de formateur de métier aéronautique et audit.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale

Une indemnité en capital est attribuée à la victime d'un accident du travail atteinte d'une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé.

Son montant est fonction du taux d'incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d'incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé.

Cette indemnisé est versée lorsque la décision est devenue définitive.

Elle est incessible et insaisissable.

l'article L. 434-2 du même code prévoyant

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Pour sa part, l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale prévoit

Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse à la victime ou à ses ayants droit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le double de cette décision est envoyé à la caisse régionale et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.

La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l'aide d'un formulaire annexé à la notification, s'ils demandent l'envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d'une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l'article R. 434-31.

La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales.

Il sera rappelé par ailleurs que les séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas toujours en rapport avec l'importance des lésions initiales. De même, les lésions qui demeurent au moment de la date de consolidation (laquelle ne correspond ni à la guérison ni à la reprise de l'activité professionnelle) sont proposées à partir du barème moyen indicatif, éventuellement modifiée par des estimations en plus ou en moins en fonction de l'examen médical pratiqué par le médecin.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail'.

Les annexes I et II au Code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème, il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation.

Le barème indicatif d'invalidité relatif aux accidents de travail, prévoit que, pour l'estimation médicale de l'incapacité, il doit être fait la part de ce qui revient à l'état antérieur et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière. C'est ainsi :

a) il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité,

b) l'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme,

c) un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Afin d'évaluer équitablement l'incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :

1° L'accident a-t-il été sans influence sur l'état antérieur '

2° Les conséquences de l'accident sont-elles plus graves du fait de l'état antérieur '

3° L'accident a-t-il aggravé l'état antérieur '

En l'espèce, le certificat médical initial établi le 26 septembre 2012 par le docteur [G] [H], faisait état d'une « d. [douleur] lombaire » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 29 septembre suivant.

Le certificat médical final établi par le médecin traitant de M. [P] le 16 janvier 2015 faisait mention de « trouble arthrosique L4-L5-L6 (illisible) quotidienne (illisible) » et mentionnait une consolidation « avec séquelles ».

Aux termes du rapport d'évaluation établi par le médecin-conseil de la Caisse, M. [P] présentait, à cette date des séquelles d'un traumatisme lombaire ayant nécessité une réparation chirurgicale par arthrodèse consistant en « la persistance de phénomènes douloureux, une limitation des amplitudes, un lasègue bilatéral et une gène fonctionnelle sur un état antérieur ».

Le médecin consultant commis par le tribunal du contentieux de l'incapacité, le docteur [N], a confirmé le bien-fondé du taux retenu par le médecin-conseil de la Caisse. Il a d'abord rappelé que M. [P] avait été victime d'une chute d'une échelle de 1m20 sur les talons puis sur le dos, qu'il s'était relevé et repris sa voiture lorsqu'en descendant en rotation, il avait entendu un craquement et ressenti un lombago aigu. Après un traitement symptomatique, un neurochirurgien lui avait conseillé le port d'un corset pendant sept mois sans succès. Finalement, il subissait une intervention le 27 février 2013 consistant en une arthrodèse L4-L5 et L5-S1.

Le médecin constatait qu'à la lecture du compte-rendu d'une IRM lombaire réalisée le 22 décembre 2012 avait été révélée une discopathie dégénérative et modérément protrusive L4-L5 ainsi qu'une lyse isthmique bilatérale de L5 avec discopathie dégénérative et modérément protrusive du disque L5S1. Ces pathologies étaient asymptomatiques jusqu'à l'accident.

Lors de l'examen physique de l'assuré, qu'il réalisait le 5 juin 2015, il notait que M. [P], âgé de 54 ans avait une marche à plat normale mais difficile sur les talons avec tiraillement sur le trajet S1 bilatéral et dans les fesses. L'accroupissement était complet mais l'appui unipodal instable. Il ne retrouvait pas de contracture para-vertébrale mais existaient des douleurs à la palpation de L4 à S1. Les inclinaisons étaient restreintes et les rotations réduites. Le Schober était 15/146 et DMS $gt;50 cm, le Lasègue bilatéral à 500. Il retrouvait un petit déficit de force jambier antérieur gauche ROT normaux et symétriques.

Le médecin concluait ainsi : « Découverte à l'occasion d'une chute entraînant une lombalgie d'un état antérieur révélé et aggravé par l'accident et jusque là ignoré. Il y a lieu de tenir compte de cette découverte justifiant à elle seule la suite du traitement y compris l'intervention qui a été acceptée par la Caisse au titre de la présomption d'imputation. Le taux de 10 % est un taux qui tient compte de l'aggravation de cet état antérieur ».

Enfin le docteur [U], médecin expert commis par la CNITAAT, confirmait le diagnostic des lésions et validait les mesures prises par les médecins lors de l'examen physique de M. [P]. Après l'analyse des documents médicaux, il concluait « Douleur lombaire en descendant de sa voiture sur un important état antérieur constitutionnel et dégénératif. Intervention pour correction de cet état antérieur. Douleurs persistantes, enraidissement du rachis et nette gêne fonctionnelle séquellaire. A la date impartie, le 16/01/2015, le taux d'IPP de 10% est conforme au barème compte tenu de l'état antérieur qui a été décompensé ».

Ce faisant, le barème indicatif des incapacités, dans sa partie 3.2 consacré au « rachis dorso-lombaire » rappelle que si le rachis dorsal est un segment pratiquement rigide et participant peu aux mouvements, la pathologie traumatique du rachis lombaire est fréquente. Aussi, est-il indispensable de tenir compte des données rhumatologiques les plus récentes de la pathologie discale et non discale lombaire et, notamment, de différencier les constatations faites selon qu'elles l'ont été au repos ou après un effort.

Le barème précise que l'état antérieur (arthroses lombaires ou toute autre anomalie radiologique que l'accident révèle et qui n'ont jamais été traitées antérieurement), ne doit en aucune façon être retenu dans la genèse des troubles découlant de l'accident.

Il rappelle par ailleurs que, normalement, la flexion à laquelle participent les vertèbres dorsales et surtout lombaires est d'environ 60°, que l'hyper-extension est d'environ 30° et les inclinaisons latérales de 70°. Les rotations atteignent 30° de chaque côté.

Il indique que c'est l'observation de la flexion qui donne les meilleurs renseignements sur la raideur lombaire. La mesure de la distance doigts-sol ne donne qu'une appréciation relative, les coxo-fémorales intervenant dans les mouvements vers le bas. L'appréciation de la raideur peut se faire par d'autres moyens, le test de Schober-Lasserre peut être utile. Deux points distants de 15 cm (le point inférieur correspondant à l'épineuse de L 5), s'écartent jusqu'à 20 dans la flexion antérieure. Toute réduction de cette différence au-dessous de 5 cm atteste une raideur lombaire réelle.

Le barème propose alors de retenir les taux d'IPP en cas de persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle (qu'il y ait ou non séquelles de fracture) à hauteur de :

- 5 à 15 % si les douleurs sont discrètes,

- 15 à 25 % si elles sont importantes,

- 25 à 40 % si elle sont très importantes avec des séquelles fonctionnelles et anatomiques.

A ces taux peuvent s'ajouter éventuellement les taux estimés pour les séquelles nerveuses coexistantes.

La cour constate tout d'abord que tous les médecins s'accordent sur le diagnostic des lésions subies par M. [P] ainsi que sur la nature des séquelles persistantes. Tous s'accordent également pour reconnaître l'existence d'un état antérieur consistant en une discopathie dégénérative et modérément protrusive du disque L5-S1.

La cour relève ensuite que le taux retenu par le médecin-conseil, en ce confirmé dans son analyse par le médecin consultant du tribunal du contentieux de l'incapacité et de la CNITAAT se situe au milieu de la fourchette de taux à retenir pour les douleurs discrètes, alors même que les raideurs du rachis et la gène fonctionnelle sont conséquentes, ce qui démontre bien que l'état antérieur a été pris en compte dans l'évaluation pour la limiter.

Pour contester le taux retenu, la Société produit aux débats l'avis de son médecin consultant, le docteur [L] le 16 novembre 2016 selon lequel l'intéressé présentait des discopathies évoluées, une lyse isthmique et surtout un spondylolisthésis qui n'était pas décrit dans les examens mais qui avait fait l'objet de la chirurgie par arthrodèse afin de corriger cette lyse isthmique. Il estimait que l'examen clinique avait retrouvé une raideur lombaire en rapport avec l'arthrodèse, ainsi qu'un signe de Lasègue bilatéral ce qui justifiait un taux d'IPP limité à 5 % au titre « des séquelles douloureuses improbable chez un sujet porteur d'un lourd état antérieur ».

Ce faisant, toutes les pièces médicales produites par la Société ne comportent que des considérations d'ordre général sans critique motivée de l'analyse du médecin-conseil ou du médecin consultant. Aucune n'est par ailleurs de nature à justifier une minoration du taux dès lors qu'il n'est pas démontré que l'état antérieur, qui était asymptomatique avant l'accident, n'a pas été aggravé par celui-ci.

Il résulte en effet des documents produits que si M. [P] souffrait d'un état antérieur, celui-ci était totalement asymptomatique avant l'accident et que ce n'est qu'à sa suite que les douleurs sont apparues, se sont chronicisées et ont été à l'origine d'une arthrodèse. Or, c'est bien cette arthrodèse, qui n'aurait pas eu lieu sans l'accident, qui a été à l'origine de la raideur du rachis et de la persistance des douleurs. C'est pourquoi, et contrairement à ce qu'en déduit la Société, il n'existe aucune contradiction entre les conclusions de l'expertise effectuée devant le tribunal dans le cadre d'une contestation de la durée de travail et des soins et celle effectuée à la demande du tribunal du contentieux de l'incapacité. En effet, si à compter du 10 novembre 2012, les prescriptions d'arrêts de travail n'étaient plus liées à l'accident lui-même mais à l'état antérieur nouvellement révélé c'est bien que cet état, asymptomatique jusque là, a été aggravé par l'accident ce qui implique qu'il soit pris en compte dans le cadre de la fixation de l'incapacité permanente partielle dans les proportions précisées par le barème et rappelées ci-avant.

Enfin, la note du docteur [L] ne comportant aucune motivation fondée sur des éléments médicaux précis ne permet pas à la cour de considérer qu'elle révélerait un litige d'ordre médical justifiant une nouvelle expertise.

Au regard de ces observations et du barème rappelé ci-avant, la cour juge que c'est à juste titre que le tribunal a confirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] de fixer à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P], retenant l'existence « la persistance de phénomènes douloureux, une limitation des amplitudes, un lasègue bilatéral et une gène fonctionnelle » sur un état antérieur.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens

La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la société [3] recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 5 janvier 2016 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris (recours 112015006702AT) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société [3] aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 22/09834
Date de la décision : 07/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-07;22.09834 ?
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